La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2007 | FRANCE | N°04/03561

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0037, 27 juin 2007, 04/03561


COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 27/06/2007
** *

No de MINUTE : /07 No RG : 04/03561

JUGEMENT (No 2002/247) rendu le 06 Mai 2004par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : SD/VR

APPELANTE

S.A. SOPREMAayant son siège social 14 Avenue de Saint Nazaire67100 STRASBOURGReprésentée par Son Président

représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Courassistée de Maître Paul PIGASSOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES
SA EFISOLayant son siège social 14 à 24 Rue des Agglomérés9202

4 NANTERRE CEDEXReprésentée par son Président Directeur Général

représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués ass...

COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 27/06/2007
** *

No de MINUTE : /07 No RG : 04/03561

JUGEMENT (No 2002/247) rendu le 06 Mai 2004par le Tribunal de Grande Instance de LILLE

REF : SD/VR

APPELANTE

S.A. SOPREMAayant son siège social 14 Avenue de Saint Nazaire67100 STRASBOURGReprésentée par Son Président

représentée par la SCP MASUREL-THERY-LAURENT, avoués associés à la Courassistée de Maître Paul PIGASSOU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES
SA EFISOLayant son siège social 14 à 24 Rue des Agglomérés92024 NANTERRE CEDEXReprésentée par son Président Directeur Général

représentée par la SCP CONGOS-VANDENDAELE, avoués associés à la Courassistée de Maître Patrice PIN, avocat au barreau de PARIS

COMMUNAUTE URBAINE DE LILLEayant son siège social 1 rue du Ballon59000 LILLEdésistement à son égard (conclusions du 9/6/04)

S.A. GENERALI FRANCEayant son siège social 7 boulevard Haussmann75009 PARIS Cedex 09Représentée par ses dirigeants légaux

représentée par la SCP DELEFORGE FRANCHI, avoués associés à la Courassistée de Maître LAMPIN substituant Maître Christophe DESURMONT, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Monsieur FROMENT, Président de chambreMadame DEGOUYS, ConseillerMadame MARCHAND, Conseiller---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame POPEK
DÉBATS à l'audience publique du 02 Avril 2007, après rapport oral de l'affaire par Monsieur FROMENT. Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FROMENT, Président, et Madame POPEK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 29 MARS 2007
*****

En 1988, la Communauté Urbaine de LILLE ( le maître d'ouvrage ) a fait édifier un groupe scolaire, dénommé Pablo Picasso, à Villeneuve d'Ascq ; elle a souscrit une assurance dommages-ouvrages auprès de la Compagnie LA CONCORDE, aux droits de laquelle vient la Compagnie GENERALI ASSURANCES IARD.
La société SOPREMA ( l'entrepreneur ) a été chargée du lot étanchéité comportant notamment la réalisation des travaux d'étanchéité sur la toiture-terrasse de l'école, constituée d'une dalle béton, d'un pare vapeur, de panneaux isolants en mousse polyuréthanne SIS 35 VER, fournis par la société EFISOL ( le fournisseur ), et d'une membrane d'étanchéité.
La réception a été prononcée le 24 juin 1988 sans réserve en rapport avec les désordres objet de la procédure.
En 1993-1994, sont apparues des traces d'humidité à l'intérieur du bâtiment, ainsi qu'une légère déformation des panneaux en polyuréthanne amenant une déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrages et la désignation d'un expert dommages-ouvrages.
En décembre 1998, était constatée une forte aggravation de la déformation des panneaux en polyuréthanne amenant l'expert de l'assureur de dommages-ouvrages à préconiser une réfection complète du complexe d'étanchéité.
Par acte du 8 mars 1999, l'entrepreneur a sollicité, au contradictoire du fournisseur, du maître d'ouvrage et de son assureur, la désignation d'un expert et Monsieur D... a été désigné par ordonnance de référé du 30 mars 1999.
L'expert a déposé son rapport le 20 juin 2001 ; il conclut à la réfection complète du complexe d'étanchéité, les frais de réfection s'élevant à la somme de 258 511,95 francs, soit 39 409,89 euros, et les frais de réparation annexe à celle de 48 573,17 francs, soit 7404,93 euros.
Par actes des 25 septembre, 27 décembre 2001 et 3 janvier 2002, l'entrepreneur a assigné le fournisseur, le maître d'ouvrage et son assureur devant le Tribunal de Grande Instance de LILLE, aux fins de faire constater les fautes commises par le fournisseur, le déclarer responsable des désordres affectant l'étanchéité de la toiture et le voir condamner, notamment, à la garantir de toute condamnation, et à lui payer la somme de 120 000 francs au titre du préjudice commercial.

Par jugement du 27 mai 2004, le Tribunal de Grande Instance de LILLE a :

Ø rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article 1648 du Code Civil,Ø constaté l'irrecevabilité des demandes de SOPREMA à l'égard d'EFISOL comme prescrites en application de l'article L 110-4 du Code de Commerce,Ø constaté l'intérêt à agir de GENERALI France ASSURANCES,Ø débouté GENERALI France ASSURANCES de ses demandes à l'encontre d'EFISOL,Ø condamné SOPREMA à payer à GENERALI France ASSURANCES la somme totale de 48 814,82 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2002, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,Ø débouté GENERALI France ASSURANCES de ses demandes à l'encontre d'EFISOL,Ø débouté GENERALI France Assurances du surplus de ses demandes,Ø débouté EFISOL de ses demandes de dommages et intérêts,Ø ordonné l'exécution provisoire,Ø condamné SOPREMA à payer à GENERALI France ASSURANCES, d'une part, et à EFISOL, d'autre part, la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société SOPREMA a relevé appel par déclaration au greffe du 27 mai 2004 à l'encontre de la société EFISOL, la Communauté Urbaine de LILLE et la SA GENERALI France.

Vu les conclusions procédurales de la société SOPREMA du 9 juin 2004, par lesquelles elle demande à la Cour de lui donner acte de ce qu'elle se désiste de son appel à l'encontre de la Communauté Urbaine de LILLE.

Vu les dernières conclusions de la société SOPREMA du 29 mars 2007, par lesquelles elle demande à la Cour de :

· vu les articles 1150, 1602-1604 et 1641 à 1648 du Code Civil, infirmer le jugement,
· condamner la société EFISOL à lui payer la somme de 49 814,82 euros au titre des travaux de réfection du complexe d'étanchéité, avec les intérêts à compter du 9 septembre 2002, ainsi que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter de cette date,
subsidiairement, vu l'article 1382 du Code Civil, · prendre acte de la subrogation de la société SOPREMA dans les droits de la Compagnie GENERALI et condamner la société EFISOL à lui payer la somme de 49 814,82 euros au titre de la réfection du complexe d'étanchéité, avec les intérêts à compter du 9 septembre 2002, ainsi que la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, à compter de cette date,· condamner la société EFISOL à lui payer la somme de 7500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les dernières conclusions de la société EFISOL du 28 mars 2007, par lesquelles elle demande à la Cour de :

· confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la fin de non-recevoir qu'elle a soulevée en application de l'article L 110-4 du Code de Commerce au titre des actions de SOPREMA fondées sur les dispositions des articles 1602 et 1604, 1641 du Code Civil,· réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'article 1648 du Code Civil,

statuant à nouveau,· la dire la société EFISOL recevable et bien fondée dans son appel incident,· et sans que ce moyen ne puisse être interprété comme une reconnaissance de sa responsabilité, vu les dispositions de l'article 1648 du Code Civil, dire la société SOPREMA prescrite en son action au titre d'un supposé vice caché qui aurait affecté les panneaux isolants fabriqués par elle,· confirmer le jugement sur l'ensemble de ses autres dispositions,· débouter la société SOPREMA comme irrecevable ou mal fondée au titre de l'ensemble des moyens développés au soutien de son appel,· la mettre hors de cause,· condamner la société SOPREMA à lui payer la somme de 25 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions de la société GENERALI Assurances IARD du 13 décembre 2005, par lesquelles elle demande à la Cour de :

· confirmer le jugement en ce qu'il a accordé, sur le fondement de la police dommages-ouvrages no 63092786 souscrite par la Communauté Urbaine de LILLE, de l'article L 121-12 du Code des Assurances et des deux quittances régularisées par l'assuré les 1er avril 1999 et 28 mars 2002, le bénéfice de la subrogation,· confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SOPREMA en sa qualité de constructeur et l'a par conséquent condamnée à verser la somme de 46 814,82 euros au titre des travaux de réfection du complexe d'étanchéité, avec les intérêts à compter du 5 septembre 2002, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,· constater qu'en ses dernières conclusions signifiées le 10 novembre 2005, la société SOPREMA ne formule aucune demande à son encontre et ne conteste pas sa responsabilité en sa qualité de constructeur,

au surplus,· retenir la responsabilité délictuelle de la société EFISOL à son encontre sur le fondement des articles 1382 et suivants du Code Civil du fait de l'existence d'une chaîne non homogène de contrats,· en conséquence,· condamner in solidum les sociétés EFISOL et SOPREMA, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer la somme de 46 814,82 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 septembre 2002,· confirmer la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil,· condamner in solidum les sociétés EFISOL et SOPREMA, ou l'une à défaut de l'autre, au paiement de la somme de 6000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS :
A l'examen des terrasses et couvertures, l'expert D... a constaté que le complexe étanche manifeste de très importants soulèvements par zones, ces désordres étant généralisés et ayant abouti à des déchirures du complexe sur lesquelles ont été appliquées des réparations par "rustinages", de telle sorte que son état nécessite une réfection complète, isolant et complexe étanche, aucune solution de réparation ponctuelle ne pouvant être envisagée.
S'agissant des causes des désordres, l'expert rappelle en premier lieu que la société SOPREMA a réalisé les travaux suivants, sur la dalle du plancher en béton brut :
• un enduit d'imprégnation à froid type Elastocal,• un enduit d'imprégnation à chaud type bitume oxydé,• un feutre 36 S armature toile de verre,• un enduit d'application à chaud,• un isolant en mousse de polyuréthanne parements voile de verre épaisseur 60m/m posé à joints déclarés,• un écran de semi-indépendance sous étanchéité toile de verre,• un enduit d'application à chaud,• une chape de bitume élastomère avec armature toile de verre,• une auto-protection par paillettes d'ardoise.

Les panneaux posés sur le chantier, appelés SIS 3S VER, ont été fabriqués par la société EFISOL et les conditions de pose ont été spécifiées dans un avis technique spécifiées dans un avis technique délivré sur ce produit par le CSTB en mars 1985, document applicable lors de la réalisation de l'ouvrage en 1988.
Afin de cerner les phénomènes qui ont abouti aux désordres constatés, l'expert retient les points suivants :
• si, pour des raisons diverses et multiples, de l'eau pénètre dans la structure alvéolaire du matériau en mousse de polyuréthanne, l'ensoleillement la vaporise,• l'eau vaporisée entraîne une dilatation importante du panneau et, par voie de conséquence, son soulèvement du support,• le complexe étanche posé sur les panneaux, bien que susceptible de supporter un certain allongement, ne peut suivre ces déformations importantes et il en résulte des déchirures qui s'accompagnent d'entrées d'eaux intempestives qui viennent aggraver le phénomène et, dès que le processus est engagé, une évolution rapide et une généralisation du désordre, malgré les opérations ponctuelles et tentatives de mise hors d'eau réalisées ; en effet, l'eau enfermée dans l'isolant ne peut se résorber et reste l'agent perturbateur qui, dans les périodes d'ensoleillement, va engendrer une nouvelle vague de déformations.

Après avoir dressé la liste suivante des causes envisageables :
• l'eau enfermée lors de la mise en place des panneaux,• l'eau enfermée dans les panneaux durant les transports, entreposages divers et manutentions,• l'eau pénétrant par blessure accidentelle de l'étanchéité,• la défaillance de certains éléments du complexe étanche,• la défaillance d'étanchéité de certains éléments de gros oeuvre,l'expert indique que lors de ses constatations, le processus de dégradation était très avancé et les déchirures multiples du complexe suffisaient à elles seules à expliquer les pénétrations d'eau qui ont engagé le processus de soulèvement des panneaux.

Il conclut en indiquant que :
1. les panneaux utilisés sont apparus impropres à leur usage de par leur conception. Ils n'ont pas été en mesure d'accepter des entrées d'eau intempestives de provenances connues ou inconnues et ont finalement été retirés de la vente,2. les problèmes de collage, comportant parfois des défauts, se sont avérés non directement liés aux causes des décollements. Ils ont tout au plus parfois contribué à l'accélération des phénomènes.

1. Sur les demandes de l'assureur dommages-ouvrage contre le constructeur :

Aux termes de ses conclusions, le constructeur demande l'infirmation du jugement , dans l'ensemble de ses dispositions, et, en conséquence, notamment en ce que le tribunal a fait droit à la demande que l'assureur a dirigé contre lui mais, dans les motifs de celles-ci, ne saisit la Cour d'aucun moyen de critique de cette disposition.En conséquence, le jugement sera confirmé sur ce point, le tribunal ayant, en tout état de cause, opéré une exacte appréciation en fait et en droit des éléments de la cause et ce, par des motifs que la Cour adopte.

2. Sur les demandes du constructeur contre le fabricant/fournisseur :

a) Sur la fin de non recevoir soulevée par le fournisseur et tirée de la prescription de l'action du constructeur :
Il ressort des conclusions du constructeur que ce dernier prétend voir reconnaître la responsabilité du fournisseur à son égard sous trois fondements de nature contractuelle : la faute dolosive, le manquement à l'obligation d'information ou les vices cachés de la chose vendue.
· le bref délai de l'action en garantie des vices cachés :
Le vice dont se prévaut le constructeur, appréhendé à la lumière des conclusions d'expertise telles que citées ci-dessus, serait constitué par la déformation des panneaux qui résulterait de ce que, utilisé suivant l'un des modes de pose préconisé par le fournisseur, il présenterait une hypersensibilité à l'effet conjugué de l'humidité et de la chaleur, entraînant une instabilité dimensionnelle trop importante pour qu'il soit utilisé durablement sous un revêtement auto-protégé soumis à l'isolation.
Ce vice s'est révélé au constructeur de manière certaine après le dépôt du rapport de l'expert D..., soit le 20 juin 2001, ce qui constitue donc le point de départ du délai de prescription de l'action.
A cet égard, le fournisseur ne peut valablement prétendre, premièrement, que ce point se situerait à la date d'apparition des premiers désordres, soit en 1993, dès lors qu'à cette date il ressort des éléments du dossier que l'origine des désordres était mal connue, ce qu'atteste le fait que l'expert n'avait alors nullement prescrit le changement de l'ensemble du complexe d'étanchéité, et notamment des panneaux litigieux.
Deuxièmement, le fournisseur fait état de ce que ce vice aurait été révélé par l'enquête menée en 1995 par le CSNE, puis par le communiqué de l'AFAC du 25 mars 1996 et, en dernier lieu, par la décision du C.S.T.B du 4 octobre 1996 de retrait de l'avis favorable à la pose des panneaux selon la méthode de semi-indépendance, en sorte que le bref délai aurait commencé à courir, au plus tard, le 4 octobre 1996.
Cet argument ne peut prospérer dans la mesure où, d'une part, le retrait d'avis favorable prononcé par le CSTB n'a pas concerné le produit lui-même mais le mode de pose des panneaux en semi-indépendance et où , d'autre part, à supposer même que les désordres allégués, caractérisés par les déformations constatées sur les panneaux, présentent un caractère sériel, celles-ci n'ont aucun caractère systématique, de telle sorte que ce n'est qu'au vu des constatations concrètes et conclusions opérées par l'expert que le constructeur a été en mesure d'en identifier l'origine comme caractérisée par le vice caché dont étaient affectés les panneaux posés sur le chantier concerné par la présente procédure.
C'est donc à bon droit que les premiers juges, constatant que le rapport de l'expert D... a été déposé le 20 juin 2001, et que l'action au fond devant le Tribunal de Grande Instance du constructeur a été introduite le 25 septembre 2001, en ont déduit que ce dernier avait agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code Civil.
· le délai de dix ans prescrit par l'article L 110-4 du Code de Commerce :
En application des dispositions de l'article L 110-4 du Code Civil, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, étant précisé, premièrement, que le point de départ de la prescription doit être fixé au jour où l'obligation du débiteur principal a été mise à exécution, soit, en l'espèce, à compter de la livraison des panneaux litigieux et que, deuxièmement, le délai spécial de l'action en garantie des vices cachés est enfermé dans le délai de prescription de droit commun de la disposition susvisée, de telle sorte que quelque soit l'un des trois fondements contractuels invoqué par le constructeur, son action, pour être recevable, doit avoir été introduite dans le dit délai de dix ans.
A cet égard, il est constant que la réception étant intervenue le 24 juin 1988, la livraison des panneaux a été effectuée au plus tard à cette date. L'assignation en référé délivrée le 8 mars 1999 par le constructeur l'a donc été après le délai de dix ans de l'article L 110-4 du Code de Commerce.
En premier lieu, le constructeur n'est pas fondé à prétendre que le point de départ du délai se situerait au jour où le maître de l'ouvrage l'a lui-même assigné en justice, dès lors qu'il est constant que c'est bien le constructeur qui a saisi le juge des référés d'une demande de désignation d'expert, et non le maître de l'ouvrage qui a fait citer le constructeur.
En second lieu, la Cour observe que le fournisseur admet dans ses conclusions qu'il ne peut se prévaloir d'aucune des causes de prescription visées par l'article 2244 du Code Civil, telles notamment la citation en justice.
En troisième lieu, le constructeur se prévaut d'une interruption de la prescription tirée de la reconnaissance, par le fournisseur, de sa responsabilité dans la survenance des désordres, et qui découlerait de ce qu'il n'a exercé aucun recours à l'encontre de la décision du CSTB du 4 octobre 1996 retirant l'avis favorable à la pose des panneaux en semi-indépendance.

Toutefois, au delà du fait, indifférent à cet égard, que le fournisseur fait justement observer que ce n'est pas le CSTB qui a rendu l'avis en cause, mais la Commission chargée de formuler les avis techniques constituée auprès du Ministre de l'Equipement et du Logement, et qu'à supposer qu'un recours contre la décision de cet organisme puisse être exercé, le constructeur ne peut valablement prétendre que l'absence de recours équivaudrait à une reconnaissance de sa responsabilité par le fournisseur, dès lors que l'avis en question ne portait que sur la suppression d'un des modes de pose préconisés, et n'entraînait pas de retrait d'agrément pour les panneaux, et qu'en tout état de cause, il ne peut être tiré d'une telle abstention la preuve d'un acquiescement à la responsabilité du fournisseur dans la survenance d'un désordre précis, dont il n'avait pas encore connaissance puisqu'il ne s'est révélé que deux ans plus tard, et dont il a constamment discuté l'origine comme lui en incombant, en invoquant notamment des manquements liés au collage des panneaux par le constructeur.
Enfin et en quatrième lieu, pour échapper à la prescription commerciale, le constructeur fait état de la faute dolosive commise par le fournisseur et qui résulterait de ce que ce dernier se serait abstenu de se conformer au protocole d'expérimentation préalable des produits tel que prévu par la « Directive UEA relative à l'agrément des systèmes isolants d'étanchéité de toitures plates et inclinées ».
A cet égard, le constructeur ne peut valablement se prévaloir d'une fraude ou dissimulation de la part du fournisseur, qui serait caractérisée par le fait que, se devant d'effectuer des essais en conformité avec la disposition 2.3.3.1 de la Directive susvisée, qui prévoirait que les essais doivent être réalisés à 80 o, il ne les aurait réalisés qu'à 70o, dans la mesure où :
· il n'est pas contesté que le fournisseur a obtenu l'agrément pour son matériau, ce dont il y a lieu de déduire qu'il a présenté au CSTB un dossier technique respectant les exigences fixées par la Directive européenne, le constructeur n'établissant nullement qu'il aurait fraudé à l'occasion du déroulement de la procédure d'obtention de l'avis, et le fournisseur établissant au contraire, par la production d'un rapport d'expertise ordonnée dans le cadre d'une affaire distincte mais invoqué avec pertinence, qu'il n'y a pas tricherie dans les conditions d'expérimentation, le fait que figure sur le dossier qu'elle a présenté à la commission la mention selon laquelle il a été établi sous sa seule responsabilité, ne permettant pas de caractériser un quelconque mensonge de sa part, · il ressort des explications et pièces produites aux débats par le fournisseur que si, pour l'expérimentation de son produit, il a effectivement réalisé des essais à 70 o C en s'imposant une déformation maximale de 0,2 %, il expose et justifie avoir opéré ce choix à raison du fait que la directive UEAtc ne demande pas des essais sur les deux conditions, d'hygrométrie, d'une part, d'étanchéité, d'autre part, cumulées, de telle sorte que la stratégie qu'il a ainsi adoptée, fusse t elle critiquable, relève de choix d'ordre technique et ne peut caractériser une violation délibérée de ses obligations contractuelles à l'égard de ses cocontractants acheteurs des panneaux qu'il fabrique.

De l'ensemble de ces développements, il s'infère qu'aucun des arguments présentés par le fournisseur pour échapper à l'application à son action du délai de dix ans prévu par l'article L 110-4 du Code de Commerce ne peut aboutir ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont déclaré son action irrecevable et ce, quelque soit le fondement contractuel envisagé.

Si dans le paragraphe qu'il consacre aux fondements de l'action qu'il dirige contre son fournisseur ( page 5 de ses conclusions ), le constructeur ne fait état que de fondements contractuels, dans celui consacré à la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action, il soutient en tout dernier lieu, que, subrogé dans les droits de l'assureur de dommages-ouvrage, dont l'action dirigée contre le fournisseur serait de nature délictuelle, il y aurait lieu d'appliquer à son action les dispositions de l'article 2270-1 du Code Civil et, en conséquence, de constater que le délai de dix ans ayant commencé à courir à compter de la manifestation du dommage, celle-ci ne serait pas prescrite.
Ce faisant, et indépendamment du point de savoir si l'action du maître d'ouvrage, et donc de son assureur dommages-ouvrages, contre le fournisseur est effectivement de nature délictuelle, il ne justifie nullement être en droit de se prévaloir d'une subrogation conventionnelle ou légale, lui même soulignant d'ailleurs le fait qu'il ne peut être subrogé dans les droits de l'assureur qu'après un paiement, dont les demandes dirigées par l'assureur contre lui démontrent qu'il n'est pas intervenu.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du constructeur à l'égard du fournisseur.

3. Sur les demandes de l'assureur dirigées contre le fournisseur :

Les premiers juges ont débouté l'assureur de ses demandes à l'égard du fournisseur en considérant que le maître d'ouvrage n'étant pas l'acquéreur des matériaux, l'assureur, subrogé dans les droits de ce dernier, ne pouvait agir sur le fondement de la garantie des vices cachés.
Aux termes de ses conclusions devant la Cour, l'assureur demande l'infirmation du jugement et la condamnation du fournisseur sur le fondement de la responsabilité délictuelle, mais, ce faisant, ne précise pas la faute délictuelle commise par le fournisseur, alors que ce dernier conclut à la confirmation du jugement et donc au débouté du demandeur, de telle sorte qu'à supposer même son action recevable, celle-ci ne peut valablement aboutir.
Le jugement sera confirmé sur ce point.

4. Sur les demandes accessoires :

La société SOPREMA, qui succombe en appel, sera condamnée à payer à la société EFISOL, d'une part, à la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES, d'autre part, la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, les dispositions du jugement quant à l'indemnité procédurale allouée à chacune de ces parties étant, en outre, confirmées.Pour les mêmes raisons, la société SOPREMA doit être déboutée de sa demande d'indemnité.

La Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES, qui succombe en appel à l'encontre de la société EFISOL, sera déboutée de sa demande à l'égard de cette société.
PAR CES MOTIFS :

Donne acte à la société SOPREMA de ce qu'elle se désiste de son appel à l'encontre de la Communauté Urbaine de LILLE.

Confirme le jugement.
Condamne la SOPREMA à payer à la société EFISOL, d'une part, à la Compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCES, d'autre part, la somme de 2000 euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Déboute la société SOPREMA de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Déboute la Compagnie GENERALI ASSURANCES de sa demande d'indemnité procédurale dirigée contre la société EFISOL.
Condamne la société SOPREMA aux dépens avec distraction au profit des avoués régulièrement constitués conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0037
Numéro d'arrêt : 04/03561
Date de la décision : 27/06/2007

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Lille, 06 mai 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-06-27;04.03561 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award