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22/03/2010 | FRANCE | N°08/03406

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 22 mars 2010, 08/03406


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 22/03/2010



***



N° de MINUTE :



N° RG : 08/03406

Jugement (N° 06/04806) rendu le 24 Avril 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : JD/VR





APPELANTS



Monsieur [K] [D]

né le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 1]



S.A.R.L. P & B SHOP

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 2]



reprÃ

©sentés par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

assistés de Maître BIRONNEAU, avocat au barreau de LILLE







INTIMÉS



S.A. VOIX DU NORD

ayant son siège social [Adresse 10]. 549

[Localité 8]



représentée par la S...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 22/03/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/03406

Jugement (N° 06/04806) rendu le 24 Avril 2008

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/VR

APPELANTS

Monsieur [K] [D]

né le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 13]

demeurant [Adresse 7]

[Localité 1]

S.A.R.L. P & B SHOP

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 2]

représentés par la SCP CARLIER-REGNIER, avoués à la Cour

assistés de Maître BIRONNEAU, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉS

S.A. VOIX DU NORD

ayant son siège social [Adresse 10]. 549

[Localité 8]

représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

assistée de Maître Thomas DESCHRYVER, avocat au barreau de LILLE

Monsieur [V] [I]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 11]

Monsieur [C] [Z]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 9]

représentés par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

assistés de Maître Stéphanie MERCK, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Joëlle DOAT, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 18 Janvier 2010 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Mars 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 Janvier 2010

*****

M. [K] [D] a été agréé en 2001 par la société LA VOIX DU NORD pour exercer les fonctions de dépositaire central de presse pour le secteur géographique de [Localité 11], le dépôt étant exploité par la SARL P & B SHOP dont il était le gérant.

Par courrier en date du 29 juillet 2005, la société LA VOIX DU NORD a mis fin au contrat de M. [D] pour la date du 30 mars 2006.

Par acte d'huissier en date du 21 avril 2006, M. [K] [D] et la société P & B SHOP ont fait assigner la société LA VOIX DU NORD devant le tribunal de grande instance de LILLE, pour s'entendre dire que la rupture du contrat de dépositaire était abusive et solliciter l'octroi de dommages et intérêts, puis, par acte d'huissier en date du 29 janvier 2007, MM. [V] [I] et [C] [Z], dépositaires centraux de presse sur leur ancien secteur géographique, pour les voir condamner solidairement avec la société LA VOIX DU NORD à leur payer la somme de 207 787 euros à titre d'indemnité de clientèle.

Par jugement en date du 24 avril 2008, le tribunal a :

débouté M. [K] [D] et la société P & B SHOP de leurs demandes,

constaté que la somme de 121, 94 euros avait été réglée par M. [K] [D] de sorte que la société LA VOIX DU NORD renonçait à la demande formée de ce chef,

débouté la société LA VOIX DU NORD ainsi que MM. [V] [I] et [C] [Z] de leurs demandes respectives de dommages et intérêts,

condamné in solidum M. [K] [D] et la société P & B SHOP à payer à la société LA VOIX DU NORD la somme de 2000 euros et à MM. [V] [I] et [C] [Z] les sommes respectives de 1000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

M. [K] [D] et la société P & B SHOP ont interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour, le 19 mai 2008.

Dans leurs conclusions en date du 9 septembre 2009, ils demandent à la Cour :

d'infirmer le jugement,

de dire que la société LA VOIX DU NORD a engagé sa responsabilité contractuelle en rompant abusivement le contrat de dépositaire de M. [K] [D],

en conséquence, de condamner la société LA VOIX DU NORD à payer à ce dernier la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre les intérêts au taux prévu par l'article L 441-6 du code de commerce à compter de l'assignation,

de condamner la société LA VOIX DU NORD, M. [C] [Z] et M. [V] [I] in solidum à leur payer la somme de 207 787 euros à titre d'indemnité de connaissance de clientèle, outre les intérêts au taux prévu par l'article L 441-6 du code de commerce à compter de l'assignation,

de débouter la société LA VOIX DU NORD de ses demandes,

de la condamner ainsi que MM. [Z] et [I] au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [D] fait valoir que les parties sont liées par un mandat d'intérêt commun, qu'en effet, le dépositaire de presse est tenu d'entretenir et de développer un réseau de diffuseurs et vendeurs colporteurs de presse afin de permettre une plus grande distribution des journaux et d'assurer le développement des ventes , la rémunération du dépositaire étant fonction du nombre de journaux vendus et les journaux restant à tout moment la propriété des éditeurs, qui reprennent les invendus, que le dépositaire supporte cependant un risque financier puisque tout exemplaire invendu est exclusif de toute rémunération.

Il soutient qu'un tel mandat n'est pas révocable ad nutum au gré de l'une ou de l'autre des parties, qu'en tout état de cause, la résiliation unilatérale des conventions à durée indéterminée n'est admise que sous réserve de tout abus, qu'en l'espèce, les fautes qui lui sont reprochées ne sont pas établies.

Il affirme en effet qu'il n'a jamais refusé de participer à l'optimisation du système de distribution, notamment en ce qui concerne l'adaptation et l'utilisation du logiciel informatique, tandis que LA VOIX DU NORD connaissait les défaillances du système qu'elle avait imposé à son réseau de dépositaires et les difficultés rencontrées par ces derniers dans son utilisation.

Il fait observer qu'en réalité, LA VOIX DU NORD a tenté de lui imposer un nouveau contrat de dépositaire modifiant radicalement l'économie des relations entre les parties et ce, à son détriment, que la société a tenté d'imposer la signature de l'avenant litigieux sous couvert de la mise en place d'un nouvel outil de gestion étendu à l'ensemble du réseau de distribution, alors que le contrat qui lui a été soumis ne comporte aucune référence à un tel outil.

Il reconnaît avoir été contraint de recourir au procédé qui lui est reproché au sujet de l'opération 'up grade' qui permet au lecteur de suspendre son abonnement pendant les périodes de vacances, au motif que, dans les cas considérés, il n'était pas informé des demandes de suspension faites par les clients directement auprès du vendeur colporteur ou de l'éditeur, de sorte qu'il traitait le portage du journal selon le schéma habituel, précisant que cela ne s'est produit qu'occasionnellement et que le logiciel INFOS imposé par LA VOIX DU NORD ne permettait pas de gérer cette opération 'up grade'.

Il conteste ainsi la perte de confiance alléguée par LA VOIX DU NORD, estimant que cette dernière est à l'origine de cette situation.

Il considère qu'il a subi un préjudice moral.

Il invoque ensuite l'usage selon lequel le dépositaire cédant son activité a droit à une indemnité de clientèle mise à la charge du cessionnaire, outre le prix de cession des éléments matériels du dépôt de presse, indiquant que LA VOIX DU NORD intervient activement dans le cadre des opérations de cession, pour trouver ou approuver des cessionnaires et qu'elle est partie à des nombreux actes ou compromis de cession dont le prix comprend l'indemnité de connaissance de clientèle, de sorte qu'elle ne peut prétendre qu'elle serait étrangère à toute convention relative à une indemnité de connaissance de clientèle.

Il considère qu'en ne répondant pas à la lettre de mise en demeure que la P & B SHOP et lui-même lui avaient envoyée le 15 novembre 2005 afin que leur soient transmises les coordonnées du ou des repreneurs des tournées, LA VOIX DU NORD les a empêchés de céder leurs fichiers clients dans les conditions prescrites par les usages professionnels, tandis que LA VOIX DU NORD a entrepris de mettre en place des repreneurs qu'elle a nécessairement agréés avant même la date fixée pour la cessation de l'activité et sans les en informer de manière officielle, qu'il s'agit de MM. [Z] et [I] qui sont dès lors également redevables de l'indemnité de connaissance de clientèle.

M. [D] et la société P & B SHOP effectuent un calcul d'indemnité en opérant la moyenne du chiffre obtenu selon deux méthodes, l'évaluation selon les commissions perçues et l'évaluation selon le nombre de lecteurs et de journaux distribués.

Ils estiment que les affirmations de LA VOIX DU NORD en ce qui concerne l'activité de leur dépôt ne sont, ni démontrées, ni pertinentes.

Dans ses conclusions en date du 15 juin 2009, la société LA VOIX DU NORD demande à la Cour :

de la recevoir en son appel incident,

de confirmer le jugement sauf en ce qu'il ne lui a pas accordé de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l'action intempestive et infondée engagée à son encontre,

de débouter M. [D] et la société P & B SHOP de leurs demandes,

de les condamner in solidum à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LA VOIX DU NORD explique qu'elle diffuse ses journaux dans le secteur géographique de [Localité 11] par le biais d'un dépôt de presse lequel s'adjoint ensuite des vendeurs colporteurs, qu'un projet ayant vocation à réorganiser le système d'information de sa société a été engagé auquel M. [D] a refusé d'adhérer, que l'utilisation du système informatique par ce dernier a suscité de nombreuses difficultés et qu'il a refusé de signer l'avenant du contrat de dépositaire qui lui était soumis ainsi que , par voie de conséquence, la distribution envisagée sur le secteur de [Localité 12].

Elle affirme que la rupture des relations contractuelles était justifiée et que les prétentions indemnitaires formulées sont infondées, que le contrat litigieux ne peut être qualifié de mandat d'intérêt commun.

Elle soutient que le dépositaire a commis des fautes, et plus particulièrement un défaut d'organisation conforme en matière informatique, constitué par :

les difficultés de fonctionnement du système informatique,

l'absence de conformité de la gestion des opérations 'upgrade',

le refus de participation à la réorganisation du système d'information.

Elle ajoute qu'il a bénéficié d'un délai de préavis de huit mois qui lui a permis de se réorganiser.

Subsidiairement, elle s'oppose aux demandes d'indemnisation formées, faisant observer qu'elle est étrangère à toute convention relative à une indemnité de connaissance de clientèle, que celle-ci reste sa propriété, le lecteur étant attaché au journal et non à la personne du dépositaire, que, si une indemnité de connaissance de clientèle doit être réclamée, elle ne peut concerner que le dépositaire cédant et le dépositaire repreneur.

Elle précise qu'elle n'intervient, lors de la signatures d'actes de cession de dépôts que pour obtenir le reliquat des sommes qui lui sont dûes ou lorsqu'il est prévu la substitution du repreneur dans le paiement des créances dûes par le cessionnaire.

Elle fait ensuite observer que les modes d'évaluation présentés ne sont pas admissibles, rappelant que le secteur de [Localité 11] est un secteur rural à rentabilité moindre que celui de l'agglomération lilloise et que M. [D] a refusé le prix proposé par M. [Z], repreneur de son dépôt.

Dans leurs conclusions en date du 3 février 2009, MM. [V] [I] et [C] [Z] demandent à la Cour :

de confirmer le jugement sauf en ce qu'il ne leur a pas accordé de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par eux du fait de l'action abusive et infondée engagée à leur encontre,

de débouter M. [D] et la société P & B SHOP de l'intégralité de leurs demandes,

de les condamner à leur payer à chacun la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

de les condamner au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent qu'ils ne sauraient être redevables d'une quelconque indemnité de connaissance de clientèle envers M. [D] et la société P & B SHOP, qu'ils n'ont repris la distribution des journaux que parce que le secteur était 'vacant' du fait de la rupture du contrat entre M. [D] et LA VOIX DU NORD et qu'aucun contrat de cession n'a été signé.

Ils font observer par ailleurs que la somme réclamée est exorbitante, alors que le secteur était déjà organisé en 2001 lors de la reprise de l'activité par M. [D] et que, depuis, la clientèle n'a pas évolué à la hausse, puisque les ventes ont diminué sur le secteur.

SUR CE :

M. [K] [D] a été agréé en qualité de dépositaire de presse pour le secteur de [Localité 11] par la société LA VOIX DU NORD, avec effet à compter du 1er septembre 2001, sans qu'un contrat écrit ait été rédigé.

Il avait souscrit auprès de son prédécesseur. M. [S] [M], le 14 mai 2001, une ' vente du contrat de reconnaissance de clientèle incluant la distribution de la presse régionale pour les titres LA VOIX DU NORD auprès des sous-dépôts et de la clientèle en portage pour les communes dont la liste suit, pour la somme de 77 749 euros'.

M. [D] soutient que le contrat dont il bénéficiait et qui a été rompu par LA VOIX DU NORD doit être qualifié de mandat d'intérêt commun, que, dès lors, les dispositions de l'article 2004 du code civil qui permettent au mandant de révoquer sa procuration quand bon lui semble ne sont pas applicables, le mandat ne pouvant être révoqué par l'une ou même la majorité des parties intéressées, mais seulement de leur consentement mutuel ou pour une cause reconnue en justice ou enfin suivant les clauses et conditions spécifiées par le contrat.

Bien qu'aucun contrat écrit n'ait été signé entre LA VOIX DU NORD et M. [K] [D], il apparaît que M. [S] [M], le précédent dépositaire était, lui, titulaire d'un contrat en date du 23 mars 1998, dont il convient d'analyser les termes afin de déterminer la nature du mandat liant les parties.

La convention, après avoir rappelé en préambule qu'elle applique strictement les principes traditionnels de diffusion de la presse résultant des usages et rappelés notamment par le conseil supérieur des messageries de presse créé par la loi du 2 avril 1947, contient les stipulations suivantes :

le secteur est consenti sans exclusivité ;

la convention est révocable au gré de l'éditeur sans qu'il ait à indiquer de motif ni à payer d'indemnité, avec un préavis de 48 heures adressé au dépositaire par lettre recommandée avec accusé de réception ;

le dépositaire doit entretenir et développer un réseau de diffuseurs, exclusifs si nécessaire, qui acceptent de recevoir en dépôt des exemplaires du journal, de les présenter et de les vendre au public chaque jour de parution, moyennant reprise des exemplaires invendus ;

le dépositaire reprend aux diffuseurs les exemplaires invendus en bon état, les compte et les prépare pour reprise par l'éditeur ;

le dépositaire perçoit une remise sur tout exemplaire vendu.

Le mandat est d'intérêt commun lorsque les deux parties contribuent, par leurs activités réciproques et leur collaboration suivie à l'obtention et à l'accroissement d'un résultat qui est leur bien commun.

Même si le dépositaire central de presse a intérêt, tout comme l'éditeur, à voir augmenter le nombre d'exemplaires du journal portés et vendus, puisque sa rémunération en dépend directement, il ne constitue que l'un des intermédiaires de la vente et ne possède aucune maîtrise sur le nombre de journaux à distribuer qui lui sont remis par la société mandante, ni aucune indépendance réelle, en-dehors de l'organisation de son secteur et de son réseau, et que la clientèle qu'il est chargé de fidéliser et de développer est déjà existante et constitue la clientèle de l'éditeur et non la sienne propre.

Le mandat litigieux ne saurait en conséquence être qualifié de mandat d'intérêt commun, de sorte que, s'il avait fait l'objet d'une convention écrite semblable à celle du 23 mars 1998, il pouvait être révoqué à tout moment par la société LA VOIX DU NORD avec un délai de préavis de 48 heures et sans indemnité.

En l'absence de contrat écrit, il appartient au mandataire de prouver que son mandant a abusé de son droit de révocation et qu'il lui a causé un préjudice.

La société LA VOIX DU NORD a adressé à M. [K] [D], le 29 juillet 2005, une lettre de rupture du contrat rédigée en ces termes:

'Vous avez été tenu informé de la nécessité pour notre société d'adapter son système d'information; c'est dans ce contexte que notre société a décidé de se doter d'un outil permettant de capitaliser les informations détenues par l'ensemble des interlocuteurs des lecteurs; la mise en oeuvre d'un outil de gestion intégré ne peut faire coexister différents types de systèmes informatiques et s'inscrit naturellement dans une organisation uniformisée de la distribution.

Alors que notre société envisageait de vous faire participer à cette organisation, vous avez, dès le départ, puis de façon répétée, indiqué qu'en toute hypothèse, vous la refuseriez.

Ce refus, auquel s'ajoute une perte de confiance dans nos relations ces derniers temps, nous conduisent à vous indiquer que nous mettons un terme à nos relations contractuelles.

Indépendamment des règles et usages qui régissent les relations entre les éditeurs et les dépositaires, et qui nous permettraient de donner effet dans les 48 heures à la fin des relations, au regard de votre situation, nous vous informons que de façon tout à fait exceptionnelle, la rupture des relations sera effective à compter du 30 mars 2006, vous laissant ainsi un préavis de 8 mois'.

Cette lettre avait été précédée d'autres lettres, qui attestent notamment de la mauvaise utilisation par M. [K] [D] de son système informatique et de la dégradation des relations entre ce dernier et LA VOIX DU NORD, amorcée à compter de son refus de signer un contrat de dépositaire central de presse relatif au nouveau secteur géographique pour lequel son agrément était envisagé.

Par lettre en date du 24 janvier 2005, le directeur des ventes de LA VOIX DU NORD écrivait en effet à M. [D] que, sauf imprévu, la société LA VOIX DU NORD envisageait de lui donner son agrément pour la distribution de ses journaux sur le secteur de [Localité 12], à compter du 1er mars 2005, lequel se matérialiserait par un contrat de dépositaire qui serait signé avant cette date et lui rappelait que cet agrément ne pourrait lui être accordé que sous réserve qu'il passe en prélèvement automatique dans ses relations financières avec l'éditeur.

Dans son courrier du 25 février 2005, la société LA VOIX DU NORD a ensuite pris acte du refus de M. [D] de signer le contrat régissant l'activité de dépositaire sur le secteur de [Localité 12] et lui a confirmé qu'elle ne lui accordait pas l'agrément pour la distribution de ses titres sur ce secteur.

Puis, le 22 juin 2005, LA VOIX DU NORD a écrit à M. [D] que son service informatique et la société FOCAL(société de maintenance) l'avaient alertée sur les difficultés de fonctionnement de son matériel informatique, précisant que les incidents à répétition lui faisaient prendre un risque dans la fiabilité et la régularité des données qu'il devait lui communiquer et que l'accumulation de problèmes faisait qu'il avait également dépassé de quatre heures le quota de temps qui lui était attribué pour la maintenance de son système INFOS, puisque six heures étaient prévues annuellement et qu'il avait utilisé 10 heures en six mois souvent pour reconstituer des données altérées par ses incidents, que ces dépassements seraient facturés.

La société LA VOIX DU NORD ajoute dans sa lettre qu'à plusieurs reprises, il a été demandé à M. [D] de faire vérifier son système par son fournisseur et qu'elle lui demande de faire le nécessaire auprès de celui-ci pour que son matériel permette un usage du logiciel INFOS dans des conditions normales.

Le 23 juin 2005, LA VOIX DU NORD a été avisée par un représentant de la société de maintenance informatique FOCAL de ce que M. [D] ne respectait pas le système prévu par l'éditeur en ce qui concerne la suspension de portage pendant les vacances, qu'en effet, si le client souhaitait une suspension de portage sans abonnement vacances, le dépositaire ne déclarait pas la suspension de portage dans INFOS et qu'il appliquait une autre méthode, dont les conséquences étaient les suivantes: chiffres de vente faux, exemplaires doublement remboursés, perturbations sur la période de consolidation des clients.

LA VOIX DU NORD a alors écrit à M. [D] pour lui demander des explications sur ce procédé, le 5 juillet 2005.

En dernier lieu, une lettre du directeur des ventes de LA VOIX DU NORD en date du 22 juillet 2005 a récapitulé à M. [D] la situation suivante: 'nous nous sommes réunis le 20 juillet dans mon bureau; lors de cette réunion, vous avez rappelé votre refus de participer à la réorganisation du système d'informations de LA VOIX DU NORD en confirmant votre refus de signer l'avenant du contrat de dépositaire, déjà plusieurs fois exprimé. Vous avez d'ailleurs à nouveau précisé que vous ne souhaitiez plus jamais signer aucun document avec LA VOIX DU NORD.'

Il est versé aux débats un compte-rendu d'entretien en date du 7 juin 2005, qui fait état d'un entretien très tendu entre les responsables de LA VOIX DU NORD et M. [D], ce dernier ayant tenu les propos suivants: ' je n'ai pas de temps à passer à l'informatique, je reste à la méthode ancienne', la conclusion du compte-rendu étant qu'il s'agit d'un dépositaire se projetant très difficilement dans le nouveau système.

Aux termes d'une lettre postérieure à la rupture datée du 11 juillet 2006, la société de maintenance informatique OSTALIS déclare qu'un nombre important d'anomalies faisaient suite soit à une défaillance machine, soit à une erreur de manipulation, qu'elle avait plusieurs fois conseillé à M. [D] de faire vérifier son poste de travail, tant sur le plan de la configuration système que sur le plan du matériel mais qu'au vu des problèmes récurrents, elle était persuadée que rien n'avait été fait dans ce sens, qu'elle avait également remarqué que le dépositaire ne respectait pas systématiquement les procédures de travail et d'utilisation du logiciel INFOS.

Au vu de ces éléments, il n'est pas établi que les défaillances informatiques résultaient du logiciel lui-même, ni que M. [D] comme il le soutient, n'aurait pas été le seul à connaître ces dysfonctionnements.

Dans ce contexte de difficultés rencontrées par M. [D] afin d'exécuter son contrat en se conformant aux souhaits d'efficacité informatique, de fiabilité des informations et de réorganisation du système de distribution, puisque selon le cahier des charges annexé au projet de contrat qui avait été soumis à ce dernier pour l'agrément du secteur de [Localité 12], il est indiqué que le dépositaire central de presse est un chef d'entreprise qui doit, dans le cadre du contrat de mandat qui lui est concédé et de ses obligations vis à vis de ses marchands, optimiser les ventes dans son réseau et rendre compte de son activité à son mandant, qu'il se doit de mettre en oeuvre une organisation de nature à garantir une mise à disposition rapide des journaux et d'assurer une qualité de service optimale envers son réseau comme envers l'éditeur, notamment grâce à un équipement informatique qui lui permette de transmettre quotidiennement à l'éditeur des statistiques de vente commune par commune, de communiquer à l'éditeur les carnets de tournées mis à jour et de fournir au plus tôt les éléments indispensables à la bonne gestion de l'Association Sociale, la société LA VOIX DU NORD a pu, sans commettre de faute, alléguer une perte de confiance à l'égard de son dépositaire central de presse et révoquer le mandat.

La demande en dommages et intérêts formée en réparation de son préjudice moral à l'encontre de la société LA VOIX DU NORD par M. [K] [D] doit en conséquence être rejetée.

M. [K] [D] et la société P & B SHOP, laquelle exploitait le dépôt central de presse, considèrent qu'une indemnité de présentation de clientèle leur est dûe, in solidum, par la société LA VOIX DU NORD et les deux dépositaires de presse qui ont repris leur secteur géographique d'activité, MM. [I] et [Z].

Une indemnité de présentation de clientèle peut certes être négociée entre le dépositaire partant et le dépositaire arrivant.

Tel a été le cas le 14 mai 2001 quand M.[K] [D] a repris l'activité de dépositaire de M. [S] [M].

Il résulte cependant des usages de la profession, ainsi qu'il l'a été rappelé plus haut, et la clause correspondante étant insérée dans tous les contrats écrits, que la convention est révocable au gré de l'éditeur sans qu'il ait à indiquer de motif ni à payer d'indemnité, ce dont il résulte que le paiement d'une telle indemnité n'incombe pas à l'éditeur, étant observé au surplus que la cessation d'activité de M. [K] [D] lui a été imposée par LA VOIX DU NORD au motif d'une perte de confiance.

L'examen des contrats de cession auxquels la société LA VOIX DU NORD s'est trouvée partie permet de démontrer par ailleurs que, dans tous les cas considérés, le cédant était redevable de sommes envers l'éditeur, lequel n'est intervenu que pour se voir attribuer les indemnités de connaissance de clientèle librement convenues entre le cédant et le cessionnaire.

MM. [I] et [Z] ont quant à eux été agréés par LA VOIX DU NORD pour exercer l'activité de dépositaire de presse sur le secteur géographique de [Localité 11].

Dans la mesure où le contrat de dépositaire dont bénéficiaient M. [D] et la société P & B SHOP a été rompu par la société LA VOIX DU NORD, qu'il n'y a pas eu de cession entre M. [D], d'une part, MM. [Z] et [I], d'autre part, ni d'engagement pris par ces derniers et accepté par M. [D] quant au versement d'une telle indemnité, que l'indemnité de connaissance de clientèle, qui n'est qu'un usage, procède d'accords conclus librement entre les parties intéressées, la demande tendant à voir condamner MM. [Z] et [I] au paiement de la somme de 207 787 euros à ce titre doit être rejetée.

Il n'est pas démontré que M. [K] [D] et la société P & B SHOP ont commis une faute en introduisant la présente procédure en première instance, puis en appel, alors qu'ils pouvaient estimer avoir subi un préjudice résultant de la rupture du contrat dont ils contestaient le bien-fondé.

Les intimés seront déboutés de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Le jugement doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions y compris celles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile..

Pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. [K] [D] et de la société P & B SHOP, bien qu'ils succombent en leur recours, les frais irrépétibles d'appel supportés par les trois intimés.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement ;

CONDAMNE M. [K] [D], in solidum avec la société P & B SHOP aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par la SCP COCHEME LABADIE COQUERELLE et la SCP THERY LAURENT, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société LA VOIX DU NORD, MM. [V] [I] et [C] [Z] de leurs demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le Greffier,Le Président,

Nicole HERMANTEvelyne MERFELD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/03406
Date de la décision : 22/03/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/03406 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-22;08.03406 ?
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