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26/07/2018 | FRANCE | N°17/00381

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 26 juillet 2018, 17/00381


République Française


Au nom du Peuple Français








COUR D'APPEL DE DOUAI





CHAMBRE 1 SECTION 1





ARRÊT DU 26/07/2018








***








N° de MINUTE :





Jonction :


N° RG : 17/00381


avec le N° RG : 17/01020





Jugement (N° 13/01439)


rendu le 24 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Valenciennes











APPELANTE

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SAS Bureau Veritas Construction


prise en la personne de ses représentants légaux


ayant son siège social [...]





représentée par Me Christine Mettetal-Dondeyne , membre de la SELARL Conseils Efficacité Sécurité, avocat au barreau de Douai


assistée de Me Laure Vallet, membre d...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 26/07/2018

***

N° de MINUTE :

Jonction :

N° RG : 17/00381

avec le N° RG : 17/01020

Jugement (N° 13/01439)

rendu le 24 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Valenciennes

APPELANTE

SAS Bureau Veritas Construction

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [...]

représentée par Me Christine Mettetal-Dondeyne , membre de la SELARL Conseils Efficacité Sécurité, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Laure Vallet, membre du cabinet GVB, avocats au barreau de Paris

INTIMEE et APPELANTE

SCI Monbidou

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [...]

INTIMES

M. Eric Y...

né le [...] à Hamel

demeurant [...]

intervenant volontaire

SAS MSI Immobilier Valenciennes

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [...]

Syndicat des copropriétaires Résidence Escaut Meuse prise en la personne de son syndic, la SAS Square Habitat

intervenant volontaire

ayant son siège social 75B rue Jean Z...

[...]

SARL LB Invest

prise en la personne de son représentant légal

intervenante volontaire

ayant son siège social [...]

SCI L'Ecaillon

prise en la personne de son représentant légal

intervenante volontaire

[...]

SCI New Med

prise en la personne de son représentant légal

intervenante volontaire

ayant son siège social [...]

SCI Maay

prise en la personne de son représentant légal

intervenante volontaire

ayant son siège social [...]

SCI Val.med

prise en la personne de son représentant légal

intervenante volontaire

ayant son siège social [...]

représentés par Me Marie Hélène B..., avocat au barreau de Douai

assistés de Me Dominique C..., avocat au barreau de Valenciennes, substitué à l'audience par Me Marieke D..., avocat au barreau de Valenciennes

La Société des Entrepôts de Thumeries

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social rue de Vitry

[...]

représentée par Me Jean-Philippe Verague, membre du cabinet Robiquet Delevacque Verague Yahiaoui Passe, avocat au barreau d'Arras, substitué à l'audience par MeMohamed Zakenoune, avocat au barreau d'Arras

SCP H... & I...

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [...]

représentée et assistée de Me Eric Tiry, avocat au barreau de Valenciennes, constitué aux lieu et place de Me Christophe Doutriaux, avocat, substitué à l'audience par MeChristophe Doutriaux, avocat au barreau de Valenciennes

SAS ICI Immobilier Commercial et Industriel

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [...]

représentée et assistée de Me Guy Dragon, membre de la SCP Dragon & Biernacki, avocat au barreau de Douai, substitué à l'audience par Me Rodolphe Piret, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l'audience publique du 19 mars 2018 tenue en double rapporteur par Bruno Poupet et Emmanuelle Boutié, après accord des parties.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Etienne Bech, président de chambre

Bruno Poupet, conseiller

Emmanuelle Boutié, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 juillet 2018 après prorogation du délibéré en date du 31 mai 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Bruno Poupet, conseiller en remplacement de M. Etienne Bech, président empêché et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 22 février 2018

***

La Société des Entrepôts de Thumeries a procédé à la rénovation et à la restructuration d'un immeuble, situé [...] , qu'elle a vendu par lots entre 2004 et 2008 et qui, dénommé 'résidence Escaut et Meuse', se trouve désormais sous le régime de la copropriété.

Elle a, pour ce faire, conclu un contrat de 'conduite d'opération' avec la société Immobilier Commercial et Industriel, dite ICI.

La société Bureau Veritas Construction s'est vu confier, dans le cadre de cette opération, une mission de contrôle technique.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Escaut et Meuse a fait procéder, pour un coût de 211 565,33 euros, à un certain nombre de travaux afin de mettre l'immeuble en conformité avec sa classification, par la commission de sécurité, en établissement recevant du public (ERP) de quatrième catégorie.

Le 6 avril 2013, après une expertise judiciaire ordonnée en référé, la société civile immobilière (SCI) Monbidou, occupante de l'un des lots, et le syndicat des copropriétaires de la résidence Escaut et Meuse ont assigné la Société des Entrepôts de Thumeries devant le tribunal de grande instance de Valenciennes afin de la voir condamner à les indemniser du préjudice résultant pour eux de cette dépense.

La Société des Entrepôts de Thumeries a appelé en garantie la société ICI, le Bureau Veritas et la SCP notariale Nicolas I... et Stéphanie H... dont l'un des membres a été le rédacteur de l'acte de vente du lot occupé par la SCIMonbidou.

Sont ensuite intervenus volontairement à l'instance les SCI L'Ecaillon, New Med, Val.med et Maay, la société LB Invest et M. Eric Y..., tous copropriétaires.

Par jugement contradictoire du 24 novembre 2016, le tribunal a :

- déclaré irrecevable l'action de la société civile immobilière Monbidou,

- déclaré recevables les demandes du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries à payer au syndic du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse la somme de 183 283,28 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2013,

- condamné la SA Bureau Veritas à garantir la société des Entrepôts de Thumeries de la condamnation à paiement prononcée contre cette dernière dans la limite de la somme en principal de 153 296,70 euros,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de ses appels en garantie contre la société ICI et la SCP H... et I...,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :

* au syndic du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse la somme de 1 500 euros,

* à la SAS ICI une somme de 1500 euros,

* à la SCP H... et I... la somme de 1 500 euros,

- condamné la société Bureau Veritas, sur le même fondement, à payer à 1 500 euros à la Société des Entrepôts de Thumeries

- débouté la SA Bureau Veritas de son appel en garantie à l'encontre de la société ICI,

- débouté les copropriétaires intervenants volontaires et la SCI Monbidou de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Monbidou à supporter ses propres dépens,

- condamné la SA Bureau Veritas aux dépens de l'appel en garantie dirigée contre elle,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries aux autres dépens de l'instance.

Par déclaration du 11 janvier 2017, la société Bureau Veritas Construction a interjeté appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties, outre la société MSI Immobilier qui n'était pas personnellement partie à la procédure de première instance et n'y figurait qu'en qualité de syndic, représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence Escaut et Meuse. Cet appel a été enrôlé sous le numéro 17/00381.

Par déclaration du 10 février 2017, la SCI Monbidou a également interjeté appel de ce jugement mais à l'encontre de la seule Société des Entrepôts de Thumeries. Le syndicat des copropriétaires, les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest ainsi que M. Eric Y... sont intervenus volontairement à la procédure, enrôlée sous le numéro 17/01020.

La société Bureau Veritas conclut à sa 'mise hors de cause', subsidiairement au débouté de toute partie de toutes demandes à son encontre, très subsidiairement à la réduction du montant mis à sa charge à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à la condamnation de tout 'succombant' aux dépens et au paiement à son profit de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société des Entrepôts de Thumeries conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la SCI Monbidou irrecevable en ses demandes mais, sur appel incident, à son infirmation pour le surplus et demande à la cour de :

- dire irrecevables en leurs demandes la SCI Monbidou, le syndicat des copropriétaires et les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest ainsi que M. Eric Y...,

- subsidiairement, les débouter de leurs demandes à son encontre et les condamner in solidum à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- très subsidiairement, condamner in solidum la société ICI, le Bureau Veritas et la SCP notariale Nicolas I... et Stéphanie H... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à lui payer 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société ICI demande pour sa part à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la SCI Monbidou irrecevable en ses demandes,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré recevables en leurs demandes le syndicat des copropriétaires et les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest ainsi que M. Eric Y... et, statuant à nouveau, 'les en débouter',

- déclarer en conséquence sans objet l'appel en garantie dirigé contre elle par la Société des Entrepôts de Thumeries,

- condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre la SCI Monbidou, le syndicat des copropriétaires et les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest, M. Eric Y... et la Société des Entrepôts de Thumeries à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum ou l'un à défaut de l'autre la SCI Monbidou, le syndicat des copropriétaires et la Société des Entrepôts de Thumeries aux dépens dont distraction au profit de la SCP Dragon-Biernacki,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes à son encontre,

- à titre infiniment subsidiaire, condamner la société Bureau Veritas Construction à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction au profit de la SCP Dragon-Biernacki.

La SCI Monbidou, le syndicat des copropriétaires et les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest, M. Eric Y... demandent à la cour :

- de prendre acte de l'intervention de la société Square Habitat aux lieu et place de la SCI MSI en qualité de syndic de la copropriété,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société des Entrepôts de Thumeries à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 183 283,28 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation outre 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la SCI Monbidou et condamner la société des Entrepôts de Thumeries à payer à celle-ci 28 282,05 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé,

- débouter la société des Entrepôts de Thumeries, la société ICI, la société Bureau Veritas et la SCP I... H... de l'ensemble de leurs demandes et condamner solidairement celles-ci à payer à chacun d'eux 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de maître Marie-Hélène B....

La SCP de notaires Le H... et I... conclut à la confirmation du jugement en ce qui la concerne et à la condamnation de la partie succombante à lui payer 1500 euros et 2500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens.

SUR CE

L'article 367 du code de procédure civile dispose que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice de joindre les instances enrôlées sous les numéros 17/00381 et 17/01020, introduites par des déclarations d'appel d'un même jugement, dès lors que par l'effet des appels principaux, appels incidents et interventions volontaires, la cour se trouve saisie de l'intégralité du litige soumis aux premiers juges et ayant donné lieu audit jugement.

Sur les demandes dirigées contre la Société des Entrepôts de Thumeries

Sur la recevabilité

Il est opposé, d'une part, au syndicat des copropriétaires et à la SCI Monbidou leur défaut de qualité à agir à l'encontre de la Société des Entrepôts de Thumeries sur le fondement de l'obligation de délivrance faute d'être eux-mêmes acquéreurs et propriétaires de lots, d'autre part, à ces parties comme aux sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest et à M. Eric Y..., la prescription.

Le syndicat des copropriétaires

L'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; qu'il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

Il est constant que le syndicat peut dans ce cadre agir en réparation d'un préjudice, ou plus généralement pour la défense d'un intérêt, collectif comme concernant de manière identique tous les copropriétaires ou un certain nombre d'entre eux, que l'origine de la difficulté se trouve dans les parties communes ou les parties privatives et peu important que l'autre partie au procès soit un cocontractant des copropriétaires auquel ils sont individuellement liés (vendeur notamment). Il est ainsi admis que le syndicat est en droit d'invoquer le manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme à ses engagements tels que définis dans des documents ayant valeur contractuelle, y compris une notice descriptive voire une plaquette publicitaire.

La non-conformité alléguée de l'immeuble aux normes permettant d'accueillir du public, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, rend l'immeuble dans son ensemble impropre à l'usage auquel les copropriétaires le destinent et qu'ils disent conforme à la présentation qui leur a été faite de ce bien par le vendeur ; le syndicat a donc qualité à agir en réparation du préjudice collectif qui en résulte.

L'assemblée générale des copropriétaires de la résidence Escaut et Meuse a spécialement habilité le syndic par délibération du 7 mars 2012, préalable à l'assignation au fond, à ester en justice à l'encontre de la Société des Entrepôts de Thumeries et à l'ensemble des intervenants à la construction et à la vente des lots de la copropriété pour absence de respect des normes applicables à la destination de l'immeuble.

C'est par une motivation que la cour adopte, prenant en compte le délai de prescription applicable à la date des contrats de vente et les dispositions de la loi du 17 juin 2008 ayant modifié ce délai et prévu les règles de combinaison des deux régimes se succédant, que les premiers juges ont démontré que l'action du syndicat ne se heurtait pas à la prescription.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes du syndicat des copropriétaires.

Les sociétés L'Ecaillon, New Med, Val.med, Maay, LB Invest et M. Eric Y...

Ces parties, copropriétaires, ont naturellement un intérêt à agir contre le vendeur et leur action ne se heurte pas la prescription dès lors que les actions collective et individuelle sont concurremment ouvertes en l'espèce et que l'action du syndicat des copropriétaires engagée dans le délai a interrompu la prescription. Au demeurant, la question de la recevabilité de l'action de ces parties n'a qu'un intérêt relatif pour les motifs qui seront exposés infra..

La SCI Monbidou

Il n'est pas contesté que cette société n'est pas propriétaire du lot qu'elle occupe mais locataire en vertu d'un contrat de crédit-bail ; elle ne peut donc exercer en tant qu'acquéreur une action à l'encontre de la Société des Entrepôts de Thumeries fondée sur l'obligation de délivrance pesant sur le vendeur à l'égard de l'acheteur.

En revanche, il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer le manquement de l'une des parties à ses obligations contractuelles si ce manquement lui a causé un préjudice et rechercher en conséquence la responsabilité délictuelle de cette partie à son égard. La SCI Monbidou excipe de ce principe à titre subsidiaire. Il ne s'agit ni d'une prétention nouvelle (sa prétention étant toujours la condamnation de la société des Entrepôts de Thumeries à lui payer 28 282,05 euros à titre principal), ni d'un moyen nouveau puisqu'il ressort du jugement qu'elle l'avait déjà soulevé en première instance, la présentation de moyens nouveaux en cause d'appel étant au demeurant possible en vertu de l'article 563 du code de procédure civile.

Compte tenu de ce qu'elle a pris à bail le local dont il s'agit pour y exercer une activité de formation supposant l'accueil de public, de ce qu'il ressort du contrat de crédit-bail l'unissant à la société Slibail que c'est elle qui a négocié directement avec le vendeur les conditions de l'acquisition de ces locaux, de ce que la société Slibail reconnaît par ce contrat que son rôle consiste seulement à assurer un financement et déclare transférer à la SCI Monbidou toutes les obligations et tous les risques qui lui incomberaient si elle avait elle-même acquis l'immeuble, de ce qu'il n'est pas contesté que par voie de conséquence, c'est cette dernière qui a assumé la charge de la quote-part des travaux litigieux incombant à son lot, la SCI Monbidou justifie d'un intérêt, au sens de l'article 31 du code de procédure civile, à agir à l'encontre de la Société des Entrepôts de Thumeries sur le fondement de la responsabilité délictuelle en invoquant un préjudice lui ayant été causé par le manquement de cette dernière à son obligation de délivrance à l'égard de la société Slibail.

Ses demandes sont dès lors recevables.

Son action, ayant été engagée en même temps que celle du syndicat des copropriétaires, n'est pas prescrite.

Sur le fond

L'article 1603 du code civil dispose que le vendeur a deux obligations principales : délivrer et garantir la chose qu'il vend.

L'article 1604 définit la délivrance comme le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

Il est constant qu'en conséquence, la chose délivrée doit être conforme aux stipulations du contrat et présenter les caractéristiques convenues.

La Société des Entrepôts de Thumeries soutient que l'obligation de procéder à des travaux de mise en conformité de l'immeuble avec les normes s'imposant aux établissements recevant du public résulte de ce que l'affectation donnée aux locaux par les copropriétaires n'est pas conforme à la destination de ceux-ci, que lors de la vente, l'immeuble était à usage de bureaux, ne recevait pas de public, a été vendu comme tel et qu'il se trouvait, sur le plan d'occupation des sols de la commune d'Anzin à l'époque, dans une zone ne pouvant accueillir que des 'établissements à usage d'activité'.

La Société des Entrepôts de Thumeries ne produit pas le plan d'occupation des sols ; en l'absence de toute documentation complémentaire, 'l'usage d'activité' s'oppose a priori à l'usage d'habitation mais peut recouvrir des activités diverses et le règlement de copropriété qui sera évoqué ci-dessous prouve que la Société venderesse l'a compris ainsi ; en tout état de cause, la question qui se pose en l'espèce n'est pas celle de la conformité de l'immeuble aux règles d'urbanisme mais celle de sa conformité aux stipulations contractuelles.

Or, comme l'a relevé le tribunal, le règlement de copropriété rédigé lorsque la Société des Entrepôts de Thumeries a divisé l'immeuble en lots, qui définit la destination de l'immeuble et est remis aux acquéreurs, stipule que 'l'ensemble immobilier restera destiné à l'usage de locaux d'activités, commerciaux, tertiaires ou de professions libérales'. Une plaquette promotionnelle, type de documents dont il est constant qu'ils ont une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ce qui est le cas en l'espèce, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant, porte le titre 'centre médical d'Anzin' et expose notamment que l'immeuble répond à toutes les normes d'accessibilité aux handicapés et dispose d'un hall d'accueil 'visiteurs' commun avec interphone. Le tribunal a également relevé à juste titre que la Société des Entrepôts de Thumeries a été informée, sans s'y opposer, du projet d'installation d'un cabinet médical au rez-de-chaussée puis a consenti deux ventes à un médecin (M. Y...) et à des experts-comptables (société LB Invest) dont l'activité implique l'accueil de public. Le contrat de crédit-bail conclu entre la société Slibail et la SCI Monbidou, produit par la Société des Entrepôts de Thumeries elle-même, mentionne, d'une part, que la SCI Monbidou a l'intention d'aménager les locaux en bureaux administratifs et centre de formation, d'autre part, comme cela a été dit ci-dessus, que c'est elle qui a négocié directement avec le vendeur les conditions de l'acquisition de ces locaux, ce qui n'est pas contesté, ce dont il résulte qu'elle a nécessairement informé la venderesse de son projet et vérifié qu'il pouvait être réalisé dans cet immeuble.

Il est dès lors patent que la Société des Entrepôts de Thumeries a proposé les lots à la vente et les a vendus comme susceptibles d'accueillir différents types d'activités qui supposent la possibilité de recevoir du public et que, par conséquent, la conformité de l'immeuble à la réglementation en matière d'établissements recevant du public était dans le champ contractuel.

Le rapport de la commission de sécurité a révélé que l'immeuble livré (délivré au sens de l'article 1604 précité) n'était pas conforme à ce qui avait été convenu.

La Société des Entrepôts de Thumeries doit dès lors être condamnée à indemniser les acquéreurs, mais aussi la SCI Monbidou pour les raisons exposées supra, du préjudice résultant pour eux de cette non conformité, constitué par le coût des travaux de mise aux normes qu'ils ont été contraints de faire réaliser.

Il est justifié des sommes demandées qui ne sont d'ailleurs pas contestées.

La demande en remboursement de sa quote-part du coût des travaux présentée par chacun des copropriétaires intervenants n'est que subsidiaire et n'a donc pas d'objet dès lors qu'il est fait droit à la demande du syndicat.

Sur les appels en garantie formés par la Société des Entrepôts de Thumeries

La SCP H... et I...

La Société des Entrepôts de Thumeries soutient que le notaire rédacteur des actes de vente a commis une faute engageant sa responsabilité en insérant, dans l'acte de vente d'un lot à la société Slibail, une clause manuscrite mettant les travaux de mise en conformité à sa charge.

Or, elle ne démontre pas en quoi cela serait fautif ; la cour ignore les conditions dans lesquelles cette clause a été ajoutée mais elle a été acceptée et il convient de rappeler que le code civil pose le principe que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

En tout état de cause, cela est indifférent puisque la demande d'indemnisation de la société Monbidou peut être accueillie sans référence à cette clause et simplement en raison du préjudice que lui cause le manquement de la Société des Entrepôts de Thumeries à son obligation de délivrance à l'égard de la société Slibail.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté la garantie demandée.

La société ICI

La Société des Entrepôts de Thumeries soutient que la société ICI a commis une faute, engageant sa responsabilité, en assurant la promotion de l'immeuble comme pouvant accueillir l'exercice de professions libérales, en particulier médicales, et en outrepassant ainsi la mission qui lui avait été confiée, comportant maîtrise d'oeuvre, assistance et commercialisation de lots à usage de bureau.

Toutefois, indépendamment, d'une part, de ce qu'elle ne produit pas le contrat la liant à la société ICI et ne justifie donc pas du contenu de la mission confiée à cette dernière, d'autre part, de ce qu'elle ne démontre pas lui avoir jamais fait la moindre observation à ce sujet, il a été démontré ci-dessus que l'offre en direction des professions libérales ne s'est pas faite à son insu et qu'elle vendu des lots en toute connaissance de cause à des représentants de ces professions.

C'est donc à bon escient que son recours contre la société ICI a été jugé mal fondé par le tribunal.

La société Bureau Veritas Construction

Les établissements recevant du public (ERP) sont classés en cinq catégories mais aussi en types, désignés par des lettres, en fonction de leur activité. La quatrième catégorie comprend les établissements accueillant moins de trois cents personnes mais la cinquième catégorie comprend aussi des établissements accueillant moins de trois cents personnes s'ils ne dépassent pas un certain seuil, dépendant de leur activité, et répondent à certaines normes.

La Société des Entrepôts de Thumeries soutient que le Bureau Veritas a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle à son égard en concluant à la classification de l'immeuble, en ce qui concerne les 'ERP', en cinquième catégorie alors que la commission de sécurité l'a classé en quatrième catégorie et est ainsi à l'origine du litige.

Le Bureau Veritas fait valoir que la mission de contrôle technique qui lui a été confiée en 2004 ne concernait qu'un immeuble à usage de bureau, que quoi qu'il en soit, la configuration des lieux et l'isolation des lots les uns par rapport aux autres justifiait de classer non pas l'immeuble mais chacun des 'ERP' qu'il allait abriter en cinquième catégorie, qu'en tout état de cause, les manquements relevés par la commission de sécurité et sa préconisation de travaux ne sont pas dus à ce classement mais exclusivement au défaut de réalisation d'un accès par l'arrière du bâtiment initialement prévu et qu'il avait souligné cette non-conformité, que le contrôleur technique n'est ni constructeur ni maître d'oeuvre, qu'il ne donne qu'un avis, n'a pas de pouvoir de contrainte et n'est pas tenu d'une obligation de résultat, qu'il n'a donc pas commis de faute et que son avis n'est pas à l'origine du préjudice allégué, qu'en toute hypothèse, il ne saurait être tenu qu'au paiement de la différence, minime, entre le coût des travaux exigés par un classement en quatrième catégorie et celui des travaux exigés par un classement en cinquième catégorie.

Cependant, la convention de contrôle technique produite par le Bureau Veritas mentionne, notamment, parmi les missions qui lui sont confiées la mission SEI relative à la sécurité des personnes dans les ERP et IGH ; elle précise que la mission est limitée aux parties communes et que chaque aménagement de plateau ou bureaux devra faire l'objet d'une mission spécifique avec l'aménageur concerné, ce qui avait d'ailleurs été dit lors d'une réunion du 4 novembre 2004 dont le Bureau Veritas produit le compte-rendu et qui semble avoir été le cas puisque l'expert judiciaire expose (page 23) avoir reçu un dire du Bureau Veritas auquel étaient joints les différents contrats passés par ce bureau avec les acquéreurs. L'expert mentionne également des pièces que lui a communiquées le Bureau Veritas faisant état de l'aménagement, au troisième étage, d'un établissement pour la formation des adultes et, ailleurs, de cabinets médicaux.

Il apparaît donc que le Bureau Veritas s'est bien vu confier, outre des missions spécifiques à chaque lot pouvant constituer en soi un ERP, et s'agissant de lots situés dans un immeuble comportant sept niveaux et desservis par des parties communes, d'une mission de contrôle technique 'relative à la sécurité des personnes dans les ERP' portant sur le bâtiment lui-même dont il connaissait le changement de destination. L'expert estime que le classement reste la prérogative de la commission de sécurité, que néanmoins l'immeuble apparaissait déjà comme un ERP de quatrième catégorie U-R-W (établissement de santé, établissement d'enseignement, bureau) et que le Bureau Veritas a commis une erreur en prenant simplement comme hypothèse, pour ses vérifications, que chaque établissement de l'immeuble pouvait être classé en cinquième catégorie, ce qui était au demeurant inexact en raison notamment d'un 'isolement' insuffisant des lots les uns par rapport aux autres. Une erreur du Bureau Veritas constitutive d'une faute est objectivée.

Toutefois, il incombe à la Société des Entrepôts de Thumeries, qui recherche la responsabilité du Bureau Veritas, d'apporter la preuve à la fois d'une faute de ce dernier et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice qu'elle allègue avoir subi.

Le tribunal a retenu, à juste titre au vu des différentes pièces produites et comme l'expert l'avait fait avant lui, que la mission du Bureau Veritas ne portait pas sur l'accessibilité de l'immeuble aux personnes handicapées et que la nécessité d'effectuer des travaux afin d'assurer cette accessibilité ne pouvait lui être imputée. La mission du Bureau Veritas portait essentiellement sur la sécurité 'incendie'.

Or, aucune pièce n'expose clairement quelles différences implique, en matière de normes à respecter en la matière, le classement en quatrième catégorie plutôt qu'en cinquième catégorie. Si la commission de sécurité a estimé que l'immeuble devait être classé comme ERP de quatrième catégorie et a préconisé un certain nombre de mesures nécessaires pour assurer sa conformité à ce classement, il ne ressort pas de son rapport que les manquements constatés soient imputables au classement retenu par le Bureau Veritas ni que tout ou partie de ces mesures n'auraient pas été également nécessaires pour que le bâtiment soit conforme à un classement en cinquième catégorie. La Société des Entrepôts de Thumeries verse très peu de pièces aux débats, elle ne produit pas le rapport final du Bureau Veritas ni aucune trace des échanges qu'elle-même ou la société ICI a pu avoir avec ce bureau. Elle ne démontre pas que l'état du bâtiment, en matière de normes de sécurité, constaté par la commission de sécurité, ait reçu un avis conforme du Bureau Veritas ni que l'absence de tout ou partie des mesures préconisées par la commission de sécurité résulte de ce que le Bureau Veritas ne les aurait pas jugées nécessaires. Ainsi, l'avis défavorable de la commission de sécurité est motivé principalement par la non-conformité de la colonne sèche et l'absence d'accessibilité par les engins et échelles de secours, le Bureau Veritas soutient avoir signalé cette dernière non-conformité dans ses rapports et la Société des Entrepôts de Thumeries, sur qui, rappelons-le, pèse la charge de la preuve d'une faute du Bureau Veritas à l'origine de son préjudice, n'apporte pas la preuve du contraire et n'explique pas la non réalisation des travaux initialement prévus en façade arrière.

Enfin, il peut être ajouté, quoiqu'à titre d'observation, que même si l'on admet que l'erreur du Bureau Veritas est à l'origine de l'insuffisance des mesures de sécurité imposées par le classement exact du bâtiment, cette erreur n'a pas pour conséquence la nécessité de réaliser des travaux complémentaires, qui résulte de la nature de l'immeuble et auraient dû être exécutés de toute façon, mais seulement la nécessité de les réaliser a posteriori plutôt que dans le cadre de l'ensemble des travaux de restructuration de l'immeuble. Le coût aurait donc dû, en tout état de cause, en être assumé par la Société des Entrepôts de Thumeries. Le préjudice susceptible d'être subi par cette dernière ne pourrait donc excéder la différence entre le coût des travaux litigieux et le coût peut-être moindre qui aurait été celui des mêmes travaux réalisés initialement, sauf à démontrer également que le coût des travaux aurait été intégré dans le prix de vente des lots.

Par conséquent, faute pour la Société des Entrepôts de Thumeries d'établir la preuve d'un lien de causalité entre la faute, avérée, qu'elle reproche au Bureau Veritas et le préjudice dont elle demande à être indemnisée, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de ce chef et le jugement doit être infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Vu les articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

ordonne la jonction des procédures inscrites au rôle de la cour sous les numéros 17/00381 et 17/01020,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré recevables les demandes du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries à payer au syndic du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse la somme de 183 283,28 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2013,

- débouté la société des Entrepôts de Thumeries de ses appels en garantie contre la société ICI et la SCP H... et I...,

- condamné la société des Entrepôts de Thumeries, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :

* au syndic du syndicat des copropriétaires de la Résidence Escaut et Meuse la somme de 1 500 euros,

* à la SAS ICI une somme de 1 500 euros,

* à la SCP H... et I... la somme de 1 500 euros,

- débouté les copropriétaires intervenants volontaires de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

l'infirme en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

déclare recevables les demandes de la SCI Monbidou,

condamne la Société des Entrepôts de Thumeries à lui payer la somme de vingt-huit mille deux cent quatre-vingt-deux euros et cinq centimes (28 282,05) avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2013,

déboute la Société des Entrepôts de Thumeries de ses demandes dirigées contre la société Bureau Veritas Construction,

condamne la Société des Entrepôts de Thumeries, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer :

- à la société Bureau Veritas Construction, à la SCI Monbidou et au syndicat des copropriétaires de la résidence Escaut et Meuse trois mille euros (3 000) chacun,

- à la SCP H... et I... et à la société ICI mille cinq cents euros (1 500) chacun,

déboute les parties de toutes autres demandes fondées sur ledit article 700,

condamne la Société des Entrepôts de Thumeries aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Dragon-Biernacki et Me B... selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Pour le président,

Delphine Verhaeghe. Bruno Poupet.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 17/00381
Date de la décision : 26/07/2018

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°17/00381 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-07-26;17.00381 ?
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