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17/05/2010 | FRANCE | N°09/02457

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 17 mai 2010, 09/02457


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 17/05/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 09/02457



Jugement (N° 08/00291)

rendu le 23 Février 2009

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES



REF : MM/AMD





APPELANT



Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 22] ([Localité 22])

demeurant [Adresse 25]

[Localité 19]



Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour


Assisté de Maître GIGUET, avocat au barreau de TARASCON





INTIMÉS



Monsieur [V] [P]

demeurant [Adresse 12]

[Localité 10]



Monsieur [M] [P]

demeurant [Adresse 18]

[Localité 11]



Madame [N] [P] épouse [...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 17/05/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 09/02457

Jugement (N° 08/00291)

rendu le 23 Février 2009

par le Tribunal de Grande Instance de VALENCIENNES

REF : MM/AMD

APPELANT

Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 4] 1946 à [Localité 22] ([Localité 22])

demeurant [Adresse 25]

[Localité 19]

Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assisté de Maître GIGUET, avocat au barreau de TARASCON

INTIMÉS

Monsieur [V] [P]

demeurant [Adresse 12]

[Localité 10]

Monsieur [M] [P]

demeurant [Adresse 18]

[Localité 11]

Madame [N] [P] épouse [R]

demeurant [Adresse 8]

[Localité 5]

Monsieur [K] [G]

demeurant [Adresse 9]

[Localité 16]

Monsieur [T] [G]

demeurant [Adresse 17]

[Localité 14]

Monsieur [E] [G]

demeurant [Adresse 26]

[Localité 13]

Association ARIANE ès qualité de curatrice de Monsieur [E] [G],

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 15]

Représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Assistés de Maître BONIFACE, avocat substituant Maître Vincent BUE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 29 Mars 2010 tenue par Monique MARCHAND magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Monique MARCHAND, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 02 février 2010

*****

Monsieur [V] [P], Monsieur [M] [P], Madame [J] [P] épouse [R], Monsieur [E] [G], Monsieur [K] [G] et Monsieur [T] [G] sont propriétaires indivis d'une parcelle à usage agricole située sur le territoire de la commune d'[Localité 22], au lieudit « au [Localité 24] », cadastrée section AN [Cadastre 7].

Cette parcelle avait été donnée à bail rural à Monsieur [O] [L], né le [Date naissance 3] 1913 et décédé le [Date décès 6] 1997.

Maître [H] [D], notaire à [Localité 20], a transmis au fils du défunt, Monsieur [O] [L], né le [Date naissance 4] 1946, une lettre recommandée avec avis de réception datée du 12 juin 2001, aux termes de laquelle il l'informait de l'intention des consorts [P]-[G] de vendre la parcelle de terrain cadastrée section AN n° [Cadastre 7], ces derniers l'ayant chargé d'établir l'acte qui devait en résulter en cas de réalisation.

Ce courrier contenait notamment les mentions suivantes :

« Sous réserve de justifier de vos droits d'occupant de l'immeuble et de votre qualité d'exploitant agricole je vous notifie sous toute réserve ainsi qu'à Madame [X] [I], veuve de Monsieur [L] [O] et Monsieur [L] [W] [A], les prix, les charges, les conditions et modalités de l'opération envisagée '

Le prix de vente est de 400 000 F, soit à titre d'information la contre-valeur en euros de 60 979,61, net vendeur.

Je vous fais la présente notification car Monsieur [L] [O] est décédé sans avoir justifié de ses droits d'exploitant, mais sous cette réserve, vous pourriez être un des bénéficiaires du bail continué après son décès en vertu de la disposition de l'article L. 411-34 alinéa premier du code rural. Tous les ayants droits à ce bail ont le droit de préemption '

Vous voudrez bien justifier de votre qualité d'exploitant agricole de la parcelle (par la production d'une attestation de la mutualité sociale agricole pour la parcelle pour une durée totale supérieure à 2 ans par vous-même et votre époux ou père) pour préserver vos droits éventuels à une indemnité pour améliorations culturales ' et, me faire connaître dans les deux mois à compter de la réception de la présente notification et dans les formes prévues par la loi si vous entendez faire valoir votre droit de préemption au prix et conditions ci-dessus '

Je vous précise enfin, que la présente notification ne saurait valoir offre de vente si, au moment où vous ferez connaître votre réponse, vous ne remplissez pas toutes les conditions pour bénéficier du droit de préemption et pour exercer ce droit (qualité d'exploitant agricole justifiée par la production d'une attestation de la mutualité sociale agricole pour la parcelle pour une durée totale supérieure à 2 ans par vous-même et votre époux ou père) '"

Par lettre recommandée avec avis de réception distribuée le 20 août 2001, Monsieur [O] [L] répondait au notaire :

« Je vous informe que j'exerce mon droit de préemption pour l'acquisition de l'immeuble situé à [Adresse 23], cadastré section AN n°[Cadastre 7] au prix de 400.000 francs' »

Par exploits d'huissier des 7, 8, 15, 19, 21 juillet, 3 et 12 août 2005, Monsieur [O] [L] a fait assigner les consorts [P]-[G] et l'association ARIANE, prise en sa qualité de curatrice de Monsieur [E] [G], devant le tribunal de grande instance de Valenciennes afin de voir constater le caractère parfait de la vente de la parcelle susmentionnée et sa qualité de propriétaire de celle-ci.

Par jugement en date du 23 février 2009, le tribunal a :

- débouté Monsieur [O] [L] de ses demandes ;

- ordonné à ce dernier de quitter et libérer la parcelle AN [Cadastre 7] sise à [Adresse 23] » ainsi qu'à toutes personnes l'occupant de son chef, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, avec le concours de la force publique si besoin est ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné Monsieur [O] [L] aux dépens.

Par déclaration du 2 avril 2009, Monsieur [O] [L] a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 3 août 2009, il demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré ;

et, statuant à nouveau,

vu les articles 1582 et suivants du code civil,

- de constater que la vente de la parcelle litigieuse est parfaite ;

- de dire que ladite parcelle est sa propriété ;

- de dire que l'arrêt à intervenir vaudra acte de propriété et fera l'objet d'une publication à la conservation des hypothèques ;

- de débouter les intimés de toutes leurs demandes ;

- de les condamner à lui payer la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de les condamner aux dépens.

Il expose en premier lieu que depuis plusieurs générations, la famille [L] exploite à [Adresse 23], au lieudit « [Localité 24] un corps de ferme d'un peu plus de 3 ha composé de la parcelle litigieuse et de parcelles mitoyennes dont elle est propriétaire et qu'elle est également propriétaire d'une exploitation située à [Localité 19].

Il fait valoir notamment que la vente de la parcelle AN [Cadastre 7] est parfaite, en application des articles 1582, 1583 et 1589 du code civil dès lors qu'il a donné son accord sur le prix proposé par les intimés.

En réponse à la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité soulevée par les intimés, il allègue qu'après homologation d'un plan de continuation, le débiteur a toute liberté d'ester en justice ; que la présence du commissaire à l'exécution du plan n'est justifiée que dans le cadre d'une procédure tendant à dépouiller le débiteur d'une partie de son patrimoine ; que tel n'est pas le cas en l'espèce et que la présente procédure n'est pas un acte nécessaire à la mise en oeuvre du plan au sens de l'ancien article 147 de la loi du 25 janvier 1985

Il soutient :

- qu'il résulte des pièces qu'il produit qu'il est l'exploitant de ladite parcelle depuis le milieu des années 1980 et qu'il lui a été réclamé par le notaire, mandataire apparent du bailleur, le paiement des fermages en cette qualité connue, reconnue et donc agréée au sens des dispositions de l'article L411-35 du code rural ; que les intimés ont en effet accepté sans équivoque la cession faite par le preneur à l'un de ses descendants;

- que l'absence d'autorisation alléguée par les appelants aurait justifié éventuellement une action en résiliation du bail devant le tribunal paritaire des baux ruraux ; que cependant les intimés n'ont jamais pris cette initiative ;

- qu'à supposer que la cession du bail à ferme soit nulle, celui-ci, faute de résiliation, s'est poursuivi, puis a été transmis aux descendants de Monsieur [O] [L] père lors de son décès, par application de l'article L411-34 du code rural.

Il prétend ensuite :

- que l'offre initiale de vente émane du notaire, mandataire des bailleurs et officier ministériel ;

- qu'il devait donc faire connaître sa position au notaire, auteur de l'offre et non à chacun de ses mandants ;

- que conformément aux dispositions de l'article L412-8 du code rural, il a fait connaître au bailleur son intention d'exercer son droit de préemption dans le délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée du notaire ; que le bailleur ne l'a jamais mis en demeure de réaliser l'acte de vente authentique ; qu'il n'y a dès lors ni forclusion, ni nullité.

S'agissant de la demande reconventionnelle des intimés, il prétend :

- qu'il avait conclu devant le premier juge que seul le tribunal paritaire des baux ruraux pouvait statuer sur ladite demande ; que le tribunal a outrepassé sa compétence en le déclarant occupant sans droit ni titre et en prononçant son expulsion ; que le jugement doit donc être réformé de ce chef ;

- que de surcroît, les bailleurs qui invoquent les dispositions de l'article L411-35 du code rural peuvent tout au plus faire constater la nullité de la cession du bail ; que les intimés n'ont jamais présenté cette demande du vivant de Monsieur [O] [L] père et que dès lors que celui-ci est décédé, le bail doit se poursuivre avec ses descendants, conformément à l'article L 411-34 du code rural.

Par conclusions déposées le 4 janvier 2010, les consorts [P]-[G] et l'association ARIANE demandent à la cour :

en application de l'article 122 du code de procédure civile,

vu les articles L 621-143, L 622-17 et L622-18 du code de commerce,

vu les articles 815-3, 1110, 1315, 1124, 1239, 1992, 1998 et 489 du Code civil,

vu les articles L 412-8 et L 412-9 du code rural,

vu les articles L 411-34, L 411-35, L 411-31, L411-37, L 324-11, L 415-12 du code rural,

- de confirmer la décision entreprise ;

- de débouter Monsieur [O] [L] de ses demandes ;

- d'ordonner à ce dernier de quitter et de libérer la parcelle AN [Cadastre 7] sise à [Adresse 23] » ainsi qu'à toutes personnes l'occupant de son chef, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, avec le concours de la force publique si besoin est ;

y ajoutant,

- « de condamner Monsieur [O] [L] à une astreinte de 30 € par jour de retard et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt à intervenir » ;

- de condamner l'appelant leur payer la somme de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux dépens.

Ils exposent tout d'abord :

- que Monsieur [O] [L] père a été mis en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire par jugement rendu le 9 février 1996 par le tribunal de grande instance de Tarascon et qu'à ce jour, aucune clôture des opérations de liquidation n'est justifiée ;

- que l'intéressé a cédé de son vivant l'intégralité de son exploitation agricole, c'est à dire l'unité de production, à son fils homonyme, Monsieur [O] [C] [B] [L], sans requérir une quelconque autorisation préalable de cession, tant de ses bailleurs que du liquidateur judiciaire de l'exploitation agricole ;

- qu'il lui appartenait cependant conformément aux dispositions de l'article L411-35 du code rural, de recueillir des co-indivisaires une autorisation unanime au sens de l'article 815-3 du code civil et expresse de chacun d'entre eux ;

- qu'une telle opération est prohibée par la réglementation d'ordre public des baux ruraux ;

- qu'au regard de l'homonymie susmentionnée, de la distance existant entre les deux exploitations agricoles, et de la dispersion des propriétaires indivis sur le territoire français, « toute cession tacite reste dans ce contexte équivoque et peu claire » (sic) ;

- qu'en outre, en application de l'article L622-17 alinéa 3 du code de commerce, dans sa version alors applicable, aucun parent ou allié du débiteur en liquidation judiciaire, jusqu'au deuxième degré inclusivement ne pouvait se porter acquéreur de l'unité d'exploitation et que par ailleurs la cession judiciaire d'un bail rural n'est pas ouverte au preneur en cas de liquidation judiciaire, même en cas de cession globale d'une unité de production ;

- que le père, alors locataire, n'a pas acquitté régulièrement depuis des années les fermages et que la parcelle en cause n'est pas entretenue en bon père de famille en raison de la distance des deux exploitations agricoles ;

- que les bailleurs n'ont jamais perçu une quelconque somme de la part de l'appelant ;

- que le fils a constitué une société de fait entre les divers membres de la famille pour obtenir un jugement de redressement judiciaire sans respecter les dispositions relatives aux mises à disposition d'un bail à ferme prévues par l'article L411-37 du code rural ; qu'il a en effet cédé le bien de façon irrégulière et sans avertissement, ainsi qu'en atteste la MSA le 23 octobre 2001 ; qu'ayant pris conscience de sa méprise, il a constitué une EARL en 2001 pour couvrir la cession prohibée ;

- que Monsieur [O] [L] fils a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal de grande instance de Tarascon du 16 décembre 1994 et qu'il a fait l'objet d'un plan d'apurement du passif, lequel a été modifié pour se prolonger jusqu'à l'année 2008.

A l'appui des fins de non recevoir qu'ils soulèvent, ils soutiennent :

- que l'appelant est un simple occupant sans droit ni titre qui ne peut donc bénéficier du droit de préemption institué pour les preneurs de baux ruraux justifiant d'un titre régulier et qu'il n'a donc ni intérêt, ni qualité à agir ;

- qu'il n'a pas fait intervenir le commissaire à l'exécution du plan pour l'assister et veiller à la bonne exécution du plan de redressement au mépris des dispositions de l'article L621-643 du code de commerce.

Ils font valoir en outre :

- qu'il est avancé pour la première fois en cause d'appel par Monsieur [O] [L] que le bail se poursuit par le décès du titulaire du bail alors qu'il n'a jamais été contesté que le père avait cédé de son vivant l'exploitation en difficulté à son fils ; que la démonstration fondée sur l'article L411-34 du code rural relative à la dévolution du bail à ferme à cause de mort ne pourra qu'être écartée ;

- qu'il existe une erreur substantielle dans la notification notariale visant à purger le droit de préemption, qui prive d'effets l'acceptation par son destinataire ;

- que le preneur qui invoque le bénéfice du droit de préemption doit justifier qu'il exploitait le fonds à la date de la vente en 2001 ; qu'il ressort de l'attestation produite que le déclarant à la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE des Bouches du Rhône est l'EARL et non la personne physique ; que Monsieur [O] [L] fils n'est donc pas le titulaire du bail à ferme ; qu'il n'a pas exercé, à un titre quelconque, la profession agricole, ce qui le prive dès l'origine de tout droit de préemption ;

- que Monsieur [O] [L] ayant notifié sa décision d'acquérir au seul notaire chargé d'instrumenter la vente, sans confirmer sa décision auprès de chacun des indivisaires, la forclusion lui est opposable par application de l'article L412-8 du code rural ; qu'aucun mandat n'a été donné au notaire pour substituer les propriétaires, d'autant qu'un des indivisaires bénéficie d'une protection judiciaire ; que l'appelant ne peut donc solliciter le transfert de propriété à son profit ;

- que plus d'un an s'étant écoulé depuis la dernière notification, la procédure prévue à l'article L412-8 doit, en tout état de cause, être renouvelée.

Ils allèguent enfin, au soutien de leur demande reconventionnelle :

- que la cour ne peut que constater a posteriori que la cession du bail a été faite au mépris de l'article L411-35 du code rural, disposition d'ordre public et qu'elle ne peut donc régulariser la situation locative de Monsieur [O] [L] fils ;

- qu'« elle autorise toutefois la résiliation de toute convention au sens de l'article L411-35 du code rural et que l'appelant ne disposant pas d'un quelconque droit de préemption, son expulsion doit être prononcée en conséquence de la parcelle en cause' (sic).

MOTIFS :

1) sur la demande de Monsieur [O] [L] relative au transfert de propriété de la parcelle litigieuse, fondée sur l'existence d'un droit de préemption à son bénéfice

a) sur les fins de non recevoir soulevées par les intimés

Il est acquis aux débats que Monsieur [O] [L] a cédé à son fils le bail rural qui lui avait été consenti par les propriétaires de la parcelle litigieuse.

Il est également constant que Monsieur [O] [L] a été rendu destinataire par le notaire chargé d'instrumenter la vente de ladite parcelle de la notification prévue par l'article L412-8 du code rural.

L'intéressé a par conséquent intérêt et qualité à agir en vue de se voir reconnaître le bénéfice du droit de préemption instauré par l'article L412-1 du code rural au bénéfice de l'exploitant preneur en place.

Les intimés produisent par ailleurs le jugement en date du 16 décembre 1994 par lequel le tribunal de grande instance de Tarascon a homologué le plan de redressement de Monsieur [H] [S], de Madame [W] [L] épouse [S], de Monsieur [O] [L] et de Madame [Z] [F] épouse [L] - constitués en en société de fait - proposé par les débiteurs - consistant à apurer la totalité de leur passif à concurrence de 100 % en 10 ans.

Il n'est pas contesté que ce plan a fait l'objet en 2001 d'une modification en vue de prolonger son terme à l'année 2008.

Il s'en déduit qu'à la date de la délivrance de l'acte introductif d'instance devant le premier juge, la procédure collective ouverte à l'égard de l'appelant était toujours en cours.

Sous l'empire des dispositions de l'article 167 de la loi du 25 janvier 1985 (article L621-68 ancien du code de commerce), dès lors que jugement arrêtant le plan de cession de l'entreprise mettait fin, dès son prononcé, à la période d'observation, le débiteur retrouvait la totalité de ses pouvoirs, sous réserve de ceux qui étaient attribués au commissaire à l'exécution du plan pour veiller à l'exécution de celui-ci.

En outre, en application de l'article 147 de ladite loi (article L621-143 ancien du code de commerce), le commissaire à l'exécution du plan assistait le débiteur dans l'accomplissement des actes nécessaires à la mise en 'uvre du plan.

En l'espèce, il n'est nullement démontré que l'acquisition de la propriété de la parcelle litigieuse par Monsieur [O] [L] constitue un acte nécessaire à la mise en place du plan de redressement arrêté au bénéfice de l'appelant.

L'absence du commissaire à l'exécution du plan dans la présente instance n'est donc pas constitutive d'une irrégularité procédurale.

Au regard de ces éléments, il convient de rejeter les fins de non recevoir soulevées par les intimés.

2) sur le bien fondé de la demande

Aux termes de l'article L412-5 du code rural, bénéficie du droit de préemption le preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente.

Il appartient à Monsieur [O] [L], qui revendique le bénéfice de ces dispositions légales de démontrer qu'il remplit les différentes conditions ci-dessus énoncées.

Ainsi qu'il l'a été précédemment souligné, le principe de l'existence d'une cession du bail de Monsieur [O] [L] père à son fils est acquis aux débats.

Conformément aux dispositions de l'article L411-35 du code rural, la régularité de cette cession est conditionnée à l'agrément du bailleur, étant précisé qu'en application de l'article 815-3 du code civil, le consentement unanime des indivisaires est requis.

En outre, si un tel agrément peut être tacite, il est toutefois nécessaire que les actes accomplis par le bailleur constituent une manifestation claire et non équivoque de la volonté de ce dernier de consentir à la cession.

En l'espèce, force est de constater que l'appelant ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'en justifier.

Dès lors que le preneur et son fil portaient les mêmes nom et prénom, il ne peut en effet être tiré aucun enseignement des décomptes des fermages dus par « Monsieur [O] [L] », établis dans le courant des années 1980 par Maître [D], notaire, produits par l'appelant.

Il apparaît en outre que ce dernier ne prétend, ni a fortiori ne démontre avoir réglé une quelconque somme à titre de fermages entre les mains des intimés.

Il convient de surcroît de souligner que sur les relevés parcellaires établis par la mutualité sociale agricole pour la période du 7 septembre 2000 et du 1er janvier 2001 - annexés à la lettre que l'appelant a adressée au notaire le 10 août 2001 - il est indiqué que la parcelle litigieuse est exploitée par l'intéressé en faire valoir direct et non en qualité de fermier.

La preuve d'un agrément par le bailleur n'étant pas rapportée, c'est à juste titre que les intimés opposent à leur contradicteur le moyen tiré de l'irrégularité de la cession du bail portant sur ladite parcelle.

Dès lors que les consorts [P]-[G] sollicitent à titre reconventionnel que soit ordonnée l'expulsion de Monsieur [O] [L] au motif que ce dernier serait occupant sans droit ni titre de la parcelle litigieuse, il s'en déduit qu'ils ne se limitent pas à invoquer, par voie d'exception, la nullité de la cession du bail intervenue en violation des dispositions de l'article L411-35 du code rural et qu'ils demandent implicitement à la cour de constater cette nullité.

Or, il s'infère du constat de la nullité de la cession que Monsieur [O] [L] père a conservé à l'égard des co-indivisaires la qualité de preneur.

Conformément aux dispositions de l'article L411-34 du code rural, au décès de ce dernier, survenu le [Date décès 6] 1997, le bail a continué indivisément au profit de son conjoint et de ses descendants sous réserve que ceux-ci participent à l'exploitation ou y aient participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès.

En l'espèce, dès lors que les intimés viennent prétendre que le défunt avait cédé l'intégralité de son exploitation agricole à son fils à une période contemporaine de sa mise en liquidation judiciaire, survenue le 9 février 1996, il apparaît qu'ils ne contestent nullement que Monsieur [O] [L] fils ait participé de façon effective à ladite exploitation au cours des cinq années précédant le décès du preneur.

Il ressort au demeurant de l'attestation en date du 23 octobre 2001 de la mutualité sociale agricole des Bouches du Rhône, versée aux débats par les consorts [P]-[G], que l'appelant a exploité la parcelle litigieuse « depuis le 1er janvier 1997 au moins ».

Il est donc établi que Monsieur [O] [L] est titulaire du droit au bail.

La lecture exhaustive de l'attestation susmentionnée de la mutualité sociale agricole révèle que depuis le 1er janvier 2001, la parcelle cadastrée section AN [Cadastre 1] est exploitée par l'EARL [Adresse 21].

Monsieur [O] [L] ne fournit aucune explication sur cet état de fait qui est pourtant révélateur d'une difficulté s'agissant de la condition requise par l'article L412-5 du code rural d'une exploitation du fonds par le preneur ou par sa famille.

En tout état de cause, à supposer qu'il puisse être considéré que l'appelant est bénéficiaire du droit de préemption, il lui appartient, en application des dispositions de l'article L412-8 du code rural, de démontrer qu'il a, dans le délai de deux mois à compter de la réception du courrier qui lui avait été transmis par Maître [D], fait connaître au propriétaire vendeur son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués.

Il convient de relever que l'appelant ne verse aux débats aucune pièce susceptible d'accréditer sa thèse selon laquelle Maître [D] aurait eu la qualité de mandataire des intimés.

Dès lors, l'envoi au notaire d'une lettre recommandée pour l'informer de son intention de faire valoir son droit de préemption ne peut pallier l'absence de notification aux co-indivisaires propriétaires de la parcelle.

Conformément aux dispositions de l'article L412-8 du alinéa 3 du code rural susvisé, le silence observé par le preneur équivaut à une renonciation au droit de préemption.

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce que l'appelant a été débouté de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité de propriétaire de ladite parcelle.

2) sur la demande reconventionnelle

a) sur l'exception d'incompétence soulevée par Monsieur [O] [L]

Il ressort de la lecture de ses conclusions de première instance que Monsieur [O] [L] n'avait soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance de Valenciennes au profit du tribunal paritaire des baux ruraux que dans l'hypothèse où les défendeurs auraient sollicité la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages.

Or, dès lors que les consorts [P]-[G] n'ont formé aucune prétention à ce titre, le tribunal n'a pas eu à examiner la pertinence de l'exception ainsi soulevée.

Il ne peut donc être reproché au premier juge une quelconque violation des dispositions de l'article 5 du code de procédure civile en vertu duquel le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L491-1 du code rural, les contestations entre preneurs et bailleurs de baux ruraux relèvent certes de la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux.

Cependant, dès lors que la cour est juridiction d'appel du tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes, territorialement compétent en raison du lieu de situation de l'immeuble, il convient, en application de l'article 79 du Code de Procédure Civile de statuer au fond.

b) sur le bien fondé de la demande des consorts [P]-[G]

Ainsi qu'il l'a été précédemment exposé, Monsieur [O] [L] est titulaire d'un droit au bail afférent à la parcelle litigieuse, en sa qualité de descendant du preneur, de sorte qu'il ne peut être considéré comme occupant sans droit ni titre de ladite parcelle.

Il convient par conséquent, infirmant de ce chef la décision entreprise, de débouter les consorts [P]-[G] et l'association ARIANE de leur demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion de l'appelant.

3) sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Tant Monsieur [O] [L] que les consorts [P]-[G] succombant en une partie de leurs prétentions, la charge des dépens, de première instance et d'appel, sera supportée à concurrence de la moitié par l'appelant d'une part et par les intimés d'autre part.

Les parties seront en outre déboutées de leurs demandes d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés tant en première instance que devant la cour.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement,

Rejette les fins de non recevoir tirées du défaut d'intérêt et de qualité à agir de Monsieur [O] [L], soulevées par les consorts [P]-[G] ;

Constate que la cour est juridiction d'appel du tribunal paritaire des baux ruraux de Valenciennes ;

Confirme le jugement dans ses dispositions non contraires au présent arrêt ;

L'infirme en ce qu'il a :

- ordonné à Monsieur [O] [L] de quitter et libérer la parcelle AN [Cadastre 7] sise à [Adresse 23] » ainsi qu'à toutes personnes l'occupant de son chef ;

- condamné Monsieur [O] [L] aux entiers dépens ;

Et, statuant à nouveau,

Déboute les consorts [P]-[G] de leur demande d'expulsion de Monsieur [O] [L] de la parcelle AN [Cadastre 7] sise à [Adresse 23] » ;

Dit que les dépens de première instance seront supportés à concurrence de la moitié par Monsieur [O] [L] d'une part et par les consorts [P]-[G] d'autre part ;

Y ajoutant,

Dit que les dépens d'appel seront supportés à concurrence de la moitié par Monsieur [O] [L] d'une part et par les consorts [P]-[G] d'autre part, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes d'indemnisation des frais, non compris dans les dépens, qu'elles ont exposés en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 09/02457
Date de la décision : 17/05/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°09/02457 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-05-17;09.02457 ?
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