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09/11/2009 | FRANCE | N°08/01625

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 09 novembre 2009, 08/01625


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 09/11/2009



***



N° de MINUTE :

N° RG : 08/01625



Jugement (N° 06/745)

rendu le 17 Octobre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE



REF : PM/AMD





APPELANTS



Monsieur [O] [G]

né le [Date naissance 1] 1929 en ITALIE

Madame [X] [U] épouse [G]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]



Représentés par Maître QUIGNON, avoué à la Cour

AssistÃ

©s de Maître Pierre SOULIER, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ



MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU NORD [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

B.P. 687

[Localité 6]

comparant par Monsieur [R] [K], Inspect...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 09/11/2009

***

N° de MINUTE :

N° RG : 08/01625

Jugement (N° 06/745)

rendu le 17 Octobre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : PM/AMD

APPELANTS

Monsieur [O] [G]

né le [Date naissance 1] 1929 en ITALIE

Madame [X] [U] épouse [G]

demeurant [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés par Maître QUIGNON, avoué à la Cour

Assistés de Maître Pierre SOULIER, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ

MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES FISCAUX DU NORD [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

B.P. 687

[Localité 6]

comparant par Monsieur [R] [K], Inspecteur des Impôts, muni d'un pouvoir, entendu en ses observations

Représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Evelyne MERFELD, Président de chambre

Pascale METTEAU, Conseiller

Monique MARCHAND, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Nicole HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 14 Septembre 2009 après rapport oral de l'affaire par Evelyne MERFELD

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Evelyne MERFELD, Président, et Nicole HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

CONCLUSIONS DU MINISTERE PUBLIC du 11 mars 2009

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 septembre 2009

*****

Par jugement rendu le 17 octobre 2007, le tribunal de grande instance de Dunkerque a, dans l'affaire opposant Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U], épouse [G] à la direction des services fiscaux du Nord, débouté Monsieur [O] [G] et Madame [X] [V] de l'ensemble de leurs réclamations, confirmé la décision de rejet qui leur a été notifiée le 20 janvier 2006 par la direction des services fiscaux et les a condamnés aux dépens.

Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] épouse [G] ont interjeté appel de cette décision le 4 mars 2008.

Il sera fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties à leurs dernières écritures déposées le :

24 juillet 2009 pour Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U]

1er septembre 2009 pour Monsieur le directeur des services fiscaux du Nord ' [Localité 6].

RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :

Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] sont mariés

sous le régime de la séparation de biens. Monsieur [O] [G] était propriétaire d'un immeuble situé à [Adresse 5], évalué en 1995, pour sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune à 8 100 000 francs.

Dans le courant de l'année 1995, Monsieur [O] [G] a vendu ce bien à la SCI 49 moyennant un prix de 20 000 000 francs étant précisé qu'il détient 99% des parts de cette société, son épouse détenant 1% de ces parts.

La brigade de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 6] a interrogé Monsieur [O] [G], par courrier du 28 mars 2001, sur la disparition partielle dans les déclarations d'ISF pour 1996 et 1997 du prix de vente de l'immeuble.

Par courrier du 13 juillet 2001, Monsieur [O] [G] a indiqué qu'il avait remboursé par anticipation un prêt pour environ 6 000 000 francs au moyen du prix de vente encaissé, que la somme de 4 000 000 de francs avait été investie dans un contrat d'assurance vie en 1995, « contrat gagé de manière irrévocable au profit de la banque KB (Kredietbank), en garantie du prêt que cette dernière avait accordé à la SCI 49» et que la somme complémentaire de 8 000 000 avait également été placée en 1997 sur un contrat d'assurance vie avec délégation et gage irrévocable au profit du prêteur.

Par une première notification de redressement du 13 décembre 2001, la brigade de contrôle des revenus et du patrimoine de [Localité 6] a procédé à la réintégration des contrats d'assurance vie dans la base imposable à l'ISF de Monsieur [O] [G] pour les années 1996 à 2001.

Par observations du 14 janvier 2002, ce dernier a contesté le redressement et précisé que deux contrats « Fructivie » d'une valeur de 4 000 000 francs chacun avaient fait l'objet d'une convention de délégation au profit de la Banque Populaire du Luxembourg, établissement ayant prêté des fonds à la SCI 49.

Le redressement concernant le contrat 'gagé' auprès de la banque KB a été confirmé par la réponse aux observations de contribuable du 21 mars 2002 (ce redressement fait l'objet d'une procédure distincte).

Par ailleurs, l'administration fiscale a renouvelé sa procédure de redressement, le 21 mars 2002, réintégrant les deux contrats d'assurance « Fructivie », conclus en 1996, dans la base imposable pour les seules années 1997 à 2000. Monsieur [O] [G] a présenté ses observations le 21 avril 2002 mais ce second redressement a également été confirmé dans la réponse aux observations du contribuable datée du 6 juin 2002.

Un avis de mise en recouvrement pour un montant total de 45 532 euros a été émis, en date du du 12 août 2002.

En application des articles L190 et suivants, R 190-1 et suivants du livre des procédures fiscales, Monsieur et Madame [G] ont, par courrier du 2 septembre 2002, formé réclamation contentieuse et sollicité la décharge totale des redressements mis en recouvrement le 12 août 2002.

Par courriers recommandés des 23 décembre 2005 puis 31 janvier 2006 (le courrier de décembre ayant omis d'indiquer les voies de recours) la réclamation contentieuse des époux [G] a été rejetée.

Par acte d'huissier du 23 février 2006, ces derniers ont saisi le tribunal de grande instance de Dunkerque pour solliciter notamment l'annulation de la décision de rejet de leur réclamation contentieuse et le prononcé de la décharge intégrale des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune mis en recouvrement à leur encontre selon avis de mise en recouvrement du 12 août 2002 pour 45 532 euros.

L'administration fiscale s'est opposée à cette demande, précisant que le montant des impositions encore contesté s'élevait à 19 440 euros compte tenu du plafonnement de l'ISF ayant abouti à un dégrèvement de 19 412 euros le 8 décembre 2006.

La décision déférée a été rendue dans ces conditions.

Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] demandent à la cour de :

- dire leur appel recevable et bien fondé,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement,

- annuler la décision portant la date du 23 décembre 2005, complétée par la décision portant la date du 31 janvier 2006, par laquelle l'administration fiscale représentée par M. le directeur des services fiscaux a rejeté la réclamation contentieuse par laquelle ils sollicitaient la décharge intégrale des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1997 à 2000 pour un montant total de 45 532 euros mis en recouvrement suivant avis de mise en recouvrement du 12 août 2002 sous le n°AMR 02 07 050206 pour 45 532 euros, ainsi que tous les intérêts, pénalités, frais et accessoires y afférents,

- prononcer l'annulation et la décharge intégrale des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune mis en recouvrement à leur rencontre au titre des années 1997 à 2000 suivant avis de mise en recouvrement du 12 août 2002 sous le n°02 07 05026 pour un montant total de 45 532 euros, ainsi que tous les intérêts, pénalités, frais et accessoires y afférents,

- débouter l'administration fiscale représentée par M. le directeur des services fiscaux de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner l'administration fiscale représentée par M. le directeur des services fiscaux à leur verser une indemnité de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile destinée à compenser les frais irrépétibles qu'ils ont dû engager pour faire valoir leurs droits en justice,

- condamner l'administration fiscale représentée par le directeur des services fiscaux aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que :

pour fonder et justifier son redressement, l'administration fiscale prétend réintégrer dans leur patrimoine imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune la valeur de deux contrats d'assurance-vie souscrits auprès de la société Fructivie d'un montant de 4 millions de francs chacun

les contrats d'assurance-vie dont il s'agit ont été donnés en garantie au profit de l'un de leurs créanciers en l'occurrence la Banque Populaire du Luxembourg dans le cadre d'une délégation

une telle délégation est organisée par les articles 1275 et suivants du code civil et constitue une opération par laquelle une personne, le délégué, en l'occurrence la société Fructivie, s'oblige, sur instruction d'une autre personne, le délégant, en l'occurrence M. [O] [G], envers une troisième, le délégataire, en l'occurrence la Banque Populaire du Luxembourg.

la dette originaire de la société Fructivie vis-à-vis de M. [O] [G] se trouve transférée au profit de la Banque Populaire du Luxembourg laquelle devient créancière de la société Fructivie.

en effet, dès la mise en place de la délégation, le délégant perd tout droit d'agir en paiement contre le délégué, seul le délégataire ayant la faculté de ce faire, en exécution du droit de créance qui lui a été transféré par la délégation. De même, les créanciers du délégant ne peuvent plus appréhender la finance de ce dernier sur le délégué puisque celle-ci a été transportée entre les mains du délégataire.

l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est déterminée par les articles 885 D à 885 G du code général des impôts. Les contrats d'assurance-vie font partie de cette assiette pour leur valeur de rachat, la faculté de rachat s'appréciant au 1er janvier de l'année d'imposition.

or, le contrat d'assurance-vie qui a fait l'objet d'une délégation n'est pas rachetable par le contribuable. Ainsi, au 1er janvier des années concernées par les redressements en litige, M. ou Mme [O] [G] étaient dessaisis du droit d'opérer le rachat. Leur situation est donc distincte de celle du souscripteur d'une assurance'vie même acceptée, puisqu'ils ont perdu toute faculté de rachat. L'essence même du mécanisme de la délégation fait que le souscripteur perd toute faculté de solliciter le rachat, cette faculté étant réservée au délégataire qui

l'a acceptée. La Banque Populaire du Luxembourg a d'ailleurs actionné à son profit la délégation dont elle bénéficiait et a sollicité la liquidation ainsi que le versement par la compagnie Fructivie de la totalité des deux contrats d'assurance-vie le 28 août 2000, sa créance étant à cette époque de 8 659 166,51 francs.

dans la mesure où les contrats d'assurance-vie n'étaient pas rachetables, leur valeur doit être exclue de l'évaluation du patrimoine de M. [O] [G] pour le calcul de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune et le redressement opéré par l'administration fiscale est dépourvu de fondement.

cette solution est confirmée en opérant une analyse par analogie avec la situation de biens faisant l'objet d'une mutation sous condition résolutoire. Les biens acquis sous une telle condition appartiennent à l'acquéreur ou au donataire tant que la condition n'est pas réalisée et il doit les comprendre dans la déclaration de son patrimoine imposable. Pour le vendeur ou le donateur, en revanche, les biens transmis ne lui appartiennent plus et n'ont pas à être déclarés dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. La situation est assimilable à l'hypothèse de la mise en place d'une délégation même imparfaite qui produit les mêmes effets qu'une mutation sous condition résolutoire puisque, tout comme le vendeur sous condition résolutoire qui ne recouvrira ses droits en cas de survenance de la condition, le délégant ne recouvrira son droit d'exiger le paiement de la créance qu'à la condition que le délégataire y renonce ayant été désintéressé par ailleurs.

-cette solution est conforme au principe constitutionnel selon lesquels « l'impôt de solidarité sur la fortune a pour objet de frapper la capacité contributive que confère la détention d'un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèces ou en nature procurée par ces biens». Dès lors qu'une délégation, même imparfaite, a été mise en place, le contribuable ne peut plus être considéré comme ayant la détention de la créance ; celle-ci ne lui procure, en outre, plus aucun revenu.

Le directeur des services fiscaux du Nord - [Localité 6] demande à la cour de:

- confirmer le jugement,

- débouter Monsieur et Madame [G] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

-les condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner au paiement des frais et dépens,

- dire qu'en toute hypothèse, les frais de constitution d'avocat resteront à la charge des requérants et qu'aucune allocation ou indemnité autre que le remboursement des frais de signification ne peut être accordée, conformément à l'article R207-1 du livre des procédures fiscales.

Il rappelle qu'en application de l'article 885 D du code général des impôts, l'impôt de solidarité sur la fortune est assis sur les mêmes règles que les mutations à titre gratuit sauf qu'il est constitué par le 1er janvier de l'année d'imposition et que selon l'article 885 F du même code, les contrats d'assurance vie rachetables sont taxables au titre de cet impôt.

Il constate que le contrat de délégation régi par l'article 1275 du code civil conclu entre Monsieur [O] [G], la Banque Populaire du Luxemboug et la compagnie Fructivie n'a pas produit d'effet novatoire laissant subsister les obligations qui préexistaient entre les parties. Il en conclut que le bien objet de la délégation imparfaite figure encore dans le patrimoine du délégant et qu'en conséquence, Monsieur [O] [G] était toujours titulaire de droits à l'encontre de la compagnie Fructivie, au titre du contrat d'assurance vie souscrit, et ce jusqu'à la date où cette société a été actionnée en paiement par le délégataire et où elle a réglé la Banque Populaire du Luxembourg.

Il ajoute que le contribuable ne peut soutenir qu'il a perdu toute faculté de réclamer paiement à la compagnie Fructivie puisque cette société peut donner mainlevée de la délégation qui est d'une durée limitée, que la délégation ne constitue qu'une garantie au sens de l'article 2072 du code civil et que comme en matière de gage, le créancier n'est pas devenu propriétaire du contrat de sorte que celui-ci reste rachetable.

Il fait valoir que le droit de rachat étant exclusivement attaché à la personne du souscripteur et que Monsieur [G] n'ayant pas renoncé à l'exercice de ce droit, la valeur de rachat du contrat doit figurer dans l'assiette de son impôt de solidarité sur la fortune, peu important que ce contrat ait ou non généré des revenus.

Il affirme que les dispositions des articles L207 et R207 du livre des procédures fiscales s'opposent à ce qu'il soit condamné au paiement des frais autres que les frais de signification et les débours tarifés.

Le dossier a été communiqué à Monsieur le procureur général près la cour d'appel de Douai qui a conclu, le 11 mars 2009, à la confirmation du jugement. Copie de ces conclusions a été adressée aux parties le 12 mars 2009.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 885 D du code général des impôts prévoit que l'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.

L'article 885 E dispose que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885A ainsi qu'à leurs enfants mineurs lorsqu'ils ont l'administration légale des biens de ceux-ci.

Selon l'article 885 F, les primes versées après l'âge de soixante dix ans au titre des contrats d'assurance non rachetables souscrits à compter du 20 novembre 1991 et la valeur de rachat des contrats d'assurance rachetables sont ajoutées au patrimoine du souscripteur.

Il découle de ces dispositions que si le bénéfice des contrats d'assurance vie souscrits par une personne est transmis aux bénéficiaires hors de sa succession, la valeur de rachat du contrat au 1er janvier de l'année d'un tel contrat fait cependant partie de l'assiette de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune.

Monsieur [O] [G] a souscrit le 20 mars 1996 deux contrats d'assurance vie auprès de la Compagnie d'Assurance FRUCTIVIE au moyen d'une échéance initiale de 4 000 000 francs pour chacun des contrats.

Selon actes signés le 20 mars 1996 par Monsieur [O] [G], la compagnie FRUCTUVIE et la SA Banque Populaire du Luxembourg, Monsieur [G] a délégué au profit de la banque, qui a accepté cette délégation, la compagnie Fructivie aux fins de paiement par celle-ci de la créance qu'il détient au titre des contrats d'assurance vie, pour les sommes qu'il pourrait devoir à la banque en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires suite au crédit consenti à la SCI 49.

Les contrats de délégation prévoient que celle-ci produira ses effets jusqu'à complet remboursement des sommes dues par le délégant à la banque en principal frais, intérêts et accessoires par suite de l'obligation rappelée, que le paiement par la compagnie entre les mains de la banque décharge l'assureur à l'égard du délégant et qu'en cas de paiement par le délégant de la créance, la banque notifiera la mainlevée de la délégation à la compagnie et au délégant. Ils précisent également que la délégation n'entraîne pas novation des obligations du délégant qui reste tenu envers la banque.

Les contrats d'assurance vie souscrits par Monsieur [O] [G] ont donc été donnés en garantie au profit de la Banque Populaire du Luxembourg au moyen de la délégation selon les conditions prévues par l'article 1275 du code civil qui dispose que « la délégation par laquelle un débiteur donne au créancier au autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation ».

Cette délégation, sans novation, a créé un rapport juridique nouveau entre la compagnie d'assurance et la banque (entre délégué et délégataire), rapport qui s'est ajouté à celui qui existait antérieurement entre Monsieur [G] et la compagnie d'assurance d'une part et entre Monsieur [G] et la banque d'autre part. Elle n'a eu aucun effet translatif et la créance de Monsieur [G] à l'égard de la compagnie n'est pas rentrée dans le patrimoine de la banque faute de novation entraînant l'extinction de la créance du délégant contre le délégué corrélativement au nouvel engagement pris par le délégué envers le délégataire. En effet, une telle novation ne peut être présumée en application des dispositions de l'article 1273 du code civil : or, en l'espèce, Monsieur [G] en délégant la compagnie Fructivie n'a aucunement exprimé son intention de décharger cette dernière de sa dette initiale à son endroit. Dès lors, la créance de Monsieur [G] à l'égard de la compagnie Fructivie, au titre du contrat d'assurance vie, n'a pas été éteinte par l'effet de la délégation (elle ne s'est éteinte que par l'exécution de la délégation c'est-à-dire le paiement par le délégué, par le fait de la délégation, du délégataire) et est restée dans son patrimoine.

Cependant, le délégant a nécessairement par le biais de la délégation, implicitement renoncé à demander paiement de sa créance, et cette créance ne figure plus dans son patrimoine immédiatement réalisable ayant vocation à être automatiquement éteinte dès l'instant de l'exécution de la délégation. Il en résulte que si la créance du délégant sur le délégué s'éteint seulement par le fait d'exécution de la délégation, ni le délégant, ni ses créanciers, ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement.

Dans ces conditions, Monsieur [O] [G], pendant toute la durée de la délégation, a implicitement renoncé à son droit de rachat des contrats d'assurance vie souscrits auprès de la société Fructivie. Ces contrats ne peuvent donc plus être qualifiés de rachetables au sens de l'article 885 F du code général des impôts. La valeur de ces contrats ne devait donc pas être incluse dans l'évaluation du patrimoine de ce dernier pour la calcul de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune de sorte que le redressement opéré par l'administration fiscale est sans fondement.

Il convient donc de réformer le jugement déféré, d'annuler la décision ayant rejeté la réclamation contentieuse présentée par Monsieur et Madame [G] et de prononcer leur décharge des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune mis en recouvrement pour 45 532 euros le 12 août 2002.

Selon l'article L207 du livre des procédures fiscales, lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L 208. Cependant, cet article ne déroge pas aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'administration fiscale peut être condamnée sur ce fondement.

Cependant, il n'est pas inéquitable, compte tenu de la nature de l'affaire, de laisser à Monsieur et Madame [G] la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Monsieur le Directeur des services fiscaux du Nord ' [Localité 6] succombant en ses prétentions, sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée et il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire :

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau :

ANNULE la décision de Monsieur le directeur des services fiscaux du Nord ' [Localité 6] du 23 décembre 2005 complétée par la décision du 31 janvier 2006, rejetant la réclamation contentieuse de Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] épouse [G] ;

PRONONCE l'annulation et la décharge de Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] épouse [G] des suppléments d'impôt de solidarité sur la fortune mis en recouvrement au titre des années 1997 à 2000 suivant avis du 12 décembre 2002 sous le numéro AMR 02 07 05026 pour un montant total de 45 532 euros ainsi que les intérêts, frais, pénalités et accessoires y afférents ;

DEBOUTE Monsieur [O] [G] et Madame [X] [U] épouse [G] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Monsieur le directeur des services fiscaux du Nord ' [Localité 6] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur le directeur des services fiscaux du Nord ' [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel ;

DIT que Maître QUIGNON, Avoué, pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier,Le Président,

N. HERMANT.E. MERFELD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/01625
Date de la décision : 09/11/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/01625 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-11-09;08.01625 ?
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