CHAMBRE 2, SECTION 1
N° RG : 04 / 02347
Jugement (N° 2002 / 4927) rendu le 25 Février 2004 par le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de BETHUNE
APPELANTE
S. A. C 2A INFORMATIQUE prise en la personne de ses représentants légaux Ayant son siège social ZI Artois Flandres 62138 DOUVRIN
Représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués à la Cour Assistée de Me COQUELET, avocat au barreau de VALENCIENNES
INTIMÉES
S. A. R. L. ROYAL DENTELLE prise en la personne de ses représentants légaux Ayant son siège social 106 Boulevard Jacquard 62100 CALAIS
Représentée par la SCP COCHEME- KRAUT- LABADIE, avoués à la Cour Assistée de Me Hervé LECLERCQ, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER
S. A. SAGE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux Ayant son siège social 10 Rue Fructidor Le Colisée II 75834 PARIS CEDEX 17
Représentée par la SCP CARLIER- REGNIER, avoués à la Cour Assistée de Me Yann BREBAN, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Mme GEERSSEN, Président de chambre Monsieur CAGNARD, Conseiller Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme J. DORGUIN
DÉBATS à l'audience publique du 03 Avril 2008, Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 juin 2008 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Mme GEERSSEN, Président, et Mme J. DORGUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 / 02 / 08
Vu l'arrêt contradictoire de cette Cour du 18 mai 2006 prescrivant expertise sur les progiciels SAGE ligne 100 à charge de la société C2A installatrice chez ROYAL DENTELLE ;
Vu le dépôt du rapport d'expertise le 4 avril 2007 au greffe de cette Cour ;
Vu les conclusions déposées le 19 novembre 2007 pour la SA C2A INFORMATIQUE (société C2A) ;
Vu les conclusions déposées le 21 juin 2007 pour la Sarl ROYAL DENTELLE ;
Vu les conclusions déposées le 22 janvier 2008 pour la SA SAGE FRANCE (société SAGE) ;
Vu l'ordonnance de clôture du 28 février 2008 ;
La société C2A a interjeté appel aux fins de réformation du jugement entrepris, voir dire ses conditions générales de vente opposables à sa cliente ROYAL DENTELLE, en conséquence, débouter cette dernière, constater que la société SAGE avait toutes les informations techniques, que cette société éditrice de progiciel en ignorait les limites, négligeant d'informer son distributeur des indications maxima de taille et d'utilisation lors de la prise de commande, commettant ainsi une faute lourde rendant inopposables les clauses limitatives de responsabilité de la société SAGE, constater que seule la société SAGE est responsable de l'échec de l'installation informatique au sein de la société ROYAL DENTELLE, condamner la société SAGE à la garantir de toute condamnation ainsi qu'à lui payer 32. 000 € de dommages- intérêts pour réparer son préjudice ayant consisté à mobiliser ses ressources pour résoudre la difficulté de sa cliente ROYAL DENTELLE, débouter les sociétés SAGE et ROYAL DENTELLE de leurs demandes à son égard, subsidiairement exclure de toute condamnation à paiement le prix du matériel livré et utilisé à ce jour par sa cliente à hauteur de 3. 533 € ainsi que les frais de formation de personnel chiffrés à 1. 000 €, condamner la société SAGE à lui payer 3. 000 € de frais irrépétibles et à la garantir de toute condamnation à dépens et frais d'expertise ;
La société ROYAL DENTELLE sollicite la condamnation solidaire des sociétés C2A et SAGE à lui payer 30. 284, 76 € HT (résolution du contrat et produits inutilisables) outre 8. 000 € au titre de son préjudice immatériel lié à sa désorganisation, surcoût de travail et perte de temps pendant 30 mois, ainsi que 5. 000 € au titre de ses frais irrépétibles ; elle se prévaut du rapport d'expertise, de ce que les volumes de ses fichiers préalablement à la réalisation de l'installation étaient connus de la société C2A qui lui a facturé le 31 mai 2000 deux jours de développeur, récupération et transfert du fichier articles ; elle rappelle qu'elle a dû trouver un autre professionnel de l'informatique et installer un nouveau système pour un coût total de 19. 490, 5 € HT, transférer sa comptabilité sur le logiciel SAGE pour le rebasculer sur son système antérieur qui fonctionnait bien ; qu'il y a eu vente de matériel, que les prestataires ayant travaillé sur son site connaissaient ses besoins, le nombre d'articles et la durée de transmission, travaillant sur une base de 33. 000 articles dépassant le nombre d'articles physiquement présents en mars 2000 de l'ordre de 28. 091 ;
La société SAGE sollicite la confirmation du jugement entrepris, rappelant que la distribution de ses produits s'effectue sous le seul contrôle, direction et responsabilité du revendeur, conteste toute faute lourde de sa part, proteste de sa réactivité aux messages de son distributeur et se prévaut de ses clauses limitatives de réparation, soit 1. 54, 98 € HT et 135, 26 € HT, sollicitant la garantie de son revendeur pour toute condamnation ; elle réclame 5. 000 € de frais irrépétibles ;
SUR LE CAHIER DES CHARGES
Attendu que c'est à la suite d'une panne de son système informatique et du dépôt de bilan de l'installateur de celui- ci que la société ROYAL DENTELLE a pris contact fin 1999 / 2000 avec la société voisine C2A pour obtenir son bilan au 31 mars ; que le 5 avril 2000, la société C2A a remis sa proposition de prix et ses conditions générales de vente de matériel et logiciel (157. 290 F HT), installation paramétrage formation (94. 500 F HT), assistance et suivi (20. 125 F HT) pour la gestion à partir de son siège de plusieurs établissements de vente, au vu des explications fournies par la société ROYAL DENTELLE notamment quant au volume des données ; que la société prestataire labellisée Centre de compétence SAGE Petites et Moyennes entreprises depuis fin 1998 puis Moyennes et Grandes Entreprises depuis le 6 juin 1999 a pris contact avec l'éditeur pour proposer le progiciel 100 à la société ROYAL DENTELLE ; que l'expert a établi que dès le 4 avril 2000 la société C2A a transmis à la société SAGE une demande concernant la configuration du serveur et des postes, établissant un devis le 16 mai et ses factures les 28 avril, 31 mai, 21 juin, 17 juillet et 28 août 2000 ; que le 11 juillet 2000, la société C2A a adressé à la société SAGE les fichiers correspondants suite à un problème de communication entre les sites ; que le 30 août 2000, la société SAGE, après rappel de son distributeur du 21 juillet, a répondu que, compte tenu de la taille de la base de travail, le temps de traitement est extrêmement long ; que le 26 août 2005, M. X..., ex- consultant de la société SAGE, confirme qu'en avril 2000 il a validé avec les ingénieurs spécialisés de la société SAGE l'utilisation de la ligne 100 ; que ce n'est que le 28 mai 2001 que la société SAGE déclarera avoir détecté un problème lorsque la mémoire des disques durs est faible, réclamant un minimum de 2 GO d'espace libre ; que l'expert relève que la volumétrie de la base de données de la société ROYAL DENTELLE était donnée tandis que le nombre d'articles, 15. 000 ou 28. 000, n'a pas d'importance capitale, d'autant plus que la société SAGE a déclaré lors d'une réunion d'expertise que son progiciel ne convenait pas au- dessus de 5. 000 articles !
SUR LES FAUTES DE LA SOCIÉTÉ C2A OU DE LA SOCIÉTÉ SAGE
Attendu que l'expertise a démontré que la faute est entièrement imputable au concepteur du progiciel qui n'en connaissait pas les limites, les découvrant progressivement sans d'ailleurs manifester un zèle démesuré pour résoudre rapidement le problème de la société utilisatrice ou de l'installateur aux prises avec cette dernière et n'ayant pu en conséquence conseiller utilement son licencié pour que celui- ci conseille son client ; que la société C2A a installé plusieurs centaines de progiciels de ce type (ligne 100) tandis que le progiciel de saisie de caisse décentralisée a fait l'objet de deux installations en 2000, 2003, une fois en 2004, c'est- à- dire d'une diffusion confidentielle ; que les évolutions du progiciel ont été fort nombreuses de 1999 à 2006 (21, 18, 17, 37, 32, 43 et 52 en 2006... ; que l'expert réfute l'argument tiré par la société SAGE de la fréquence des échanges qui n'a rien à voir avec le temps de transmission qui reste inacceptable (p. 14) ; que l'expert rappelle qu'il n'y a ni anomalie ni dysfonctionnement mais absence totale de fonctionnement dans les conditions d'utilisation de la société ROYAL DENTELLE ; enfin l'expert relève que si l'éditeur du progiciel a réagi aux missives de son distributeur en 2000, 2001, son efficacité reste à démontrer puisqu'il a fallu attendre la fin mai 2001 pour que la société SAGE propose une solution qui, de l'aveu même de celle- ci, n'a pas résolu le problème (deux heures trente de transmission, confère son dire du 8 décembre 2006 ; que la faute lourde de la société SAGE est ainsi amplement démontrée puisqu'elle consiste à mettre sur le marché un progiciel sans en connaître les limites d'utilisation, laissant ses revendeurs s'en débrouiller ainsi que la clientèle de ces derniers ;
Attendu que l'expertise a également démontré que la formation délivrée par la société C2A au personnel utilisateur de la société ROYAL DENTELLE a été bénéfique et a permis à cette dernière de tirer parti d'un nouveau système moins cher et plus performant en mai 2002 ;
SUR LE PRÉJUDICE
Attendu que la société SAGE ne peut se prévaloir de ses clauses limitatives de responsabilité pour avoir commis une faute lourde en ne connaissant pas les limites de son produit et en induisant en erreur son distributeur et par voie de conséquence le client de ce dernier ; que la société SAGE sera condamnée à garantir totalement son distributeur ;
Attendu que la société ROYAL DENTELLE réclame 30. 284, 76 € HT pour matériel inadéquat et 8. 000 € au titre de son préjudice immatériel ; que cette évaluation, compte tenu des 100 heures de formation dispensées, a été estimée plausible par l'expert ; qu'elle sera retenue par la Cour ;
Attendu que la société C2A réclame un préjudice de 32. 000 € ; que la Cour arbitrera le préjudice du temps perdu, perte d'énergie de la société C2A, à la somme de 20. 000 € ;
SUR LES FRAIS IRRÉPÉTIBLES
Attendu qu'il est équitable d'allouer à la société ROYAL DENTELLE et à la société C2A la somme de 3. 000 € et de laisser à la société ROYAL DENTELLE les frais irrépétibles alloués par le jugement ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au Greffe, en dernier ressort,
REFORME le jugement entrepris,
CONDAMNE la société C2A à payer à la société ROYAL DENTELLE les sommes de 30. 284, 76 € HT ainsi que 8. 000 € au titre de son préjudice ainsi que 3. 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la société SAGE à garantir totalement la société C2A des condamnations encourues et à lui payer la somme de 20. 000 € à titre de dommages et intérêts et 3. 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
CONDAMNE la société SAGE aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprendront les frais de l'expertise et pourront, pour ceux d'appel, être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président
J. DORGUIN I. GEERSSEN