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05/11/2015 | FRANCE | N°13/03455

France | France, Cour d'appel de colmar, DeuxiÈme chambre civile - section a, 05 novembre 2015, 13/03455


MINUTE No 692/ 2015
Copies exécutoires à
Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH

Maître HARTER
Le 5 novembre 2015
Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 05 novembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/ 03455
Décision déférée à la Cour : jugement du 21 mai 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et défenderesse :
La COMMUNE DE GOUGENHEIM prise en la personne de son représentant l

égal ayant son siège social 13 rue Forêt 67270 GOUGENHEIM

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHAR...

MINUTE No 692/ 2015
Copies exécutoires à
Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH

Maître HARTER
Le 5 novembre 2015
Le Greffier RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE-SECTION A

ARRÊT DU 05 novembre 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A 13/ 03455
Décision déférée à la Cour : jugement du 21 mai 2013 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de STRASBOURG
APPELANTE et défenderesse :
La COMMUNE DE GOUGENHEIM prise en la personne de son représentant légal ayant son siège social 13 rue Forêt 67270 GOUGENHEIM

représentée par Maîtres CHEVALLIER-GASCHY, RICHARD-FRICK et HEICHELBECH, avocats à COLMAR plaidant : Maître MARTINEAU, avocat à STRASBOURG

INTIMÉE et demanderesse :
Madame Jeanne X...épouse Y... demeurant... 67270 GOUGENHEIM

représentée par Maître HARTER, avocat à COLMAR plaidant : Maître RAJAT, avocat à STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur Bernard POLLET, Président Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier ad hoc, lors des débats : Madame Valérie ALVARO
ARRÊT Contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.- signé par Monsieur Bernard POLLET, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Y... est propriétaire de deux parcelles cadastrées section 2 no 101 et 102 sur le ban de la commune de Gougenheim, lesquelles sont séparées par une parcelle no 184 inscrite au nom de la commune de Gougenheim.
Sur saisine de Mme Y..., en date du 30 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant contradictoirement le 21 mai 2013, a dit que la parcelle section no 184 était la propriété de la demanderesse pour sa partie longeant les parcelles section 2 no 101 et 102 situées sur le même ban, a condamné la commune de Gougenheim aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme Y... un montant de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires.
Par déclaration électronique enregistrée au greffe le 10 juillet 2013, la commune a interjeté appel général.
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives de la commune de Gougenheim, reçues le 5 décembre 2013, aux fins d'infirmer le jugement entrepris, de débouter Mme Y... et de dire et juger que la parcelle cadastrée section 2 no 184 est sa propriété, d'en ordonner la transcription au livre foncier compétent, de condamner l'intimée aux dépens et à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de Jeanne Y..., reçues le 10 mars 2014, tendant à rejeter l'appel, à confirmer le jugement entrepris, à condamner l'appelante aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 10 septembre 2014 ;
MOTIFS
Sur la propriété de la parcelle
Attendu que, pour critiquer la décision dont appel, en ce que le premier juge a fait droit à la demande sur le fondement de l'article L. 215-2 du code de l'environnement relatif aux cours d'eau non domaniaux, en relevant que, selon la Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt (DDA), la parcelle no 184, dite " Dorfgraben ", ne faisait pas partie du domaine de l'Etat et qu'ainsi, le cours d'eau était non domanial, que la qualification de cours d'eau, et non de fossé, s'appliquait, en fonction des documents d'urbanisme, et qu'il n'était pas démontré que l'intéressée n'était pas riveraine du cours d'eau, la commune estime
-que l'article L. 215-2 du code de l'environnement ne s'applique pas au litige, en soutenant que le " Dorfgraben " n'est pas un cours d'eau, que les documents d'urbanisme sont contradictoires à ce sujet, parlant par moment de fossé, et qu'elle n'en est pas le rédacteur, que " Dorfgraben " signifie " fossé du village " en allemand ou en dialecte alsacien et que la parcelle est inscrite comme fossé au cadastre et a été canalisé ;
- que Mme Y... n'en est pas riveraine, la parcelle étant plus large que le fossé ;
- qu'en outre, le titre ou la prescription contraire est opposable, puisque le fossé constitue en lui-même une parcelle inscrite au nom de la commune, et non au nom des riverains ; que la parcelle relève de son domaine privé, comme le montrent divers indices : mention au cadastre, réalisation d'ouvrages publics sur la parcelle, sans réaction de la part de Mme Y..., qui n'a d'ailleurs jamais entretenu la parcelle, peu important qu'elle l'ait clôturée avec l'accord de la commune, qui a financé des portails pour l'accès réciproque par simple tolérance ; que divers tronçons du fossé, recouverts, ont été vendus à des propriétaires privés et qu'elle peut revendiquer la prescription trentenaire, ce que ne peut pas Mme Y..., faute d'avoir les caractères de la possession, ni prouver qu'elle s'est comportée comme propriétaire du fossé, notamment en le curant et en l'entretenant et qu'en tout état de cause le délai a été interrompu par l'intervention de la commune en 1974 et 1978, sans opposition de Mme Y... ; qu'elle n'a jamais payé de taxe foncière ;
Attendu que, pour s'en défendre et conclure à la confirmation, l'intimée relève
-que les documents d'urbanisme de la commune évoquent un cours d'eau, peu important la traduction en alsacien, ou l'indication de fossé sur le relevé cadastral, et qu'il court à l'air libre en amont et en aval ; que la DDA a indiqué qu'il s'agissait d'un cours d'eau non domanial, outre diverses attestations faisant état du cours asséché d'un ruisseau ; qu'ainsi, elle peut invoquer le bénéfice de L. 215-2 du code de l'urbanisme ;
- que, la parcelle ayant une largeur moyenne de 1, 335 mètre, elle est bien riveraine ;
- que la commune ne saurait invoquer le bénéfice du titre ou de la prescription contraire, réservée aux seuls riverains, et ne peut opposer l'usucapion ou un titre ;
- qu'en tout état de cause, elle n'apporte pas la preuve d'une propriété sur la parcelle au titre du domaine privé, les documents et registres cadastraux n'ayant pas force probante mais étant de simples indices ; que les factures de travaux ont plus de trente ans ; que la vente d'autres tronçons ne prouve rien ; qu'au surplus, elle-même peut invoquer l'usucapion, faute de preuve d'ouvrage public ou de preuve d'entretien de la parcelle ; qu'un accord en 1978 a compensé la servitude de canalisation par la pose d'un branchement en faveur de la propriétaire ;
- qu'au demeurant, la prescription ne peut être invoquée par les collectivités publiques, faute d'être prévue par le code général de la propriété des personnes publiques selon une réponse ministérielle ; que la commune reconnaît d'ailleurs ne pas avoir accès à la parcelle, qui n'a été entretenu que par les époux Y..., propriétaires des autres parcelles clôturées, qui ont ainsi marqué leur possession, comme le montrent les témoignages, avec transmission de génération en génération et toutes les qualités de la possession ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 215-2 du code de l'environnement, les lits des cours d'eaux non domaniaux appartiennent aux propriétaires des deux rives et, si les deux rives appartiennent à des propriétaires différents, chacun d'eux a la propriété de la moitié du lit, suivant une ligne que l'on suppose tracée au milieu du cours d'eau, sauf titre ou prescription contraire ;
Attendu, en l'espèce, que le tribunal, ayant relevé que la DDA avait indiqué que la parcelle litigieuse ne faisait pas partie du domaine de l'Etat, que divers documents d'urbanisme, dont le plan local d'urbanisme (PLU) et ses documents dérivés, montraient que ce courant d'eau était généralement désigné comme cours d'eau ou ruisseau, en a exactement déduit, par une motivation que la cour approuve et adopte, que le texte précité était applicable à la situation litigieuse ;
Attendu, en outre, que la qualification de " fossé du village " en libre traduction française de l'expression dialectale germanique " Dorfgraben ", pas plus que la mention au cadastre, n'apparaissent dirimantes et de nature à remettre en cause cette analyse, alors qu'une consultation attentive des documents cartographiques produits, en particulier la carte topographie annexée au PLU, montre que le " Dorfgraben ", qualifié expressément de cours d'eau sur ce document approuvé par délibération communale (annexe no 24 de Me Harter), débute en amont du village à une altitude de 224 mètres pour se jeter en aval dans un autre cours d'eau, à l'air libre, et qu'une affichette du 10 mars 2009, tenant lieu d'avis sous la signature du maire, énonce notamment " Et une bonne nouvelle ! Malgré l'hiver qui n'en finit pas, les grenouilles sont de retour ! Nous avons découvert les premières pontes à la frayère de la source du Dorfgraben ! " (annexe no 32 de Me Harter), ce qui s'entend bien d'un cours d'eau et non d'un fossé, lequel n'a pas de source ;
Attendu, par ailleurs, que la commune ne saurait soutenir que l'intimée ne serait pas riveraine du cours d'eau et ne pourrait donc se prévaloir des dispositions du code de l'environnement, au motif que la parcelle cadastrale litigieuse serait plus large que l'assiette du cours d'eau, alors que cette assertion n'est démontrée par aucune pièce du dossier et que l'intéressée indique, sans être utilement contredite sur ce point, que la parcelle présente une largeur moyenne de 1, 335 mètre ;
Attendu, pour le surplus, que, sans méconnaître l'inscription figurant au cadastre, mais qui n'est corroborée par aucun titre ou inscription au livre foncier, ni le fait que la commune a construit des ouvrages sur la parcelle en question, notamment pour canaliser le cours d'eau, lesquels remontent aux années 1974 et 1978, ou encore qu'elle a vendu en amont ou en aval des tronçons du Dorfgraben à des propriétaires privés, il y a lieu de considérer que ces faits sont insuffisants pour caractériser une possession trentenaire, paisible, publique, non équivoque et continue, alors qu'il résulte d'un courrier du 18 septembre 1978, émanant de l'ingénieur du génie rural et adressé au maire de l'époque (annexe no 36 de Me Harter) que la construction des dits ouvrages résulte d'un accord de principe donné par le propriétaire des parcelles Y... pour le passage d'un collecteur sur sa propriété, le plus près possible de la canalisation du Dorfgraben et qu'en compensation de cette " servitude " (sic) grevant ces fonds par l'occupation de deux canalisations, il demandait également la pose d'un regard de branchement d'immeuble, caractérisant ainsi un acte de pure tolérance et essentiellement précaire ;
Attendu en outre que la commune ne justifie d'aucun acte possessoire sur la parcelle depuis cette époque, quand la partie Y... a pu faire clôturer l'ensemble de ses terrains, insérant la dite parcelle et l'incorporant dans sa propriété, et faire mettre en place un portail, financé pour partie par la commune, pour permettre l'accès aux installations ;
Attendu, par ailleurs, qu'il est produit de nombreux témoignages de proches ou de voisins de la famille Y... (annexes no 14 à 23 de Me Harter) tendant à corroborer cette analyse ;
Attendu, en conséquence, au bénéfice de cette motivation, qu'il convient de rejeter l'appel comme non fondé, et de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Attendu qu'il y a lieu d'indemniser l'intimée au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense en appel à hauteur de 1 500 euros ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE l'appel recevable, mais non fondé ;
Le REJETTE ;
CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la commune de Gougenheim, prise en la personne de son maire, aux dépens, et à payer à Jeanne Y..., née X..., un montant de 1 500 ¿ (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de colmar
Formation : DeuxiÈme chambre civile - section a
Numéro d'arrêt : 13/03455
Date de la décision : 05/11/2015
Type d'affaire : Civile

Analyses

"L'inscription d'une parcelle au cadastre sous la dénomination de ¿fossé¿, qui constitue une présomption simple pouvant être combattue par la preuve contraire, ne fait pas obstacle à ce que ladite parcelle puisse être qualifiée de cours d'eau conformément aux documents d'urbanisme de la commune" "La propriétaire riveraine de cette parcelle est dès lors légitime à en revendiquer la propriété d'une partie, en application de l'article L.215-2 du code de l'environnement, la réalisation d'ouvrages publics par la commune sur le lit de ce cours d'eau non domanial n'étant par ailleurs pas suffisante pour caractériser une possession trentenaire répondant aux conditions de la prescription acquisitive"


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 21 mai 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.colmar;arret;2015-11-05;13.03455 ?
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