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17/08/2009 | FRANCE | N°08/06187

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 17 août 2009, 08/06187


COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 17/08/2009



***



N° de MINUTE : /09

N° RG : 08/06187



Jugement (N° 06/999)

rendu le 19 Septembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE



REF : MM/CB



APPELANTE



SA GAN PATRIMOINE précédemment dénommée GAN CAPITALISATION

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par ses représentants légaux



représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTIL

LE-LEVASSEUR, avoués associés à la Cour

assistée de Maître Jacques FOUERE, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉS



Madame [A] [H] veuve [P]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10]

demeurant [Adres...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 17/08/2009

***

N° de MINUTE : /09

N° RG : 08/06187

Jugement (N° 06/999)

rendu le 19 Septembre 2007

par le Tribunal de Grande Instance de DUNKERQUE

REF : MM/CB

APPELANTE

SA GAN PATRIMOINE précédemment dénommée GAN CAPITALISATION

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par ses représentants légaux

représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués associés à la Cour

assistée de Maître Jacques FOUERE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS

Madame [A] [H] veuve [P]

née le [Date naissance 3] 1959 à [Localité 10]

demeurant [Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués associés à la Cour

assistée de Maître Dominique VANBATTEN, avocat au barreau de DUNKERQUE

bénéficie de l'aide juridictionnelle totale en date du 02.01.2008

Monsieur [Z] [L]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représenté par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués associés à la Cour

ayant pour conseil Maître David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE

bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle en date du 05.02.08

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Madame ROUSSEL, Président de chambre

Madame METTEAU, Conseiller

Madame MARCHAND, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT

DÉBATS à l'audience publique du 06 Avril 2009, après rapport oral de l'affaire par Madame MARCHAND

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 août 2009 après prorogation du délibéré en date du 29 Juin 2009 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame MARCHAND, Conseiller en remplacement du Président empêché et Madame HERMANT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 06 janvier 2009

*****

Monsieur [Z] [L] a exercé les fonctions de mandataire de la SA GAN CAPITALISATION du 2 janvier 1996 au 28 janvier 1999.

A ce titre, il était chargé de commercialiser auprès d'une clientèle de particuliers des produits d'assurance-vie et de capitalisation et de procéder à l'encaissement des sommes versées par les souscripteurs des contrats.

Par jugement du 11 avril 2003, le tribunal correctionnel de Dunkerque a déclaré Monsieur [Z] [L] coupable de faits constitutifs du délit d'abus de confiance, commis entre les premier janvier 1996 et le 28 janvier 1998, au préjudice de divers clients, au rang desquels Madame [A] [H] veuve [P].

Le tribunal a en outre déclaré recevable la constitution de partie civile de Madame [A] [H] et lui a alloué une somme de 11.807 euros à titre de dommages et intérêts, somme que Monsieur [Z] [L] reconnaissait lui devoir.

L'intéressée a interjeté appel de cette décision sur ses dispositions civiles.

Par arrêt infirmatif du 30 mars 2004, la chambre des appels correctionnels de la cour a condamné Monsieur [Z] [L] à verser à Madame [A] [H] la somme de 22.585,32 à titre de dommages et intérêts.

Par exploit d'huissier du 27 avril 2006, Madame [A] [H] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Dunkerque la SA GAN CAPITALISATION, aux droits de laquelle vient désormais la SA GAN PATRIMOINE, afin d'obtenir la condamnation du mandant de Monsieur [Z] [L] à l'indemniser de son préjudice.

Le 5 décembre 2006, la SA GAN PATRIMOINE a fait délivrer à Monsieur [Z] [L] une assignation en intervention forcée et en garantie.

Par jugement du 19 septembre 2007, le tribunal a :

- condamné la SA GAN PATRIMOINE à payer à Madame [A] [H] la somme de 15.039,09 euros ;

- débouté la SA GAN PATRIMOINE de l'ensemble de ses prétentions ;

- condamné la SA GAN PATRIMOINE à payer à Madame [A] [H] la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SA GAN PATRIMOINE à payer à Monsieur [Z] [L] la somme de 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SA GAN PATRIMOINE aux dépens.

Par déclaration du 21 novembre 2007, la SA GAN PATRIMOINE a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 21 mars 2008, elle demande à la cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle ne l'a pas condamnée à payer à Madame [A] [H] les sommes de 20.000 et 29.500 francs ;

- d'infirmer pour le surplus le jugement déféré ;

- de débouter Madame [A] [H] de ses demandes ;

- en tout état de cause, de déduire du montant des sommes demandées par Madame [A] [H] les sommes de 6.800 francs et 18.000 francs avancées par la concluante à Madame [A] [H] ;

vu les articles 1983 et suivants du code civil,

- de condamner Monsieur [Z] [L] à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge ;

- de le condamner à lui payer une somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de le condamner aux dépens, de première instance et d'appel.

Elle expose :

- que Madame [A] [H], qui avait déjà souscrit en 1996 plusieurs contrats auprès de la concluante, ne pouvait ignorer les conditions dans lesquelles s'effectue normalement la souscription d'un contrat et qu'en acceptant de procéder autrement, elle a concouru à son propre dommage et doit en supporter, en tout ou en partie, les conséquences.

Elle fait valoir :

- que s'agissant des sommes dont Madame [A] [H] sollicite le remboursement dans le cadre de la présente procédure, l'intéressée ne rapporte pas la preuve de la souscription effective de contrats ;

- qu'au regard des procédures habituelles, les opérations effectuées par Monsieur [Z] [L] et Madame [A] [H] ne revêtent aucun caractère sérieux ou même raisonnable ;

- que l'intimée ne justifie pas avoir effectué des règlements dans le cadre de contrats souscrits ;

- qu'il n'est pas démontré que certains des fonds versés n'ont pas servi au remboursement d'avances consenties par la concluante ;

Elle prétend par ailleurs :

- qu'elle avait conclu avec Monsieur [Z] [L] un contrat de mandat, en vertu duquel l'intéressé était habilité à recevoir des fonds pour le compte de la compagnie ;

- que le mandataire est tenu, en application de l'article 1993 du code civil, de rendre compte de sa gestion à sa mandante ;

- que les fonds objet du litige ont été versés à Monsieur [Z] [L] dans le but d'être reversés par celui-ci à la compagnie et qu'il ne démontre pas avoir procédé à ces reversements ;

- qu'il engage donc sa responsabilité contractuelle à l'égard de sa mandante.

Par conclusions déposées le 20 mai 2008, Madame [A] [H] demande à la cour :

- de confirmer la décision entreprise en ce que la SA GAN PATRIMOINE a été condamnée à lui payer la somme de 15.039,09 euros ;

- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a écarté les prétentions de la concluante au titre des chèques de 20.000 francs du 15 août 1996 et de 29.500 francs du 24 août 1996 ;

- en conséquence, de condamner la SA GAN PATRIMOINE, venant aux droits de la SA GAN CAPITALISATION à lui payer la somme de 22.585,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2006 ;

- de confirmer la décision entreprise en ce que la SA GAN PATRIMOINE a été condamnée à lui payer la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, de condamner la SA GAN PATRIMOINE à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la SA GAN PATRIMOINE aux dépens, de première instance et d'appel, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Madame [A] [H] expose tout d'abord :

- qu'elle a fait l'acquisition auprès de Monsieur [Z] [L] de deux bons au porteur pour une somme totale de 49.500 francs, au moyen de deux chèques, l'un de 20.000 francs en date du 15 août 1996 et l'autre de 29.500 francs en date du 24 août 1996 ;

- que par la suite, Monsieur [Z] [L] l'a démarchée à plusieurs reprises afin de lui faire acquérir d'autres bons ;

- qu'elle lui a remis le 5 janvier 1997 un chèque de 18.650 francs, le 25 juin 1998 un chèque de 40.000 francs et le 27 novembre 1998 4 chèques de 10.000 francs et ce, en contrepartie de bons de capitalisation ;

- qu'au cours du mois de décembre 1998, ayant besoin d'argent, elle a demandé au Gan de procéder à une avance de fonds ; que la compagnie d'assurance lui a adressé deux chèques dont les montants respectifs étaient de 18.000 francs et 17.100 francs ;

- que quelques mois plus tard, elle a, conformément à la demande qui lui en avait été faite par Monsieur [Z] [L], procédé au remboursement intégral de ces sommes ;

- que parallèlement, Monsieur [Z] [L] lui a proposé de déposer les bons au porteur dans un coffre appartenant au GAN et qu'il lui a remis en contrepartie un document sur lequel il a apposé son cachet et sur lequel les bons qu'elle avait acquis étaient numérotés ;

- qu'au mois de février 1999, elle a reçu la visite d'un inspecteur du GAN qui l'a informée de l'existence d'une enquête diligentée à l'égard de Monsieur [Z] [L], celui-ci ayant démissionné ;

- que le 4 mars 1999, Monsieur [Y] [U], directeur juridique de la SA GAN CAPITALISATION a déposé plainte à l'encontre de son ancien mandataire pour des faits d'escroquerie et d'abus de confiance ;

- qu'une procédure d'instruction a été ouverte dans le cabinet de Monsieur [O], magistrat instructeur ;

- que pendant le cours de cette procédure, la SA GAN CAPITALISATION a conclu des transactions avec un grand nombre de victimes mais n'a formulé aucune offre d'indemnisation à l'égard de la concluante ;

Elle fait valoir ensuite :

- que la SA GAN CAPITALISATION avait passé un contrat de mandat avec Monsieur [Z] [L] ;

- que ce dernier a commis ses agissements frauduleux au préjudice de la concluante dans l'exercice de ses fonctions ;

- que par application de l'article 1984 du code civil, qui instaure un principe de représentation, l'exécution des obligations contractuelles passées par un mandataire au nom et pour le compte du mandant, incombe à ce dernier seul ;

- qu'aux termes de l'article 1998 du code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ;

- que la responsabilité contractuelle du mandant envers les tiers est engagée lorsque le mandataire commet une faute préjudiciable dans l'exécution de ses engagements et dans la limite de ses pouvoirs ;

- que le mandant est en outre « responsable du dol et de la fraude utilisés envers les tiers de bonne foi par le mandataire dans l'exécution de son mandat » ;

- que la jurisprudence considère que le mandataire qui, dans l'exécution de sa mission, commet un délit ou un quasi délit engage sa responsabilité envers la victime; que cette responsabilité est de nature contractuelle car dans ce cas, le mandataire qui agit de manière fautive, exécute mal son mandat, voire en abuse, mais n'excède pas celui-ci; que dès lors, le mandant est considéré comme ayant été représenté à l'acte et devient responsable envers le tiers du dommage que celui-ci subit.

Elle précise qu'elle verse aux débats des documents à l'en-tête de GAN CAPITALISATION, qui attestent de l'existence du contrat la liant à cette compagnie d'assurance.

Elle soutient en outre :

- qu'il ressort de la procédure pénale, qu'une fois la souscription établie et envoyée au siège de la compagnie, celle-ci n'adressait pas directement le contrat au client mais le transmettait au service de l'inspection de [Localité 9], Monsieur [Z] [L] étant ensuite chargé de remettre le contrat au client et que ce processus interne a facilité les malversations commises par le mandataire ;

- qu'elle ne dispose d'aucune compétence dans le domaine des assurances et de la capitalisation ;

- qu'on voit mal comment, elle aurait pu s'apercevoir des malversations commises par Monsieur [Z] [L] alors que son propre mandant, professionnel de l'assurance ne s'en est pas rendu compte, et ce, en dépit des contrôles existant ;

- que l'argumentation aujourd'hui développée par l'appelante est en totale contradiction avec les déclarations faites par ses salariés dans le cadre de la procédure pénale diligentée à l'encontre de Monsieur [Z] [L] ;

- que Monsieur [N], cadre au sein de la SA GAN CAPITALISATION, a remis aux enquêteurs la liste des souscripteurs d'origine des contrats de capitalisation au porteur ainsi qu'une liste des contrats de capitalisation ;

- qu'« il ressort de la comparaison entre la liste versée aux débats par Monsieur [N] et celle établie par Monsieur [L] que les références reprises sur ces deux listes correspondent pour les dix contrats revenus » à la concluante ;

- que les titulaires initiaux des contrats de capitalisation au porteur qui lui ont été revendus sont : [S], [W], [T], [M], [C], [J] et [X] ;

- qu'il ne s'agit pas des contrats visés par la SA GAN PATRIMOINE dans ses écritures comme étant ceux ayant fait l'objet d'un remboursement ou d'une demande de rachat le 30 août 1997 mais des contrats au porteur qui ont été repris par Monsieur [Z] [L] et qui sont en possession du GAN depuis 1999 ;

- que « l'imagination sans limite de la SA GAN CAPITALISATION se heurte à la condamnation définitive de Monsieur [L] par la juridiction pénale pour abus de confiance notamment au préjudice de Madame [P] en sa qualité de mandataire de la société GAN CAPITALISATION » et que « cette décision est devenue définitive ».

Elle relève :

- que sans le soutenir expressément, l'appelante semble prétendre que Monsieur [Z] [L] aurait accompli des actes en dehors des limites de son mandat ;

- que cependant dans le cadre des transactions conclues avec d'autres victimes, la compagnie d'assurance a expressément reconnu sa responsabilité à l'égard des clients, sans aucune réserve, et a admis l'existence d'un lien contractuel quand bien même les chèques émis par ses clients n'étaient établis, ni à l'ordre du GAN, ni à celui de Monsieur [Z] [L] ;

- qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où il serait considéré que Monsieur [Z] [L] a excédé les limites de son mandat, la concluante serait bien fondée à se prévaloir de l'existence d'un mandat apparent ; que l'intéressé était en effet en possession de différents documents émanant du GAN ; qu'il a fait souscrire à ses victimes des contrats qui, pour certains, étaient parfaitement réguliers et ont été honorés par la SA GAN CAPITALISATION.

Par conclusions déposées le 29 juillet 2008, Monsieur [Z] [L] demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA GAN PATRIMOINE des demandes qu'elle formait à son encontre ;

y ajoutant,

- de condamner la SA GAN PATRIMOINE à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de la condamner aux dépens.

Il fait valoir :

- qu'il a été condamné à indemniser les « demandeurs principaux » par arrêt définitif rendu par la cour le 30 mars 2004 ;

- qu'admettre le bien fondé du GAN dans son appel en garantie formé à l'encontre du concluant reviendrait à faire condamner deux fois ce dernier pour les mêmes faits ;

- que « ceci se heurte à la règle non bis in idem, qui interdit de condamner deux fois la même personne pour les mêmes faits » ;

- que « nonobstant cette interdiction, il est constant que le commettant dispose d'un recours contre le préposé lorsqu'il est condamné à indemniser la victime d'un dommage résultant d'une faute du préposé, à condition de ne pas avoir lui-même commis de faute » ;

- qu'en l'espèce, le GAN a agi « avec une légèreté blâmable, voire coupable » en ne procédant à aucune vérification alors que le concluant avait déjà eu des incidents de paiement qui l'avaient amené à solliciter des dépôts de chèques auprès d'autres mandataires du GAN ;

- que manifestement, le GAN fermait les yeux dès lors que les commissions versées par le concluant rentraient régulièrement ;

- qu'il s'est retrouvé pris dans une spirale infernale ; que pour « rentrer des commissions, il fallait éviter que les clients ne procèdent au rachat des contrats qu'il avait placés » et que « le seul moyen d'éviter de procéder au rachat était alors de revendre le contrat chez un autre client » ;

- que le contrat était alors artificiellement maintenu, que « la commission n'était pas reprise » et qu'il 'pouvait continuer de travailler'.

Il soutient par ailleurs :

- que pour admettre qu'une action récursoire soit exercée par la SA GAN PATRIMOINE contre le concluant, il faudrait que l'appelante se soit substituée à lui pour payer les dommages et intérêts fixés par l'arrêt de la cour ;

- que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

- que s'il est fait droit à la demande de l'appelante, « il pourra alors faire l'objet d'une double exécution ».

Il prétend en outre :

- qu'en première instance, la SA GAN PATRIMOINE avait fondé la demande formée à son encontre sur la responsabilité du préposé à l'égard de son commettant ;

- que désormais devant la cour, elle invoque un nouveau fondement juridique, ce qui est interdit ;

- que l'option exercée par le demandeur entre une responsabilité délictuelle ou une responsabilité contractuelle, est irrévocable ;

- que « dès lors que le GAN a invoqué la responsabilité délictuelle au visa de l'article 1384, sur laquelle le tribunal de grande instance a répondu, celui-ci est irrecevable à invoquer le bénéfice d'une responsabilité contractuelle du mandataire à l'encontre du mandant au visa de l'article 1993 ».

Il allègue qu'il ne connaît toujours pas à ce jour « la valeur réelle des contrats réels, détenus par les souscripteurs, et dont le GAN sollicite restitution ».

MOTIFS :

1) sur la responsabilité de la SA GAN PATRIMOINE

Ainsi que l'a indiqué à juste titre le tribunal, aux termes de l'article 1998 du code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire conformément au pouvoir qui lui a été donné.

Le mandant engage ainsi sa responsabilité à l'égard des tiers sur le fondement de l'article 1147 du code civil, lorsque le mandataire commet une faute préjudiciable aux dits tiers dans l'exécution des engagements pris au nom et pour le compte du mandant.

Pour que la responsabilité contractuelle du mandant soit engagée du fait de son mandataire, deux conditions doivent être remplies.

Un contrat doit en effet avoir été valablement conclu entre les tiers victimes du dommage et le mandant, par l'intermédiaire du mandataire agissant au nom et pour le compte du mandant, et dans la limite de son pouvoir.

Un dommage doit par ailleurs résulter de l'inexécution d'une obligation née du contrat liant le mandant au tiers.

Le mandant est responsable non seulement de la faute commise dans l'exécution des engagements pris en son nom et pour son compte, mais aussi du dol, de la fraude et des détournements commis par le mandataire envers les tiers.

En l'espèce, un contrat de mandat signé le 2 janvier 2006 liait Monsieur [Z] [L] et la SA GAN CAPITALISATION. Ce contrat stipulait que le rôle du mandataire consistait à développer les opérations du GAN par le 'placement', auprès de la clientèle de la compagnie d'assurance et dans le public, de contrats proposés par le GAN et par ses filiales.

La lettre de nomination du même jour, accompagnant le contrat de mandat, précisait que Monsieur [Z] [L] devait, outre le placement des contrats, effectuer l'encaissement des sommes qui lui étaient confiées.

La SA GAN PATRIMOINE verse aux débats trois formulaires de souscription de contrats signés de Madame [A] [H] :

- le premier, daté du 16 avril 1996, relatif à un contrat d'assurance sur la vie (auquel il a été ultérieurement attribué le numéro 29/288637),

- le deuxième, daté du 21 juillet 1996, relatif à trois contrats de capitalisation et d'épargne (auxquels il a été ultérieurement attribué les numéros 291/00241287 à 289),

- le troisième, daté du 17 juillet 1997, relatif à un contrat d'assurance sur la vie (auquel il a été ultérieurement attribué le numéro 57/ 212159).

Au soutien de ses allégations selon lesquelles elle aurait fait l'acquisition, par l'intermédiaire de Monsieur [Z] [L] de dix bons au porteur du GAN, Madame [A] [H] produit un acte sous seing privé, daté du 13 septembre 1998, signé de ce dernier et portant le cachet de GAN CAPITALISATION, libellé ainsi qu'il suit :

« reçu de Madame [A] [P], demeurant [Adresse 5] les titres suivants :

- n°291 00243 513

- n° 291 00 243 514

- n° 291 00 299 106

- n° 291 00 299 107

- n° 291 00 299 102

- n° 291 00 299 103

- n° 291 00 299 101

- n° 291 00 299 122

- n° 291 00 249 724

- n° 291 00 243 515. »

L'intimée verse en outre aux débats la copie du procès-verbal d'audition par les services de police de Monsieur [E] [N], cadre au sein du GAN, aux termes duquel celui-ci déclarait :

'Je suis envoyé par le GAN afin de vous fournir des explications sur les agissements de Monsieur [Z] [L] .

Le GAN CAPITALISATION offre deux types de contrats, à savoir le contrat à prime unique et le contrat à prime périodique.

Pour le contrat à prime unique, le client verse à la souscription un capital qu'il souhaite voir fructifier.

Pour le contrat à prime périodique, le client s'engage à la souscription à verser régulièrement en fonction d'une périodicité donnée une prime afin de se constituer un capital au terme du contrat. Il faut avoir cotisé au moins un an pour que le contrat ait droit à une valeur de rachat.

Monsieur [L], sur le contrat à prime unique, allait voir un client, recueillait une souscription, adressait cette souscription à la compagnie accompagnée des fonds.

La compagnie émettait le contrat qui était ensuite transmis à Monsieur [L] via le canal de l'inspection de [Localité 9].

Monsieur [L] ne livrait pas le contrat au souscripteur, mais le revendait à d'autres clients potentiels.

Pour le contrat à prime périodique, Monsieur [L] recueillait une certaine somme pour un client donné, récupérait auprès d'un autre client, sous un prétexte quelconque des contrats et remettait ceux-ci au premier client en contrepartie de la somme versée, sachant bien souvent que la valeur du contrat remis était inférieure à la somme versée, voire nulle.

Je vous remets à votre demande la liste des souscripteurs d'origine.'

La consultation de ladite liste, annexée au procès-verbal, révèle que les contrats dont les numéros ont été inscrits par Monsieur [Z] [L] dans le reçu susmentionné, ont été souscrits à l'origine par divers clients du GAN, dont les patronymes sont les suivants : « [S], [W], [T], [M], [C], [J] et [X] ».

Les allégations de Madame [A] [H] selon lesquelles Monsieur [Z] [L] lui aurait repris les bons au porteur dont elle avait fait l'acquisition en lui indiquant qu'il allait les placer dans un coffre, sont corroborées tant par les déclarations du représentant du GAN devant les services de police, telles que ci-dessus retranscrites, que par les autres pièces du dossier pénal dont il résulte que le mode opératoire des infractions commises par le mandataire de la compagnie d'assurance au préjudice de très nombreuses victimes, consistait à récupérer, sous un prétexte fallacieux, les bons et contrats précédemment remis à ses clients en vue de les vendre à d'autres souscripteurs.

Il appartient cependant à l'intimée de rapporter à tout le moins la preuve du versement des sommes d'argent qu'elle prétend avoir effectué auprès de Monsieur [Z] [L] en contrepartie de la remise de bons au porteur.

Madame [A] [H] verse tout d'abord aux débats un chèque d'un montant de 20.000 francs en date du 15 août 1996 et un chèque de 29.500 francs en date du 24 août 1996 sur lesquels ne figurent aucun ordre.

Le document établi par Monsieur [Z] [L] dans le cadre de la procédure d'instruction faisant état d'avances remboursées au Gan pour le compte de '[K]' à hauteur de '20.000 '" ne constitue nullement un preuve de l'affectation qui a été donnée au chèque de 20.000 francs émis par l'intimée.

Il convient en effet de relever au vu des pièces communiquées par cette dernière que l'avance la plus ancienne qui lui a été consentie par la compagnie d'assurance remonte au mois d'août 1997 alors que le chèque de 20.000 francs susvisé a été émis par l'intéressée un an auparavant.

C'est donc à juste titre que le tribunal a considéré qu'en l'absence d'autres éléments, aucun lien ne pouvait être établi entre ces deux chèques et la société GAN ou son mandataire.

Madame [A] [H] produit ensuite la copie d'un chèque d'un montant de 40.000 francs en date du 24 juin 1998, émis à l'ordre de la Caisse d'Epargne, ainsi que la copie d'un chèque n°2507627 d'un montant de 18.650 francs, (annexée au procès-verbal d'audition de l'intimée par les services de police pièce n°6) également émis à l'ordre de la Caisse d'Epargne et encaissé pour ce montant le 7 décembre 1997.

Il ressort certes de la procédure pénale et notamment des déclarations de Monsieur [D] que certains chèques, reçus de clients en contrepartie de bons au porteur, ont été encaissés sur le compte de Monsieur [Z] [L] à la Caisse d'Epargne.

Il convient cependant de relever que Madame [A] [H] ne verse pas aux débats la photocopie du verso des chèques litigieux qui seule permettrait de déterminer l'identité du bénéficiaire desdits chèques.

L'existence d'un lien entre l'émission par l'intimée de ces deux chèques et la société GAN ou son mandataire n'est donc pas établie.

Madame [A] [H] produit enfin la copie de quatre chèques qu'elle a émis le 27 novembre 1998.

Deux de ces chèques ont été encaissés par Madame [I] [B].

Il ressort des déclarations de cette dernière aux services de police que ces chèques, sans ordre, lui ont été remis par Monsieur [Z] [L] en décembre 1998 après qu'elle lui ait demandé une avance sur le capital dont elle devait bénéficier au titre de ses bons au porteur, ce dernier lui ayant alors expliqué qu'il lui remettait des chèques émanant d'autres clients par commodité et afin de gagner du temps.

Le bénéficiaire des deux autres chèques, Monsieur [V] [G] a quant à lui expliqué qu'il avait déposé ces chèques sur son compte professionnel en contrepartie de la même somme, versée en liquide à Monsieur [Z] [L] pour le 'dépanner', ce dernier lui ayant indiqué avoir besoin d'argent pour rembourser ses clients.

Force est de constater que Madame [A] [H] ne fournit aucune explication cohérente sur les circonstances dans lesquelles elle a été amenée à remettre ces quatre chèques à Monsieur [Z] [L].

Il apparaît en effet que le reçu établi par ce dernier après qu'il ait, aux dires de l'intimée, récupéré auprès de celle-ci les dix bons au porteur dont elle avait fait l'acquisition, est daté du 13 septembre 1998, alors que les quatre chèques de 10.000 francs ont été émis le 27 novembre 1998.

Il n'est donc nullement démontré que ces quatre chèques ont été remis par Madame [A] [H] à Monsieur [Z] [L] en contrepartie de la souscription de contrats au porteur du GAN.

*****

Après examen de l'ensemble des pièces du dossier, force est de constater que Madame [A] [H] ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice par elle subi, résultant de l'inexécution d'un contrat la liant à la SA GAN CAPITALISATION.

En outre, dès lors qu'elle ne démontre pas avoir remis à Monsieur [Z] [L] des sommes d'argent en contrepartie de la remise de bons au porteur, la demande indemnitaire qu'elle forme à l'encontre de la compagnie d'assurance ne peut davantage prospérer sur le fondement du mandat apparent.

Il convient, dès lors d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la SA GAN PATRIMOINE.

2) sur l'appel en garantie formé par la SA GAN PATRIMOINE à l'encontre de Monsieur [Z] [L]

Les prétentions émises par Madame [A] [H] à l'encontre de la SA GAN PATRIMOINE ayant été rejetées, il en résulte que la demande de garantie formée par la SA GAN PATRIMOINE à l'encontre de Monsieur [Z] [L] est sans objet.

3) sur les dépens et sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile

Si la demande formée par la SA GAN PATRIMOINE à l'encontre de Monsieur [Z] [L] a été déclarée sans objet, il n'en demeure pas moins que la compagnie d'assurance était fondée à appeler à la cause son mandataire, reconnu coupable par la juridiction pénale d'abus de confiance à l'encontre de Madame [A] [H].

Cette dernière, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens, de première instance et d'appel, à l'exception toutefois des frais de procédure liés à l'appel en garantie de Monsieur [Z] [L] et des dépens exposés par lui, qui seront mis à la charge de ce dernier.

Enfin, chacune des parties sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré ;

Et, statuant à nouveau,

Déboute Madame [A] [H] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la SA GAN PATRIMOINE ;

Constate que la demande de garantie présentée par la SA GAN PATRIMOINE à l'encontre de Monsieur [Z] [L] est par conséquent sans objet ;

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [A] [H] aux dépens, de première instance et d'appel, à l'exception toutefois des frais de procédure liés à l'appel en garantie de Monsieur [Z] [L] et des dépens exposés par lui, qui seront mis à la charge de ce dernier ;

Autorise la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués, à recouvrer directement les dépens d'appel en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

LE GREFFIERPOUR LE PRESIDENT EMPÊCHÉ

N. HERMANTM. MARCHAND


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 1
Numéro d'arrêt : 08/06187
Date de la décision : 17/08/2009

Références :

Cour d'appel de Douai 1A, arrêt n°08/06187 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-08-17;08.06187 ?
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