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25/04/2022 | FRANCE | N°22/00028

France | France, Cour d'appel de Douai, Soins psychiatriques, 25 avril 2022, 22/00028


Cour d'appel de Douai



Chambre des Libertés Individuelles

soins psychiatriques





ORDONNANCE

lundi 25 avril 2022





République Française

Au nom du Peuple Français





N° RG 22/00028 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGIM

N° MINUTE : 33







APPELANT



M. [X] [O]

né le 02 Novembre 1992 à [Localité 6]

[Adresse 2]

dûment avisé, non comparant en personne

représenté par Me Maxence DENIS, avocat au barreau de DOUAI, avocat commi

s d'office



Association tutélaire ARIANE - [Adresse 1]





INTIME



M. LE PRÉFET DU NORD

non représenté









MINISTÈRE PUBLIC



M. le procureur général représenté par M. Olivier DECLERCK, substitut gé...

Cour d'appel de Douai

Chambre des Libertés Individuelles

soins psychiatriques

ORDONNANCE

lundi 25 avril 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

N° RG 22/00028 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGIM

N° MINUTE : 33

APPELANT

M. [X] [O]

né le 02 Novembre 1992 à [Localité 6]

[Adresse 2]

dûment avisé, non comparant en personne

représenté par Me Maxence DENIS, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office

Association tutélaire ARIANE - [Adresse 1]

INTIME

M. LE PRÉFET DU NORD

non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

M. le procureur général représenté par M. Olivier DECLERCK, substitut général ayant déposé un avis écrit

MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : le lundi 25 avril 2022 à 09 h 00 en audience publique

Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe dans le délai prescrit par l'article R 3211-32 al 2 du code de la santé publique (CSP)

ORDONNANCE : rendue à DOUAI par mise à disposition au greffe le lundi 25 avril 2022 à 9 h 50

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L 3211-12-2, III, al 5, R 3211-41, R 3211-41, IV, al 1 du CSP ;

FAITS et PROCÉDURE

Monsieur [X] [O] a bénéficié de plusieurs mesure d' hospitalisations psychiatriques sans consentement, soit sur décision du directeur d'établissement à la demande de son père, soit sur arrêté de monsieur le préfet du Nord depuis le 23 janvier 2018. Ces mesures ont été entrecoupées de programmes de soins.

Monsieur [X] [O] a fait l'objet le 17 septembre 2019 d'une admission en soins psychiatriques sans consentement maintenue sous la forme d'une hospitalisation complète à la demande d'un tiers et sur décision du directeur de l'EPSM des [3].

La mesure s'est poursuivie sous la forme d'un programme de soins.

Monsieur [X] [O] a été réintégré en hospitalisation complète le 10 mars 2021 dans le cadre de cette mesure.

Sur certificat du docteur [L] du 11 mars 2021 la mesure a été transformée en soins sans consentement à la demande du représentant de l'État par arrêté de monsieur le préfet du Nord du 11 mars 2021.

L'avis motivé rédigé par le docteur [L] le 18 mars 2021 reprenait l'existence d'une dangerosité latente de l'intéressé envers son ancienne psychiatre et le conjoint de cette dernière par l'envoi de plusieurs messages menaçants et d'irruptions sur le lieu de travail de cette dernière.

Statuant sur contrôle à douze jours le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille a ordonné la prolongation de cette mesure.

L'ordonnance du juge des libertés et de la détention a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Douai du 12 avril 2021 qui a rejeté les moyens d'irrégularité de la procédure de ré-hospitalisation et sa transformation en mesure de soins psychiatriques sans consentement sur demande du représentant de l'Etat.

Les motifs décisoires de cette décision, quant à l'état de santé de monsieur [O], reprenaient les termes suivants :

Il se déduit de l'avis médical dressé par le docteur [L] le 09 avril 2021 :

'que monsieur [X] [O] est atteint d'un trouble psychiatrique qu'il nie totalement

'que monsieur [X] [O] adopte un comportement de focalisation érotomane sur son ancienne thérapeute de sorte que le risque de passage à l'acte hétéro-agressif est prégnant

En conséquence le maintien de la mesure de soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète reste légalement justifié à ce jour.

M. [O] a ensuite bénéficié à compter du 26 juillet 2021 d'un programme de soins en ambulatoire.

Puis le 3 janvier 2022, M. [O] a fait l'objet d'une réadmission en hospitalisation complète en application des article L 3213-1 et suivants du code de la santé publique.

Par ordonnance du 12 janvier 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [O].

Par requête en date du 16 mars 2022, Maître [R], conseil de M. [O] a saisi le juge des libertés et de la détention de Lille d'une demande de mainlevée de la mesure de soins contraints, faisant valoir que l'ordonnance du 12 janvier 2022 n'avait pas été portée à la connaissance de son client et à titre subsidiaire sollicitait une mesure d'expertise avant dire droit.

Par ordonnance du 25 mars 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mainlevée présentée par M. [O] et la demande d'expertise médicale.

Par ordonnance du 25 mars 2022, le juge des libertés et de la détention a rejeté la demande de mainlevée présentée par M. [O] et la demande d'expertise médicale.

Les motifs décisoires de la décision du premier juge sont les suivants :

'L'absence de preuve de notification de l`ordonnance n'est pas apportée, elle ne fait en tout état de cause pas grief puisque l`absence de notification impliquerait que le délai d`appel n`a pas été

interrompu et que [X] [O] puisse toujours interjeter appel.

La demande d'expertise n'est pas motivée et ne pourra en conséquence qu`être rejetée.

En 1`espèce, il résulte en conséquence des pièces médicales, et des débats de l`audience que les soins sous contrainte de l'intéressé doivent être prolongés.'

Le 31 mars 2022 et le 6 avril 2022, M. [O] a formé appel de l'ordonnance du 25 mars 2022 et ne sollicite devant la cour d'appel de Douai qu'une mesure d'expertise estimant que sa situation ne nécessite plus de soins contraints.

Il expose être 'en fuite' ne désirant pas réintégrer la structure hospitalière.

M. [X] [O] indique qu'il ne sera pas présent à l'audience mais qu'il sera représenté.

Ont été convoqués à l'audience du 12 avril 2022, M. [O] et son conseil Maître [N], l'association ARIANE curateur, M. Le Préfet du Nord.

Le Ministère public avisé a émis des observations écrites le 4 avril 2022 tendant à déclarer irrecevable l'appel du 31 mars 2022.

A l'audience du 12 avril 2022, Maître [N] représentant M. [O], non comparant, a sollicité l'infirmation de l'ordonnance querellée soutenant que l'état de santé de son client ne justifie plus la poursuite de soins en hospitalisation complète et ne justifie plus la prise d'un traitement. A titre subsidiaire, elle a demandé que soit ordonnée une expertise médicale en vue d'établir l'état de santé de son client.

M. Le Préfet du Nord n'a pas comparu.

Par décision avant-dire-droit du 12 avril 2022 la conseillère déléguée par le premier président de la cour d'appel de Douai a ordonné une expertise de M. [X] [O].

Les motifs décisoires de cette décision sont les suivants :

'Il convient de constater que M. [O] ne se trouve plus dans les locaux du centre hospitalier depuis plusieurs jours ; que sa situation médicale n'est pas actualisée ; qu'il conteste que son état nécessite la poursuite de l'hospitalisation complète ; qu'il souhaite une expertise médicale aux fins d'établir que le diagnostic posé par les médecins du centre hospitalier est erroné et ne tient pas compte d'un état de Haut Potentiel intellectuel .'

Par cette décision a été nommé en qualité d'l'expert judiciaire le Dr [G][V]-[H]
Psychiatre-Expert près la Cour d'Appel de Douai, avec la mission suivante :

Examiner M. [X] [O], né le 1er décembre 1994, demeurant [Adresse 2],

Décrire les symptômes dont M. [X] [O] souffre et indiquer si cette dernière est atteinte d'un trouble mental et en l'affirmative qualifier le dit trouble.

Indiquer notamment si M. [X] [O] présente un état de Haut Potentiel intellectuel comme il l'expose dans ses déclarations et, en l'affirmative dire si cet état présente ou est exempt de comorbidité psychiatriques.

Dire si l'état psychique actuel de M. [X] [O] lui permet de consentir dans la durée au traitement proposé.

Donner son avis sur la pertinence d'un maintien d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement du patient.

En cas de nécessité de soins sans consentement, donner son avis sur le cadre de la mesure la plus adaptée et dire notamment si les soins contraints doivent être administrés et/ou maintenus sous la forme d'une hospitalisation complète en milieu psychiatrique au regard de l'état de santé psychique actuel du patient ou, le cas échéant d'une autre mesure de soins contraints.

L'appel de M. [X] [O] a été fixé sur le fond et après expertise à l'audience du 25 avril 2022.

Vu les réquisitions du parquet général.

Vu l'avis motivé du docteur [Y] en date du 18 mars 2022

Vu l'ordonannce dont appel du 25 mars 2022

Vu la décision avant-dire-droit du 12 avril 2022 ordonnant une expertise

Vu le rapport d'expertise judiciaire du docteur [G][V]-[H], Psychiatre-Expert près la Cour d'Appel de Douai, déposé au greffe de la cour le 22 avril 2022

Vu les observations du conseil de M. [X] [O] lors de l'audience du 25 avril 2022

Vu l'absence d'audition de M. [X] [O] dûment convoqué et de son curateur l'association ARIANE

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il ressort des articles 3213-1 et 3213-2 du code de la santé publique que le représentant de l'État dans le département ne peut prononcer l'admission d'une personne en soins psychiatriques que lorsque cette personne présente des troubles mentaux nécessitant des soins et compromettant la sûreté des personnes ou portant atteinte, de façon grave, à l'ordre public.

Les soins contraints s'imposent lorsque la personne n'a pas conscience de ses troubles et/ou n'accepte pas volontairement de suivre le traitement médical nécessaire.

Le consentement aux soins en droit de la santé, tel qu'il résulte notamment d'un avis émanant de la Haute autorité de santé s'entend d'une capacité à consentir dans la durée au traitement proposé.

En l'espèce l'avis motivé du docteur [Z] [Y], établi le 18 mars 2022 en vue de l'audience du premier juge constatait :

Que le programme de soins de M. [X] [O] a été révoqué par décision de réintégration du 03 janvier 2022.

Que cette décision de réintégration n'a jamais été exécutée M. [X] [O] ne soustrayant à toute appréhension par l'équipe du CMP et à tout retour à l'hôpital malgré deux contacts téléphoniques avec le personnel hospitalier.

Que, sur le plan médical monsieur [O] [X] reste dans un déni total du caractère pathologique des troubles ou'il présente. il n'élabore aucune critique de l'épisode morbide, plus encore, il estime être lui même victime d'un complot de la part de son ancienne psychiatre et du compagnon de cette dernière.

Monsieur [O] [X] passe actuellement par une phase de la pathologie dont il souffre, celle du dépit. ll a l'impression d'avoir subi un préjudice, ce qui peut revêtir un caractère de dangerosité.

Que par ailleurs, la croyance délirante n'envahissant pas la totalité de la sphère psychologique de l'intéressé, ce qui lui permet d'avoir un discours adapté si on n'aborde pas la question de sa croyance délirante.

Il résulte des éléments médicaux ci dessus que, s'il est raisonnable de penser que M. [X] [O] dispose d'un haut potentiel intellectuel comme il l'affirme, cet état n'est pas pour autant, exclusif de comorbidités d'ordre psychiatriques comme de considère l'équipe médicale de l'hôpital [4].

Il ressort cependant de l'expertise judiciaire effectuée par le docteur [G] [V] nommée en qualité d'experte judiciaire par la cour les constatations et conclusions suivantes :

EXAMEN PSYCHIATRIQUE ET DISCUSSION

Monsieur [O] n'est ni hermétique ni bizarre. Les propos ne sont pas modifiés par des digressions, des diffluences, des néologismes ou des barrages. Il n'y a pas d'hallucination ni de délire bizarre d'ordre schizophrénique. Cependant, il présente un flou du discours concernant son activité artistique et sa vie affective, et une anosognosie des ses difficultés.

Monsieur est un sujet assertif et peu méfiant en entretien. Il a une bonne estime de lui même sans aller jusqu'à l'hypertrophie du moi . Nous n'avons pas mis en évidence de délire de persécution logique et construit de nature paranoïaque.

Monsieur ne décrit pas de trouble de la lignée dépressive avec tristesse, auto accusations, péjoration de l'avenir, troubles du sommeil et de l'appétit et idéations suicidaires. Il est subexcité en entretien, mais il ne décrit pas d'état maniaque décompensée avec exaltation de l'humeur, excitation motrice,logorrhée, insomine totale et achats inconsidérés

Monsieur [O] ne présente pas de trouble névrotique. Il ne présente ni culpabilité ni anxiété pathologique et non plus de trouble spécifique de type phobique, obsessionnel, hypocondriaque ou hystérique.

Il a présenté un alcoolisme ancien et chronique dont il dit qu'il est actuellement contrôlé

Il présente enfin des symptômes évoquant des traits de personnalité antisociale avec difficultés à se conformer aux normes sociales et refus de celles-ci, addiction et inamendabilité.

EN CONCLUSION ET POUR RÉPONDRE AUX QUESTIONS

1 L'examen de Monsieur [O] met en évidence :

-un vraisemblable trouble de la personnalité type border line

-des moments psychotiques passés dans un contexte de consommations anarchiques d'alcool

-un trouble de l'humeur hypomaniaque actuel

-une adaptation sociale fragile, mais une activité artistique qui lui permet une identité et une certaine forme d'intégration

-une réseau relationnel étayant

2 Monsieur justifie :

-une poursuite des soins psychiatriques en ambulatoire avec évaluation de l'intérêt d'un traitement

-une évaluation régulière de sa consommation d'alcool

Le recours à l'hospitalisation n'est pas justifiée actuellement

Nous n'avons pas de proposition de réadaptation pour l'intéressé, titulaire d'une reconnaissance MDPH et qui bénéficie d'une mesure de protection des biens

Il résulte des conclusions de l'expert judiciaire que, si M. [X] [O] est effectivement atteint d'un trouble psychiatrique pour le traitement duquel il n'est pas compliant et relève donc de soins psychiatriques sans consentement, la mesure d'hospitalisation complète dont il fait l'objet depuis la décision de réintégration du 03 janvier 2022 n'est pas adaptée à sa situation, le docteur [G] [V]-[H] indiquant que : 'Le recours à l'hospitalisation n'est pas justifiée actuellement'

Il conviendra donc, en l'état des éléments mis en lumière par l'expertise judiciaire, d'infirmer la décision déférée et de lever la mesure de soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète de M. [X] [O] tout en assortissant cette mesure d'une différé de 24 heures pour la mise en place le cas échéant d'un programme de soins.

PAR CES MOTIFS

Statuant, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe de la juridiction

Vu la décision avant-dire-droit du 12 avril 2022

Vu le rapport d'expertise judiciaire du Dr [G][V]-[H], Psychiatre-Expert près la Cour d'Appel de Douai, déposé le 22 avril 2022

Infirme l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 25 mars 2022.

Ordonne la main-levée de la mesure de soins psychiatrique sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète pesant sur M. [X] [O] depuis la décision de réintégration du 03 janvier 2022.

Dit que cette main-levée sera différée de 24 heures pour permettre le cas échéant l'élaboration et la mise en oeuvre d'un programme de soins sous forme ambulatoire.

Laisse les dépens tant de première instance que d'appel aux frais du trésor public.

Véronique THÉRY, greffière

Bertrand DUEZ, conseiller

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 25 Avril 2022 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 5]) :

- M. [X] [O]

- Maître Maxence DENIS

- M. LE PREFET DU NORD

- M. le directeur de

- M. le procureur général

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert au requérant et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

''''

- copie au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le lundi 25 avril 2022

N° RG 22/00028 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGIM


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Soins psychiatriques
Numéro d'arrêt : 22/00028
Date de la décision : 25/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-25;22.00028 ?
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