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13/05/2013 | FRANCE | N°12/03148

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 13 mai 2013, 12/03148


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 13/05/2013



***



N° de MINUTE : 245/2013

N° RG : 12/03148



Jugement (N° 10/02160)

rendu le 02 Mai 2012

par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS



REF : PM/AMD





APPELANT



Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



Représenté par MaÃ

®tre François DEROUET, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE



SELARL [G] & ASSOCIES, représentée par Maître [K] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [Z] [P]

ayant son siège social [Adresse 1]

[Loc...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 13/05/2013

***

N° de MINUTE : 245/2013

N° RG : 12/03148

Jugement (N° 10/02160)

rendu le 02 Mai 2012

par le Tribunal de Grande Instance d'ARRAS

REF : PM/AMD

APPELANT

Monsieur [O] [M]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître François DEROUET, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE

SELARL [G] & ASSOCIES, représentée par Maître [K] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de Madame [Z] [P]

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Maître Marie FICHELLE, avocat au barreau d'ARRAS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine VERHAEGHE

DÉBATS à l'audience publique du 11 Mars 2013 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 13 Mai 2013 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Delphine VERHAEGHE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 février 2013

***

Par jugement rendu le 2 mai 2012, le tribunal de grande instance d'Arras a :

vu le jugement du 3 mai 2007 rendu entre les parties par le tribunal de grande instance d'Arras, vu l'arrêt du 25 mai 2009 rendu entre les parties par la cour d'appel de Douai, vu la décision de la Cour de Cassation du 22 septembre 2010 :

déclaré irrecevable pour cause de chose jugée les prétentions de M. [O] [M] tendant à l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis entre lui-même et Mme [Z] [P], sis [Adresse 2],

dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande en désignation d'un expert aux fins d'évaluation dudit bien indivis,

condamné M. [O] [M] à une amende civile de 600 euros,

rappelé que l'amende civile est recouvrée comme les amendes pénales prononcées par les tribunaux répressifs sur extrait délivré par le greffe de la juridiction,

condamné M. [O] [M] à payer à la SELAS [G] et ASSOCIES, ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [P], la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

condamné M. [O] [M] à payer à la SELAS [G] et ASSOCIES, es qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [P], la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles,

condamné M. [O] [M] aux dépens.

M. [O] [M] a interjeté appel de cette décision le 31 mai 2012.

RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :

M. [O] [M] et Mme [Z] [P] se sont mariés, sans contrat préalable, le [Date mariage 1] 1975 à [Localité 3].

Par ordonnance de non conciliation du 1er décembre 1998, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Arras a attribué à M. [O] [M] la jouissance du domicile conjugal situé [Adresse 2].

Par jugement du 25 mars 1999, ce magistrat, saisi par acte d'huissier du 22 janvier 1999, a prononcé le divorce des époux [M]-[P] et commis le président de la chambre des notaires ou son délégataire afin de procéder à la liquidation de leurs droits respectifs.

Par jugement du 18 juin 1999, le tribunal de commerce d'Arras a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de Mme [Z] [P] qui exploitait une entreprise de mécanique générale et Me [K] [G], membre de la SELARL [G], a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 30 novembre 2005, la SELARL [G] et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [P], a fait assigner M. [O] [M] devant le tribunal de grande instance d'Arras aux fins d'obtenir le partage de l'indivision existant entre ce dernier et Mme [Z] [P], indivision portant notamment sur un immeuble situé [Adresse 2], et la licitation de ce bien.

Par jugement rendu le 3 mai 2007, le tribunal de grande instance d'Arras a désigné la société BAILLET-BELLOY PARENT, notaires associés à [Localité 1], pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision, ordonné la licitation à la barre de la chambre des criées du tribunal de grande instance d'Arras de l'immeuble indivis entre M. [M] et Mme [P] sur la mise à prix de 106.715 euros avec possibilité de baisse du quart ou davantage à défaut d'enchères, et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

M. [O] [M] a interjeté appel de cette décision et, par arrêt rendu le 25 mai 2009, la cour d'appel de Douai a :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par l'appelant relatives à la demande de licitation de l'immeuble indivis formée par la SELARL [G], ès qualités,

- infirmé le jugement déféré en ce qu'il a désigné la société BAILLET-BELLOY PARENT, notaires associés, aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [O] [M] et Mme [Z] [P],

statuant à nouveau de ce chef :

- déclaré irrecevable la demande de la SELARL [G], ès qualités, tendant à obtenir la désignation de la société BAILLET-BELLOY PARENT, notaires associés à [Localité 1], aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre M. [O] [M] et Mme [Z] [P],

- confirmé pour le surplus la décision entreprise,

y ajoutant :

-condamné M. [O] [M] à payer à la SELARL [G] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnisation des frais non compris dans les dépens que celle-ci a exposés au cours de l'instance d'appel,

-débouté M. [O] [M] de sa demande présentée sur le même fondement,

-condamné M. [O] [M] aux dépens d'appel.

Par arrêt du 22 septembre 2010, la Cour de Cassation, saisie par un pourvoi formé par M. [O] [M], a déclaré ce recours non admis.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2010, M. [O] [M] a fait assigner la SELARL [G] et ASSOCIES, ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [P], devant le tribunal de grande instance d'Arras aux fins d'obtenir l'attribution préférentielle de l'immeuble situé commune de [Adresse 2], de désigner un expert afin d'en évaluer la valeur, de renvoyer l'affaire entre les mains du notaire liquidateur pour la poursuite des opérations de liquidation, de condamner Me [G], ès qualités, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La SELAS [G] et ASSOCIES, ès qualités, a soulevé l'irrecevabilité de cette demande comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Douai, s'est opposée, à titre subsidiaire, à cette prétention et a sollicité, en tout état de cause, la condamnation du demandeur au paiement d'une amende civile de 5.000 euros et à lui payer la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que celle de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

Dans ses dernières conclusions, M. [O] [M] demande à la cour de :

réformer le jugement,

lui donner acte de ce qu'il sollicite l'application de l'article 1470 du code civil,

ordonner l'attribution préférentielle, à son profit, de l'immeuble situé commune de [Adresse 2], dépendant de l'indivision résultant de la dissolution de la communauté [M]-[P],

constater, en tant que de besoin, l'abus de droit de l'intimée,

nommer tel expert afin d'évaluer la valeur de l'immeuble,

renvoyer l'affaire entre les mains du notaire liquidateur pour la poursuite des opérations de liquidation,

débouter Me [G], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes,

le condamner, ès qualités, au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens.

Il explique que :

Mme [P] étant actuellement en liquidation judiciaire, elle ne peut et ne pourra prétendre à l'attribution préférentielle de l'immeuble d'habitation indivis. Elle n'a d'ailleurs jamais revendiqué une telle attribution.

il remplit les conditions de l'attribution préférentielle puisqu'il occupe ce bien, de manière continue, depuis la séparation du couple.

il a dû régler, en raison de la solidarité qui l'unissait à Mme [P] pour plusieurs créanciers, des sommes à hauteur de 187.461,29 euros et il détient créance à l'encontre de son épouse, créance qui a été admise à la liquidation judiciaire de cette dernière pour un montant de 96.187,64 euros. Cette somme excède sensiblement la part de Mme [P] dans la valeur de l'immeuble et une compensation peut être opérée.

il existe deux autres immeubles en indivision, une ancienne usine et un terrain à bâtir. Par contre, il n'existe aucun autre créancier déclaré à la liquidation judiciaire de Mme [P].

il exerce une activité professionnelle qui lui procure des revenus lui permettant de régler une éventuelle soulte.

Il en déduit que l'attribution préférentielle de l'immeuble doit être ordonnée à son profit.

Il observe que l'arrêt précédemment rendu par la cour d'appel l'a été sur des éléments de fait inexacts puisque la communauté ne comportait pas qu'un seul immeuble, comme l'a indiqué la cour, mais plusieurs biens. Il n'y a pas autorité de la chose jugée, selon lui, puisque la cour d'appel avait fait observer qu'elle n'était pas saisie de la question de l'attribution préférentielle de sorte qu'elle n'a fait que donner un avis, en l'état des pièces produites, sur ce point. Il ajoute qu'il est de jurisprudence constante que l'autorité de chose jugée est limitée aux seules énonciations du dispositif.

Il invoque également les dispositions de l'article 1470 du code civil qui lui permettent de prélever un bien commun en représentation du solde favorable de la communauté à son bénéfice. Il ajoute que les liquidations et les partages se font de préférence en nature.

Il fait état d'un abus de droit de Mme [P] qui n'a aucun intérêt personnel à l'empêcher de bénéficier de cette disposition légale si ce n'est que pour tenter de lui nuire.

Il observe, face aux allégations de Me [G], que :

il n'a jamais été mis en liquidation judiciaire. C'est une SARL du couple qui l'a été.

l'affirmation selon laquelle il a décidé de la séparation du couple est mensongère puisque c'est son épouse qui a souhaité une procédure de divorce en vidant tous les comptes et livrets communs.

il n'a jamais été débouté de son opposition à la liquidation judiciaire de Mme [P] ; cette opposition a été déclarée irrecevable. En fait, des fonds ont disparu de l'entreprise avant le dépôt de bilan et il a déposé plainte pour cette situation ; il a toujours considéré que la situation d'insolvabilité de l'entreprise résultait d'un détournement d'actif.

il a toujours habité dans l'immeuble dont il demande l'attribution. Pour y accéder, il passe actuellement par le garage puisqu'un huissier a changé les serrures de la maison. Cette intervention de l'huissier fait suite à la requête Me [G] déposée devant le tribunal de commerce d'Arras lequel a autorisé cette mesure, de façon non contradictoire, étant précisé que sa présence dans le bien a tout simplement été omise par le liquidateur judiciaire. Il estime qu'une violation de domicile a été commise et que cette attitude démontre également une volonté de lui nuire. Malgré cette situation, il a tout fait pour hâter le dénouement des opérations et proposé de payer une soulte pour pouvoir bénéficier de l'immeuble.

tous les éléments développés tentent de le discréditer et de faire croire qu'il ne serait pas en mesure de faire face aux obligations résultant de l'attribution préférentielle. Cependant, il ne doit plus rien dans le cadre de la liquidation de la société qu'il a dirigée, il n'est pas interdit bancaire et son casier judiciaire (bulletin n° 3), est vierge.

s'il n'a pas répondu aux convocations du notaire, c'est que les rendez-vous visaient exclusivement à la mise en vente de l'immeuble alors qu'il souhaitait conserver ce bien et qu'il considérait qu'il en avait déjà payé le prix en s'acquittant d'un ensemble important de dettes de la communauté. Depuis plus de cinq ans, le notaire liquidateur n'a accompli aucune diligence. En particulier, s'il a estimé l'immeuble indivis, il n'a procédé à aucune évaluation de l'usine ou du terrain à bâtir indivis et n'a dressé aucun inventaire et descriptif sommaire des biens immobiliers. Il a écrit à de nombreuses reprises à la partie adverse pour reprendre les négociations et terminer la procédure mais n'a pas reçu de réponse favorable.

La SELARL [G] et ASSOCIES, représentée par Me [K] [G], ès qualités de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [P], sollicite la confirmation de la décision en toutes ses dispositions et, en conséquence, de déclarer irrecevable la demande de M. [O] [M]. Subsidiairement, elle demande de le dire mal fondé en toutes ses prétentions, de le condamner au paiement d'une amende civile de 7.000 euros, à lui payer les sommes de 4.000 euros pour procédure abusive et de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous les frais et dépens.

Elle soutient, à titre principal, que les demandes présentées sont irrecevables en application de l'article 1351 du code civil dans la mesure où diverses décisions ont déjà été rendues concernant l'immeuble indivis et en particulier un arrêt de la cour d'appel de Douai le 25 mai 2009. Elle relève que l'autorité de la chose jugée s'attache non seulement au dispositif de cette décision mais également à ce sur quoi il renvoie implicitement ; or, elle constate que cet arrêt a confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras du 3 mai 2007 qui a ordonné la licitation du bien indivis invoquant le fait que M. [M] ne remplissent pas les conditions pour solliciter l'attribution préférentielle. Elle ajoute que l'arrêt de la Cour de Cassation, confirmant les termes de l'arrêt de la cour d'appel, relève la pertinence des éléments retenus par cette juridiction. Elle ajoute que c'est à tort que M. [M] prétend que l'attribution préférentielle peut être sollicitée ultérieurement dès lors que les conditions s'avèrent différentes et ce d'autant qu'il aurait pu produire initialement les justificatifs qu'il produit actuellement et que d'éventuels éléments nouveaux ne pourraient être invoqués qu'à l'appui d'un recours en révision.

Subsidiairement, elle affirme que la demande est mal fondée. Elle rappelle que l'immeuble d'habitation a été construit sur un terrain appartenant en propre à Mme [P]. Elle souligne l'attitude de M. [M] qui, bien qu'invoquant l'existence d'une créance dans le cadre des opérations de liquidation, s'est toujours opposé aux évaluations de l'immeuble en en interdisant l'accès. Elle relève que lors de la précédente procédure, il n'avait produit que deux factures EDF pour justifier de l'occupation l'immeuble alors que le couple s'est séparé en 1998. Elle ajoute qu'en tout état de cause, les documents versés aux débats ne prouvent pas que M. [M] occupe l'immeuble comme il affirme et ce d'autant que les factures d'eau mettent en évidence une consommation limitée à 3 m³ par semestre. Elle en conclut que s'il garde un accès privatif à l'ancien domicile conjugal, il ne l'occupe pas de façon effective et continue de sorte qu'il ne peut prétendre à l'attribution préférentielle de ce bien.

Elle souligne que font également partie de la communauté l'entreprise exploitée par M. [M], le terrain et le mur des ateliers qui n'ont jamais été évalués, biens qui devront pourtant être partagés. En outre, elle remarque que M. [M] omet l'indemnité d'occupation dont il est redevable pour la maison (alors qu'il conserve un accès privatif à ce bien) mais également celle due pour le terrain, le bâtiment et le fonds artisanal, indemnité qui s'élève à près de 47.000 euros.

Elle conteste donc le montant de la créance que M. [M] invoque à l'égard de son ex-épouse dans le cadre des opérations de liquidation et souligne que, faute de tout avis d'imposition, les revenus de ce dernier ne sont pas connus.

Elle rappelle que M. [M] a été personnellement placé en liquidation judiciaire en 1997 en sa qualité de gérant de la SARL Les Ateliers de Bucquoy, qu'il a été interdit de gérer pendant sept ans et que la communauté a dû financer l'insuffisance d'actif à laquelle il a été condamné par le tribunal de commerce d'Arras par jugement du 6 janvier 1989 (soit 20 % du passif social). Elle fait valoir que la plainte déposée pour détournement d'actifs a été classée sans suite et a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction d'Arras le 7 mars 2003.

Elle invoque la résistance et l'acharnement de M. [M] depuis plusieurs années dans le cadre des opérations de partage et sollicite que soit prononcée à son encontre une amende civile.

MOTIFS DE LA DECISION

M. [O] [M] sollicite l'attribution à son profit de l'immeuble situé [Adresse 2] à la fois sur le fondement de l'article 1470 du code civil, qui prévoit que si le compte de liquidation présente un solde en faveur d'un époux, celui-ci a le choix ou d'en exiger le paiement ou de prélever des biens communs jusqu'à due concurrence (à ce titre M. [M] prétend avoir une créance à l'encontre de la communauté et pouvoir, en contrepartie, prélever l'immeuble) mais également sur le fondement des articles 1476 et 831-2 du code civil (il sollicite l'attribution préférentielle de l'immeuble qu'il affirme occuper depuis la séparation du couple).

Avant d'examiner si ces prétentions sont ou non fondées, il convient de statuer sur la recevabilité des demandes qui sont présentées, la SELARL [G] et ASSOCIES soulevant une fin de non recevoir. Elle invoque l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 25 mai 2009 par la cour d'appel de Douai qui ferait obstacle aux demandes d'attribution de l'immeuble.

L'article 480 du code de procédure civile prévoit que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.

L'article 1351 du code civil précise que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Par arrêt rendu le 25 mai 2009, la cour d'appel de Douai a notamment rejeté les fins de non recevoir soulevées par M. [M] relativement à la demande de licitation de l'immeuble indivis et confirmé le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Arras le 3 mai 2007 en ce qu'il a ordonné la licitation à la barre de la chambre des criées du tribunal de grande instance d'Arras.

Les parties dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à cet arrêt, à savoir M. [M] et la SELARL [G] et ASSOCIES agissant ès qualités de liquidateur de Mme [Z] [P], sont les mêmes que celles intervenant dans le cadre de la procédure soumise à la cour. Elles interviennent en la même qualité. La procédure engagée a la même cause, à savoir les opérations de compte liquidation et partage de la communauté ayant existé entre M. [M] et Mme [P].

La chose demandée est également la même puisqu'il s'agit de statuer sur le sort de l'immeuble situé à [Adresse 2].

La cour, dans son précédent arrêt, bien que constatant qu'elle n'était pas saisie d'une demande d'attribution préférentielle, a quand même recherché s'il remplissait les conditions pour une telle attribution avant de conclure par la négative.

Il ne saurait être prétendu que seul un simple 'avis' sur l'attribution préférentielle a été donné dès lors que la cour a confirmé le jugement ordonnant la licitation de l'immeuble pour parvenir au partage ; en effet, une telle vente à la barre du tribunal est totalement incompatible avec une demande d'attribution préférentielle mais également avec la demande présentée sur le fondement de l'article 1470 du code civil tendant à obtenir l'attribution par prélèvement de la maison située [Adresse 2]. En statuant dans le sens de la vente de ce bien, dans son dispositif auquel s'attache l'autorité de la chose jugée, la cour a nécessairement exclu la possibilité du partage en nature de cet immeuble mais également celle de son placement dans le lot de l'un des co-partageants, à quelque titre que ce soit.

Quand bien même la cour se serait basée sur des éléments inexacts (en l'espèce, M. [M] prétend que contrairement à ce qui a été retenu par la cour, l'indivision post communautaire est composée de plusieurs immeubles et non de la seule maison d'habitation de [Adresse 2]), l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt ne pourrait être remise en cause.

M. [M] ajoute que 'rien ne fait obstacle à ce que l'attribution préférentielle soit sollicitée par un époux, dès lors qu'il répond aux conditions, même si, antérieurement il n'y répondait pas'. Cependant, d'une part, l'autorité de la chose jugée peut s'opposer à une demande d'attribution préférentielle et d'autre part, M. [M] ne fait état d'aucun changement dans sa situation concernant l'occupation de l'immeuble, depuis la précédente décision, puisqu'il prétend qu'il a habité ce bien de manière continue depuis la séparation du couple ; il s'agit, en fait, pour lui de produire des justificatifs qu'il avait omis de verser aux débats dans le cadre de la précédente instance. Une telle situation ne peut donner lieu à une nouvelle procédure puisqu'il appartenait à M. [M], dès l'instance ayant abouti à l'arrêt du 25 mai 2009, de soulever tous les moyens de nature à fonder son opposition à la demande de licitation présentée par Me [G] (en ce compris le moyen lié à l'attribution préférentielle de l'immeuble à son profit) et de produire toutes les pièces utiles et nécessaires au succès de ses demandes.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes présentées par M. [M] tendant à obtenir l'attribution de l'immeuble situé [Adresse 2] et, en conséquence, en ce qu'il a constaté que la demande de désignation d'un expert pour l'évaluation de ce bien n'avait pas d'objet.

L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Le tribunal a retenu que M. [M] multipliait, depuis 1999, les artifices de procédure dans le cadre des opérations de liquidation de l'indivision post-communautaire.

En effet, alors que l'arrêt de mai 2009 a autorisé la licitation de l'immeuble, que M. [M] n'avait pas sollicité l'attribution préférentielle de ce bien et n'avait pas produit les pièces nécessaires à une telle attribution, que la cour de cassation a déclaré son pourvoi non admis par arrêt du 22 septembre 2010, M. [M] a, dès le 12 octobre 2010, fait assigner Me [G] devant le tribunal de grande instance d'Arras pour obtenir cette attribution, totalement incompatible avec la licitation. Il ne pouvait ignorer cette situation.

En introduisant une nouvelle procédure dans l'unique but d'obtenir l'attribution préférentielle de l'immeuble, avant même de tenter de demander, devant le notaire liquidateur, que ce bien soit éventuellement placé dans son lot et alors même que la cour d'appel de Douai avait nécessairement rejeté une telle demande d'attribution préférentielle en ordonnant la licitation, M. [M] a commis une faute, abusant de son droit d'agir en justice.

En conséquence, le jugement doit également être confirmé en ce qu'il l'a condamné à une amende civile de 600 euros sans qu'il apparaisse nécessaire de fixer une nouvelle somme à ce titre en cause d'appel.

La SELARL [G], ès qualités, a subi un préjudice, dans le cadre de la présente procédure, en lien avec la faute commise par M. [M] ; elle ne peut, en effet, parvenir à la liquidation de l'indivision post-communautaire [M]-[P] et ainsi régler les créanciers à la liquidation de Mme [P]. Le jugement, qui a fait une exacte appréciation du préjudice subi, pour lequel aucune aggravation n'est établie en cause d'appel, sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [M] à lui payer la somme de 600 euros.

Il serait inéquitable de laisser à la SELARL [G] et ASSOCIES la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. M. [M] sera condamné à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

DEBOUTE la SELARL [G] et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur judiciaire de Mme [Z] [P], de sa demande complémentaire de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE M. [O] [M] aux dépens d'appel ;

CONDAMNE M. [O] [M] à payer à la SELARL [G] et ASSOCIES, ès qualités, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Delphine VERHAEGHE.Evelyne MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 12/03148
Date de la décision : 13/05/2013

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°12/03148 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-05-13;12.03148 ?
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