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22/10/2007 | FRANCE | N°06/3666

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0038, 22 octobre 2007, 06/3666


COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 22 / 10 / 2007
* * *

No de MINUTE : / 07 No RG : 06 / 03666

Jugement (No 05 / 652) rendu le 09 Mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

APPELANT

Maître Patrick X... demeurant... 62600 BERCK SUR MER

Représenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour Assisté de Maître François DEROUET, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

INTIMÉS

Monsieur Raoul A... né le 23 octobre 1933 à GRANDVILLE (MANCHE) Madame Christiane B... épouse

A... née le 19 janvier 1939 à VITRY SUR SEINE (VAL DE MARNE) demeurant... 62180 COLLINE BEAUMONT

Représentés ...

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 22 / 10 / 2007
* * *

No de MINUTE : / 07 No RG : 06 / 03666

Jugement (No 05 / 652) rendu le 09 Mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER

APPELANT

Maître Patrick X... demeurant... 62600 BERCK SUR MER

Représenté par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Cour Assisté de Maître François DEROUET, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

INTIMÉS

Monsieur Raoul A... né le 23 octobre 1933 à GRANDVILLE (MANCHE) Madame Christiane B... épouse A... née le 19 janvier 1939 à VITRY SUR SEINE (VAL DE MARNE) demeurant... 62180 COLLINE BEAUMONT

Représentés par la SELARL ERIC LAFORCE, avoués à la Cour Assistés de Maître Stanislas DUHAMEL, avocat au barreau de BOULOGNE SUR MER

DÉBATS à l'audience publique du 13 Septembre 2007, tenue par Madame METTEAU magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré (article 786 NCPC). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame HERMANT

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Madame ROUSSEL, Président de chambre Madame COURTEILLE, Conseiller Madame METTEAU, Conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 22 Octobre 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Madame ROUSSEL, Président et Madame HERMANT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
VISA DU MINISTERE PUBLIC
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 26 juin 2007
*****
Par jugement rendu le 9 mai 2006, le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER a :
-dit que Maître Patrick X..., Notaire a engagé sa responsabilité au titre de l'acte authentique du 21 juillet 1995 en particulier en ayant omis de lever un état hypothécaire de l'immeuble sis ... à HASPRES, lequel s'est avéré grevé d'un usufruit,
-condamné Maître Patrick X... Notaire à régler à Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... épouse A... une somme de 38. 384,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2005 à titre de dommages et intérêts (solde du prix de vente),
-condamné Maître Patrick X... Notaire à payer à Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... épouse A... une somme de 2. 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
-condamné Maître Patrick X... Notaire aux dépens dont distraction au profit de la SELARL OPAL'JURIS
-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Maître Patrick X... a interjeté appel de cette décision le 19 juin 2006.
Il est fait référence pour l'exposé des moyens et prétentions des parties devant la Cour à leurs dernières conclusions déposées le :
-6 février 2007 pour Maître Patrick X...
-3 avril 2007 pour Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B...
SUR CE

Par acte authentique signé auprès de Maître X..., Notaire à BERCK, en date du 21 juillet 1995, Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... ont vendu à Monsieur Pascal F... un fonds de commerce de Café Hôtel Restaurant, exploité à BERCK,... sous l'enseigne le Relais d'ARTOIS, moyennant un prix de 480. 000 francs (soit 73. 175,53 euros) s'appliquant aux éléments incorporels du fonds pour un montant de 403. 000 francs (61. 436,95 euros) et au matériel mobilier commercial pour 77. 000 francs (11. 735,57 euros).

Monsieur Pascal F... a payé une somme de 180. 000 francs (27. 440,82 euros) le jour de l'acte de cession au moyen d'un prêt consenti par la Caisse de Crédit Mutuel de BERCK.

Le solde du prix soit 300. 000 francs devait être réglé par l'acquéreur dès régularisation de l'acte de vente d'une maison lui appartenant sise à HASPRES,... au plus tard dans un délai de 12 mois à compter du jour de la signature de l'acte authentique, avec possibilité de prorogation du délai, le cas échéant, d'un commun accord entre les parties.

Parallèlement, le fonds de commerce a été affecté à titre de nantissement en gage au profit des vendeurs pour sûreté du solde de prix en principal et accessoire.

Par jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER le 6 septembre 1996, Monsieur F... a été placé en liquidation judiciaire.

Il est apparu que l'immeuble de Monsieur F... à HASPRES était, en fait, grevé de l'usufruit de sa mère.

C'est dans ces conditions que Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... alléguant le défaut de paiement du solde du prix de leur fonds de commerce, ont fait assigner Maître X... devant le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER sur le fondement de sa responsabilité professionnelle.

Cette juridiction a condamné le Notaire estimant que de dernier avait manqué à son devoir de conseil.

Maître X... demande à la Cour de :

-réformer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER le 9 mai 2006

-débouter Monsieur et Madame A... de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions
-les condamner à lui payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
-les condamner aux dépens

Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute, dans la mesure où Monsieur A... en acceptant le paiement à crédit, a accepté le risque inhérent à cette opération et ce, d'autant que les vendeurs n'ont pas vérifié la capacité de leur acquéreur à exercer l'activité de café restaurant. Il affirme de plus, que les vendeurs ont refusé l'inscription du privilège du vendeur sur le fonds. Il relève que l'engagement de paiement du prix suite à la vente de l'immeuble de Monsieur F... était un simple engagement moral : c'est ainsi, selon lui, qu'aucune date n'a été précisée, que la valeur de l'immeuble n'a pas été mentionnée. Il estime que même s'il avait levé un état hypothécaire et constaté qu'il existait sur cet immeuble un usufruit, l'efficacité de la clause n'aurait pas été assurée.

Enfin, il soutient par ailleurs que :
-Monsieur et Madame A... n'établissent aucun préjudice actuel direct et certain, ayant été indemnisé dans le cadre de la procédure collective
-que le lien de causalité entre sa faute éventuelle et le préjudice qui pourrait être établi n'existe pas, le défaut de paiement du prix résultant de la procédure de liquidation judiciaire et non d'une faute de sa part.
Monsieur et Madame A... demandent à la Cour de :
-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que Maître X... a commis une faute consistant à n'avoir levé aucun état hypothécaire concernant l'immeuble d'HASPRES, bien expressément mentionné à l'acte notarié, à n'avoir pas pris de garantie hypothécaire sur cet immeuble, à ne pas s'être renseigné sur la situation juridique de cet immeuble qui s'est avéré grevé d'un usufruit et plus généralement à ne pas s'être assuré de l'efficacité juridique et technique de son acte authentique du 21 juillet 1995 notamment en faisant prendre d'autres garanties ou attirer l'attention des vendeurs sur le risque encouru
-confirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné Maître X... à leur payer la somme de 38. 384,80 euros, compte tenu de leur préjudice et de la relation entre les fautes du Notaires et ce préjudice puisque l'immeuble n'a pas été vendu dans de bonnes conditions de fait notamment de l'existence d'un usufruit et n'a pas permis le paiement du solde du prix de leur fonds de commerce
-réformer le jugement pour le surplus et dire que le somme de 38. 384,80 euros portera intérêts au taux légal à compter de la liquidation judiciaire de Pascal F... soit le 6 septembre 1996, déduction faite de la somme de 6. 773,82 euros obtenue du liquidateur le 19 février 2003
-condamner Maître X... à leur régler une somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du trouble évident à leur trésorerie les ayant empêchés d'utiliser ou de réinvestir la somme depuis 1996 outre 5. 000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 1382 du Code Civil prévoit que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Sur la faute du Notaire :
Le notaire dans le prolongement de sa mission de rédacteur d'un acte, a un double devoir :
-celui d'assurer l'efficacité des actes juridiques qu'il dresse-celui de conseiller les parties

Il engage sa responsabilité en cas de violation de l'un ou l'autre de ces devoirs.
En l'espèce, il apparaît que l'acte de vente du fonds de commerce des époux A... rédigé par Maître X..., Notaire à BERCK, au profit de Monsieur F... inclut un crédit vendeur, Monsieur F... ne réglant qu'une partie du prix le jour de la signature de l'acte authentique de vente et devant s'acquitter du solde dans un délai d'un an.
Monsieur F... a été placé en liquidation judiciaire le 6 septembre 1996, soit un an après la vente du fonds, sans avoir réglé le solde du prix et la créance des époux A... a été admise à la procédure pour 45. 158,62 euros par ordonnance du juge commissaire du 7 février 1998.
Pour garantir le paiement du solde du prix du fonds, l'acte notarié prévoyait uniquement, à titre de sûreté le nantissement du fonds de commerce.L'acte précisait ainsi que les vendeurs dispensaient le notaire de prendre inscription de privilège du vendeur à leur profit sur le fonds. Il y a lieu de relever que Maître X... a bien informé les vendeurs au sujet de ce privilège et qu'une clause de renonciation expresse des vendeurs pour cette garantie a été insérée dans l'acte.
L'acte authentique précisait également que Monsieur F... est propriétaire d'un immeuble à HASTRES qu'il devait vendre pour le règlement du solde de prix.
Maître X... n'a levé aucun état hypothécaire relativement à cet immeuble, n'a pas envisagé de garantie hypothécaire sur cet immeuble et ne s'est pas renseigné sur la situation juridique précise de cet immeuble, qui est apparu postérieurement, grevé d'un usufruit.
Il n'a donc donné aux vendeurs, Monsieur et Madame A... aucun renseignement sur les conséquences qui s'attachaient à la situation juridique de l'immeuble destiné à la vente pour le paiement du solde du prix.
Il ne saurait être prétendu que la clause précisant que l'immeuble de Monsieur F... devait être vendu pour paiement du prix était un simple engagement moral de ce dernier : en effet, si cette clause ne peut être qualifiée de garantie au sens juridique du terme, il n'en demeure pas moins que les vendeurs, profanes, pouvaient légitiment croire, compte tenu de la rédaction de cette clause et de son insertion dans l'acte authentique de vente, qu'elle pourrait leur faire obtenir paiement du solde leur restant dû. Il appartenait au Notaire d'attirer leur attention sur l'absence d'effets juridiques de la clause et de les inviter, le cas échéant à inscrire une hypothèque sur le bien en question ou même de ne pas renoncer comme ils l'ont fait à l'inscription du privilège du vendeur.
Maître X... a donc manqué à son devoir de conseil en n'attirant pas l'attention des vendeurs sur le risque particulier résultant des modalités de paiement du prix prévu dans le cadre de la vente, et sur l'insuffisance de la garantie prise notamment en cas de liquidation judiciaire de l'acquéreur.
Sa responsabilité est engagée.
Sur le préjudice :
Le préjudice pour être réparé doit être actuel, direct et certain.
Il apparaît que Monsieur et Madame A... ont suite à la liquidation judiciaire de Monsieur F... déclaré leur créance entre les mains de Maître G..., mandataire liquidateur, et que cette créance a été admise, selon ordonnance rendue par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de BOULOGNE SUR MER le 7 février 1998 pour un montant de 296. 221,25 francs soit 45. 158,64 euros.
Selon courrier de Maître G... en date du 9 décembre 2003, un premier dividende leur a été adressé en février 2003 dans le cadre de la procédure pour un montant de 6. 773,82 euros.
Ce courrier précise que des terres sises à HASPRES restaient à réaliser avant de procéder à une nouvelle répartition et clôturer le dossier.
Dès lors, Monsieur et Madame A..., qui ne versent au débat aucun élément relatif à la procédure collective postérieur à ce courrier datant de 2003, ne justifient pas de ce qu'ils ne seront pas en mesure, dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de recouvrer les fonds leurs restant dus. Ils ne rapportent donc pas la preuve de ce que leur préjudice, qu'ils qualifient de perte de chance d'obtenir paiement intégral, est actuel et certain.
Par ailleurs, s'agissant de la demande de dommages et intérêts sollicités au titre du retard dans la perception du prix de vente de leur fonds de commerce, il n'est pas établi qu'ils auraient pu obtenir paiement immédiat en juillet 1996, si l'immeuble de Monsieur F... n'avait pas été grevé d'un usufruit, compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire ouverte dès septembre 1996.
En conséquence, leurs demandes de dommages et intérêts doivent être rejetées et le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de BOULOGNE SUR MER sera réformé.
Il ne paraît pas inéquitable compte tenu de la nature du litige, de laisser à chaque partie la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Dès lors, les demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile seront rejetées.
Succombant, Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... seront condamnés aux dépens avec distraction au profit de la SCP MASUREL THERY LAURENT.
PAR CES MOTIFS :
-REFORME le jugement en toutes ses dispositions ;
-DEBOUTE Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... de leurs demandes ;
-REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
-CONDAMNE Monsieur Raoul A... et Madame Christiane B... aux dépens avec distraction au profit de la SCP MASUREL THERY LAURENT ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 06/3666
Date de la décision : 22/10/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, 09 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-10-22;06.3666 ?
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