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23/04/2015 | FRANCE | N°14/02386

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 23 avril 2015, 14/02386


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 23/04/2015



***



N° de MINUTE :

N° RG : 14/02386



Jugement (N° 13/00386)

rendu le 31 Mars 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : BP/AMD





APPELANTE



SAS AFIBEL

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Maître Gwendoline MUSELET, membre de la SELARL ESPACE JUR

IDIQUE AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, substituée à l'audience par Maître Delphine POLY, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE



Madame [Y] [J] [D] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1930

demeurant [Adresse ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 23/04/2015

***

N° de MINUTE :

N° RG : 14/02386

Jugement (N° 13/00386)

rendu le 31 Mars 2014

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : BP/AMD

APPELANTE

SAS AFIBEL

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître Gwendoline MUSELET, membre de la SELARL ESPACE JURIDIQUE AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, substituée à l'audience par Maître Delphine POLY, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE

Madame [Y] [J] [D] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1930

demeurant [Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître Sylvain CAILLE, membre de la SCP CAILLE HOUYEZ, avocat au barreau de LILLE

Assistée de Maître Marc BELLANGER, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS à l'audience publique du 29 Janvier 2015 tenue par Bruno POUPET magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Maurice ZAVARO, Président de chambre

Dominique DUPERRIER, Conseiller

Bruno POUPET, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 Avril 2015 après prorogation du délibéré en date du 30 Mars 2015 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Maurice ZAVARO, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 décembre 2014

***

La société Afibel a relevé appel d'un jugement du 31 mars 2014 par lequel le tribunal de grande instance de Lille l'a condamnée à payer à madame [Y] [L] la somme de 25.000 euros, avec intérêts à compter du 12 mars 2012, au titre du 'grand prix final des 25.000 euros', a débouté madame [L] de ses autres demandes et a condamné chacune des parties à la moitié des dépens.

Elle demande à la cour d'infirmer ce jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 25.000 euros, de le confirmer en ce qu'il a débouté madame [L] de ses autres demandes, de débouter cette dernière de ses prétentions devant la cour et de la condamner à lui payer 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que les courriers adressés à madame [L] dans le cadre du 'grand prix des 25.000 euros', comme dans le cadre des trois autres opérations de loterie soumises au tribunal et au titre desquelles madame [L] prétend au paiement des gains annoncés, mettaient clairement en évidence l'existence d'un aléa et que l'intimée, au terme de la lecture normalement diligente et attentive que l'on peut attendre d'un consommateur moyen, ne pouvait se méprendre et être sincèrement convaincue de ce qu'elle était la gagnante du grand prix.

Madame [L], prétendant le contraire, demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Afibel à lui payer 25.000 euros, de l'infirmer pour le surplus et de condamner ladite société à lui payer :

- 25.000 euros au titre du tirage '30.000 € pour deux grands gagnants',

- 5.000 euros au titre du 'grand tirage des 5.000 €",

- 10.000 euros au titre du 'grand prix des 10.000 €',

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

SUR CE

Attendu qu'il résulte de l'article 1370 du code civil que certains engagements se forment sans qu'il intervienne aucune convention, ni de la part de celui qui s'oblige, ni de la part de celui envers lequel il est obligé ; que les uns résultent de l'autorité seule de la loi, que les autres naissent d'un fait personnel à celui qui se trouve obligé ;

qu'aux termes de l'article 1371, les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ;

qu'ainsi, une société de vente par correspondance qui organise des jeux et loteries et annonce à une personne dénommée un gain sans mettre en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait volontaire à délivrer ce gain ;

sur le 'grand tirage des 5.000 €'

attendu qu'il s'agit d'une opération promotionnelle organisée du 9 janvier au 29 février 2012 ;

que, partageant l'analyse des documents versés aux débats qu'a faite le tribunal et à laquelle elle renvoie, la cour constate :

- que parmi les documents adressés à madame [L] figurait, bien visible et bien lisible, un extrait de règlement qu'il lui appartenait de lire et dont il ressort notamment et clairement que trois personnes, dont les noms ont été tirés au sort par un huissier de justice et sont gardés secrets jusqu'au terme de l'opération, ont gagné l'une un chèque de 5.000 euros, les deux autres un chèque de 1.000 euros, et que les autres participants auront droit à un chèque de deux euros,

- qu'aucune des formules employées et écrites en caractères plus gros ne permettait à madame [L] de croire qu'elle avait gagné autre chose que 'un chèque', sans précision du montant,

- qu'il est ainsi précisé : 'si votre nom apparaît en 1er sur la liste officielle tenue au secret par maître [S], huissier de justice, vous avez la garantie de recevoir 5.000 €',

- que dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient l'intimée, la formule en gros caractère 'Remise confirmée d'un chèque bancaire de 5.000 €' ne suffisait pas pour laisser penser à madame [L] qu'elle serait la bénéficiaire de cette remise, d'autant moins que ces mots suivaient la mention, certes écrites en plus petit, 'information concernant le 1er prix en jeu' ;

qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement sur ce point ;

sur l'opération '30.000 euros pour deux grands gagnants' ;

attendu que c'est également par une analyse exacte des documents concernant cette opération et par une motivation que la cour adopte que le tribunal a conclu que la société Afibel n'avait pas annoncé à madame [L] un gain certain de 25.000 euros, relevant que l'enveloppe d'envoi indique seulement au consommateur qu'il a gagné un chèque bancaire sans lui en préciser le montant ni lui spécifier que ce chèque correspond au premier prix de l'opération, et soulignant en particulier, dans sa synthèse, que lorsque la phrase est simplement affirmative, il est uniquement visé le gain d' 'un chèque' alors que l'évocation du gain du chèque de 25.000 euros est systématiquement accompagnée d'une condition introduite par la conjonction 'si', révélant l'aléa du gain du premier prix ;

que le jugement doit donc être également confirmé en ce qui concerne cette opération ;

sur le 'grand prix de 10.000 euros'

attendu que dans le cadre de ce jeu, madame [L] a reçu une 'carte de paiement' portant en gros le numéro 'CP 130.594.1961" ainsi que, en bas à gauche, un numéro à huit chiffres, carte dont elle estime qu'elle lui garantissait un gain de 10.000 euros si elle renvoyait rempli le formulaire de participation, ce qu'elle a fait ;

que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé, au cours d'une analyse détaillée :

- qu'était joint à l'envoi le règlement de l'opération, parfaitement clair sur les tenants et aboutissants de celle-ci, dont le client reconnaissait avoir pris connaissance aux termes de son bon de participation,

- qu'au demeurant, le premier message contenu par l'enveloppe était ainsi libellé :'Vous trouverez ci-dessus une carte de paiement. Cette carte est personnelle et non cessible et vous permettra peut-être d'empocher la somme de 10.000 euros',

- qu'un cadre contenait le texte suivant : 'La direction financière a l'honneur de vous informer que la seule et unique cliente en possession de la carte de paiement CP 130.594.1961 portant le numéro désigné gagnant par maître [S], huissier de justice a la garantie de recevoir 10.000 euros' ;

que certes, l'attention du client est attirée par le numéro principal 'CP 130.594.1961" qui se trouve être celui de sa carte ;

que cependant, même si les mots 'portant le numéro désigné gagnant par maître [S], huissier de justice' sont écrits en plus petits caractères, ils sont bien visibles et ne peuvent échapper au consommateur se livrant à une première lecture, même rapide, du courrier en question ;

que l'aléa tenant au fait qu'il ne suffisait pas, pour gagner 10.000 euros, d'avoir une carte 'CP 130.594.1961" mais qu'il fallait en outre que celle-ci porte le numéro gagnant tiré au sort par l'huissier, était apparent à première lecture ;

que le jugement entrepris doit donc encore être confirmé en ce qu'il a débouté madame [L] de sa demande en paiement de 10.000 euros au titre de cette opération ;

sur le 'grand prix final des 25.000 euros'

attendu que du 8 juillet au 14 octobre 2011, la société Afibel a organisé une opération intitulée 'grand prix final des 25.000 euros' ;

qu'elle expose :

- qu'il s'agissait d'une opération en deux tours, chacun des deux tirages étant réalisé avant l'envoi des documents au consommateur selon le principe du pré-tirage,

- qu'au premier tour, l'ensemble des personnes ayant retourné leur bon de participation avant le 30 septembre 2011 pour la métropole et avant le 14 octobre 2011 pour l'outre-mer étaient désignées gagnantes d'une quote-part de la somme de 20.000 euros à partager entre elles,

- que dans un second temps, maître [T], huissier de justice, procédait au tirage final et tirait au sort le gagnant du premier prix de 25.000 euros et les deux gagnants d'un chèque de 5.000 euros chacun, étant précisé qu'à l'issue du tirage final, l'huissier de justice révélait immédiatement le nom des gagnants de 5.000 euros alors que le nom du gagnant des 25.000 euros n'était quant à lui révélé qu'à la clôture de l'opération,

- que dès lors, au terme du premier tour, le consommateur, à condition de retourner son bon de participation, était assurément gagnant d'une quote-part de la somme de 20.000 euros après partage entre tous les participants, le règlement lui garantissant un montant minimum de 2 euros,

- qu'au titre du tirage final, le statut de gagnant de la somme de 25.000 euros était conditionné par la possession et le retour à Afibel du numéro gagnant du tirage final, lequel n'était connu que par l'huissier de justice qui le révélerait à la clôture de l'opération ;

qu'il convient d'observer qu'à la réception des documents relatifs à cette opération et à l'ouverture de son courrier, le consommateur ne disposait pas de cet exposé préalable ; que seule la lecture de l'extrait du règlement, qui n'intervient naturellement que dans un deuxième temps dans ce type de circonstances, pouvait lui exposer les règles du jeu ;

que dans ces conditions, la distinction entre le premier tirage et le second, sur laquelle réside essentiellement la tentative de démonstration par la société Afibel de l'absence de toute ambiguïté dans les documents expédiés, n'était pas d'emblée compréhensible et que les mentions s'y rapportant et leur intérêt n'étaient par conséquent pas immédiatement perceptibles, sans parler de l'emploi à dessein de caractères gros ou petits, gras ou non, pour moduler l'attention du lecteur selon les informations délivrées ;

qu'il en est ainsi des mentions portées en très gros caractères sur l'enveloppe : 'Avis de recherche de la grande gagnante des 25.000 euros' et 'Oui madame [L], vous allez recevoir à votre domicile le chèque bancaire que vous avez gagné !', séparées par les mots suivants écrits en tout petits caractères 'résultat du 1er tour du grand prix final des 25.000 €' ;

que sous un volet figurant sur l'enveloppe, on pouvait lire : 'Madame [L], 2 des 3 grandes gagnantes ont déjà répondu et ont reçu chacune un chèque de 5.000 € mais la grande gagnante du chèque de 25.000 euros ne s'est pas encore fait connaître ! Dépêchez-vous madame [L] car nous vous garantissons que si vous possédez et retournez le numéro gagnant du tirage final de ce grand prix final des 25.000 euros avant le 30 septembre 2011, alors, c'est sûr et certain, vous allez recevoir directement à votre domicile à [Localité 1] un chèque bancaire de 25.000 euros ;

que justement, sur un autre document figurant dans ce courrier intitulé 'avis de recherche de la grande gagnante', parmi divers paragraphes, il en ressort deux imprimés sur un fond plus clair, en caractère gras et pour partie de couleur rouge, à savoir :

- 'Il n'y a aucun doute possible, parmi des milliers de personnes, votre numéro 142.940 est sorti gagnant au 1er tour de notre grand prix final des 25.000 euros', ce qui laisse penser au consommateur que la chance lui sourit mais s'avère mensonger puisque, comme l'a relevé le tribunal, au premier tour, son numéro n'est pas 'sorti gagnant', ce qui suppose un tirage au sort alors que tous les participants étaient de droit attributaires d'une quote-part de 20.000 €,

- 'en vous faisant connaître avant le 30 septembre 2011, vous êtes sûre d'empocher un chèque de 25.000 euros' ;

que ces mentions étaient de nature à persuader madame [L] qu'elle avait effectivement le numéro gagnant des 25.000 euros ;

qu'il était encore joint à ces documents, portant en gros le titre 'Grand prix final des 25.000 €', un 'certificat de gagnant attribué à titre personnel à madame [L], résultat définitif du tirage du premier tour, un chèque bancaire gagné', étant précisé que les mots 'résultats définitifs du tirage du premier tour' sont inscrits en petits caractères à a différence des autres phrases, mises en évidence ; que dans l'angle inférieur droit, figure la mention 'doté au tirage final d'un 1er prix de 25.000 €' dont on ne voit pas très bien à quoi elle se rapporte mais se trouve en fait quasiment à la suite des mots 'un chèque bancaire gagné', ce qui accrédite l'idée d'un gain de 25.000 euros ;

qu'une première lecture de ces documents, sans être informé préalablement du principe du jeu, ne permet pas de comprendre ni de percevoir le caractère aléatoire du gain annoncé alors que la présentation, la taille des caractères, les couleurs choisies, l'articulation des informations sont à l'évidence destinées à l'estomper ;

qu'il n'est pas acquis que la lecture postérieure, par un consommateur d'attention et de culture moyenne, d'un extrait, présenté de manière plutôt compacte, du règlement de cette opération assez complexe soit de nature à combattre l'impression retirée de sa première lecture ;

que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a considéré que la société Afibel, par le fait purement volontaire consistant en n'avoir pas mis en évidence à première lecture l'existence d'un aléa quant au gain annoncé, s'est engagée à l'égard de madame [L] à lui verser la somme de 25.000 euros et a fait droit à a demande de cette dernière de ce chef;

=+=+=

attendu que les considérations qui précèdent conduisent à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions ;

attendu que l'article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens ;

qu'il serait inéquitable, vu l'article 700 du même code, de laisser à l'intimée la charge intégrale de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

condamne la société Afibel à payer à madame [Y] [L] une indemnité de trois mille euros (3.000) par application de l'article 700 du code de procédure civile,

la condamne aux dépens d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Maurice ZAVARO.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 14/02386
Date de la décision : 23/04/2015

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°14/02386 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-04-23;14.02386 ?
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