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15/03/2010 | FRANCE | N°08/01761

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 15 mars 2010, 08/01761


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 15/03/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/01761



Jugement (N° 06/3193)

rendu le 04 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE



REF : EM/AMD





APPELANTE



Madame [F] [L]

née le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]



Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Ayant pour conseil la SCP LE

LEU DEMONT HARENG, avocats au barreau de BETHUNE





INTIMÉS



Monsieur [W] [H]

né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 12]

Madame [P] [X] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9]

demeurant [A...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 15/03/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/01761

Jugement (N° 06/3193)

rendu le 04 Décembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de BETHUNE

REF : EM/AMD

APPELANTE

Madame [F] [L]

née le [Date naissance 4] 1941 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par la SCP THERY-LAURENT, avoués à la Cour

Ayant pour conseil la SCP LELEU DEMONT HARENG, avocats au barreau de BETHUNE

INTIMÉS

Monsieur [W] [H]

né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 12]

Madame [P] [X] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 9]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 7]

Représentés par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Ayant pour conseil Maître Jean Pierre COLPAERT, avocat au barreau de BETHUNE

DÉBATS à l'audience publique du 25 Janvier 2010 tenue par Evelyne MERFELD magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Monique MARCHAND, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 15 Mars 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 05 janvier 2010

*****

Suivant actes notariés du 1er juin 2005 Madame [F] [L] a vendu à Monsieur [W] [H] et à son épouse, Madame [P] [X], un fonds de commerce de débit de boissons - salle de réception exploité à [Adresse 11] moyennant le prix de 76 230 euros et l'immeuble abritant ce fonds de commerce, moyennant le prix de 137 200 euros.

Le 13 juillet 2006 les époux [H] ont fait assigner Madame [L] devant le Tribunal de Grande Instance de Béthune pour voir :

- prononcer la nullité des deux actes de cession en date du 1er juin 2005 sur le fondement des articles 1116 et suivants et 1304 du code civil et dire que les parties seront remises en l'état antérieur,

- condamner Madame [L] à leur verser la somme de 100 000 euros sauf à parfaire à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Ils exposaient que le vendeur a déclaré dans l'acte de cession du fonds de commerce au paragraphe 'Hygiène, salubrité et sécurité' n'être sous le coup d'aucune injonction particulière et que le fonds est aux normes d'hygiène et de sécurité des biens et des personnes en vigueur, alors qu'à l'occasion d'une visite de contrôle le 21 septembre 2005 la commission de sécurité et d'accessibilité de l'arrondissement de [Localité 13] a émis un avis défavorable à l'exploitation du fonds de commerce et qu'une étude réalisée en avril 2006 par l'APAVE met en évidence que l'isolation sonore de la salle de réception n'est pas conforme à la législation en vigueur. Ils soutenaient avoir été victimes d'un dol puisqu'ils se retrouvent à la tête d'un établissement partiellement inexploitable, à la rentabilité déséquilibrée par rapport à ce qu'ils pouvaient espérer, avec l'obligation de réaliser des travaux coûteux.

Madame [L] a demandé au Tribunal de Grande Instance de Béthune de se déclarer incompétent au profit de la chambre commerciale de cette juridiction et subsidiairement de débouter les époux [H] de leurs demandes faisant valoir qu'elle n'exploitait quasiment plus la salle de réception, que les actes de cessions contiennent des clauses de renonciation des acquéreurs à tout recours contre le vendeur pour ce qui concerne l'état des locaux, la réglementation en matière d'hygiène, de salubrité et de sécurité, l'état des constructions et les vices de toute nature, que la simple inexactitude due à une clause de style rédigée par un notaire dont l'effet est anéanti par toutes les autres mentions exonératoires ne peut constituer une manoeuvre dolosive, que le fonds n'est affecté d'aucune interdiction d'exploiter même s'il doit faire l'objet de vérifications et d'améliorations.

Par jugement du 4 décembre 2007 le Tribunal a :

- rejeté l'exception d'incompétence,

- rejeté la demande de nullité des actes de cession sur le fondement du dol,

- condamné Madame [L] à verser à Monsieur et Madame [H], sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamner Madame [L] aux dépens et à verser aux époux [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont relevé que la déclaration de Madame [L] figurant à l'acte de cession du fonds de commerce selon laquelle son fonds est actuellement aux normes d'hygiène et de sécurité est inexacte mais qu'il n'est pas établi que Madame [L] ait fait cette déclaration dans le but de tromper les acquéreurs ni même qu'elle avait eu conscience du caractère erroné de sa déclaration et qu'en conséquence le dol n'est pas établi. En revanche ils ont considéré que la faute commise par Madame [L] en affirmant dans l'acte que l'établissement répondait aux normes en matière d'hygiène et de sécurité sans le faire vérifier engageait sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Madame [L] a interjeté appel de ce jugement le 10 mars 2008. Les époux [H] ont relevé appel incident.

Par conclusions du 15 septembre 2009 Madame [L] demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux [H] de leur action en nullité pour dol et de l'infirmer en ce qu'il l'a condamnée au paiement de dommages-intérêts pour faute délictuelle soutenant notamment :

- que l'acquéreur a attesté connaître la réglementation en matière d'hygiène et sécurité et vouloir en faire son affaire personnelle, qu'il a renoncé à tout recours,

- qu'il n'existe aucune violation des normes d'hygiène ou de salubrité, que l'avis défavorable de la commission de contrôle est motivé par l'absence d'isolement de la chaufferie (qui relève de l'immeuble et non du fonds), l'absence de vérification des installations techniques et de secours (qu'il appartient au repreneur de solliciter),

- qu'elle n'a pas vendu une salle de spectacle ou une discothèque de sorte que la salle de réception n'est pas concernée par la réglementation applicable aux locaux diffusant à titre habituel de la musique amplifiée,

- que les époux [H] ne justifient d'aucun préjudice.

Elle se porte demanderesse d'une somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive qui, selon elle, stigmatise plus un chantage qu'une discussion juridique et d'une indemnité de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 1er décembre 2009 les époux [H] demandent à la Cour de réformer le jugement, d'accueillir leur action en nullité pour dol, de dire que les parties seront remises en l'état antérieur et de condamner Madame [L] à leur verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial.

Ils soutiennent :

- que Madame [L] qui exploitait le fonds de commerce depuis 1972, soit depuis 33 ans, ne pouvait, par son expérience professionnelle, ignorer que son établissement n'était pas aux normes,

- que l'argumentation de Madame [L] selon lequel elle aurait vendu 'un petit café en l'état' est inopérante dès lors que la salle de réception était incluse dans la vente et que le fonds a été vendu pour un prix significatif,

- que cette double activité du fonds de commerce était importante car ils souhaitaient non seulement continuer l'activité de débit de boissons mais également de développer l'activité réception en profitant de la quasi absence de salle de réception sur [Localité 10],

- que le dol a été déterminant dans leur consentement.

Subsidiairement pour le cas où la Cour ne retiendrait pas le dol ils demandent la confirmation de la condamnation de Madame [L] sur le fondement de l'article 1382 du code civil mais la réformation sur le quantum des dommages-intérêts sollicitant qu'ils soient portés à la somme de 138 257,60 euros, frais de mise aux normes des locaux selon devis de la société TECHNICOLD et à celle de 100 000 euros pour préjudice commercial compte tenu notamment des pertes d'exploitation, des difficultés de remboursement des prêts et des indemnités de remboursement anticipé.

Ils se portent demandeurs d'une somme de 4 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE :

Attendu que le rejet de l'exception d'incompétence n'est pas remis en cause devant la Cour ;

Attendu que l'acte de vente du fonds de commerce conclu le 1er juin 2005 entre Madame [L] et les époux [H] stipule :

Etat du fonds

Il (l'acquéreur) prendra le fonds et ses accessoires... dans leur état actuel sans pouvoir élever aucune réclamation ni demander aucune réduction du prix ci-après fixé, pour quelque cause que ce soit, notamment pour cause de vétusté ou de dégradation des objets matériels et éventuellement des marchandises dépendant dudit fonds de commerce ou de mauvais état des locaux dans lesquels est exploité ledit fonds.

Hygiène, salubrité et sécurité

L'acquéreur reconnaît être informé de l'obligation qui lui incombe de se soumettre à la réglementation en vigueur à l'hygiène, à la salubrité, à la sécurité et aux injonctions des commissions d'hygiène et de sécurité ; il déclare vouloir faire son affaires personnelle desdites réglementations et prescriptions, sans recours contre quiconque et quelqu'en soient les conséquences à ses frais, risques et périls.

Le vendeur déclare, de son côté, n'être sous le coup d'aucune injonction particulière, son fonds est actuellement aux normes d'hygiène et de sécurité des biens et des personnes en vigueur.

Attendu que l'acte de vente de l'immeuble conclu le même jour comporte une clause de non garantie du vendeur 'pour les vices de toute nature, apparents ou cachés' ;

Attendu qu'après visite de contrôle le 21 septembre 2005 la commission de sécurité et d'accessibilité de l'arrondissement de [Localité 13] a émis un avis défavorable à l'exploitation du fonds de commerce acquis par les époux [H] en raison de l'absence d'isolement de la chaufferie, l'absence de vérification des installations de gaz, chauffage, électricité et de l'absence d'extincteurs et d'alarme ; qu'elle a préconisé en vertu de l'arrêté du 22 juin 1990 :

- l'isolation de la chaufferie par une paroi coupe-feu de degré une heure et par un bloc porte coupe feu de degré une demi-heure,

- l'installation d'extincteur et d'une alarme,

- la vérification des installations de gaz, chauffage et électricité ;

Attendu que par ailleurs, invités par courrier en date du 22 juin 2005 de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales, visant le décret du n° 98-1143 du 15 décembre 1998, les époux [H] ont fait réaliser une étude d'impact des nuisances sonores de la salle de réception par l'APAVE en avril 2006 ; qu'il résulte de cette étude, analysée par le technicien de la DDASS le 10 novembre 2006 que la salle de réception est inexploitable actuellement et que des travaux d'insonorisation sont nécessaires pour fonctionner dans des conditions acceptables ;

Attendu que les premiers juges en ont donc déduit à juste titre que la déclaration de Madame [L] figurant à l'acte de cession du fonds de commerce (qui portait sur les deux activités de débit de boissons et salle de réception) selon laquelle le fonds est actuellement aux normes d'hygiène et de sécurité des biens et des personnes en vigueur est inexacte ;

1°) sur le dol

Attendu que les actes de vente comportant des clauses excluant la garantie du vendeur, les acquéreurs, pour obtenir l'annulation des ventes, invoquent le dol ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1116 du code civil le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé ;

Attendu que cette preuve ne peut résulter du seul fait que Madame [L] exploitait le fonds depuis 33 ans ; qu'elle avait réalisé au cours des quatre exercices précédant la cession un chiffre d'affaires moyen TTC de 64 848,75 euros, ce qui conforte son affirmation selon laquelle elle n'exploitait pas la salle de réception ; qu'elle affirme sans être démentie que les pouvoirs publics ne se sont pas intéressés à

la conformité de son établissement aux normes de sécurité et d'hygiène avant la vente et qu'elle n'a jamais été sous le coup d'une quelconque injonction de mise en conformité ; qu'il n'est donc pas démontré qu'elle savait que le fonds qu'elle vendait n'était pas conforme ;

que les époux [H] sur qui pèse la charge de la preuve de l'intention dolosive ne justifient pas plus en cause d'appel que devant le Tribunal que la simple déclaration de Madame [L] dans l'acte de vente que le fonds répondait aux normes d'hygiène et de sécurité a été faite dans l'intention de les tromper pour les amener à contracter ;

qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demande sur le fondement du dol ;

2°) sur l'article 1382 du code civil

Attendu que bien qu'elle ne soit pas volontaire la déclaration erronée de Madame [L] sur la conformité de son fonds de commerce aux normes d'hygiène et de sécurité est fautive car il appartient au vendeur de se renseigner sur l'état de la chose vendue ; que cette faute s'analyse en un manquement à l'obligation d'information qui est de nature pré-contractuelle et permet donc une recherche de responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

Attendu cependant que le préjudice qui peut être réparé sur ce fondement quasi délictuel doit être distinct de celui résultant de l'exécution du contrat ;

qu'ainsi les époux [H] ne peuvent, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, demander réparation d'un préjudice commercial résultant de la non exploitation de la salle de réception ou la prise en charge du coût des travaux de mise en conformité ; qu'ils ne peuvent pas davantage solliciter le paiement des indemnités de remboursement anticipé des prêts puisque les ventes n'ont pas été annulées ;

Attendu que le préjudice lié au défaut d'information sur l'état du fonds de commerce au regard des normes d'hygiène et de sécurité est constitué par la perte de chance pour les acquéreurs d'avoir pu contracter dans des conditions moins onéreuses ou de ne pas avoir contracté ; que force est de constater que ce n'est pas un tel préjudice que les époux [H] ont caractérisé dans leurs conclusions ; que le juge ne peut se substituer aux parties pour accorder réparation d'un dommage qui n'est pas invoqué;

qu'il convient d'infirmer le jugement et de débouter les époux [H] de leur demande de dommages-intérêts ;

***

Attendu que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute ; que Madame [L] sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

que de même il n'est pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence et débouté les époux [H] de leur action fondée sur le dol,

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déboute Monsieur et Madame [H] de leur demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civile,

Déboute Madame [L] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne Monsieur et Madame [H] aux dépens de première instance et d'appel avec, pour les dépens d'appel, droit de recouvrement direct au profit de la SCP THERY LAURENT, avoués,

Déboute Madame [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/01761
Date de la décision : 15/03/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/01761 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-15;08.01761 ?
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