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24/11/1998 | FRANCE | N°981347

France | France, Cour d'appel de Caen, 24 novembre 1998, 981347


Sur l'imputation du legs reçu par Madame X... sur son usufruit légal Le litige dont est saisie cette Cour porte sur l'exercice par Madame Veuve X... du droit d'usufruit légal d'un quart, prévu par l'article 767 du Code Civil, eu égard à la libéralité reçue du défunt. Y... parties sont en désaccord sur la méthode à appliquer pour imputer sur l'usufruit légal théorique le legs particulier qui a été consenti en pleine propriété à Madame Veuve X... Y... premiers juges ont, conformément à la demande de Madame Z... et de Monsieur Alain X..., employé la méthode dite "fiscale"

fondée sur les dispositions de l'article 762 du Code Général des Impôts...

Sur l'imputation du legs reçu par Madame X... sur son usufruit légal Le litige dont est saisie cette Cour porte sur l'exercice par Madame Veuve X... du droit d'usufruit légal d'un quart, prévu par l'article 767 du Code Civil, eu égard à la libéralité reçue du défunt. Y... parties sont en désaccord sur la méthode à appliquer pour imputer sur l'usufruit légal théorique le legs particulier qui a été consenti en pleine propriété à Madame Veuve X... Y... premiers juges ont, conformément à la demande de Madame Z... et de Monsieur Alain X..., employé la méthode dite "fiscale" fondée sur les dispositions de l'article 762 du Code Général des Impôts et donc estimé la valeur de l'usufruit à trois dixièmes de la valeur en toute propriété dès lors que Madame X... avait entre 50 et 60 ans révolus lors du décès de Jacques X... Y... dispositions susvisées, permettant de fixer l'assiette des droits de mutation à titre gratuit en cas de démembrement du droit de propriété, n'ont pas de caractère obligatoire pour évaluer en droit civil les droits de propriété démembrés sauf convention des parties pour s'y référer. Cette méthode repose sur la fixation de la valeur de l'usufruit à une fraction de la valeur de la pleine propriété en utilisant un barème correspondant aux diverses tranches d'âge. C'est à juste titre que l'appelante soutient que cette méthode conduit à imputer une valeur en pleine propriété sur une valeur en usufruit et donc à attribuer au conjoint survivant une quotité moindre dès lors que son usufruit légal est en partie absorbé par la nue-propriété incluse dans la pleine propriété qu'il a reçue à titre de libéralité. Par ailleurs, ce barème fiscal qui a été élaboré par la loi du 25 janvier 1901 ne tient pas compte de l'allongement de l'espérance de vie et de l'augmentation depuis lors du rendement des actifs patrimoniaux. Cette méthode, défavorable au conjoint survivant, ne répond pas aux objectifs du législateur qui est de lui assurer des moyens de subsistance jusqu'à la fin de sa

vie. Madame Veuve X... demande, pour sa part, que , la valeur de la libéralité qui lui a été consentie s'impute sur la valeur du capital sur lequel porte l'usufruit légal, ce dans la limite du double maximum de la masse de calcul et de la masse d'exercice définis par les alinéas 2 et 3 de l'article 767 du Code Civil. Cette méthode qui conduit à imputer la libéralité comme si elle était en usufruit évite, contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, d'imputer l'un sur l'autre des droits réels de nature différente. Dans la mesure où la valeur de la libéralité est inférieure à l'usufruit légal théorique, il subsiste au profit du conjoint survivant un usufruit légal portant sur un capital, composé de biens à déterminer, dont la valeur en pleine propriété est égal à la différence. Cette méthode est incontestablement plus conforme à la volonté du législateur telle que définie ci- dessus. Il convient, dès lors, de faire droit à la demande de Madame Veuve X... tendant à voir appliquer cette dernière méthode étant observé que les conclusions des parties ne permettent à la Cour que d'arbitrer entre les deux méthodes revendiquées. Si, dans ses dernières écritures, au demeurant peu claires, Madame Veuve X... préconise que la valeur économique de l'usufruit soit calculée à l'aide du logiciel A...dont elle indique qu'il est "utilisé couramment par le notariat", il apparaît que sa demande porte sur l'usufruit subsistant sus défini. Y... tableaux versés aux débats ajoutent d'ailleurs à la confusion existant dans ses conclusions dès lors qu'ils prennent pour base une "valeur du bien" qui correspond à l'usufruit légal retenu par les premiers juges. Il convient d'ajouter à cet égard que Madame X... ne peut exiger la conversion en capital ou rente viagère de l'usufruit légal subsistant auquel il n'est pas contesté que lui donne droit la méthode d'imputation retenue, dès lors que la valeur de la libéralité reçue est inférieure à la masse d'exercice de l'usufruit. Il convient

en définitive, eu égard à la réformation intervenant sur la méthode d'imputation de la libéralité sur l'usufruit légal, d'ordonner l'ouverture des opérations de compte-liquidation et partage de la succession de Monsieur Jacques A... de désigner pour y procéder Maître E..., notaire, et Maître X..., notaire, lesquels devront pour la détermination des droits de Madame X... appliquer la méthode retenue par cette Cour qui ne dispose pas des éléments nécessaires pour procéder au calcul précis de ces droits. -Sur les demandes en paiement de dommaqes-intérêts .Sur les demandes de Monsieur Alain X... et Madame Z... B... contestation élevée par Madame Veuve X... sur la méthode d'imputation de son legs sur l'usufruit légal étant fondée, les héritiers réservataires qui se sont opposés au choix de cette méthode sont infondés à lui reprocher d'avoir retardé les opérations de liquidation de la succession. Le préjudice qu'ils invoquent n'étant donc pas consécutif à une faute de Madame X..., ils doivent être déboutés de leur demande en paiement de dommages-intérêts. .Sur les demandes formées par Madame Veuve X... C... réclame le paiement d'une somme de 100.000 F en indemnisation du préjudice résultant de sa mise à l'écart de la gestion et de la disposition des biens de la succession. S'il n'est pas contesté que les héritiers réservataires ont vendu ou donné à bail certains immeubles faisant partie de l'actif de la succession, Madame Veuve X... qui n'établit pas que la valeur des biens aliénés et donnés à bail ait dépassé la réserve ou qu'elle ait eu un intérêt particulier à exercer son usufruit subsistant sur les biens aliénés ou donnés à bail, ne justifie d'aucun préjudice. C... doit donc être déboutée de sa demande formée de ce chef. Par ailleurs, la procédure engagée par Madame Z... et Monsieur X... ne peut être considérée comme abusive dès lors que le législateur ne fixant pas de méthode d'imputation de la libéralité consentie au conjoint survivant sur son usufruit légal,

ils étaient fondés à faire arbitrer judiciairement leur différend. B... demande en paiement d'une somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive doit donc être également rejetée. Y... dépens de première instance et d'appel doivent être pris en frais privilégiés de partage. Madame Z... et Monsieur X... ayant contraint Madame Veuve X... à exposer des frais irrépétibles, ils seront condamnés à régler à cette dernière une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile qu'il est équitable de fixer à 10.000 F. PAR CES MOTIFS -Infirme la décision déférée ; Ordonne l'ouverture des opérations de compte- liquidation et partage de la succession de Monsieur Jacques X...; Désigne pour y procéder Maître E..., et Maître X... -Dit qu'en cas de difficultés, il appartiendra aux parties de faire désigner par le Tribunal de grande instance d'ARGENTAN, un juge conformément aux dispositions des articles 823 du Code Civil et 969 du Code de Procédure Civile Ancien ; -Dit que la libéralité consentie en toute propriété à Madame Veuve Anne-Marie D... sur la valeur du capital sur lequel porte l'usufruit légal du conjoint survivant, dans la limite du double maximum de la masse d'exercice et de la masse de calcul ; -Rejette la demande de conversion de l'usufruit légal subsistant après imputation de la libéralité, en capital ou rente viagère ; -Déboute les parties de leurs demandes respectives en paiement de dommages-intérêts ; -Condamne solidairement Monsieur Alain A... Madame Colette Z... à verser à Madame Veuve E... somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; -Y... déboute de leur demande présentée sur ce même fondement ; -Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de partage.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Numéro d'arrêt : 981347
Date de la décision : 24/11/1998

Analyses

SUCCESSION - Conjoint survivant - Usufruit légal

En cas de legs en toute propriété, la méthode dite "fiscale" fondée sur les dispositions de l'article 762 du Code général des impôts conduisant à imputer la valeur en pleine propriété sur la valeur en usufruit, défavorable au conjoint survivant, ne répond pas aux objectifs du législateur qui est de lui assurer des moyens de subsistance jusqu'à la fin de sa vie. Dans la mesure où la valeur de la libéralité est inférieure à l'usufruit légal théorique, la méthode qui conduit à affecter la libéralité comme si elle était en usufruit, évitant ainsi d'imputer l'un sur l'autre des droits réels de nature différente, est incontestablement plus conforme à la volonté du législateur


Références :

Code général des Impôts, article 762

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.caen;arret;1998-11-24;981347 ?
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