La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/10/2007 | FRANCE | N°06/02057

France | France, Cour d'appel de chambéry, Chambre commerciale, 23 octobre 2007, 06/02057


LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SEPT LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

dans la cause 06/02057- Chambre commerciale

FC/MV

opposant :

Appelante

La SARL CAVEJA,

dont le siège social est situé 41 avenue de Boisse - 73000 CHAMBERY

représentée par la SCP FORQUIN - RÉMONDIN, avoués à la Cour

assistée de Me El Hem SELINI, avocat au barreau de CHAMBERY

à

Intimé

Monsieur le Comptable des Impôts de Chambéry, chargé du recouvrement,

agissant sous l

'autorité du Directeur des Services Fiscaux de la Savoie et du Directeur Général des Impôts

5 avenue de Basserns - 73000 CHAMBERY

r...

LE VINGT TROIS OCTOBRE DEUX MILLE SEPT LA CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

dans la cause 06/02057- Chambre commerciale

FC/MV

opposant :

Appelante

La SARL CAVEJA,

dont le siège social est situé 41 avenue de Boisse - 73000 CHAMBERY

représentée par la SCP FORQUIN - RÉMONDIN, avoués à la Cour

assistée de Me El Hem SELINI, avocat au barreau de CHAMBERY

à

Intimé

Monsieur le Comptable des Impôts de Chambéry, chargé du recouvrement,

agissant sous l'autorité du Directeur des Services Fiscaux de la Savoie et du Directeur Général des Impôts

5 avenue de Basserns - 73000 CHAMBERY

représenté par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour

assisté de la SCP LAPORTE-BOUZOL, avocats au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 24 septembre 2007 avec l'assistance de Madame VIDAL, Greffier,

Et lors du délibéré, par :

- Madame ROBERT, Président de chambre,

- Madame CARRIER, Conseiller, qui a procédé au rapport

- Monsieur BETOUS, Conseiller.

-=-=-=-=-=-=-=-=-

Par acte notarié du 28 mars 1989, la SCI LE PARC a consenti à la Société SOFAL une délégation des loyers des murs abritant un fonds de commerce d'hôtel bar brasserie exploité à CHAMBÉRY sous l'enseigne LE REVARD.

Par acte du 4 septembre 1992, la Société BANQUE DE NEUFLIZE SCHLUMBERGER MALLET (BNSM) a été subrogée dans les droits de la Société SOFAL pour la délégation de loyers dus à la SCI LE PARC. La locataire des murs, exploitante du fonds de commerce, était alors une Société LE REVARD.

Suivant acte authentique du 6 mai 1993, celle-ci a cédé son fonds à la Société CAVEJA. Par exploit d'huissier en date du 21 avril 1994, BNSM a notifié à la Société CAVEJA la délégation de créance dont elle était bénéficiaire en avertissant cette dernière d'avoir à se libérer entre ses seules mains des loyers dus par elle à la SCI LE PARC. La Société CAVEJA s'est alors régulièrement acquittée des loyers entre les mains de BNSM.

Le 8 novembre 1996, la Société CAVEJA s'est vu notifier par la Direction Générale des Impôts un avis à tiers détenteur d'un montant de 68 400F. au titre d'un redressement de TVA dû par la SCI LE PARC.

A compter du mois de janvier 1997, la Société CAVEJA a cessé de payer ses loyers entre les mains du délégataire, BNSM, pour régler à la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY les impositions réclamées aux termes de l'ATD du 8 novembre 1996.

Par lettre recommandée en date du 22 août 1997, BNSM a informé la Société CAVEJA d'avoir à se libérer du paiement des loyers entre ses mains. Par lettre de son conseil en date du 6 novembre 1997, elle a mis en demeure la Société CAVEJA de lui régler l'arriéré de loyers couru depuis le mois de janvier 1997.

Le 12 décembre 1997, la Société CAVEJA s'est vu notifier, à la requête du Trésor Public un autre ATD, pour avoir paiement de la somme de 116 512F. représentant des impositions directes restant dues par la SCI LE PARC.

La mainlevée de l'ATD du 8 novembre 1996 a été notifiée à la Société CAVEJA par la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY le 19 décembre 1997.

BNSM a, aux termes d'un arrêt de la Cour d'Appel de CHAMBÉRY en date du 23 janvier 2002, réformant partiellement un jugement du Tribunal d'Instance de CHAMBÉRY en date du 28 juillet 1998, obtenu, en vertu de la délégation de créance qui lui avait été consentie, la condamnation de la Société CAVEJA au paiement des loyers pour la période de janvier 1997 à décembre 2000, période au cours de laquelle celle-ci avait réglé les loyers par préférence à la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY puis au Trésor Public de CHAMBÉRY, en vertu des ATD susvisés.

Au vu de cette décision et par courrier en date du 27 août 2002, la Société CAVEJA a, par l'intermédiaire de son Conseil, sollicité auprès de la Direction des Services Fiscaux, la restitution de sommes versées en exécution des deux ATD en faisant valoir qu'il s'agissait d'un paiement indû. Elle a, par lettre du 31 mars 2003, mis en demeure la Recette Divisionnaire des Impôts de CHAMBÉRY de lui restituer la somme de 11 159,27 €.

La Direction des Services Fiscaux ayant contesté son obligation de restituer, la Société CAVEJA l'a fait assigner devant le Tribunal de Grande Instance de CHAMBERY par exploit en date du 4 octobre 2004 en remboursement des sommes réglées au titre des deux avis à tiers détenteur et en paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 25 juillet 2006, le Tribunal de grande instance de CHAMBÉRY a:

- rejetant la fin de non recevoir de prescription soulevée par la Direction des Services Fiscaux, déclaré l'action de la Société CAVEJA recevable,

- débouté la Société CAVEJA de ses demandes en retenant que l'effet attributif de l'ATD du 8 novembre 1996 avait transféré la propriété de la créance de loyers de la SCI LE PARC sur la Société CAVEJA à l'administration fiscale saisissante et qu'en conséquence, les paiements effectués par la Société CAVEJA n'étaient pas indus,

- débouté l'administration fiscale du surplus de ses demandes et condamné la Société CAVEJA aux dépens.

La Société CAVEJA a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures, signifiées le 21 décembre 2006, elle conclut à la réformation du jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes.

Elle demande à voir condamner la Direction Générale des Services Fiscaux à lui restituer la somme de 11 159,27 € versée en exécution de l'avis à tiers détenteur du 8 novembre 1996, ce outre intérêts au taux légal à compter du 15 janvier 1997, date de son premier règlement, et la somme de 3 050 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 1 525 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir que la délégation de créance intervenue au profit de BNSM a eu pour conséquence de rendre indisponible la créance du déléguant, ce qui ne permettait pas à la Direction des Services Fiscaux de solliciter le paiement de l'avis à tiers détenteur.

Elle prétend d'autre part qu'à supposer la créance saisie disponible et l'effet attributif de l'avis à tiers détenteur réalisé, l'indu subjectif visé à l'article 1377 du Code Civil est caractérisé par le fait qu'elle n'a pas su avant la décision définitive du 23 janvier 2002 que le créancier qui devait être réglé avant tout autre était le délégataire.

Elle souligne d'autre part qu'il est surprenant que "le Trésor Public" n'ait pas fait valoir ses droits lors de la vente des locaux dont elle est locataire, intervenue le 16 janvier 2001, au profit d'une SCI LES BERNARDIERES.

Elle soutient à l'appui de sa demande de dommages et intérêts que la Direction des Services Fiscaux l'a induite en erreur en exigeant à tort un paiement d'une part et en lui faisant croire d'autre part qu'un accord était possible sur le remboursement des sommes indûment versées, puis en laissant sans réponse ses demandes.

La Direction de Services fiscaux soulève l'irrecevabilité des demandes de la Société CAVEJA en invoquant l'absence de contestation de l'avis à tiers détenteur dans le délai de forclusion édicté par l'article R 281-4 du Livre des Procédures Fiscales et la prescription quadriennale.

Subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement déféré en faisant valoir que la délégation imparfaite laisse subsister la créance du déléguant dans son patrimoine et que le paiement accompli par le délégué entre les mains du créancier saisissant en vertu d'un ATD est valable par l'effet attributif, qu'en conséquence, le caractère indû du paiement disparaît; que le mécanisme mis en place par la jurisprudence protège le délégué d'un double paiement à la condition toutefois qu'il s'exécute à l'égard du délégataire (sic).

Plus subsidiairement, elle conteste être tenue de rembourser les paiements effectués en vertu du second avis à tiers détenteur dont ses services ne sont pas l'auteur et conclut au débouté de la demande de dommages et intérêts en rappelant qu'elle a donné mainlevée de l'ATD après complet règlement, qu'à la date de la vente des murs de la SCI LE PARC, sa créance étant soldée, elle n'avait aucun motif d'exercer un quelconque recouvrement contre sa débitrice originaire, qu'enfin l'ATD litigieux n'avait pas fait l'objet d'un quelconque recours.

Elle sollicite l'allocation de la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action en répétition de l'indu

Il est constant que l'avis à tiers détenteur litigieux n'a fait l'objet d'aucune contestation. L'article R 281-4 du Livre des Procédures Fiscales prévois que, dans le cadre du recours préalable obligatoire formé contre la régularité d'un avis à tiers détenteur, le chef de service se prononce dans un délai de deux mois à partir du dépôt de la demande dont il doit accuser réception et que si aucune décision n'a été prise dans ce délai ou si la décision rendue ne lui donne pas satisfaction, le "redevable" doit, à peine de forclusion, porter l'affaire devant le juge compétent tel qu'il est défini à l'article L 281 dans un délai de deux mois courant soit à compter de la notification de la décision du chef de service soit à compter de l'expiration du délai de deux mois accordé au chef de service pour prendre sa décision .

C'est par une exacte analyse que le premier juge a estimé que la Société CAVEJA n'avait pas la qualité de redevable au sens de ce texte et a rejeté la fin de non recevoir tirée de la forclusion.

Selon l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968, la prescription des créances sur l'Etat est de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. L'action en répétition de l'indû ne peut être engagée qu'à compter de la date à laquelle celui contre lequel on l'invoque a pu agir valablement et notamment à compter de la révélation du caractère indû des versements. C'est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que la prescription avait commencé à courir à compter de l'arrêt du 23 janvier 2002 condamnant la Société CAVEJA à payer une deuxième fois les loyers acquittés entre les mains du Receveur des Impôts de CHAMBÉRY et que la prescription quadriennale n'était pas acquise à la date de l'introduction de la présente procédure.

Sur la demande principale

Selon l'article 1377 du Code Civil, lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier.

En l'espèce, si la délégation imparfaite consentie à BNSM n'a pas eu pour effet d'éteindre la créance de loyers de la SCI LE PARC contre sa locataire la Société CAVEJA, BNSM avait néanmoins acquis, dès son acceptation de la délégation, un droit exclusif au paiement des loyers par la Société CAVEJA, ce dont il se déduit que la créance de la SCI LE PARC sur la Société CAVEJA était indisponible à la date de l'avis à tiers détenteur du 8 novembre 1996 et qu'elle ne pouvait être saisie. La Société CAVEJA a pu légitimement se croire tenue de payer les sommes visées à l'avis à tiers détenteur litigieux, en considération de la qualité du saisissant et en l'absence de disposition légale ou contractuelle claire lui permettant de se déterminer en sens contraire sur ce point.

Il est ainsi établi que c'est à tort et par erreur que la Société CAVEJA a payé les loyers entre les mains de la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY au vu de l'avis à tiers détenteur que celle-ci lui a délivré. Elle est dès lors fondée à obtenir la restitution des sommes indûment versées en application des dispositions susvisées. La Société CAVEJA ne justifie pas avoir réglé à la Recette Principale de CHAMBÉRY une somme supérieure à celle visée à l'avis à tiers détenteur, le relevé de ses paiements établi par ses soins étant dépourvu de valeur probante et le certificat établi par le Receveur Principal le 2 avril 1998 indiquant que la somme payée en vertu de l'avis à tiers détenteur était de 68 400F. Il sera en conséquence fait droit à la demande de restitution à hauteur de la somme de 10 427,51 €.

Il n'est pas établi qu'il y ait eu mauvaise foi de la part des services fiscaux qui ont indûment reçu les sommes perçues, les échanges de courriers versés aux débats ne faisant pas apparaître que l'existence de la délégation de créance ait été portée à la connaissance de la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY avant le 19 décembre 1997, date de la mainlevée de l'avis à tiers détenteur. Les intérêts ne sont en conséquence dûs qu'à compter de la demande en paiement à savoir le 3 avril 2003, date de réception de la mise en demeure adressée à la Recette Divisionnaire des Impôts de CHAMBÉRY par le Conseil de la Société CAVEJA.

Sur la demande de dommages et intérêts

Ainsi qu'il l'a été précédemment relevé, aucun des échanges de courriers versés aux débats ne fait apparaître que la Recette des Impôts de CHAMBÉRY, la Direction Générale des Impôts ou la Direction des Services Fiscaux de SAVOIE aient jamais été avisées de l'existence de la délégation de créance au profit de BNSM avant la mainlevée de l'avis à tiers détenteur litigieux intervenue après complet paiement le 19 décembre 1997.

Le courrier de la Recette Principale des Impôts de CHAMBÉRY en date du 20 août 1998 portant acceptation du dépôt des loyers chez un séquestre concerne un avis à tiers détenteur du 2 juillet 1998 et non pas l'avis à tiers détenteur litigieux. Il ne saurait dès lors être reproché à la Direction des Services Fiscaux de n'avoir pas tenu des engagements qu'elle n'a pas pris.

Aucun abus de droit de la Direction des Services Fiscaux, qui a légitimement fait valoir sa défense en justice, n'est caractérisé.

La Société CAVEJA sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par mise à disposition au Greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la Société CAVEJA recevable en ses demandes.

LE REFORME en toutes ses autres dispositions.

CONDAMNE la Direction des Services Fiscaux à restituer à la Société CAVEJA la somme de 10 427,51 € outre intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2003.

DEBOUTE la Société CAVEJA de sa demande de dommages et intérêts.

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

CONDAMNE la Direction des Services Fiscaux aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP FORQUIN RÉMONDIN par application de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Ainsi prononcé publiquement le 23 octobre 2007 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile et signé par Madame ROBERT, Président et Madame VIDAL, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 06/02057
Date de la décision : 23/10/2007
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

PAYEMENT DE L'INDU - / JDF

- La répétition de l'indu, en ce qu'elle touve sa justification dans l'inexistence de la dette, ne saurait être soumise à la forchusion de l'article R 281-4 du Livre des Procédures Fiscales prévue pour les seuls redevables de l'Administration Fiscale. - La prescription quadriennale des créances sur l'Etat de la Loi du 31 décembre 1968, en cas d'action en répétition de l'indu, ne commence à courir qu'à compter de la révélation du caractère indu des versements. - Si la délégation imparfaite consentie à la société délégataire n'a pas pour effet déteindre la créance de la société délégante contre la société déléguée, elle confère néanmoins, dès son acceptation de la délégation, un droit exclusif au paiement de la créance à la société délégataire. - Il s'en déduit que la créance de la société délégante sur la société déléguée devient indisponible et ne peut être saisie. - Il y a eu paiement par erreur lorsque la société déléguée a pu légitimement se croire tenue de payer les sommes visées à l'avis à tiers détenteur, en considération de la qualité du saisissant et en l'absence de dispositions légales ou contractuelles contraires lui permettant de se déterminer en sens contraire sur ce point


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Chambéry, 25 juillet 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2007-10-23;06.02057 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award