République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 02/06/2014
***
N° de MINUTE : 349/2014
N° RG : 13/06008
Jugement (N° 12/02318)
rendu le 06 Août 2013
par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER
REF : TS/VC
APPELANTE
SCI [Adresse 2]
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean Marc BESSON, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
INTIMÉE
SCI [Adresse 1]
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Pierre FAUCQUEZ, membre de la SELAS LLC et ASSOCIES avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, substitué à l'audience par Me VERCAMBRE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS à l'audience publique du 07 Avril 2014, tenue par Thomas SPATERI magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Evelyne MERFELD, Président de chambre
Joëlle DOAT, Conseiller
Thomas SPATERI, Conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 Juin 2014 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame Evelyne MERFELD, Président et Delphine VERHAEGHE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 mars 2014
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EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 17 novembre 2010 la SCI [Adresse 1] a promis de vendre à Monsieur [F] [C], Madame [K] [P], Monsieur [H] [C] et mademoiselle [R] [B], ou toute personne morale pouvant s'y substituer, sous conditions suspensives, un bien immobilier sis à [Localité 1], comprenant une maison à usage d'habitation, un bâtiment annexe comprenant trois chambres d'hôte et un gîte rural, le tout cadastré section B n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 3] et [Cadastre 5] pour une contenance de 4620 m², au prix de 575 000 €. Il était notamment stipulé que le vendeur ne garantit pas la conformité du bon raccordement des installations intérieures d'assainissement dans la mesure où le diagnostic n'a pas été effectué et que les acquéreurs s'engagent à acquérir quelle que soit la conformité ou la non conformité de ce raccordement.
L'acte authentique de vente, portant uniquement sur le gîte rural et le bâtiment annexe, a été reçu le 14 avril 2011 par Maître [T], notaire, l'acquéreur étant la SCI [Adresse 2], le prix étant ramené à 325 000 €. Il stipule notamment en pages 13 et 14 que le vendeur déclare que l'immeuble vendu n'est pas situé dans une partie de la commune dotée d'un réseau d'assainissement collectif mais qu'il est néanmoins desservi par une installation d'assainissement individuelle, que le service communal d'assainissement non collectif a effectué un contrôle technique sur cette installation dont copie demeure annexée à l'acte, que son utilisation ne présente aucune difficulté particulière et ne nécessite aucun entretien particulier hors vidange, que la commune peut procéder au contrôle de la conformité des installations de raccordement privées au réseau public d'assainissement et si nécessaire ordonner leur mise en conformité voire procéder d'office et aux frais du propriétaire aux travaux indispensables, l'acquéreur en étant informé et déclarant en faire son affaire sans recours contre le vendeur. Il indique également que l'acquéreur déclare avoir pris connaissance des anomalies révélées par les diagnostics techniques immobiliers préalablement à la signature de l'acte, et de la nécessité de faire effectuer par un professionnel compétent les travaux permettant de remédier à ces anomalies ou d'en faire état auprès de la compagnie d'assurance qui assurera le bien.
Le 18 janvier 2012 la société d'économie mixte du Pas de Calais Ouest (SEMPACO) adressait à la SCI [Adresse 2] un nouvel exemplaire du rapport de contrôle du système d'assainissement, accompagné d'une lettre du 15 février 2011 mentionnant la non conformité de ce système, ainsi que la nécessité de réaliser des travaux de réhabilitation pour un coût estimé à 80 000 €.
Par acte d'huissier du 7 août 2012 la SCI [Adresse 2] a fait assigner la SCI [Adresse 1] devant le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer sur le fondement de la garantie des vices cachés, afin d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes de 79 686,56 € au titre du coût de la reprise du système d'assainissement, 5 200 € représentant les émoluments et frais d'enregistrement, 5 000 € de dommages et intérêts et 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 6 août 2013 le tribunal de grande instance de Boulogne sur Mer a déclaré la SCI [Adresse 2] recevable mais mal fondée en son action, l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions, débouté la SCI [Adresse 1] de ses demandes reconventionnelles, condamné la SCI [Adresse 2] aux dépens.
La SCI [Adresse 2] a interjeté appel de ce jugement le 18 octobre 2013, dans des conditions de forme et de délai non critiquées.
Elle demande son infirmation, et sur le fondement des articles 1116 du code civil, 6 de l'arrêté du 7 septembre 2009 et L1331-11-1 du code de la santé publique, la condamnation de la SCI [Adresse 1] à lui payer les mêmes sommes que sollicitées en première instance.
Elle estime avoir été victime d'une réticence dolosive de la part du vendeur, qui aurait sciemment dissimulé la lettre du SEMPACO, antérieure à l'acte notarié de vente faisant état de la nécessité de travaux de mises aux normes de l'installation sanitaire pour 80 000 €. Elle affirme que la seule synthèse du contrôle qui lui a été soumise était incompréhensible pour un profane, et qu'elle ne mentionne pas la nécessité de travaux contrairement aux dispositions de l'article L1331-11-1 du code de la santé publique et de l'article 6 de l'arrêté du 7 septembre 2009, de sorte qu'elle était incomplète sans la lettre d'accompagnement. Elle soutient encore qu'une telle dissimulation est contraire au principe de loyauté contractuelle.
La SCI [Adresse 1] conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la SCI [Adresse 2] à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux motifs que dès la signature du compromis de vente les acquéreurs ont disposé de toutes les informations utiles, la question de la non conformité de l'installation sanitaire étant déjà évoquée dans cet acte, et que le rapport annexé à l'acte authentique de vente mentionne bien une absence de traitement des eaux, de sorte que la SCI [Adresse 2] était bien informée de la nécessité de faire réaliser des travaux de mise aux normes. Concernant la lettre du 15 février 2011, elle souligne que ce document rappelle que les travaux sont à la charge des acquéreurs, qu'elle ne fait pas partie du rapport de contrôle et qu'elle ne comprend qu'un rappel des dispositions légales et réglementaires applicables.
Elle ajoute que la vente s'est réalisée dès le compromis, par lequel les acquéreurs s'étaient obligés à acheter malgré les non conformités du raccordement du réseau d'assainissement.
SUR CE,
Attendu qu'aux termes de l'article 1116 du code civil que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ;
Qu'il résulte des stipulations du compromis de vente du 17 novembre 2010 rappelées ci-dessus que la SCI [Adresse 2] avait été informée dès ce stade d'une non conformité, cependant éventuelle et non précisée en l'absence de diagnostic, du système d'assainissement, et qu'elle entendait acheter le bien malgré cette circonstance ;
Que le rapport technique figurant en annexe 6 de l'acte notarié de vente, non accompagné de la lettre du 15 février 2011, mentionne expressément divers désordres affectant le système de collecte des eaux usées sous forme d'un tableau indiquant pour chaque regard de collecte son état, les regards n°1 et 2 étant décrits comme non étanches et à nettoyer, et les regards n°3 à 6 portant une mention « tampon non étanche, regard à nettoyer » ;
Que le tableau descriptif du système de pré-traitement comporte deux colonnes de données inconnues (volume et profondeur de chaque installation), ainsi qu'une colonne entière intitulée « altérations » reprenant l'ensemble des anomalies affectant cette installation ;
Que ce rapport mentionne également l'absence de tout système de traitement des eaux usées ;
Que ce rapport n'indique pas la nécessité de travaux de reprise, les indications relatives à ce qu'il qualifie « d 'altérations » étant de nature à laisser croire que celles-ci sont relativement mineures et susceptibles d'être corrigées à moindre frais ;
Que seule la lettre d'accompagnement de ce rapport, datée du 15 février 2011, mentionne expressément la non conformité de l'installation sanitaire et surtout le coût des travaux de reprise soit environ 80 000 € ;
Que le fait pour la SCI [Adresse 1] de ne remettre que le rapport de contrôle, lequel permet uniquement de noter l'absence de traitement et l'existence de désordres apparemment mineurs sans qu'ils soient qualifiés de non conformités, alors qu'elle était en possession de la lettre du SEMPACO explicitant celles-ci, rappelant l'obligation de mise aux normes dans le délai d'un an et chiffrant le coût, particulièrement important, des travaux à réaliser, constitue de sa part une réticence dolosive en ce qu'elle n'a pas permis à l'acquéreur de se rendre compte du fait que les remises en état obligatoires constituent une opération complexe d'un coût représentant près d'un quart du prix d'acquisition ;
Attendu que dans la clause de non garantie figurant dans la promesse de vente du 17 novembre 2010 la SCI [Adresse 2] s'est certes engagée à acquérir quelle que soit la conformité ou la non conformité du raccordement mais la venderesse ne saurait se prévaloir de cet engagement (qui n'est pas remis en cause par l'acquéreur) pour soutenir que l'information occultée n'aurait pas été déterminante ; que si la SCI [Adresse 2] avait su que dans le délai d'un an elle allait devoir débourser une somme de près de 80 000 € il est certain qu'elle aurait demandé que ces travaux soient réalisés par la venderesse avant la cession ou que le prix soit réduit de leur coût ;
Attendu qu'en conséquence le jugement devra être infirmé et la SCI [Adresse 1] condamnée à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 79 686,56 € de dommages et intérêts correspondant au coût des travaux de remise aux normes à réaliser, conformément au devis produit aux débats ;
Attendu qu'il n'est pas démontré que la SCI [Adresse 1] aurait accepté de vendre l'immeuble à moindre prix, même en cas de délivrance de l'information concernant le défaut de conformité de l'installation sanitaire, et ce notamment au vu des stipulations de l'acte de vente rappelées ci-dessus ;
Que la demande de la SCI [Adresse 2] relative au préjudice allégué résultant d'une possibilité d'obtenir une réduction de prix et des droits d'enregistrement qui en sont l'accessoire, purement hypothétique, devra être rejetée ;
Que la SCI [Adresse 2] ne justifie pas plus des difficultés qu'elle invoque pour trouver un financement dans l'urgence, sinon par une simple affirmation, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de ce chef ;
Attendu que la SCI [Adresse 1], qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ;
Qu'elle sera encore condamnée à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement, et statuant de nouveau :
Condamne la SCI [Adresse 1] à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 79 686,56 € de dommages et intérêts ;
Déboute la SCI [Adresse 2] de ses autres demandes de dommages et intérêts ;
Condamne la SCI [Adresse 1] à payer à la SCI [Adresse 2] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;
Condamne la SCI [Adresse 1] aux dépens de première instance et d'appel, avec pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit de Maître BESSON, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,
D. VERHAEGHEE. MERFELD