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03/04/2007 | FRANCE | N°07/00835

France | France, Cour d'appel de Douai, Ct0039, 03 avril 2007, 07/00835


COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2007

***

No de MINUTE : 07/

No RG : 07/00835

Ordonnance (No 2006/165)

rendu le 07 Février 2007

par le Tribunal de Commerce d'ARRAS

REF : VNDM/CP

Jour fixe

APPELANTE

Association POUR LA QUALITÉ DANS LA FILIÈRE OEUF "AQFO" prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social Tour Galiéni 1 - 93174 BAGNOLET CEDEX

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me Gérard-

Gabriel LAMOUREUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

G.I.E. GROUPEMENT QUALITÉ COCORETTE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant so...

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 03/04/2007

***

No de MINUTE : 07/

No RG : 07/00835

Ordonnance (No 2006/165)

rendu le 07 Février 2007

par le Tribunal de Commerce d'ARRAS

REF : VNDM/CP

Jour fixe

APPELANTE

Association POUR LA QUALITÉ DANS LA FILIÈRE OEUF "AQFO" prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social Tour Galiéni 1 - 93174 BAGNOLET CEDEX

Représentée par la SCP LEVASSEUR-CASTILLE-LEVASSEUR, avoués à la Cour

Assistée de Me Gérard-Gabriel LAMOUREUX, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

G.I.E. GROUPEMENT QUALITÉ COCORETTE prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social Four à chaux - Le Pacage -

62223 STE CATHERINE LES ARRAS

Représentée par la SCP COCHEME-KRAUT-LABADIE, avoués à la Cour

Assistée de Me Patrick WEPPE, avocat au barreau d'ARRAS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Monsieur FOSSIER, Président de chambre

Monsieur ZANATTA, Conseiller

Madame NEVE DE MEVERGNIES, Conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame NOLIN

DÉBATS à l'audience publique du 13 Mars 2007, après rapport oral de l'affaire par Madame NEVE DE MEVERGNIES

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 03 Avril 2007 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Monsieur FOSSIER, Président, et Madame NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

L'Association pour la Qualité dans la Filière Oeuf "AQFO" comprend notamment comme membre la SA MATINES qui commercialise des oeufs sous la marque "MAS D'AUGE". Le GIE "Groupement Qualité COCORETTE" a entrepris, dans les années 1980, la production d'oeufs de poules dans l'intention de renouer avec des méthodes fermières.

Par ordonnance du 7 février 2007, le Président du Tribunal de Commerce d'ARRAS statuant en référé a, notamment, dit que l'Association AQFO ne dispose pas du label "oeufs fermiers", dit qu'en commercialisant des oeufs portant cette mention, l'Association AQFO se rend coupable d'une publicité trompeuse dommageable au GIE COCORETTE, interdit à l'Association AQFO sous astreinte de 2 000 € par jour de retard de porter la mention "oeufs fermiers" sur ses emballages ainsi que d'utiliser des emballages qui porteraient cette mention, ordonné la publication de l'ordonnance dans trois journaux au choix du Groupement, enfin donné acte à ce dernier de ce qu'il se réserve de demander la réparation du dommage que lui cause ces faits

Par déclaration au Greffe en date du 9 février 2007, l'Association AQFO a interjeté appel de cette décision ; elle a ensuite été autorisée à assigner à date fixe la société adverse sur son appel. Dans ses dernières conclusions déposées le 13 février 2007, elle demande la réformation de l'ordonnance et le rejet de toutes demandes du GIE COCORETTE en faisant valoir que :

- ce dernier n'aurait pas qualité ni intérêt pour agir en l'espèce, n'étant pas lui-même titulaire du label "oeufs fermiers" et n'ayant pas qualité pour représenter d'éventuels groupements de consommateurs,

- elle n'utiliserait pas le label "oeufs fermiers" qu'elle ne peut obtenir à défaut de parution du décret devant venir en application de l'article 76 de la Loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, mais fait porter sur ses emballages la mention "oeufs fermiers" qui consisterait simplement dans "une mention complémentaire sur le mode d'élevage" (sic) qui serait parfaitement conforme à la réglementation européenne,

- le Groupement COCORETTE ne démontrerait pas qu'elle ne remplit pas les critères définis par la Commission des Labels et des Certifications dans son document de 1999, et en toute hypothèse elle respecterait parfaitement ces critères, les oeufs "Mas d'Auge" qu'elle commercialise "provenant de poules élevées en plein air dans des conditions sanitaires strictes, dans un environnement respectant leur bien-être, nourries à 100 % de végétaux, vitamines et minéraux" (sic).

Elle demande encore condamnation du GIE COCORETTE à lui payer la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le GIE COCORETTE, dans ses dernières conclusions déposées le 9 mars 2007, demande confirmation de la décision déférée aux moyens que :

- il aurait bien intérêt à agir, étant titulaire du label "oeufs fermiers" dont il respecte les critères d'octroi, alors que l'Association AQFO n'en disposerait pas, n'ayant même d'ailleurs jamais demandé un tel label parce qu'elle sait qu'elle ne bénéficie pas des critères lui permettant de l'obtenir,

- l'apposition de cette mention sur les oeufs commercialisés par l'Association AQFO serait constitutive d'une tromperie qui lui est préjudiciable parce qu'elle est de nature à tromper le consommateur sur les caractéristiques du produit.

Elle demande encore qu'il soit ordonné à l'Association AQFO de publier l'arrêt à intervenir dans trois journaux au choix du GIE, à ses frais et dans la limite de 4.000 euros HT par insertion.

Elle sollicite enfin condamnation de l'Association AQFO à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande

L'intérêt à agir du GIE COCORETTE n'est pas à rechercher du côté des consommateurs qu'il n'est bien évidemment pas habilitée à représenter. En revanche, il commercialise des produits de la même gamme que ceux émanant de l'Association AQFO, de sorte que l'information du consommateur, et l'effet produit sur ce dernier par les mentions de l'emballage, ont une incidence directe sur le choix du produit et donc, en bout de chaîne, sur les chiffres d'affaires de ces sociétés ainsi que leurs marges. Par ailleurs, le GIE COCORETTE établit, par la production des extraits du Journal Officiel correspondants, qu'elle a été bénéficiaire de l'homologation du label "oeufs fermiers" pour les périodes suivantes :

- par arrêté du 29 décembre 1998 pour un an à compter du 28 janvier 1999 (sa pièce no10),

- par arrêté du 20 juillet 2000 sans limitation de durée (sa pièce no14),

- par arrêté du 23 août 2002 abrogeant le précédant et homologuant le label pour une durée d'un an (sa pièce no16),

- enfin par arrêté du 9 février 2007 sans limitation de durée (sa pièce no2).

Certes, dans la succession de ces autorisations il semble y avoir une interruption entre l'année 2003 et le début de l'année 2007, mais le GIE COCORETTE établit bien avoir été titulaire du label au cours de plusieurs années précédentes, et établit en disposer à nouveau aujourd'hui. L'intérêt à agir doit s'apprécier au moment où le Juge statue. Dans le cas présent, le GIE COCORETTE a bien intérêt à agir quant aux conditions d'utilisation, par l'Association AQFO, de la dénomination ou du label "oeufs fermiers" dont elle prétend bénéficier.

Le moyen ainsi soulevé ne peut donc qu'être écarté.

Sur le fond

L'article 76 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 -devenu article 640-19 du Code Rural- édicte que "l'utilisation du qualificatif «fermier» est subordonnée au respect des conditions fixées par décret". Il est constant que le décret destiné à permettre l'application de cette loi n'a jamais été pris. Pour autant, contrairement à ce que soutient l'Association AQFO, cela n'empêche pas le GIE COCORETTE de se prévaloir du label "oeufs fermiers" dès lors que le début de l'article 640-19 déjà cité comporte la mention "sans préjudice des réglementations communautaires, ni des réglementations nationales en vigueur à la date de promulgation de la loi no 99-574 du 9 juillet 1999 (...) ni des conditions approuvées à la même date", ce qui signifie que les autorisations d'utilisation de la dénomination "fermiers" déjà délivrées restent en vigueur. C'est bien d'ailleurs ce qui est illustré par les éléments du dossier puisque, ainsi qu'il a été dit plus haut sur la recevabilité, le GIE COCORETTE est au bénéfice d'homologations successives de son cahier des charges de label agricole "oeufs fermiers". Par ailleurs, il existe bien des «critères minimaux à remplir pour l'obtention d'un label "oeufs fermiers"» établis en date du 16 avril 1999 par l'autorité compétente du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche (pièce no 6 du Groupement) et qui sert de base pour la délivrance d'autorisations d'utilisation du label.

A l'appui de son action, le GIE COCORETTE démontre bien que l'Association AQFO utilise la dénomination "oeufs fermiers" alors que cette appellation répond à des critères précis, quant au mode de production, dont elle ne démontre pas qu'ils aient été respectés et vérifiés en l'espèce. A l'inverse, le GIE COCORETTE rapporte la preuve de la conformité de ses produits avec le cahier des charges du label "oeufs fermiers" puisqu'elle a obtenu diverses autorisations d'utilisation de ce label, et qu'elle produit en outre (ses pièces numérotées 3/1 à 3/3) des certificats de l'organisme de certification "QUALICERT" la concernant desquels il résulte qu'elle respecte le cahier des charges du label "oeufs fermiers" prévoyant notamment que les oeufs soient pondus en nids garnis de paille et ramassés à la main, qu'ils proviennent de fermes de petite tailleur, enfin que les poules soient alimentées avec 70 % minimum de céréales, cette vérification ayant été faite pour la dernière fois pour la période du 7 juin 2005 jusqu'au 7 juin 2008 qui couvre notamment la période de l'introduction de l'instance et celle où, aujourd'hui, la présente décision va être rendue en appel.

Parmi les pièces que le GIE COCORETTE verse au dossier, figure un procès-verbal de constat d'huissier en date du 22 septembre 2006 dans lequel l'officier ministériel relate avoir acquis dans un supermarché de la région une boîte d'oeufs de marque "Mas d'Auge" portant la mention "oeufs fermiers". C'est donc bien à tort que l'Association AQFO soutient qu'elle «n'utilise pas le label "oeufs fermiers"» (1er alinéa du 2; de la page 6 de ses conclusions) alors qu'elle utilise une dénomination identique à celle visée par le cahier des charges permettant l'obtention du label et que, si cette dénomination "oeufs fermiers" est placée dans un ovale noir, elle figure, sur l'emballage, non loin de la mention "label rouge" qui évoque, dans l'esprit du consommateur normalement averti, un certain critère de qualité ayant donné lieu à des vérifications.

C'est donc bien de manière fautive que l'Association AQFO utilise la mention "oeufs fermiers" sans qu'il soit vérifié par un organisme compétent que le mode de production des oeufs qu'elle commercialise est conforme aux critères existants pour l'utilisation de cette dénomination, et dans des conditions propres à tromper le client et à influencer son choix au détriment des produits commercialisés par le GIE COCORETTE qui, eux, sont bien soumis à une vérification précise permettant l'octroi de l'utilisation de ce terme. Le trouble qui est ainsi causé au GIE COCORETTE est donc illicite. En conséquence, c'est à bon droit que le Premier juge a ordonné à l'Association

AQFO la cessation de l'utilisation de la mention "oeufs fermiers" sur ses emballages ce en application des dispositions de l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée dans son intégralité.

Il y a lieu en complément, pour rétablir la vérité quant à l'appellation des oeufs commercialisés par l'Association AQFO, de prévoir la publication du présent arrêt dans trois journaux au choix du GIE COCORETTE, selon les modalités qui seront précisées au dispositif.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge du GIE COCORETTE tout ou partie des frais qu'il a dû engager dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de l'Association AQFO qui succombe et qui devra, pour les mêmes motifs, supporter les dépens en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Et, y ajoutant,

ORDONNE la publication de cet arrêt dans trois journaux au choix du GIE COCORETTE aux frais de l'Association AQFO dans la limite de 2 500 € HT par insertion.

CONDAMNE l'Association AQFO à payer au GIE GROUPEMENT QUALITÉ COCORETTE la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE l'Association AQFO aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ces derniers, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Greffier, Le Président,

C. NOLIN T. FOSSIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Ct0039
Numéro d'arrêt : 07/00835
Date de la décision : 03/04/2007

Analyses

AGRICULTURE - Label agricole - / JDF

Si depuis la loi du 9 juillet 1999, le code rural subordonne l'utilisation du qualificatif "fermier" à des conditions réglementaires non encore édictées à ce jour, les autorisations antérieurement délivrées demeurent valables, ainsi que, par suite, les critères à remplir pour l'obtention du label "oeufs fermiers". En apposant sur ses emballages la dénomination "oeufs fermiers" dans un ovale noir jouxtant la mention "label rouge", sans que pourtant la conformité aux critères existants de son mode de production des oeufs soit vérifié par un organisme compétent, une association cause un trouble illicite dont la cessation peut être ordonnée en référé


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce d'Arras, 07 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.douai;arret;2007-04-03;07.00835 ?
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