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28/10/2010 | FRANCE | N°09/05118

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 28 octobre 2010, 09/05118


ARRET
STE ESPACE DETROIT AUTOMOBILES
Me X...

C/
STE CHRYSLER FRANCE
M.M./JA

COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 28 OCTOBRE 2010
RG : 09/05118
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 10 novembre 2009
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC.
EN PRESENCE DU SUBSTITUT DE M. LE PROCUREUR GENERAL.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
STE ESPACE DETROIT AUTOMOBILESRue Emile VictorZac de la Borne80136 RIVERY"prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège".


Maître Eric X... Mandataire judiciaire...80000 AMIENSès qualités d'administrateur au redressement jud...

ARRET
STE ESPACE DETROIT AUTOMOBILES
Me X...

C/
STE CHRYSLER FRANCE
M.M./JA

COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ECONOMIQUE
ARRET DU 28 OCTOBRE 2010
RG : 09/05118
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 10 novembre 2009
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC.
EN PRESENCE DU SUBSTITUT DE M. LE PROCUREUR GENERAL.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTS
STE ESPACE DETROIT AUTOMOBILESRue Emile VictorZac de la Borne80136 RIVERY"prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège".
Maître Eric X... Mandataire judiciaire...80000 AMIENSès qualités d'administrateur au redressement judiciaire de la STE ESPACE DETROIT AUTOMOBILE
Comparants concluants par la SCP MILLON ET PLATEAU, avoués à la Cour et plaidant par Me CAVEDON substituant Me VYNCKIER, avocats au barreau de LILLE.
ET :
INTIMEE
STE CHRYSLER FRANCEParc de RocquencourtBP 11478150 LE CHESNAY"agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège".
Comparante concluante par Me CAUSSAIN, avoué à la Cour et plaidant par Me SIMONNOT substituant Me MONTERAN, avocats au barreau de PARIS.
DEBATS :
A l'audience publique du 10 juin 2010 devant :
M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président de Chambre,
M. BOUGON et Mme BOUSQUEL, Conseillers,
qui en ont délibéré conformément à la loi, Le Président a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 octobre 2010.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme DEBEVE
PRONONCE :
Le 28 OCTOBRE 2010 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; M. Brieuc de MORDANT de MASSIAC, Président de chambre a signé la minute avec Mme DEBEVE, Greffier.
PROCEDURE DEVANT LA COUR
Par acte en date du 23 novembre 2009, la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités d'administrateur judiciaire de la dite société ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce d'Amiens ayant confirmé l'ordonnance du juge commissaire du 23 juin 2009 ordonnant la restitution du prix de vente de deux véhicules restés la propriété de la SAS CHRYSLER FRANCE.
L'affaire a été fixée au 25 février 2010 pour plaidoirie (Ord. 910 CPC du 14 décembre 2009), puis renvoyée à des dates ultérieures et, pour la dernière fois, au 10 juin 2010.
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités ont conclu (conclusions des 19 février 2010, 30 avril 2010).
La SAS CHRYSLER FRANCE, intimée, a conclu (conclusions des 2 février 2010, 22 mars 2010).Le ministère public a conclu (le 9 juin 2010).
Les parties et leurs conseils ont été régulièrement avisés de la date d'audience, dans les formes et délais prévus par la loi.
Le jour dit, la cause et les parties ont été appelées en audience publique.
Après avoir entendu les avoués et avocats des parties en leurs demandes fins et conclusions, ainsi que le ministère public, la cour a mis l'affaire en délibéré et indiqué aux parties que l'arrêt serait rendu et mis à disposition au greffe le 28 octobre 2010.
Après en avoir délibéré conformément à la loi, la cour a rendu la présente décision à la date indiquée.
DECISION
Faits, procédures, demandes en appel

Le 16 septembre 2002, la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE a passé avec la société CHRYSLER un contrat de distribution portant sur les véhicules des marques distribuées par cette dernière, étant précisé que le contrat contenait une clause de réserve de propriété jusqu'à complet paiement.
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE ayant mise en redressement judiciaire le 13 février 2009, la société CHRYSLER, au visa de la clause de réserve de propriété prévue en sa faveur, a adressé au juge commissaire une requête en restitution portant sur des véhicules figurant à l'inventaire des actifs de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et qui ne lui avaient pas été encore payés.
Par ordonnance en date du 23 juin 2009, le juge commissaire a rejeté les contestations soulevées par la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités et a ordonné la restitution à la société CHRYSLER de deux des véhicules réclamés.
Statuant sur le recours formé par la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités et par jugement en date du 10 novembre 2009, le tribunal de commerce d'Amiens a confirmé l'ordonnance entreprise.
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités ont interjeté appel de la décision.
Devant la cour de céans,
- La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... demandent à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive soit rendue dans le cadre de la contestation formée contre les créances de la société CHRYSLER ; à titre subsidiaire, de déclarer irrecevable la revendication de la société CHRYSLER faute pour celle-ci de démontrer qu'elle détient bien une créance sur les véhicules réclamés ; à titre encore plus subsidiaire, de dire que la créance portant sur les véhicules réclamés est éteinte par compensation.
Elle fait valoir, à titre principal, qu'elle conteste la créance de la société CHRYSLER et que cette contestation doit donc être tranchée par le juge commissaire conformément au dispositions de l'article L 624-2 du code de commerce ; que la décision qui doit être rendue est déterminante de l'issue de la présente procédure, car l'action en revendication, n'est que l'accessoire de la créance ; que, dans ces conditions, il importe de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir.
Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que la revendication de la société CHRYSLER est irrecevable ou en tous cas mal fondée, dès lors que cette société ne démontre pas être propriétaire des deux véhicules revendiqués ; qu'en effet, dans le cadre d'une convention de cession de créances et de partage de risques, la société CHRYSLER a cédé, à la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, l'ensemble des créances qu'elle détenait sur la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et le droit de réserve de propriété qui en était l'accessoire ; que la clause du dit contrat stipulant « qu'en cas d'impayés DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES rétrocédera les créances impayées et ses accessoires à CHRYSLER » n'implique pas (en raison du « futur » employé) une rétrocession automatique, de sorte que la société CHRYSLER doit rapporter la preuve de ce que les deux véhicules litigieux lui ont bien été effectivement rétrocédés ; que la société CHRYSLER ne fait pas cette preuve dès lors que la production d'attestations, émanant de la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, affirmant qu'il y a bien eu rétrocession des créances impayées et qu'il n'y a pas eu de déclaration de créances afférant à ces créances, n'est pas suffisante pour établir l'effectivité de cette rétrocession et dès lors que la société CHRYSLER ne produit pas ses états comptables qui seuls pourraient faire cette preuve.
Elle fait enfin valoir, à titre infiniment subsidiaire, que la revendication n'est recevable que si les véhicules, retrouvés en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective, n'ont pas été déjà payés et qu'en l'espèce la dite revendication se heurte au fait que les deux véhicules avaient été déjà payés avant l'ouverture par le jeu de la compensation légale intervenue entre la créance de la société CHRYSLER afférant à ces deux véhicules et le montant des primes que la société CHRYSLER lui devait.
- La société CHRYSLER demande à la cour la confirmation du jugement entrepris.
Elle expose qu'elle a conclu une convention de cession de créances professionnelles et de partage de risques avec la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES aux termes de laquelle, après cession des véhicules aux distributeurs, la société CHRYSLER cédait les créances correspondantes à la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, laquelle consentait un délai de paiement de 180 jours aux dits distributeurs et encaissait les paiements lorsqu'ils étaient faits dans ce délai, et que, passé ce délai de paiement, la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES rétrocédait, à la société CHRYSLER, les créances impayées à charge pour celle-ci d'en poursuivre le recouvrement ; que, c'est dans ce contexte, que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES lui a rétrocédé un ensemble de créances, concernant la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, portant sur 74 véhicules et totalisant une somme de 2.397.471 euros ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES a déclaré le montant de la valeur des véhicules, cédés à cette société, qui ne lui avait pas été payé dans le délai de 180 jours (et qui restait contractuellement à sa charge), tandis que la société CHRYSLER a déclaré le montant de la valeur des véhicules cédés à cette société, non payés au-delà du délai de 180 jours, que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES lui avait rétrocédé (et qui restait contractuellement à sa charge) ; qu'ayant eu connaissance de ce que certains véhicules non payés étaient encore en possession de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE au jour de l'ouverture de la procédure collective, elle avait revendiqué la restitution de ces véhicules ; que Maître X... lui avait accordé la restitution de 5 véhicules, mais lui avait refusé la restitution des autres ; que, sur la requête qu'elle en a fait, le juge commissaire lui a accordé la restitution de deux autres véhicules, décision que, par le jugement entrepris, le tribunal de commerce a confirmé.
Elle ajoute que la recevabilité et le bien fondé de sa revendication (qui porte sur deux véhicules restés sa propriété, en raison d'une clause de réserve de propriété jusqu'à complet paiement, et retrouvés en nature dans les actifs de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE) ne sauraient être subordonnés à l'admission définitive de sa créance relative à l'ensemble des sommes que lui doit cette société, les régimes de la revendication et de l'admission des créances étant totalement autonomes, et que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de vérification des créances.

Elle ajoute encore que la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ne sauraient contester sa qualité de « propriétaire » des deux véhicules concernés, dès lors que, par application de la convention de cession et de partage de risques précitée et ainsi qu'en atteste la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, la créance relative à ces deux véhicules lui a été rétrocédée à charge pour elle d'en assurer le recouvrement.
Elle fait valoir enfin que la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ne sauraient prétendre que le prix des deux véhicules a déjà été payé, avant l'ouverture de la procédure collective, par compensation avec des primes que la société CHRYSLER devait à la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, dès lors que la société et son administrateur ne démontre pas que ces primes, dont le règlement était subordonné à la réunion d'un grand nombre de conditions, aient été acquises à la société.
- Le ministère public s'en rapporte à justice.
En cet état,
Sur la recevabilité de l'appel
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ayant formé leur recours dans les délais et forme prévus par la loi et la recevabilité de l'acte n'étant pas contestée, la cour recevra les intéressés en leur appel.
Sur le bien fondé de l'appel
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ès qualités d'administrateur judiciaire de la dite société ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce ayant confirmé l'ordonnance du juge commissaire du 23 juin 2009 ordonnant la restitution du prix de vente de deux véhicules restés la propriété de la SAS CHRYSLER FRANCE.
A titre principal, elle soutient qu'une bonne administration de la justice commande de surseoir à statuer et, à titre subsidiaire, elle soutient que la revendication est dépourvue de tout fondement.
Sur le sursis à statuer
Les dispositions relatives « à la vérification et l'admission des créances », comme celles relatives « aux droits de revendication et de restitution du vendeur de meubles » relèvent du même chapitre relatif « à la détermination du patrimoine du débiteur ».
La vérification et l'admission des créances sont régies par les articles L 624-1 et suivants du code de commerce : le mandataire établit la liste des créances déclarées ; au vu des propositions du mandataire, le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des dites créances ou constate l'existence d'une procédure en cours ou constate que la contestation ne relève pas de sa compétence ; la décision du juge commissaire peut faire l'objet d'un appel de la part du débiteur ou du créancier.
La revendication du vendeur de meubles est régie par les articles L 624-9 et suivants du code de commerce : le propriétaire d'un bien meuble, dont le titre est publié, peut demander la restitution de plein droit de celui-ci ; le vendeur d'un bien, vendu avec une clause de réserve de propriété, peut revendiquer la restitution de celui-ci s'il se retrouve en nature chez le débiteur au moment de l'ouverture de la procédure collective ou demander le paiement de son prix ; l'administrateur avec l'accord du débiteur peut acquiescer à la revendication ; à défaut d'accord ou en cas de contestation, la revendication est portée devant le juge commissaire ; la décision du juge commissaire est susceptible de recours devant le tribunal de commerce.
Ces deux procédures sont autonomes. Il a été jugé, en effet, que la déclaration de créance n'est pas une condition de validité de la revendication des marchandises vendues avec clause de réserve de propriété et il a été jugé également que le vendeur qui exerce son droit de revendication conserve la faculté de produire au passif de la procédure collective pour être rempli de ses droits.
Il en résulte que la société CHRYSLER est fondée à revendiquer la restitution de véhicules vendus avec clause de réserve de propriété, si elle estime remplir les conditions prévues à l'article L 624-16 du code de commerce, et que, pour être remplie de ses droits, elle est également fondée à déclarer le montant de l'entière créance qu'elle estime détenir sur la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE (sauf à voir ses droits diminués de la valeur des véhicules qui peuvent lui être restitués).
Il en résulte également que la solution à apporter à la contestation émise par la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE contre la créance globale déclarée par la société CHRYSLER ne conditionne pas la solution à apporter à la contestation qu'elle a émise à l'encontre de la revendication de propriété formée par la société CHRYSLER, car ces deux procédures ont un objet et un régime juridique distinct.
Le rejet de tout ou parti de la créance produite par la société CHRYSLER serait sans influence sur l'action engagée par cette dernière, dans les délais de la loi, et tendant à se voir reconnaître la propriété de deux véhicules, vendus avec clause de réserve de propriété, et retrouvés dans les actifs de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE au moment de l'ouverture de la procédure collective.
La cour rejettera donc les conclusions de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et de Maître X... tendant à ce qu'il soit sursis à statuer.
Sur le bien fondé de la revendication
L'article L 624-16 du code de commerce dispose que « peuvent être revendiqués, s'ils se trouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure collective, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties ».
En l'espèce, la société CHRYSLER et la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE ont conclu, le 16 septembre 2002, un contrat pour la distribution par la seconde des véhicules fabriqués ou commercialisés par la première, contrat dont une des clauses (article 8 des Conditions générales) prévoyait, en faveur de CHRYSLER, une réserve de propriété, sur les véhicules fournis, jusqu'à complet paiement.
La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE a été mise en redressement judiciaire le 13 février 2009 et Maître X..., ès qualités d'administrateur judiciaire, a fait établir un inventaire des actifs de la dite société au jour de l'ouverture de la procédure.
Constant que cet inventaire mentionnait plusieurs véhicules (parfaitement identifiables par leur numéro de châssis) qu'elle avait vendus avec clause de réserve de propriété et qui ne lui avait pas été payés, la société CHRYSLER a sollicité de Maître X... la restitution des dits véhicules.
Maître X... n'ayant que partiellement fait droit à sa demande de restitution (il lui a accordé 5 véhicules), la société CHRYSLER a saisi le juge commissaire du litige et celui-ci, par une ordonnance confirmée par le tribunal, a ordonné la restitution en nature ou en valeur de 2 autres véhicules.
Pour contester la restitution des deux derniers véhicules, la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... font valoir 1o) que la société CHRYSLER ne démontre pas être propriétaire des deux véhicules revendiqués, car la société CHRYSLER aurait cédé ses deux créances (et les droits y attachés) à une de ses filiales, la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES et 2o) que, dans l'hypothèse contraire, le montant des deux créances serait éteint par compensation légale avec le montant de primes que CHRYSLER lui doit.
La cour écartera tout de suite le second argument, car il n'est pas recevable. La société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... ne sauraient, en effet, soutenir, en même temps, une chose et son contraire. Ils ne peuvent soutenir, tout à la fois, que, par suite d'une cession qu'elle en a faite, la société CHRYSLER n'a plus de créance et que cette créance a été éteinte par compensation légale (ce qui suppose qu'elle a existé). Au surplus, l'argument est vain, car il ne peut y avoir compensation légale qu'entre deux créances certaines, liquides et exigibles, conditions auxquelles ne répond pas la créance de primes alléguée.
En ce qui concerne le premier argument (relatif à la perte du droit de propriété par suite d'une cession de créance intervenue), la cour ne saurait suivre la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... dans leurs prétentions.
Il résulte, en effet, des pièces de la procédure qu'antérieurement au contrat qu'elle a conclu avec la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, la société CHRYSLER avait déjà conclu, avec la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, une convention de cession de créances professionnelles et de partage de risques, dans le cadre duquel le contrat passé avec la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE est venu s'insérer.
Aux termes du dit contrat, pour partager les risques inhérents à leur activité, les deux sociétés ont convenu : que CHRYSLER céderait à chaque fois, à DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, les créances qu'elle détiendrait sur ses distributeurs, à charge pour DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES de consentir un délai de paiement de 180 jours aux dits distributeurs et d'encaisser les paiements lorsqu'ils étaient faits dans ce délai ; que, passé ce délai de paiement, la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES rétrocéderait, à la société CHRYSLER, les créances impayées à charge pour celle-ci d'en poursuivre le recouvrement.
C'est dans ce contexte que, pendant plusieurs années, la société CHRYSLER a vendu des véhicules à la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, puis cédé les créances correspondantes à la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES et que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES a consenti des délais de paiement à la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et encaissé le cas échéant les paiements effectués dans les délais par cette dernière, puis rétrocédé à la société CHRYSLER les créances impayées par la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, à charge pour elle d'en poursuivre le recouvrement. Ainsi que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES en atteste, ce sont les créances relatives à 74 véhicules et totalisant une somme de 2.397.471 euros que cette société a rétrocédé à la société CHRYSLER.
En conformité avec la convention conclue entre elles et ainsi qu'elle en atteste encore, la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES, après la mise en redressement judiciaire de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE, s'est bornée à déclarer le montant de la valeur des véhicules, cédés à cette société et qui ne lui avait pas été payés dans le délai de 180 jours, et qui restaient contractuellement à sa charge.
De son côté, la société CHRYSLER a déclaré le montant de la valeur des véhicules cédés à cette société, non payés au-delà du délai de 180 jours, que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES lui avait rétrocédés (et qui restaient contractuellement à sa charge).
Les deux véhicules dont la société CHRYSLER a sollicité et obtenu la restitution sont au nombre des 74 véhicules, restés impayés au-delà d'un délai de 180 jours, que la société DAIMLER BENZ FINANCIAL SERVICES lui a rétrocédés dans les conditions évoquées ci-dessus.
Au vu des pièces produites et dès lors qu'en matière commerciale la preuve est libre, la cour estime que les droits réels de la société CHRYSLER, sur les deux véhicules revendiqués, sont suffisamment établis.
La cour rejettera donc les prétentions de la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et de Maître X... et confirmera le jugement entrepris.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 CPC, être condamnée aux dépens, la cour condamnera la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X..., qui succombent, à supporter les dépens de première instance et d'appel.
La partie perdante devant, en outre, aux termes de l'article 700 du même code, être condamnée à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, une somme arbitrée par le juge, tenant compte de l'équité et de la situation économique de la partie condamnée, la cour condamnera la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... à payer à la société CHRYSLER une somme de 1.500 euros, tous frais de première instance et d'appel confondus.
Les dépens et les frais irrépétibles seront passés en frais de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ;
Reçoit la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... en leur appel ;
Mais le déclarant mal fondé, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions (hormis celles relatives aux dépens et frais irrépétibles) ;
Condamne la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me CAUSSAIN, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne la société ESPACE DETROIT AUTOMOBILE et Maître X... à payer à la SAS CHRYSLER FRANCE la somme de 1.500 euros, tous frais de première instance et d'appel confondus, au titre de l'article 700 CPC,
Dit que les dépens et les frais irrépétibles seront passés en frais de la procédure collective.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Numéro d'arrêt : 09/05118
Date de la décision : 28/10/2010
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2010-10-28;09.05118 ?
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