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07/05/2002 | FRANCE | N°1999/01002

France | France, Cour d'appel de chambéry, 07 mai 2002, 1999/01002


LE SEPT MAI DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1999/01002 - section 2 VNM/FDF opposant : SA PLEIN VENT dont le siège social est 146 AVENUE DU MARECHAL JUIN - 06700 SAINT LAURENT DU VAR ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX APPELANTE Représentée par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat la SCP MERMET-PAULY-BALTAZARD-LUCE du barreau de THONON LES BAINS ; à : SA PROTRAVEL INTERNATIONAL dont le siège social est 87 RUE DE SEZE - 69006 LYON ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX INTIMEE Représentée pa

r la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, Avoués associés et ay...

LE SEPT MAI DEUX MIL DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit : dans la cause 1999/01002 - section 2 VNM/FDF opposant : SA PLEIN VENT dont le siège social est 146 AVENUE DU MARECHAL JUIN - 06700 SAINT LAURENT DU VAR ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX APPELANTE Représentée par ME DELACHENAL, Avoué et ayant pour Avocat la SCP MERMET-PAULY-BALTAZARD-LUCE du barreau de THONON LES BAINS ; à : SA PROTRAVEL INTERNATIONAL dont le siège social est 87 RUE DE SEZE - 69006 LYON ; Représentée par SES DIRIGEANTS LEGAUX INTIMEE Représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, Avoués associés et ayant pour Avocat Me LOPEZ (SELARL VIA JURIS) du barreau de ST ETIENNE ; M. X... Y... ... ; INTIME Représenté par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, Avoués associés et ayant pour Avocat Me GROSSO du barreau d'ANNECY ; MADAME X... CATHERINE demeurant LES HAUTS PRES ROUTE DE LA RAVOIRE - 74210 DOUSSARD ; INTIMEE Représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, Avoués associés et ayant pour Avocat Me GROSSO du barreau d'ANNECY ; COMPOSITION DE LA COUR : Lors de l'audience publique des débats, tenue le 12 Mars 2002 avec l'assistance de Madame XXX, Greffier Et lors du délibéré, par : - Monsieur XXX, Conseiller, faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 26 Novembre 2001 - Monsieur XXX, Conseiller - Madame XXX, Conseiller

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Le 10 septembre 1997, les époux Y... X... ont acheté un forfait touristique auprès de la succursale d'Annecy de la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL, portant sur une croisière en Egypte devant se dérouler du 15 au 22 novembre 1997, pour le prix forfaitaire global de 16.440 F (soit 2.506,26 euros) réglé entièrement avant leur départ. Le

voyage était organisé par la SA PLEIN VENT. Le 17 novembre 1997 est survenu, à Louxor en Egypte, un attentat meurtrier visant essentiellement des touristes et faisant 67 morts. L'ensemble des participants à la croisière ont poursuivi leur voyage nonobstant cet événement.

Par jugement du 22 février 1999, le tribunal d'Instance d'Annecy a, notamment, condamné la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL à payer aux époux Y... X... la somme de 8.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral mais les a déboutés de leur demande en remboursement du prix du voyage. Elle a, en outre, condamné la SA PLEIN VENT à relever et garantir la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL de cette condamnation, et à payer aux époux Y... X... une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 14 avril 1999, la SA PLEIN VENT a interjeté appel de cette décision. Par conclusions du 16 janvier 2002 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, elle demande la réformation du jugement déféré, et le rejet de toutes demandes des époux Y... X.... Elle soutient, à l'appui de sa position, que sa représentante sur place n'aurait commis aucune faute à la suite de l'attentat, dès lors qu'elle a proposé aux membres du groupe une solution alternative, et que la majorité d'entre eux a décidé de poursuivre le voyage ; en outre, les époux Y... X... n'auraient subi aucun préjudice, puisqu'ils ont finalement pu bénéficier de l'intégralité des prestations prévues au contrat. Enfin, à titre subsidiaire, la survenance de l'attentat constituerait, pour elle, un cas de force majeure exonératoire de sa responsabilité.

Elle demande enfin condamnation des époux Y... X... à lui payer solidairement la somme de 1.100 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux Y... X..., par conclusions du 2 mars 2000 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, demandent confirmation du jugement sauf en ce qu'ils ont été déboutés de leur demande en remboursement du prix du forfait touristique ; sur ce dernier point, ils forment appel incident, et demandent condamnation solidaire de la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL et de la SA PLEIN VENT à leur payer la somme de 16.440 F, ainsi que celle de 15.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils font valoir que la SA PLEIN VENT, prestataire de la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL, aurait commis une faute par l'intermédiaire de sa préposée en Egypte, en refusant le rapatriement des participants à la croisière après l'attentat de Louxor, tout en confisquant leurs passeports, et en les obligeant ainsi à poursuivre leur voyage.

La SA PROTRAVEL INTERNATIONAL demande, par conclusions du 20 décembre 1999 vues par la Cour conformément à l'article 455 du nouveau code de procédure civile, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux Y... X... de leur demande en remboursement du prix du voyage, mais son infirmation pour le surplus, et conclut au rejet de toutes réclamations de ces derniers. Elle se prévaut de ce que l'attentat de Louxor a constitué, pour elle, un cas de force majeure exonératoire de sa responsabilité, et que, par ailleurs, les époux Y... X... ne lui auraient adressé aucun courrier de

réclamation avant qu'elle reçoive l'assignation ; enfin, elle demande confirmation du jugement en ce que la SA PLEIN VENT a été condamnée à la relever et garantir.

Elle sollicite encore condamnation solidaire de la SA PLEIN VENT et des époux X... à lui payer la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR QUOI

Sur la demande de remboursement du prix

Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 applicable en l'espèce, toute personne physique ou morale se livrant à des opérations de vente ou d'organisation de voyages ou de séjours est responsable de plein droit de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de service ; toujours selon le même texte, elle peut s'exonérer en tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable notamment à un cas de force majeure.

En l'espèce, il est constant que les participants au voyage vendu par la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL et organisé par la SA PLEIN VENT, dont les époux Y... X..., ont, nonobstant la survenue de l'attentat, poursuivi leur croisière jusqu'à son terme, et il n'est pas contesté par les époux Y... X... que l'ensemble des prestations prévues a été fourni, et que la qualité de ces prestations n'est pas sujette à critique ainsi qu'il est résulté notamment d'un questionnaire de

satisfaction rempli par plusieurs passagers.

En toute hypothèse, et si la SA PLEIN VENT avait organisé le rapatriement des clients ainsi que les époux Y... X... indiquent en avoir exprimé le souhait sur place, ces derniers ne seraient pas fondés à réclamer ni à leur vendeur ni à son sous-traitant le remboursement proportionnel de la partie du programme non remplie, dès lors que chacun d'eux pourrait invoquer à bon droit la survenue de l'attentat de Louxor comme un événement imprévisible et irrésistible auquel l'inexécution partielle du contrat aurait été exclusivement imputable, et comme tel exonératoire de leur responsabilité, dès lors qu'il n'est pas contestable que ce soit bien ce seul événement qui aurait, dans un tel cas, entraîné l'achèvement prématuré du séjour. A cet égard, le fait, résultant de coupures de presses, que d'autres organisateurs de voyage auraient immédiatement rapatrié l'ensemble de leurs clients en les remboursant de la fraction du séjour non utilisée, au besoin par la garantie de leurs assureurs, est sans incidence sur l'obligation des sociétés en cause à cet égard, aucune d'entre elles n'ayant l'obligation de souscrire une assurance couvrant ce genre de risques et le geste commercial de certaines d'entre elles ne pouvant en engager d'autres.

C'est donc à bon droit que le premier juge a débouté les époux Y... X... de leur demande en remboursement du prix de leur voyage.

Sur la réparation d'un préjudice moral

Ainsi que l'a justement considéré le premier juge, la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL ne peut valablement se retrancher, pour s'opposer à cette demande, derrière le non respect par les époux Y... X... de

la forme et du délai prévus par l'article 7 des conditions particulières du contrat de vente, qui ne peuvent concerner que des défauts de fourniture ou de qualité de prestations contractuellement prévues, alors que l'action des époux Y... X... repose sur le comportement de la SA PLEIN VENT qui est un tiers au contrat, ce même si la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL en est contractuellement responsable aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 susvisée, et qui relève de la déontologie face à des circonstances précises.

Sur le fond, il résulte de nombreux courriers concordants versés aux débats, émanant d'autres participants à la croisière et notamment de personnes qui souhaitaient poursuivre le voyage malgré la survenance de l'attentat, que la SA PLEIN VENT qui avait organisé le voyage et s'occupait sur place de son bon déroulement et de l'accompagnement des clients par l'intermédiaire de l'une de ses préposées dénommée "Claudia", n'a pas, à la suite de l'attentat, mis en oeuvre les moyens nécessaires pour répondre aux attentes et aux besoins des membres du groupe et a, à l'inverse, fait preuve d'un comportement particulièrement inadapté. Ainsi, il est établi que les informations fournies aux voyageurs par "Claudia" ont été successivement contradictoires, annonçant d'abord un rapatriement général, puis informant les participants qu'ils avaient à opter entre un rapatriement ou une poursuite du voyage mais à la condition dans tous les cas de signer une décharge de responsabilité ; enfin dans la mesure où les passagers refusaient de se plier à cette dernière démarche, la SA PLEIN VENT a unilatéralement décidé que le voyage se poursuivrait, en retenant par sa préposée les passeports des membres du groupe, créant ainsi un climat de mécontentement, de dépit et de crainte chez ces personnes contraintes de poursuivre un voyage touristique dans ces conditions, alors que celles qui souhaitaient

rentrer en France étaient les plus nombreuses. S'agissant des époux X... en particulier, ils se voyaient ainsi obligés de suivre la croisière jusqu'à son terme, alors qu'ils avaient demandé leur rapatriement.

En agissant ainsi, la SA PLEIN VENT a commis une faute qui est indiscutablement à l'origine d'un sérieux préjudice moral pour les époux Y... X... Z... de ces derniers a donc à bon droit été accueillie, en réparation de ce préjudice, contre la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL en application de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 qui prévoit notamment qu'elle est responsable de la bonne exécution des obligations résultant du contrat même si elles devaivent être exécutées par un autre prestataire de services.

Contrairement à ce que soutiennent la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL et la SA PLEIN VENT, ce préjudice moral ne résulte pas directement de l'attentat de Louxor, mais bien de la réaction inadaptée de la SA PLEIN VENT, pourtant professionnelle de l'organisation de séjours, face à un tel événement ; dès lors, aucun cas de force majeure ne peut valablement être invoqué par l'une ou l'autre pour s'exonérer de sa responsabilité sur ce point.

Il y a donc lieu de confirmer la condamnation du premier juge contre la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL à payer aux époux Y... X... la somme de 8.000 F soit 1.219,59 euros qui apparaît de nature à réparer ce préjudice en ce qu'elle correspond, notamment, à la moitié environ du coût total du voyage.

C'est encore à bon droit que le tribunal a accueilli l'action récursoire de la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL dirigée contre son

sous-traitant la SA PLEIN VENT, dont le comportement est seul à l'origine du préjudice ainsi réparé. Le jugement déféré sera donc confirmé dans son intégralité.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge d'une part des époux Y... X..., d'autre part de la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL tout ou partie des frais qu'ils ont respectivement dû engager dans la présente instance et qui ne sont pas compris dans les dépens ; il y a donc lieu de leur allouer à chacun une somme de 920 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile selon ce qui sera précisé au dispositif.

Aucune considération d'équité ne conduit à faire application du même texte en faveur de la SA PLEIN VENT qui succombe en son appel et qui devra, pour les mêmes motifs, supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Reçoit la SA PLEIN VENT en son appel, régulier en la forme.

Au fond :

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la SA PLEIN VENT à payer :

- aux époux Y... X... in solidum avec la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL la somme de 920 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- à la SA PROTRAVEL INTERNATIONAL la somme de 920 euros sur le même fondement.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne la SA PLEIN VENT aux dépens, avec application, au profit de la SCP BUTTIN-RICHARD-FILLIARD et la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, sociétés d'avoués associés, des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Ainsi prononcé en audience publique le 07 mai 2002 par Monsieur XXX, faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame XXX, Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de chambéry
Numéro d'arrêt : 1999/01002
Date de la décision : 07/05/2002

Analyses

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Exonération - Force majeure

L'organisateur de séjours de vacances est responsable de plein droit, envers ses clients, de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, qu'elles soient à exécuter par lui-même ou un autre prestataire de service, en application de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992. Il ne peut s'en exonérer en invoquant la force majeure que si cette dernière est directement à l'origine de l'inexécution et du préjudice invoqué


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.chambery;arret;2002-05-07;1999.01002 ?
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