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01/03/2010 | FRANCE | N°08/06108

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 01 mars 2010, 08/06108


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 01/03/2010



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/06108



Jugement (N° 03/5363)

rendu le 16 Février 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE



REF : JD/AMD





APPELANTE



S.AR.L. SPRIET à l'enseigne 'L'Auberge de la Forge'

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Maître Daniel ZIM

MERMANN, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES



S.A.R.L. LE BELIER

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistée de Maître Gérald MALLE, av...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 01/03/2010

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/06108

Jugement (N° 03/5363)

rendu le 16 Février 2007

par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : JD/AMD

APPELANTE

S.AR.L. SPRIET à l'enseigne 'L'Auberge de la Forge'

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour

Assistée de Maître Daniel ZIMMERMANN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES

S.A.R.L. LE BELIER

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour

Assistée de Maître Gérald MALLE, avocat au barreau de LILLE

S.C.I. BB2

ayant son siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués à la Cour

Assistée de Maître Jean François PETIGNY, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS à l'audience publique du 07 Janvier 2010 tenue par Joëlle DOAT magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 du Code de Procédure Civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Joëlle DOAT, Conseiller

Monique MARCHAND, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2010 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président et Nicole HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 octobre 2009

*****

La SARL SPRIET a acquis en 1999 un fonds de commerce de restauration à l'enseigne l'Auberge de la Forge, exploité dans des locaux appartenant à la SARL LE BELIER, situés à [Localité 4], [Adresse 5].

Un nouveau bail commercial a été signé le 11 mars 2002 entre la société LE BELIER et la société SPRIET, à effet du 1er janvier 2002, comprenant un pacte de préférence au profit du locataire en cas de vente de l'immeuble.

Par acte en date du 8 janvier 2002, la SARL LE BELIER a consenti à la SCI BB2 une promesse synallagmatique de vente sur cet immeuble et la vente a été réitérée par acte authentique en date du 7 novembre 2002.

Par acte d'huissier en date du 13 juin 2003, la SARL SPRIET a fait assigner la SARL LE BELIER et la SCI BB2 devant le tribunal de grande instance de LILLE aux fins d'annulation de cette vente.

Par jugement en date du 16 février 2007, le tribunal a débouté la société SPRIET de ses prétentions, les sociétés LE BELIER et BB2 de leurs prétentions et condamné la société SPRIET aux dépens.

Le tribunal a dit qu'il ne pouvait être question de violation du pacte de préférence, celui-ci étant inclus dans un contrat postérieur à la promesse, tandis que la vente pouvait être considérée comme parfaite le 8 janvier 2002 (date de la promesse synallagmatique de vente), que le contrat était constitutif d'une situation de fait dont nul ne pouvait méconnaître l'existence et qu'il n'y avait pas d'incohérence entre le principe selon lequel la promesse de vente valait vente et le fait que la société LE BELIER ait pu signer postérieurement au compromis un contrat de bail puisque les dispositions de la promesse de vente prévoyaient un transfert de propriété à la date de signature de l'acte authentique.

La société SPRIET a interjeté appel de ce jugement, par déclaration remise au greffe de la Cour, le 1er mars 2007.

Dans ses conclusions en date du 3 avril 2009, la société SPRIET demande à la Cour:

- d'infirmer le jugement

statuant à nouveau,

- de prononcer l'annulation de la vente immobilière en date du 7 novembre 2002 entre la SARL LE BELIER et la SCI BB2, portant sur l'immeuble situé à [Adresse 5], cadastré section MD n° [Cadastre 2] pour une contenance de 28 ares 35 centiares

- de dire qu'elle-même sera substituée dans les droits de l'acquéreur évincé pour le prix principal à sa charge de 76 224, 51 euros

- de condamner solidairement la société LE BELIER et la SCI BB2 :

à supporter l'intégralité des frais notariés et de publicité foncière entraînés par l'annulation de la vente de l'immeuble passée entre elles, et par le transfert de propriété en sa faveur

à lui rembourser la totalité des loyers, charges et frais de gestion indûment payés par elle depuis le 7 novembre 2002, totalisant au 31 mars 2008 la somme de 94 905, 94 euros, et qu'elle aura payés du 1er avril 2008 jusqu'à parfaite exécution de l'arrêt, outre le dépôt de garantie actualisé

et ce, avec intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de la date de chacun des paiements opérés par elle

- de dire que les intérêts dûs au moins pour une année entière seront capitalisés, en application de l'article 1154 du code civil

- d'ordonner la suppression de la publication aux hypothèques de l'assignation délivrée par la SCI BB2 le 23 mars 2005

- subsidiairement, de condamner solidairement la société LE BELIER et la SCI BB2 à lui payer, à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1142 du code civil, la somme de 120 000 euros

- de condamner solidairement ces deux sociétés à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- de les débouter de l'intégralité de leurs demandes.

La société SPRIET fait valoir que l'efficacité du pacte de préférence est régie par la date d'effet du bail, la date de signature du bail étant à cet effet inopérante, et elle rappelle que la situation d'occupation de l'immeuble était bien mentionnée à l'acte authentique de vente du 7 novembre 2002, de sorte que la SCI BB2 ne peut prétendre avoir eu révélation du pacte de préférence que par son assignation, qu'en tout état de cause, c'est M. [W], déclarant diriger les deux sociétés, qui est le rédacteur du pacte, qu'il existait une collision frauduleuse entre le vendeur et l'acheteur pour l'évincer.

Elle affirme qu'elle n'a jamais été mise au courant du projet de vente.

Elle soutient que la promesse de vente rédigée sous seing privé et non publiée n'a pas date certaine et qu'il est rapporté la preuve de ce que le bail et le pacte de préférence précédaient nécessairement la promesse, au regard des stipulations qui y figurent, que la SCI BB2 connaissait parfaitement son intention d'acheter.

Elle fait observer que l'obligation d'information du preneur figure bien dans le pacte de préférence et qu'elle n'a pas été respectée.

La société ajoute que l'instance en annulation de vente introduite par la SCI BB2 est périmée et que la demande de sursis à statuer est dès lors sans objet.

Elle indique qu'en conséquence de la nullité, le possesseur de mauvaise foi est tenu à la restitution des fruits, en l'espèce les loyers et charges, en application de l'article 550 du code civil.

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour devait estimer que la violation du pacte de préférence ne pouvait que se résoudre en dommages-intérêts par application de l'article 1142 du code civil, elle évalue son préjudice en tenant compte de son évincement d'un bien évalué selon les intimées à 160 000 euros et de la contrainte de rester tenue aux obligations onéreuses de son bail.

Dans ses conclusions en date du 4 décembre 2008, la société LE BELIER demande à la Cour:

- de confirmer le jugement

- de débouter la société SPRIET de toutes ses demandes

à défaut,

- de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du Tribunal de Grande Instance de Lille à intervenir entre la SCI BB2 et elle-même sur l'action en résolution de vente

plus subsidiairement et reconventionnellement,

- de condamner la société SPRIET à lui payer la somme de 84 000 euros à titre de dommages et intérêts

- sur les comptes à effectuer, de faire application des articles 1378 à 1381 du code civil

- de débouter en conséquence la société SPRIET de ses demandes concernant les loyers, charges et frais de gestion

- de désigner un expert pour faire le décompte entre les parties, notamment au visa de l'article 1381 du code civil, pour chiffrer les travaux de rénovation de l'immeuble effectués depuis le 7 novembre 2002

- de condamner la société SPRIET au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LE BELIER explique qu'elle acquis l'immeuble litigieux de Mme [J], laquelle, avant la régularisation de l'acte authentique, avait autorisé la cession du fonds de commerce du preneur en place à la société SPRIET, ainsi que la réalisation de travaux d'agencement et de rénovation, qu'en raison des difficultés présentées par le bail commercial en cours, une entrevue entre la société SPRIET et elle-même a eu lieu le 2 janvier 2002, au cours de laquelle les accords suivants sont intervenus:

- abandon par elle de toute demande d'exécution des travaux sur la base de l'article 606 du code civil contre le preneur

- exécution des travaux dès modification du bail par le propriétaire avec maintien pour l'avenir de la charge des travaux de l'article 606 du code civil sur le preneur

- fixation du nouveau loyer à la somme de 72 000 F (10 973, 33 euros) par an avec diminution les trois premières années à 60 000 F (9146, 94 euros) hors indexation

Elle précise que, cependant, pour des considérations fiscales, l'immeuble ayant été acquis par elle sous le régime des marchands de biens, et pour permettre le financement des travaux, l'immeuble étant en mauvais état, il fallait que celui-ci soit intégré à une SCI, ce qui explique, d'une part qu'il ait été rédigé le même jour, 2 janvier 2002, un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire autorisant la SARL LE BELIER appartenant à la même personne que la SCI BB2 à procéder à l'acquisition de cet immeuble moyennant le prix de 76 224, 51 euros, d'autre part que la promesse synallagmatique de vente ait été signée le 8 janvier 2002, qu'il était nécessaire, en effet, pour l'étude du dossier de financement, que le nouveau bail et le nouveau montant du loyer soient connus de la banque.

La société LE BELIER soutient que la vente doit être considérée comme parfaite entre la SCI BB2 et elle-même dès la signature de la promesse synallagmatique de vente, soit le 8 janvier 2002, que, le pacte de préférence étant postérieur à cette date, il ne peut lui être reproché d'en avoir méconnu les termes.

Elle précise que, bien que non authentique, la promesse synallagmatique a été rédigée par ministère de notaire, le notaire ayant attesté de la sincérité de la date de l'acte, que la déclaration de la société BB2 quant au financement de l'achat ne fait qu'établir qu'à la date du 8 janvier 2002, elle avait obtenu l'accord de principe et les fonds propres nécessaires à cette opération, que la publication de la promesse n'est pas exigée par le texte pour sa validité, seule l'offre acceptée devant l'être.

Elle observe que le bail souscrit par la société SPRIET ne comporte pas de rétroactivité quant à son application, que le bail ayant été signé après la vente, la clause comprenant le pacte de préférence ne s'applique pas rétroactivement, que, par ailleurs, la commune intention des parties n'a pu être de faire profiter la société SPRIET d'un droit de substitution dans la vente prévue dans le schéma général de réalisation des travaux.

Subsidiairement, elle estime que la clause relative au pacte de préférence doit être interprétée de manière stricte et littérale, et que, les modalités d'information du preneur n'étant pas définies à l'acte, cette information pouvait être dispensée par tous moyens, que, s'agissant de sociétés commerciales, la preuve de l'information est libre et appartient à celui qui l'invoque, que les attestations qu'elle verse aux débats permettent d'établir que le preneur a été informé depuis la date de signature du bail et en tout état de cause depuis le 15 février 2002 de l'existence de cette vente, mais qu'il n'a pas souhaité, dans le délai d'un mois à compter de cette information, faire valoir le pacte de préférence.

Elle déclare que l'action en résolution de vente engagée par la SCI BB2 n'est pas atteinte par la péremption, que le sursis à statuer s'impose d'autant plus que cette société a fait publier son assignation.

Elle ajoute que l'action engagée par la SCI BB2 ne saurait être interprétée comme un acquiescement de sa part aux demandes visant à l'efficacité du pacte de préférence, que la société SPRIET est de mauvaise foi puisqu'elle lui a laissé croire ainsi qu'à la SCI BB2 qu'elle avait intérêt à obtenir un pacte de préférence uniquement pour

l'avenir, puis, compte-tenu de la rédaction obtenue par elle, qu'elle tente à présent d'obtenir un avantage indû, que le préjudice subi correspond à la revente d'un immeuble sans marge malgré l'augmentation de la valeur de l'immeuble.

Elle précise que, la SCI BB2 étant de bonne foi, elle ne saurait être tenue au remboursement des loyers et des charges, Elle précise que l'article 550 du code civil ne permet aucune restitution, que le fondement susceptible d'être invoqué serait celui de l'article 549 du même code, lequel est inapplicable puisqu'elle n'est pas possesseur mais propriétaire, que l'acquéreur ne devient possesseur de la chose d'autrui qu'après l'annulation de la vente, que, jusqu'à la décision à intervenir, le seul fondement juridique permis est celui de la restitution de l'indû, qu'en outre, les loyers payés l'ont été non pas du fait de la possession de l'immeuble en l'état où il se trouvait, mais du fait des améliorations et de la conservation de l'immeuble effectuées par l'acquéreur, de sorte qu'ils ne sont ni répétibles, ni restituables.

Par conclusions en date du 1er décembre 2008, la SCI BB2 demande à la Cour:

- de confirmer le jugement

- subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir sur l'annulation ou la résolution de la vente critiquée

- très subsidiairement, de débouter la société de ses demandes concernant les loyers, charges et frais de gestion.

La SCI BB2 rappelle qu'entre la date de signature de la promesse synallagmatique de vente à son profit, le 8 janvier 2002, et la date de réitération de la vente par acte notarié, le 7 novembre 2002, la société LE BELIER, au mépris des engagements souscrits, va, sans son intervention, consentir à la signature d'un nouveau bail avec la société SPRIET contenant un pacte de préférence en cas de vente de l'immeuble, qu'en cas de confirmation du jugement, elle n'a plus de demandes à former à l'encontre de la société LE BELIER, qu'au cas contraire, elle sollicite le sursis à statuer.

A titre subsidiaire, elle fait valoir sa qualité de propriétaire de bonne foi et demande que, si son titre de propriété était annulé, elle ne soit tenue qu'à la restitution de l'immeuble et non à celle des fruits ou intérêts, qu'en application de l'article 1381 du code civil, la désignation d'un expert serait nécessaire pour chiffrer le coût des travaux d'amélioration de l'immeuble intervenus grâce au financement bancaire depuis le 7 novembre 2002, que la mauvaise foi est d'autant moins établie que la société SPRIET elle-même règle le loyer, reconnaissant ainsi le droit actuel du propriétaire.

Elle reprend les arguments de la société LE BELIER sur ce point.

SUR CE:

Sur le sursis à statuer

Les parties s'accordent sur le point de dire que l'action en résolution de

vente diligentée par la SARL LE BELIER contre la SCI BB2, et pendante devant le tribunal de grande instance de LILLE, a fait l'objet d'un retrait du rôle.

En tout état de cause, cette instance, à laquelle la société SPRIET n'est pas partie, est sans incidence sur la solution du présent litige.

La demande tendant au sursis à statuer doit être rejetée.

Sur le pacte de préférence

Le bail commercial signé le 11 mars 2002 entre la SARL LE BELIER et

la SARL SPRIET a été consenti et accepté pour une durée de neuf années entières et consécutives qui commencent à courir à compter du 1er janvier 2002 pour se terminer le 31 décembre 2011, moyennant un loyer annuel hors taxes de 10 976, 33 euros, payable trimestriellement à terme échu, le loyer étant diminué les trois premières années, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004.

Il contient une clause intitulée: pacte de préférence en cas de vente de l'immeuble, aux termes de laquelle:

le bailleur s'engage, au cas où il déciderait de vendre l'immeuble loué, à en informer le preneur en lui indiquant les conditions générales de la vente fixées par lui ou proposées par un tiers et à donner la préférence au preneur si celui-ci décide de se porter acquéreur.

L'acceptation sans réserve par le bénéficiaire des conditions de la vente à lui proposées emporte formation immédiate de celle-ci.

A l'expiration d'un délai d'un mois, si le preneur n'a pas exprimé son accord sur les conditions proposées, le bailleur est délié de toute obligation envers lui.

Par lettre en date du 17 décembre 2002, la société de gestion PABAJO a

informé la société SPRIET de ce que l'immeuble appartenant à la société LE BELIER avait été vendu à la SCI BB2, qu'un prorata de son loyer du 4ème trimestre 2002 était à payer à la société LE BELIER, l'autre au nom de la SCI BB2 et a joint à son courrier l'attestation du notaire, Maître [Z] [Y], selon laquelle, suivant acte reçu par lui le 7 novembre 2002, la société LE BELIER avait vendu à la société BB2 la pleine propriété d'une maison à usage de café et restaurant, située à VILLENEUVE D'ASCQ, [Adresse 5], la date de transfert de propriété et d'entrée en jouissance ayant été fixée à ce jour.

La société SPRIET a répondu, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 décembre 2002, en rappelant les termes de la clause relative au pacte de préférence et en indiquant qu'elle était toujours intéressée par l'achat de cet immeuble, que cette clause avait été très importante lors de la signature du bail mais qu'elle n'avait eu aucune proposition de la part du bailleur.

Elle a ensuite fait délivrer une assignation aux sociétés LE BELIER et BB2 pour demander qu'il soit fait application du pacte de préférence et qu'elle soit mise en mesure d'exercer son option.

La société LE BELIER, et la SCI BB2 ont fait déposer des conclusions communes, sans faire état de l'existence d'une promesse synallagmatique de vente.

Cette promesse synallagmatique de vente produite ultérieurement aux débats porte cependant une date antérieure de deux mois à celle du bail commercial et elle contient une clause selon laquelle l'acquéreur est subrogé au vendeur en ce qui concerne l'exécution du bail, à l'exception du recouvrement du loyer et des charges

Or, aucune mention dans le contrat de bail ne permet d'établir que la société SPRIET, et alors qu'une convention de travaux était passée le 11 mars 2002, jour de la signature du bail, entre le bailleur et le preneur, avait été dûment informée de l'existence de cette promesse de vente et qu'elle avait connaissance de ce que le pacte de préférence n'était susceptible de concerner qu'une éventuelle seconde vente.

La vente n'a été annoncée au preneur que le 17 décembre 2002, soit plus d'un mois après la date de signature de l'acte authentique de vente et c'est à compter de cette date qu'il a été indiqué à la société SPRIET que les loyers devaient être payés au nouveau propriétaire.

La SARL LE BELIER soutient que cette vente aurait été portée à la connaissance de la société SPRIET antérieurement à cette date du 17 décembre 2002.

Aux termes des trois attestations qu'elle produit, M. [R], directeur de banque, affirme avoir réclamé à M. SPRIET, gérant du restaurant LA FORGE après y avoir déjeuné avec M. [W], gérant de la SARL LE BELIER, le 15 janvier 2002, 'quelques chiffres' dans le but de mettre en place un crédit pour le financement de la vente de la SARL LE BELIER à la SCI BB2 pour un montant de 76 000 euros, un refus lui ayant alors été opposé, tandis que M. [O] [F] déclare avoir entendu M. SPRIET dire à M. [W], le 25 juillet 2003, qu'il avait toujours été informé depuis la signature du bail de la vente de l'immeuble par une société à une autre société du même groupe ayant le même gérant et que M. [U] indique qu'il a fait des travaux dans l'immeuble pendant l'année 2002 et qu'au cours de ses conversations avec M. SPRIET, il a toujours été évident que l'immeuble était racheté par la SCI BB2 pour en assurer l'entretien et les travaux nécessaires.

Ces conversations informelles et imprécises quant aux dates ne sauraient constituer la preuve de ce que la société SPRIET avait été avisée officiellement, antérieurement à la signature du bail, de l'existence d'une vente réalisée, et non pas seulement d'un projet en cours, et postérieurement à la signature de ce bail, de la vente à intervenir, de façon à être mise effectivement en mesure d'exercer son droit de préférence.

Il doit être relevé en premier lieu que la promesse synallagmatique de vente, bien que rédigée par un notaire qui a attesté par lettre du 23 janvier 2007 de la sincérité de la date, n'a pas date certaine, puisqu'elle n'a pas été enregistrée

En second lieu, si la promesse synallagmatique vaut vente, en application de l'article 1589 du code civil, c'est entre les parties contractantes.

La vente n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa réitération par acte authentique et de sa publication.

Dans ces conditions, le fait qu'une promesse synallagmatique de vente ait été signée antérieurement au bail ne rend pas la clause relative au pacte de préférence inapplicable à la vente authentifiée par acte notarié en date du 7 novembre 2002.

Au surplus, comme le fait observer la société SPRIET, le bail, bien que signé le 11 mars 2002, prenait effet à compter du 1er janvier 2002.

Il était donc déjà en vigueur à la date de signature de la promesse synallagmatique de vente et il ne peut être opéré de distinction selon les clauses, de sorte que certaines, dont le paiement du loyer, seraient applicables à compter du 1er janvier et les autres seulement à compter du 11 mars.

Dès lors, la vente intervenue par acte authentique en date du 7 novembre 2002 l'a bien été en violation du pacte de préférence inséré au bail du 11 mars 2002 au profit du locataire, la société SPRIET.

Le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, à la condition que le tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir.

Il n'est pas contesté par la société LE BELIER, ni par la société BB2 qu'elles sont gérées par la même personne physique laquelle est également propriétaire de parts sociales des deux sociétés.

Il ne saurait dès lors être soutenu par la société BB2 qu'elle n'avait pas connaissance, lorsqu'elle a contracté le 7 novembre 2002, de l'existence du pacte de préférence inscrit dans le contrat de bail, ni de l'intention de son bénéficiaire, la société SPRIET, de s'en prévaloir, alors que la même personne physique a signé le bail commercial pour le compte de la SARL LE BELIER, puis la vente, pour le compte des deux sociétés, et que l'insertion du pacte de préférence procédait de la volonté du locataire commercial qui venait d'acquérir le fonds de commerce, connue de la SARL LE BELIER et donc de la SCI BB2, d'acquérir également la propriété de l'immeuble, ainsi que le rappelait la société SPRIET dans sa lettre du 27 décembre 2002 et qu'il résulte des circonstances dans lesquelles ont été réalisées, dans un délai rapproché, la vente du fonds de commerce dans le cadre d'une liquidation judiciaire, et la vente de l'immeuble.

Quel que soit le motif de l'opération litigieuse, il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SPRIET de ses demandes, de prononcer l'annulation de la vente en date du 7 novembre 2002 et d'ordonner la réalisation de cette vente au profit de la société SPRIET, substituée à la SCI BB2, au prix payé par l'acquéreur, à savoir 76 224,51 euros.

La société SPRIET demande le remboursement des loyers qu'elle paie depuis le 7 novembre 2002, en vertu des articles 549 et 550 du code civil, selon lesquels le possesseur de mauvaise foi est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique.

L'annulation de la vente a certes un effet rétroactif.

Toutefois, l'exécution forcée du pacte de préférence entraînant la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur, cette substitution ne peut prendre effet qu' à la date du présent arrêt,

Dès lors, la société SPRIET qui n'a pas la qualité de propriétaire pour la période antérieure, ne peut demander le remboursement du montant des loyers, frais de gestion, charges et dépôt de garantie qu'elle a versés depuis le 7 novembre 2002.

La SCI BB2 fait valoir qu'elle a fait effectuer des travaux dans l'immeuble, ce qui a eu pour conséquence d'augmenter la valeur de celui-ci.

Elle ne verse toutefois aux débats aucune pièce justificative de travaux réalisés postérieurement à la vente du 7 novembre 2002.

Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'ordonner une expertise pour chiffrer le coût des travaux d'amélioration de l'immeuble comme le demandent la SCI BB2, mais aussi la SARL LE BELIER.

Il appartiendra à la société SPRIET d'assumer la charge des frais de la vente ordonnée à son profit par le présent arrêt, tandis que la SARL LE BELIER aura celle des frais d'annulation de la vente du 7 novembre 2002.

Il convient en outre d'ordonner la mainlevée de la publication aux hypothèques de l'assignation en résolution de vente délivrée par la SCI BB2 devant le tribunal de grande instance de LILLE.

La demande en dommages et intérêts formée par la société LE BELIER à l'encontre de laquelle sont avérées des fautes contractuelles n'est pas fondée et doit être rejetée.

Il y a lieu de mettre à la charge de la société LE BELIER et de la SCI BB2, in solidum, les frais irrépétibles supportés par la société SPRIET, à hauteur de 2500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire:

INFIRME le jugement

STATUANT A NOUVEAU,

DEBOUTE la société LE BELIER et la SCI BB2 de leur demande de sursis

à statuer

PRONONCE la nullité du contrat de vente signé le 7 novembre 2002 entre

la SARL LE BELIER et la SCI BB2 , portant sur un immeuble situé à [Adresse 5], cadastré section MD n° [Cadastre 2] pour une contenance de 28 ares 35 centiares

DIT que la SARL SPRIET sera substituée à la SCI BB2 et ordonne en conséquence la réalisation de la vente au profit de la SARL SPRIET, moyennant le prix principal de 76 224, 51 euros, les frais d'acte étant à la charge de l'acquéreur

DIT que le présent arrêt vaut vente et qu'il sera publié à la Conservation des Hypothèques

ORDONNE la mainlevée de la publication de l'assignation en résolution de vente du même immeuble délivrée par la SCI BB2 à la SARL LE BELIER, le 22 mai 2006, devant le tribunal de grande instance de LILLE

DEBOUTE la société SPRIET de sa demande en remboursement des loyers et charges payés depuis le 7 novembre 2002

DEBOUTE la société LE BELIER et la SCI BB2 de leur demande d'expertise des travaux réalisés sur l'immeuble

DEBOUTE la société LE BELIER de sa demande en dommages et intérêts

DIT que la société LE BELIER devra prendre en charge les frais d'annulation de la vente du 7 novembre 2002

CONDAMNE in solidum la société LE BELIER et la SCI BB2 aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés pour ceux d'appel par la SCP DELEFORGE & FRANCHI, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE in solidum la société LE BELIER et la SCI BB2 à payer à la

société SPRIET la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/06108
Date de la décision : 01/03/2010

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/06108 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-03-01;08.06108 ?
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