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25/07/2016 | FRANCE | N°15/11438

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 25 juillet 2016, 15/11438


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 25 JUILLET 2016



N° 2016/ 348













Rôle N° 15/11438







SA POLYCLINIQUE CLAIRVAL

SA AXA FRANCE IARD





C/



[E] [V]

[Z] [M] épouse [V]

[Q] [D]

[W] [P]

[J] [U]

[Q] [N]

[I] [L]

CPAM DU VAR

ONIAM





















Grosse délivrée

le :

à :

Me IMPERATORE

Me MICHOTEY

Me LATIL

Me LEVAIQUE

Me CECCALDI

Me JOURDAN



















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02187.





APPELANTES



SA POLYCLINIQUE CLAIRVAL

[Adresse 4...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 25 JUILLET 2016

N° 2016/ 348

Rôle N° 15/11438

SA POLYCLINIQUE CLAIRVAL

SA AXA FRANCE IARD

C/

[E] [V]

[Z] [M] épouse [V]

[Q] [D]

[W] [P]

[J] [U]

[Q] [N]

[I] [L]

CPAM DU VAR

ONIAM

Grosse délivrée

le :

à :

Me IMPERATORE

Me MICHOTEY

Me LATIL

Me LEVAIQUE

Me CECCALDI

Me JOURDAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Juin 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02187.

APPELANTES

SA POLYCLINIQUE CLAIRVAL

[Adresse 4]

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

représentées par Me Pierre-Yves IMPERATORE, a vocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistées de Me Bruno ZANDOTTI, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMES

Monsieur [E] [V]

né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 2], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2015/009984 du 02/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

Madame [Z] [M] épouse [V]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 2], de nationalité française

demeurant [Adresse 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle partielle numéro 2015/009945 du 02/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AIX-EN-PROVENCE)

représentés par Me Françoise MICHOTEY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Stéphane MAMOU, avocat au barreau de TOULON

Monsieur [Q] [D]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [W] [P]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [J] [U]

demeurant [Adresse 4]

Monsieur [Q] [N]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assistés de Me Véronique ESTEVE, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Nicolas RUA, avocat au barreau de NICE

Monsieur [I] [L]

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-[R] & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

et assisté de Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAR

[Adresse 2]

représentée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

Office National des Indemnisations des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM)

[Adresse 6]

représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Laurent LACAZE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et assisté de Me Patrick DE LA GRANCE, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2016 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Christiane BELIERES, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Christiane BELIERES, Présidente

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie GALASSO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2016. Le 09 Juin 2016 le prononcé de la décision a été prorogé au 25 Juillet 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Juillet 2016,

Signé par Madame Christiane BELIERES, Présidente et Madame Samira CHKIRNI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé des faits et procédure

Le 10 janvier 2008 M. [V] a subi à la Sa Polyclinique Clairval (La Polyclinique) l'implantation d'une prothèse mécanique mitrale effectuée par M. [P] et par M. [D], chirurgiens cardio vasculaires, avec l'assistance du docteur [U], aide opératoire du premier chirurgien, du docteur [L], perfusioniste et du docteur [N], anesthésiste.

Il a été mis en post opératoire sous anticoagulants.

Il a quitté le service de réanimation le 14 janvier 2008 pour le service de chirurgie générale.

Le 15 janvier 2008 il s'est plaint d'un trouble visuel et dans la nuit a présenté des difficultés à uriner, un ventre douloureux et une faiblesse des membres inférieurs puis le 16 janvier 2008 une paraparésie progressive est apparue.

Le scanner cérébral et le scanner abdomino pelvien n'ont pas trouvé d'anomalie ou d'hématome visible et le scanner cervico-dorsal n'a pas montré de compression médullaire mais l'IRM a révélé la présence d'un élément hyper dense intra axial latéralisé à la partie du cordon médullaire en regard de D3.

A la suite de l'angiographie médullaire réalisée par M. [R] une indication de décompression médullaire a été retenue et réalisée le 22 janvier 2008 par M. [F], neurochirugien et M. [X], anesthésiste.

M. [V] conserve une absence de motricité des membres inférieurs.

Il a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 7 octobre 2009, a prescrit une expertise médicale confiée aux docteurs [B], qui a eu recours à un sapiteur neurochirurgien le docteur [A], et qui a déposé son rapport le 30 septembre 2010 dans lequel il a attribué la complication médullaire dorsale haute subie au cours de la période post opératoire à un hématome spontané sous anticoagulants, sans lien avec l'acte chirurgical lui-même qui a été consciencieux, attentif et conforme aux données acquises de la science.

Par actes du 20 et 23 novembre 2012, M. [V] et son épouse Mme [Z] [V] ont fait assigner la Polyclinique et son assureur, la Sa Axa France Iard (Axa), M. [D], M. [P], M. [U], M. [N], M. [L] et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) devant le tribunal de grande instance de Marseille en déclaration de responsabilité et/ou réparation des préjudices subis et ont appelé en cause la Caisse primaire d'assurances maladie (Cpam) du Var en sa qualité de tiers payeur.

Par jugement du 4 juin 2015 assorti de l'exécution provisoire cette juridiction

- dit qu'aucune faute n'était démontrée à l'encontre de M. [D], M. [P], M. [U], M. [N], M. [L]

- dit que la Polyclinique était responsable du défaut de surveillance du taux de coagulation résultant du traitement à l'héparine présenté par M. [V] le 15 janvier 2008 soit une hypocoagulabilité à l'origine de la formation de l'hématome médullaire ayant causé la paraparésie

- prononcé la mise hors de cause de l'Oniam

- fixé le préjudice de M. [V] aux sommes suivantes :

* frais de logement adapté : 340.430 €

* frais de véhicule adapté : 27.300 €

* assistance de tierce personne : 340.723,20 €

* déficit fonctionnel temporaire : 7.300 €

* déficit fonctionnel permanent : 201.000 €

* souffrances endurées : 15.000 €

* préjudice esthétique : 15.000 €

* préjudice sexuel : 15.000 €

- débouté M. [V] de sa demande d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'agrément

- condamné in solidum la Polyclinique et la Sa Axa à payer à M. [V] la somme de 961.753,20 €

- fixé le préjudice subi par Mme [V] à la somme de 10.000 € au titre du préjudice d'affection

- condamné in solidum la Polyclinique et la Sa Axa à payer à Mme [V] la somme de 10.000 €

- débouté Mme [V] de sa demande d'indemnisation au titre de la perte de gains et du préjudice exceptionnel

- condamné in solidum la Polyclinique et la Sa Axa à payer à la Cpam du Var la somme de 317.380,95 € au titre des dépenses de santé actuelles et futures

- condamné in solidum la Polyclinique et la Sa Axa à payer aux époux [V] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des autres parties

- condamné in solidum la Polyclinique et la Sa Axa aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi elle a considéré que 'les médecins n'avaient commis aucune faute ni d'information, ni de prescription ni de réalisation de l'intervention chirurgicale, que l'insuffisance de surveillance du taux de coagulation traité à l'héparine était avéré puisqu'il a dépassé trois fois le TCA (temps de céphaline activé) pour être à 130 à 6 heures, 105 à 17 heures et 100 à 22 h avec des rapports témoin/patient à 4,33, 3,50 et 3,35 alors que la zone thérapeutique est située entre 1,5 et 2,5 fois le témoin et ne doit jamais dépasser trois fois le TCA témoin soit 90, que si le taux d'héparinémie était stable il était anormalement élevé le 15 janvier de 6 heures à 22 heures, ce qui a conduit à intervenir sur la vitesse d'administration de l'héparine à la seringue électrique en vue de faire baisser ce taux mais tardivement le 15 janvier au soir, alors que cette hypocagulabilité majeure a provoqué le saignement et la formation de l'hématome médullaire compressif.'

Par acte du 24 juin 2015, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la Polyclinique et la Sa Axa ont interjeté appel général de cette décision.

Moyens des parties

La Polyclinique et la Sa Axa demandent dans leurs conclusions du 7 avril 2016 de

A titre préliminaire,

- dire que les époux [V] n'ont pas communiqué leur domicile actuel suite au procès-verbal de recherches infructueuses établi à la suite de la signification par voie d'huissier de l'assignation en référé

- déclarer irrecevables les conclusions des époux [V] au sens des dispositions de l'article 961 du code de procédure civile

A titre principal

- réformer le jugement

- débouter les époux [V] de toutes leurs demandes à l'encontre de la Polyclinique qui devra être mise hors de cause

A titre subsidiaire

- réduire les demandes d'indemnisation formulées par les époux [V] à leur encontre

- déduire des sommes qui seront allouées la créance de tous les organismes sociaux

- débouter M. [V] du surplus de ses demandes

' débouter M. [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [V] à leur payer la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure et aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du même code.

Ils rappellent que La Polyclinique est un établissement de soins privé au sein duquel les praticiens exercent leur art à titre libéral et donc en toute indépendance, de sorte qu'elle ne saurait supporter les conséquences dommageables des éventuels manquements commis par les médecins, que seuls des manquements tenant à l'organisation du service ou liés à l'exécution du contrat d'hospitalisation pourraient être de nature à engager sa responsabilité.

Ils se prévalent de la teneur du rapport d'expertise judiciaire qui retient clairement l'absence totale de faute imputable à l'établissement de soins qui n'a rien à voir dans la complication qui est un accident des anticoagulants, 'totalement indépendant de l'institution dans laquelle a été hospitalisé la patient.'

Ils soutiennent qu'en pratique les prescriptions de bilan de la coagulation sont réalisés par les médecins lesquels en ont prescrits trois en l'espèce pendant la journée du 15 janvier, que les infirmières étaient ensuite chargées de procéder à la prise de sang, qu'elles en ont effectivement réalisé trois à 6 h, 17 h et 22 h et ont rempli leur obligation de suivre les prescriptions des médecins.

Ils font valoir qu'il n'appartient en aucun cas aux infirmières de procéder, de leur propre initiative, à la modification de la vitesse d'administration de l'héparine s'agissant d'une décision purement médicale qui ne ressort pas de leur compétence au sens de l'article L 4311-1 du code de la santé publique, que les médecins étaient alertés du fait qu'ils devaient surveiller de près de patient quant à sa coagulation, raison pour laquelle ils avaient prescrit ces bilans d'autant qu'il leur appartient de s'enquérir des résultats de leur prescription, étant responsable de ces dernières et les résultats des bilans leur étant adressés ; ils indiquent qu'un médecin réanimateur est passé voir le patient la veille à 22 heures et a fait modifier la vitesse d'administration de l'héparine en demandant qu'elle soit augmentée ; ils en déduisent qu'il était tout à fait logique que la décoagulation soit élevée le 15 janvier dans la mesure où un médecin avait agi en ce sens la veille au soir, sans qu'à aucun moment cela ne soit retenu comme étant une faute, ni de la part des experts ni de la part du premier juge ; ils estiment qu'il appartenait à ce médecin de venir s'enquérir de l'état de son patient le lendemain et de se procurer les résultats, à tout le moins pour apprécier l'effet de l'augmentation de la vitesse d'administration de l'héparine sur la coagulation, le suivi des résultats de la coagulation relevant de la seule responsabilité des médecins prescripteurs et ne pouvant donc engager celle des infirmières et de l'établissement ; ils font remarquer que le taux est uniquement du aux prescriptions des médecins et n'est pas nécessairement anormal dans cette situation particulière et qu'en tout état de cause les infirmières ne sont pas responsables des prescriptions réalisées par les médecins, se limitant à administrer les posologies prescrites.

Ils soulignent que le rôle des infirmières doit les conduire à alerter les médecins si un nouveau signe clinique survient, qu'en l'espèce elles ont bien avisé les médecins dès l'apparition d'une gêne visuelle chez le patient, qu'à aucun moment l'expert n'indique qu'aucune autre conduite thérapeutique aurai du être mise en place.

Ils affirment que, dans le cas d'un patient comme M. [V], il faut tenter de prévenir en même temps d'une part, l'apparition d'un caillot en fluidifiant son sang à l'aide d'anticoagulant et d'autre part, la survenue d'une hémorragie pouvant conduire à un hématome en augmentant la coagulation sanguine, qu'il n'y a pas eu absence de surveillance de la coagulation mais bien une recherche d'équilibre de celle-ci, de sorte que l'expert a justement considéré qu'il n'y avait aucun comportement fautif qui lui soit imputable et qui puisse être causalement lié au préjudice invoqué.

Ils ajoutent qu'il n'est pas certain que l'hématome n'était pas déjà constitué puisque l'expert ne peut pas affirmer avec certitude que la complication s'est produite le 15 janvier.

Ils concluent au rejet de la demande au titre des frais de logement adapté au motif que toutes les constructions immobilières doivent se soumettre aux obligation d'accessibilité pour personnes handicapées en présentant une surface nécessaire pour le passage des fauteuils, de sorte que M. [V] pourrait exiger de la copropriété dans laquelle il est locataire qu'elle procède aux travaux de mise en conformité.

Ils s'opposent également à l'indemnisation de frais de véhicule adapté dans la mesure où M. [V] avait cessé de conduire dès avant l'accident.

Ils acceptent l'indemnisation de la tierce personne telle qu'accordée par le tribunal sur la base de 4 heures par jour et de 12 € de l'heure et s'opposent à toute incidence professionnelle dès lors que M. [V] était en invalidité à 90 % depuis 1990 et ne travaillait plus depuis cette date en raison de sa pathologie cardiaque

Ils offrent l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sur la base de 600 € par mois

et du déficit fonctionnel permanent sur la base d'une valeur du point de 2.300 € et s'opposent à tout octroi d'un préjudice d'agrément, non justifié en l'absence de toute activité sportive ou de loisir pratiquée avant le fait dommageable.

Les époux [V] demandent dans leurs conclusions du 11 avril 2016 de

Vu les articles L 114 du code de l'action sociale et des familles, L 376-1 et L 376-2 du code de la sécurité sociale, L 1142-1-II et suivants du code de la santé publique

Vu les articles 1382 et 1383 du code civil , les articles 1134 et suivants et 1146 et suivants du code civil

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la Polyclinique et de son assureur la Sa Axa

- confirmer les condamnations prononcées à leur encontre

- débouter la Polyclinique, la Sa Axa, [D], [P], [N] , [U] et [L] de toutes leurs demandes

et sur leur appel incident

- dire que la responsabilité civile de la Polyclinique mais aussi des docteurs [D], [P], [N] , [U] et [L] est engagée

- condamner solidairement la Polyclinique, la Sa Axa, [D], [P], [N] , [U] et [L] à payer à M. [V] les sommes suivantes

* dépenses de santé actuelles et futures : à réserver

* frais de logement adapté : 340.430 €

* frais de véhicule adapté : 26.100 €

* tierce personne : 4.047.949,40 € à titre principal, 674.658,24 € à titre subsidiaire

* incidence professionnelle : 50.000 €

* déficit fonctionnel temporaire : 7.300 €

* souffrances endurées : 20.000 €

* déficit fonctionnel permanent : 222.300 €

* préjudice esthétique : 20.000 €

* préjudice d'agrément : 50.000 €

* préjudice sexuel :50.000 €

- condamner solidairement la Polyclinique, la Sa Axa, [D], [P], [N] , [U] et [L] à payer à Mme [V] les sommes de 80.000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice

- condamner solidairement la Polyclinique, la Sa Axa, [D], [P], [N] , [U] et [L] à leurpayer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

A titre subsidiaire, si la responsabilité des docteurs [D], [P], [N], [U] et [L] n'était pas retenue

- condamner l'Oniam à leur verser ces mêmes sommes en principal, frais irrépétibles et dépens.

Ils indiquent avoir changé d'appartement dans la même résidence.

Ils recherchent la responsabilité des médecins pour manquement à leur devoir d'information au regard des articles L 111-1 et R 4127-35 du code de la santé publique mais aussi pour défaut de surveillance post opératoire en raison des importants facteurs de risques liés à son obésité et à un traitement anticoagulant.

Ils reprochent aux médecins d'avoir prescrit dès le 11 janvier 2008 un traitement anticoagulant excessif sans assurer la surveillance régulière appropriée et de ne pas être intervenus suffisamment tôt suite aux doléances de l'épouse qui a signalé immédiatement après l'opération que la paralysie s'installait dès le 15 janvier 2008 à partir des pieds et progressait vers le haut de la jambe pour atteindre la taille alors que l'intervention de décompression n'a été réalisée que le 22 janvier 2008, tous éléments qui constituent manifestement des négligences dans le suivi médical.

Ils font grief à la Polyclinique de n'avoir pas surveillé le taux de coagulation qui était manifestement excessif le 15 janvier 2008 puisqu'il est passé de 30 à 100 et à 130 alors qu'il ne devait pas dépasser de plus de trois fois le taux témoin de 30 et soulignent que l'établissement de soins ne peut éluder son devoir de respecter l'obligation de sécurité de résultat due au patient en vertu d'un contrat d'hopitalisation.

M. [V] sollicite l'indemnisation du poste de tierce personne sur la base de 24 h/24h, 7 jours sur 7 à raison d'un coût horaire de 20 € calculé sur 412 jours pour tenir compte des congés et jours fériés avec capitalisation selon le barème de la gazette du palais de 2011.

Il réclame réparation pour le poste d'incidence professionnelle dans la mesure où la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé ne le privait pas de l'exercice de toute activité professionnelle aménagée à son handicap.

Il demande indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sur la base de 600 € par mois et de son déficit fonctionnel permanent sur la base d'une valeur du point de 3.420 €.

Mme [V] chiffre à 20.000 € la réparation de son préjudice moral et à 30.000 € son préjudice extra patrimonial exceptionnel pour avoir vu son mode de vie bouleversé et 30.000 € son préjudice économique pour avoir du quitter son travail ne pouvant l'assumer parallèlement ainsi que l'assistance portée à son mari.

M. [U], M. [N], M. [P] et M. [D] sollicitent dans leurs conclusions communes du 11 avril 2016 de

Vu l'article L 1142-1 du code de la santé publique et L 562 du code de procédure civile

A titre principal

- confirmer le jugement en ses dispositions concernant leur prise en charge en ce qu'il n'a retenu aucune faute à leur encontre

- débouter la Polyclinique, la Sa Axa, les époux [V] et l'Oniam de toutes leurs demandes

- condamner tout succombant à leur verser la somme de 2.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Ils font valoir que leur responsabilité ne peut être engagée.

Ils indiquent avoir donné une information appropriée dont ils rapportent la preuve par un faisceaux d'indices, que M. [D] l'a reçu en consultation le 25/10/2007 au cours de laquelle il lui a délivré une information orale en exposant notamment les principaux risques associés à la chirurgie proposée et avoir recueilli son consentement éclairé dans un document écrit où il reconnaît expressément avoir reçu toute l'information souhaitée, qu'il a également bénéficié de deux consultations pré anesthésiques, qu'il a revu M. [D] et M. [P] juste avant l'intervention.

Ils estiment, subsidiairement, que le défaut d'information est sans lien de causalité avec le préjudice corporel allégué car l'intervention cardiaque était nécessaire et il est hautement improbable que M. [V] y aurait renoncé si une information plus étoffée lui avait été prodiguée car s'il n'avait pas été opéré à cette date il serait aujourd'hui décédé ou dans un état d'insuffisance cardiaque précaire.

Ils affirment la qualité de leur prise en charge et l'absence de toute faute de leur part.

Ils exposent que l'expert a validé l'indication opératoire, n'a émis aucun critique sur la technique chirurgicale utilisée par M. [D] et M. [P] ni par M. [U], simple aide opératoire et précisé qu'il n'était plus sous la surveillance des chirurgiens ou anesthésistes lors de la survenue de la complication, ayant quitté le service des soins intensifs le 14 janvier 2008 pour être transféré en secteur de chirurgie générale sous la responsabilité des cardiologues, les docteurs [H] et [K].

Ils ajoutent que le suivi de la complication, de nature exceptionnelle survenue secondairement, par l'ensemble des praticiens a été conforme aux règles de l'art, le sapiteur ayant précisé que sa gestion avait été irréprochable et conforme aux données actuelles de la science, le délai écoulé entre l'apparition des premiers symptômes et la mise en oeuvre de l'intervention neurochirurgicale trouvant son explication dans plusieurs facteurs et notamment la topographie inhabituelle de la complication, la symptomatologie neurologique inhabituelle ou trompeuse et les difficultés pratiques considérables d'indications des examens susceptibles d'aboutir au diagnostic car tous pouvaient faire l'objet d'une contre indication relative liée à leur dangerosité.

Ils soulignent que le diagnostic était particulièrement complexe face à une symptomatologie atypique et une complication rarissime.

Ils notent que l'expert a également traité la question des anticoagulants en per et post opératoire et, après analyse de l'intégralité de la prise en charge, a exclu toute faute de leur part considérant que l'excès relevé était banal en période d'équilibre post circulation extra corporelle.

M. [L] sollicite dans ses conclusions du 6 novembre 2015 de

- déclarer injustifiée et infondée sa présence en appel, aucun argument médical, de fait ou de droit, n'étant articulé à son encontre par les parties à l'instance

- rejeter les demandes pouvant être formulées à son encontre comme étant irrecevables ou, à tout le moins, injustifiées et infondées et en conséquence, rejeter l'ensemble des demandes indemnitaires des époux [V] en ce qu'elles sont dirigées à son encontre

- condamner qui il appartiendra à lui verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il rappelle qu'en vertu de l'article L 1142-1 I sa responsablité ne peut être engagée qu'en cas de faute de sa part en lien de causalité direct, certain et exclusif avec le dommage, qu'aucun manquement dans ses fonctions de perfusionniste lors de l'intervention du 10 janvier 2008 n'est établi dès lors que la complication subie par M. [V] à l'origine de ses séquelles est totalement indépendante de l'acte chirurgical.

L'Oniam demande dans ses conclusions du 8 avril 2016 de

Vu les articles L 1142-1 et suivants du code de la santé publique

A titre principal,

- confirmer le jugement

A titre subsidiaire,

- si la cour retenait que le dommage est susceptible de relever de la solidarité nationale

- dire que la quote part de l'indemnisation mise à sa charge ne saurait excéder 20 %

- ramener à de plus justes proportions les prétentions de M. [V] après application de la quote part

- débouter Mme [V], victime indirecte, de ses demandes en ce qu'elles sont dirigées envers lui

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile

Il fait valoir que le dommage subi par M. [V] n'est pas imputable à sa prise en charge chirurgicale mais trouve son origine dans une faute de la Polyclinique, que l'hématome présenté 5 jours après l'intervention est clairement relié par l'expert et son sapiteur au traitement anticoagulant et donc à une acte de diagnostic ou de soins qui se révèle antérieur à sa prise en charge au sein de la Polyclinique, étant déjà traité à ce titre avant l'intervention.

Il soutient que seul le défaut de surveillance du taux de coagulation est à l'origine de l'entier dommage de M. [V] et engage la responsabilité de la Polyclinique, de sorte qu'un tiers responsable étant identifié il n'a pas à intervenir.

Il souligne qu'il ressort de l'analyse des contrôles biologiques que la valeur du taux de coagulation a été à plusieurs reprises au dessus de la norme au cours de la journée du 15 janvier 2008, date à laquelle l'expert situe la constitution de l'hématome.

Subsidiairement, il considère que la faute de surveillance du taux de coagulation par la Polyclinique est a minima à l'origine d'une importante perte de chance d'éviter le dommage et qu'il existe également un retard de prise en charge de la complication qui engage la responsabilité de l'équipe médicale de la Polyclinique

La Cpam du Var sollicite dans ses conclusions du 9 novembre 2015 de

-lui donner acte que le relevé de ses débours avancés au profit de son assuré docial s'élève à la somme de 317.830,95 €

- condamner solidairement la Polyclinique et la Sa Axa à lui payer, dans l'hypothèse où leur responsabilité serait confirmée en appel les sommes de

* 317.830,95 € au titre de ses débours définitifs

* 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.037 € au titre de l'indemnité de gestion prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale

- les condamner aux entiers dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code procédure civile.

Motifs de la décision

Sur la procédure

Aucune irrecevabilité de leurs conclusions n'est encourue par les époux [V] au visa de l'article 961 du code de procédure civile dès lors qu'ils justifient par la production de leur bail d'habitation qu'ils sont bien domiciliés à l'adresse mentionnée sur leurs conclusions, à savoir [Adresse 5], ayant simplement changé d'appartement dans la même résidence dans un autre bâtiment avec une entrée différente, à compter du 1er mars 2014.

Sur les responsabilités

Les époux [V] recherchent la responsabilité solidaire des médecins et de la clinique à plusieurs titres, d'une part un défaut de surveillance et un retard de prise en charge reprochés aux praticiens et à l'établissement de santé dans le cadre du suivi post-opératoire et d'autre part, vis à vis des seuls médecins, un manquement à leur obligation d'information, en vue d'obtenir l'indemnisation de l'intégralité de leur préjudices.

Sur les données de l'expertise

L'expert [B] expose que 'la chirurgie de remplacement valvulaire de ce patient symptomatique était absolument indispensable et correspondait aux critères formels d'une indication chirurgicale en accord avec toutes les recommandations actuelles des sociétés savantes et a, d'ailleurs, évolué favorablement sur le plan cardio-vasculaire depuis et, s'il n'avait pas été opéré à cette date, il serait probablement aujourd'hui décédé ou dans un état d'insuffisance cardiaque sévère'.

Il indique que 'la complication dont a été victime le patient est un hématome spontané sous anticoagulants survenu alors qu'il avait quitté la réanimation et se trouvait sous la surveillance principale des cardiologues, qui est une complication neurologique gravissime et totalement exceptionnelle avec au début une symptomatologie très atypique puisqu'il existait à la fois des signes d'atteinte médullaire (rétention d'urines, faiblesse des membre s inférieurs) mais également des signes évoquant une atteinte centrale (troubles visuels) ; il peut difficilement être reproché aux médecins de ne pas avoir réalisé le diagnostic d'emblée.'

Il précise 'si les premier symptomes apparaissent le 15, l'intervention de décompression n'est réalisée que le 22 janvier et il est clair qu'en théorie il eut été idéal que le patient soit décomprimé plus précocément ; néanmoins, pendant toute cette période, le patient a bien été suivi puisqu'ont été fait successivement un scanner abdomino-pelvien, un scanner cérébral puis le scanner lombaire a été renouvelé ; enfin, une Irm cérébrale puis une angio médullaire ont successivement été réalisées pour finalement aboutir à l'établissement de ce diagnostic difficile'.

Il explique 'Il est clair que la paraplégie actuellement constatée et une conséquence directe, certaine et exclusive de la complication médullaire dorsale haute présentée par le patient au cours de la période post-opératoire de chirurgie cardiaque.'

Sur la responsabilité des médecins

Deux types de fautes sont reprochées aux deux chirurgiens, à l'anesthésiste : un manquement à leur devoir d'information et un défaut de surveillance post-opératoire.

Sur l'obligation d'information

En vertu des articles L 1111-2 et R 4127-35 du code de la santé publique, le médecin est tenu de donner à son patient sur son état de santé une information portant sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ; délivrée au cours d'un entretien individuel, cette information doit être loyale, claire et appropriée, la charge de la preuve de son exécution pesant sur le praticien, même si elle peut être faite par tous moyens ; le droit à réparation de la victime reste, cependant, subordonné à l'existence d'un préjudice en relation de causalité avec le défaut d'information allégué.

L'expert indique que M. [V] a été reçu en consultation par le docteur [D] le 25 octobre 2007 et par l'anesthésiste [N] le 12 novembre 2007 ; au cours du mois de novembre 2007 il a été hospitalisé pour un complément de bilan puis a séjourné à titre pré-opératoire dans le service de réadaptation cardiaque en vue notamment d'une perte de poids.

Il précise qu'il a été revu le 7 janvier 2008 par l'anesthésiste [N] qui a dressé un compte rendu de consultation pré anesthésique et par le docteur [P], chirurgien, le 8 janvier 2008 qui a noté au dossier 'après discussion avec le patient, plutôt prothèse mécanique. Patient prévenu des risques de la maladie et de la chirurgie. Intervention prévue le 10 janvier 2008 ; pas de geste coronaire associé'.

Il note que M. [V] a signé un document de consentement éclairé ; dans cet écrit versé aux débats (pièce 10) il a reconnu avoir 'été correctement informé de la nature de la maladie et des risques auxquels je serais confronté en l'absence d'intervention chirurgicale du type d'intervention proposée, des risques qu'elle implique et de la nature des complications auxquelles elle expose, du risque de devoir selon les circonstances être perfusé, de la nécessité d'un bilan sérologique (HIV et Hépatite B et C préopéraotrie)' et a attesté 'qu'il a été répondu de façon satisfaisante aux questions que j'ai posées concernant les risques et bénéfices de cette intervention..'

Aucun défaut d'information de la part des médecins ne peut, ainsi, être retenu, étant souligné que la complication survenue est qualifiée par l'expert de tout à fait exceptionnelle, ce dernier ajoutant 'pour notre part, nous n'avons jamais vu dans notre institution où nous pratiquons 1400 CEC par an depuis plus de 30 ans une telle complication ; aucun des chirurgiens cardiaques présents lors de l'expertise n'avait mémoire d'une telle complication. J'ai depuis cette expertise interrogé plusieurs de mes collègues et n'ai encore jamais entendu parler d'un cas similaire'.

Sur le défaut de surveillance

En vertu de L.1142-1 I du code de la santé publique le professionnel de santé n'est responsable des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute de sa part.

Aucun grief ne peut être retenu à l'encontre de M. [U] et de M. [L].

En leur qualité respective d'aide opératoire et de perfusionniste, les actes personnellement accomplis et auxquels ils sont tenus sont limités à la phase de l'intervention chirurgicale ; or, l'expert indique formellement sans être démenti par quiconque que la complication dont M. [V] a été victime est totalement indépendante de l'acte chirurgical.

Aucune négligence dans le suivi post-opératoire qui incombe aux chirurgiens et à l'anesthésiste n'est davantage caractérisée à l'égard de M. [D], de M. [P] et de M. [N].

Les époux [V] reprochent, certes, 'une prescription de traitement anticoagulant excessif imédiatement après l'opération sans assurer la surveillance régulière appropriée' mais sans étayer leur dires, alors que la charge de la preuve de la faute pèse sur celui qui l'invoque.

L'expert ne retient rien de tel.

Il note simplement qu'au décours du remplacement valvulaire le patient est sous héparine au pousse seringue électrique puis, après quelques jours, un relais par calciparine est réalisé.

Il précise que selon le mode de fonctionnement au sein de la clinique, les chirurgiens prennent en charge les patients essentiellement dans la période péri opératoire et la réanimation avec un rôle prédominant pendant la phase chirurgicale, les anesthésistes s'occupent du bilan pré opératoire, de l'anesthésie per opératoire et des suites pendant la période de séjour en réanimation puis, à leur départ de ce service, les cardiologues assurent la surveillance principale et la continuité des soins.

Or, dès le 14 janvier 2008, M. [V] a été transféré du service de chirurgie cardiaque et de réanimation chirurgicale en service de chirurgie générale ; et l'analyse des surveillances de la coagulation jusqu'à cette date, où il était sous la surveillance directe de ces chirurgiens et anesthésiste, retrouve des TCA (temps de céphaline activée) entre deux à trois fois le témoin (page 9 du rapport), ce qui est la norme.

Les époux [V] font également grief aux deux chirurgiens et à l'anesthésiste de n'être pas intervenus suffisamment tôt suite aux doléances de l'épouse dès le 15 janvier 2008 alors qu'il a fallu attendre le 22 janvier pour qu'une opération de décompression soit réalisée.

Mais l'expert, qui a pris soin de recueillir l'avis d'un sapiteur neurochirurgien le docteur [A], souligne que le caractère exceptionnel de la complication apparue dans les suites de l'intervention cardiaque a égaré la démarche diagnostique, la probabilité d'un accident vasculaire cérébral étant bien plus grande que celle d'un accident médullaire dans les suites d'une intervention cardiaque de remplacement valvulaire chez un malade soumis au traitement anticoagulant.

Il explique 'En outre, au début la symptomatologie était très atypique. Les médecins confrontés à ce diagnostic exceptionel ont pu être très largement déroutés par l'incongruité de cette symptomatologie. La situation était encore compliquée par le masque très atypique puisqu'il existait à la fois des signes d'atteinte médullaire telle que la rétention d'urines, la faiblesse des membres inférieurs mais également des signes évoquant une atteinte centrale avec des troubles visuels qui ont, eux aussi, très largement contribué à égarer initialement le diagnostic'

Son sapiteur précise que 'l'existence d'un signe d'appel purement fonctionnel d'ordre ophtalmologique explique parfaitement que l'on se soit orienté vers le diagnostic d'une atteinte cérébrale, qui a justifié le scanner du 16 janvier 2008 qui s'est révélé strictement normal' et 'qu'on peut également comprendre que l'existence d'une gêne motrice au niveau du membre inférieur droit ait pu être interprétée comme une amorce de syndrome pyramidal, d'autant qu'il y avait un signe de Babinski du côte droit' et poursuit 'à partir du momet où on avait éliminé une étiologie vasculaire cérébrale et une étiologie vasculaire ou autre de la région lombaire et abdomino-pelvienne, la démarche diagnostique orientait vers une localisation atypique cervicale ou dorsale haute ...encore que les troubles sphinctériens sévères présentés ne se voient pas très souvent dans les lésions hautes. Tous les examens susceptibles d'être pratiqués ont été envisagés ; la nature même des examens a fait l'objet de discussions tout à fait légitimes et on ne saurait reprocher les hésitations qui ont présidé au choix des investigations' qui n'étaient pas sans danger : myélogrpahie, IRM , artériographie ; l'IRM a permis de conduire le diagnostic de compression médullaire en T2, T3, T4 et la recherche d'une malformation vasculaire à ce niveau était légitime et tout à fait nécessaire avant d'intervenir'.

Il conclut 'le délai entre l'apparition des premiers symptomes et la mise en oeuvre de l'intervention neuro chirugicale décompressive trouve son explication dans plusieurs facteurs. D'une part la topographie inhabituelle de la complication hémorragique liée à l'usage des anticoagulants, d'autre part la symptomatologie neurologique inhabituelle (retention urinaire) ou trompeuse (signe d'appel de la sphère visuell e) et enfin les difficultés pratiques considérables d'indications des examens susceptibles d'aboutir au diagnostic car tous pouvaient faire l'objet d'une contre indication relative liée à leur dangerosité (myélographie, artériographie, IRM à proximité du site opératoire cardiaque récent. En tout état de cause il était impossible d'envisager l'intervention neurochirurgicale qui a été pratiquée sans être sûr de la localisation de l'obstacle et sans avoir éliminé auparavant l'hypothèse d'une malformation vasculaire intrarachidienne.

Toutes ces difficultés diagnostiques expliquent de façon assez éloquente la longueur du délai qu'a posteriori on peu déplorer entre les premiers symptomes apparus le 15 janvier et l'intervention décompressive pratiquée le 22 janvier 2008. Par contre, si l'on se replace en temps réel, force est de constater que la démarche diagnostique fait l'objet de multiples concertations mutidisciplinaires et que la conduite à tenir a été faite au jour le jour par les spécialistes neurologues, neurochirugiens, et spécialistes cardio vasculaires, anesthésistes,cardiologues et cardiochirurgiens.

L'expert entérine cette position (page 14 du rapport) et aucune critique n'est apportée à cet avis motivé émanant de professionnels spécialisés qui repose sur des données objectives ; M. [V] n'a émis aucune observation à ce sujet, n'a formulé aucun dire à cet égard au cours des opérations d'expertise alors qu'il était assisté d'un médecin conseil ; il ne fournit pas le moindre élément d'ordre médical susceptible d'étayer l'affirmation d'un retard anormalement long au diagnostic et à l'intervention de décompression médullaire revêtenet un caractère fautif.

Le jugement qui a débouté les époux [V] de leur action en responsabilité à l'égard de ces médecins sera donc confirmé.

Sur la responsabilité de la clinique

En vertu de l'article L 1142-1 I du code de la santé publique tout établissement, service ou organisme dans lequels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic et de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Un manquement peut être retenu à l'encontre de la Polylinique au titre du comportement du personnel infirmier salarié qui sont ses préposés.

L'expert mentionne que 'l'analyse des surveillances de la coagulation retrouve des TCA dans la zone visée entre 2 et 3 fois le témoin. A noter juste un passage temporaire la journée du 15 au-dessus de la zone cible puisque le 15 janvier 2008 le TCA est à 130 le matin puis à 100 à 22 h. Cet excès est banal en période d'équilibre post CEC (circulation extra corporelle) et non majeur puisque parallèlement l'héparinémie reste entre 0,58 et 0,53. La décoagulation est immédiatement diminuée et dès le 16 on est à nouveau dans des chiffres cibles avec une héparinémie qui est même cette fois plutôt basse puisque l'héparinémie était resdescendue à 0,27. Le 14, l'héparinémie est à nouveau un peu basse à 0,26. Notons qu'elle était inférieure 0,10 les 13 et 14 et qu'il avait été logique d'augmenter la décoagulation, ce qui explique l'excès de décoagulation transitoire du 15.

Les données transmises démontrent que le TCA du patient qui était de 59 le 14 janvier 2008 et qui ne doit pas excéder 3 fois celui du témoin (30) soit 90 est passé le 15 janvier 2008 à 6 heures à 130 (rapport 4,33), à 17 heures à 105 (rapport 3,5) et à 22 h 02 à 100 (rapport 3,35).

Aucune alerte n'a été donnée sur cet excès de décoagulation durant toute cette journée du 15 janvier 2008 par le personnel infirmier pourtant intervenu à trois reprises pour les prises de sang destinée à vérifier ce taux ; aucune réaction n'est notée dans le dossier médical ou infirmier durant les 16 heures qui ont séparé la première prise de sang de la dernière alors que les seuils maxima étaient très largement franchis et que dans la nuit précédente, qui était celle de l'arrivée au service, la décoagulation avait été augmentée ; si 'l'excès est courant en période d'équilibre post circulation extra corporelle', comme indiqué par l'expert, il n'y a pas été 'immédiatement suppléé', comme l'expert l'écrit, mais bien plus tard, en fin de journée par une action sur la vitesse d'administration de l'héparine à la séringue électrique en vue de faire baisser ce taux, ce qui caractérise un manque de réactivité et de diligence face à l'évolution objective de l'état de santé du patient qui traduit une défaillance dans le suivi et revêt un caractère fautif.

La clinique ne peut, pour éluder sa propre faute, invoquer celle des médecins prescripteurs qui n'est pas de nature, en droit, à l'exonérer vis à vis du patient de son obligation personnelle maislui ouvre seulement une éventuelle action récursoire.

Sur les incidences de la faute retenue

Cette faute a conduit à la complication d'hématome spontané et aux troubles neurologiques post-opératoires imputables et privé M. [V] de la possibilité de bénéficier, en temps utile, d'une prise en charge adaptée qui aurait pu avoir une influence favorable sur l'évolution de la situation.

Il ne peut, cependant, être affirmé avec certitude que si la faute n'avait pas été commise ce patient n'aurait pas présenté ces troubles, ce qui ne permet pas la réparation de l'entier dommage qui en résulte ; mais il est certain que, sans la faute, celui-ci avait une chance sinon d'en éviter l'apparition du moins d'en limiter l'étendue ou d'empêcher leur aggravation avec leurs incidences séquellaires, ce qui permet l'indemnisation du dommage au titre de la perte de chance ; le préjudice de la victime présente, en effet, un caractère certain et direct chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.

La responsabilité civile de la Polyclinique est donc engagée et elle est tenue de réparer les conséquences dommageables corporelles qui en découlent pour M. [V].

Sur le dommage imputable

Dans le cas où la faute médicale a fait perdre au patient une chance d'éviter une atteinte à son intégrité physique, l'indemnisation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle était réalisée ; elle correspond à une fraction seulement des différents chefs de préjudices subis et son étendue doit s'apprécier en prenant en considération l'état de santé du patient et les conséquences qui en découlent.

Le sapiteur souligne que 'l'intervention pratiquée par le neurochirugien a montré un hématome déjà organisé, ce qui prouve bien que la complication hémorragique a débuté dès le 15 janvier, le jour où a été enregistré un excès de décoagulaiton transitoire' et l'expert a confirmé que le passage temporaire la journée du 15 janvier 2008 au-dessus de la zone cible correspond 'à la date probable de survenue de la complication'.

Tous deux attribuent clairement la paraplégie actuelle à la complication d'atteinte médullaire haute dans les suites d'une intervention cardiaque de remplacement valvulaire chez un malade soumis au traitement anticoagulant.

Ils notent également son caractère tout à fait exceptionnel ; le sapiteur souligne 'ce qui est remarquable et assez étonnant est que cette hémorragie qui a été constatée dans l'espace sous arachnoïdien a été limitée en hauteur et s'est finanlement comportée comme une néoformation comprimant progressivement la moelle très localement, sans s'étendre ni vers le haut ni vers le bas, contrairement à ce ce que font habituellement les hémorragies dans les espaces sous -arachnoïdiens.'

Au vu de ces données, cette perte de chance doit être évaluée à 50 % du dommage et la responsabilité de la Clinique limitée à cette proportion qui représente la partie du préjudice total à la réalisation duquel elle a contribué par sa faute.

La Polyclinique doit être déclarée tenue in solidum avec son assureur la Sa Axa qui ne discute pas sa garantie d'indemniser dans cette proportion M. [V] et Mme [V], victime par ricochet.

Sur le droit à indemnisation au titre de la solidarité nationale

En vertu de l'article L 1142-1 II du code de la santé publique, lorsque la responsabilité d'un professionnel de santé n'est pas engagée, un accident médical ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par l'article D 1142-1 du même code, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte, notamment, du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique (supérieur à 24 %), de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Il résulte du rapprochement de ce texte avec l'article L 1142-18 de code de la santé publique que les préjudices, non indemnisés, ayant pour seule origine un accident médical non fautif ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale, de sorte que dans l'hypothèse où le médecin ayant manqué à ses obligations a été condamné à réparer le préjudice né de la perte d'une chance d'éviter le dommage, la victime peut agir contre l'Oniam pour obtenir une réparation intégrale.

L'Oniam admet, subsidiairement, que les critères de son intervention à savoir un dommage directement imputable à un acte médical non fautif, de caractère anormal au regard de l'état de santé de la victime et de son évolution prévisible et présentant le seuil de gravité requis puisque le taux de déficit fonctionnel permanent est de 50 %, sont réunis mais pour la seule partie du dommage non imputable à la faute de la Clinique.

La solidarité nationale ne jouant qu'à défaut d'engagement de la responsabilité d'un professionnel de santé, l'Oniam ne peut être tenu que de la part du dommage non réparée par la Clinique au titre de la perte de chance.

Il n'est donc tenu à indemnisation qu'à hauteur de 50 % de l'entier dommage subi par M. [V], taux qui correspond à la partie du préjudice total qu'il doit prendre en charge au-delà du pourcentage imputé à la faute de la Clinique.

Il n'est pas, en revanche, tenu vis à vis de Mme [V], la solidarité nationale étant, aux termes de l'article L 1142-1 du code de la santé publique exclue au profit de la victime par ricochet et ne jouant que vis à vis de la victime directe lorsqu'elle a survécu.

Sur le préjudice corporel de M. [V]

L'expert [B] conclut à

- un déficit fonctionnel temporaire total du 10 janvier 2008 au 15 janvier 2009

- une consolidation au 15 janvier 2009

- un déficit fonctionnel permanent de 65 %

- des souffrances endurées de 4/7

- une perte d'autonomie nécessitant l'aide d'une tierce personne de 4 heures par jour sept jours sur sept

- un préjudice esthétique définitif de 4/7

- un préjudice d'agrément concernant les activités de loisir tel que vélo et nage

- un préjudice sexuel

- la nécessité de prévoir un aménagement du domicile

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime (né le [Date naissance 2] 1964) de sa profession (en invalidité lors de l'accident médical), de la date de consolidation, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicables quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné le dommage, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Conformément à l'article L 1142-17 du code de la santé publique il doit être également tenu compte au titre de l'obligation de l'Oniam outre les prestations énumérées aux textes susvisés des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

A cet gard, l'Oniam fait allusion dans ses conclusions à la prestation de compensation du handicap susceptible d'être versée à M. [V] ; mais les indemnités allouées par l'Oniam n'étant pas subsidiaires à la PCH laquelle, n'ayant pas à être obligatoirement sollicitée par une victime pouvant y prétendre et n'étant pas versée par un organisme gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, elle ne saurait en l'absence de demande de M. [V] auprès du conseil général par l'intermédiaire de la Maison des handicapés afin de bénéficier d'une telle prestation, être considérée comme une indemnité à recevoir au sens de l'article L 1142-17 du code de la santé publique.

Par ailleurs, l'Oniam, établissement public qui n'a pas la qualité d'auteur responsable des dommages mais intervient au titre de la solidarité nationale n'est tenue à indemnisation que vis à vis de la victime, à l'exclusion des tiers payeurs qui ne peuvent exercer à son encontre leur recours subrogatoire.

Quant à l'évaluation du dommage, elle doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais de mai 2011, sollicité par la victime.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles                                    75.341,49 €

Ce poste est constitué des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais de transport, massages, soins infirmiers, appareilalge pris en charge par la Cpam soit la somme de 75.341,49 €, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Assistance de tierce personne30.000,00 €

La nécessité de la présence auprès de M. [V] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées et notamment des charges sociales.

L'expert évalue le besoin à 4 heures par jour, sept jours sur sept, pour pallier à l'handicap dans les actes élémentaires de la vie quotidienne, pour son hygiène corporelle, les gestes du ménage et l'entretien de la maison et la perte d'autonomie lui interdisant de sortir seul même pour des destinations rapprochées.

Au vu de la teneur du rapport et notamment de la description de l'état de M. [V] depuis sa sortie du centre de rééducation, cette estimation apparaît correcte.

M. [V] la considère insuffisante mais le bilan d'ergothérapeute en date du 8 avril2011 versé aux débats ne permet pas d'aller au-delà.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 € surla base de 400 jours par an pour tenir compte des congés et jours fériés.

L 'indemnité de tierce personne s'élève ainsi pour la période du 1er janvier 2009, date de sa sortie de l'hôpital [Localité 1] et du retour à domicile jusqu'au 15 janvier 2009, date de la consolidation soit pendant 12,5 mois à la somme de 30.000 € (4 h x 400 jours x 18 € = 28.800 € /12 mois x 12,5 mois).

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures242.489,46 €

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué des frais futurs prévus par l'organisme social à hauteur de

* 201.658,74 € au titre de la surveillance médicale (hopsitalisaiton, médecin généraliste, fournitures médicales, pharmacie, kinésithérapie,

* 40.830,72 au titre des frais d'appareillage (fauteuil roulant manuel et électrique)

- Incidence professionnelle /

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

M. [V] qui ne travaillait pas lors de l'accident médical pour avoir été mis en invalidité en raison de ses problèmes cardiaques depuis 1990 soit dix huit ans auparavant doit être débouté de sa demande au titre d'une incidence professionnelle, la situation évoquée étant imputable à son état antérieur.

- Assistance de tierce personne719.678,40 €

L'indemnité de tierce personne permanente doit être calculée sur la même base de 4 heures par jour à titre viager sur la base de 400 jours par an et un coût horaire de 18 €.

Pour la période passée du 15 janvier 2009 au 25 juillet 2016, prononcé du présent arrêt soit durant 90,25 mois, le besoin s'établit à 216.600 € (4 h x 400 jours /12 mois x 18 € x 90,25 mois).

Pour l'avenir, le montant annuel de 28.800 € (4 h x 400 jours x 18 €) doit être capitalisé selon l'euro de rente viagère, pour un homme âgé de 59 ans en juillet 2016 soit un indice de 17,468 et la somme de 503.078,40 €.

L'indemnité globale s'établit ainsi à 719.678,40 €.

Afin de permettre à la victime de disposer sa vie durant des fonds qui lui seront nécessaires pour faire face à une dépense qui s'échelonne dans le temps, l'indemnité allouée au titre de ce poste sera payée à compter du 26 juillet 2016 sous forme de rente trimestrielle et viagère d'un montant de 7.200 € [28.800 €/4] indexée conformément aux dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation prise en charge par un organisme de sécurité sociale, d'une durée supérieure à 45 jours.

- Frais de véhicule adapté23.869,81 €

Ce poste de préjudice comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation d'un véhicule aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent en incluant le ou les surcoûts liés au renouvellement du véhicule et à son entretien.

M. [V] produit deux devis en date de mai 2011 de la société Handynamic, véhicules accessibles, relatif à une Renault Kangoo pour un montant total de 26.100 € TTC et à une Peugeot Partner pour un montant de 27.300 € comprenant le coût du véhicule neuf et de ses accessoires ainsi que le coût de son aménagement permettant l'accès par une rampe arrière pour le passager en fauteuil roulant en demandant une indemnité égale au montant du plus faible.

Il convient, dès lors, de retenir une somme de 7.858,58 € correspondant au coût de cet aménagement désigné sous le vocable 'TPMR' avec renouvellement tous les 7 ans soit une dépense annuelle de 1.122,65 € et une indemnité de 16.011,23 € selon l'indice de 14,262 pour un homme âgé de 66 ans lors du prochain renouvellement en 2023, ce qui donne une indemnité globale de 23.869,81 € (7.858,58 € + 16.011,23 €).

Peu importe que M. [V] avait ou non renoncé à la conduite avant l'accident médical dès lors que l'aménagement est destiné à un passager et non à un conducteur handicapé ; et ce dernier doit pouvoir continuer à se déplacer à l'extérieur, l'impossibilité actuelle résultant de son seul état lié à la paraplégie, conséquence de la complication médullaire liée à l'anticoagulation.

De même, le principe de la réparation intégrale n'impliquant pas de contrôle sur l'utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation, l'indemnisation ne peut être subordonnée à la production de factures acquittées de la dépense effective des équipements en cause.

Cette indemnité est sollicitée et motivée sur une page et demi des conclusions de la victime sans figurer dans le dispositif, ce qui doit en l'espèce s'analyser en une simple erreur matérielle, d'autant que toutes les autres parties ont spécifiquement conclu sur ce point.

- Frais de logement adapté 340.430,00 €

Ces dépenses concernent les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec celui-ci.

M. [V] qui reste en position assise en fauteuil roulant manuel toute la journée vivait avec son épouse dans un F3 en location de 67 m² au 4ème étage avec ascenseur mais dont l'accès était précédé de 6 marches d'unr hauteur de 16,6 cm chacune ne lui permettant pas de sortir de son immeuble et avec une configuration intérieure ne lui permettant pas d'accéder au balcon ni d'utilier aisément et confortablement la salle de bains et les WC ni de circuler ou de faire demi tour ainsi que souligné par l'expert judiciaire et constaté par l'ergothérapeute ; s'il a pu changer de logement dans la même résidence pour un premier étage, les conditions n'ont guère changé et le couple ne dispose désormais que de 43 m².

La nature de l'handicap, l'emploi d'un fauteuil roulant exigent obligatoirement un aménagement du logement afin d'assurer la sécurité de la victime, qui est en droit d'avoir une vie autonome mais dont l'ampleur et le coût n'est guère compatible avec une location, par essence provisoire, qui le soumettrait à l'accord du bailleur et à l'aléa d'un congé.

M. [V] projette d'acquérir un bien immobilier et de procéder aux aménagements spécifiques nécessités par son handicap.

S'agissant d'une dépense liée à l'événement dommageable, l'intégralité de la dépense (acquisition et aménagement) doit être supportée par le tiers tenu à à indemnisation, car cette solution d'achat est la seule qui permet à la victime de bénéficier effectivement d'un habitat adapté à son handicap.

M. [V] projette la construction d'un bien immobilier équipé aux normes handicapés pour une valeur totale de 340.430 € terrain inclus et fournit le chiffrages de deux constructeurs de maisons individuelles qui ne font pas l'objet de critiques précises sur leur coût.

Au vu des éléments fournis, une indemnité de ce montant doit lui être allouée à ce titre.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire7.350,00 €

Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d'environ 600 € par mois eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit 7.300 € pendant la période d'incapacité totale de 10 janvier 2008 au 15 janvier 2009 soit 12 mois, comme demandé.

- Souffrances endurées15.000,00 €

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de nombreux exmaens, d'une intervention chirugicale, d'une rééducation en centre ; évalué à 4/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 15.000 €.

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent200.000,00 €

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une abseece de motricité au niveau des membres inférieurs, le droit étant le siège d'un oedème gardant le godet, et des troubles sphinctériens, ce qui conduit à un taux de 65 % justifiant une indemnité de 200.000 € pour un homme âgé de 52 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique 12.000,00 €

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique

Qualifié de 4/7 né, essentiellement, de la modification de son schéma corporel et de l'image de son corps que cet homme, voué désormais au fauteuil roulant, peut donner à autrui, il doit être indemnisé à hauteur de 12.000 €

- Préjudice d'agrément/

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [V] ne justifiant pas s'adonner, avant l'accident, à une activité de cette nature, en l'absence du moindre élément probant fourni à ce sujet doit être débouté de toute demande à ce titre.

L'attestation de M. [J] qui mentionne que 'M. [V], on beau-père, pratiquait avant son opération du coeur en 2008 la plongée et la musculation dans une salle de sport' est à cet égard insuffisante en raison du lien d'alliance l'unissant à son auteur, de son caractère isolé, de l'absence de toute inscription en club venant l'étayer et de la pathologie cardiaque dont il était porteur avant 2008, tous éléments la rendant peu vraisemblable.

- Préjudice sexuel15.000,00 €

Ce poste répare les préjudices touchant la sphère sexuelle comprenant le préjudice morphologique (atteintes aux organes sexuels), le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même (perte de la libido, de la capacité à réaliser l'acte ou à accéder au plaisir) et l'impossibilité ou difficulté à procréer.

L'expert le retient, étant souligné que seul le deuxième aspect de ce psote est concerné, ce qui justifie l'octroi de l'indemnité de 15.000 € accordée par le premier juge.

Le préjudice corporel global subi par M. [V] s'établit ainsi à la somme de 1.681.159,100 €, revenant à

* la Cpam à hauteur de 317.830,94 € dont 50 % seulement indemnisable soit 158.915,47 € au titre de ses débours

* la victime à hauteur de la somme de 1.363.328,20 €.

M. [V] percevra son indemnité selon les modalités suivantes :

- une somme de 860.249,80 € en capital (1.363.328,20 € - 503.078,40 €), sauf à déduire les provisions versées, et qui en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du code civil porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 4 juin 2015, à titre de dommages et intérêts compensatoires.

- une rente trimestrielle et viagère de 7.200 € indexée conformément aux dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale au titre de la tierce personne à compter du 26 juillet 2016.

Ces chefs de dommages, à l'exception des dépenses de santé actuelles et futures, sont indemnisables, en raison de la perte de chance ci-dessus retenue, à hauteur de

* 50 % in solidum par la Polyclinique et la Sa Axa in solidum soit les sommes de 430.124,90 € en capital outre intérêts et de 3.600 € à titre de rente viagère et trimestrielle de tierce personne

* 50 % par l'Oniam soit les sommes de 430.124,90 € en capital outre intérêts et de 3.600 € à titre de rente viagèe et trimestrielle de tierce personne outre intérêts

La Polyclinique et la Sa Axa in solidum sont, en revanche , seules tenues à hauteur de 158.915,47 € en principal vis à vis de la Cpam, sauf à déduire les provisions versées qui en application de l'article 1153 du code civil porte intérêts au taux légal à compter des premières conclusions en réclamant paiement outre l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, soit en l'espèce 1.037 €.

Sur le préjudice de Mme [V]

Le préjudice d'affection subi par Mme [V] à la vue de l'état de son mari dont la consolidation n'a été acquise qu'un an après l'accident résulte suffisamment de la nature des blessures présentées par la victime directe avec son retentissement moral avéré pour ce membre du proche entourage ; il a été correctement fixé par le premier juge à la somme de 10.000 €.

Le changement dans le mode de vie et les conditions d'existence dont est victime au quotidien l'épouse de M. [V], gravement atteint dans son intégrité physique, est également source d'un préjudice extra patrimonial exceptionnel pour elle, en ce compris le retentissement sexuel, pendant la maladie traumatique et après sa consolidation, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 10.000 €.

Aucune perte de revenus ne peut être accordée à M. [V] dont le licenciement par lettre du 26 février 2008 est fondé sur 'des manquements à ses obligations de présence aux horaires de son planning et de laisser aller sur la qualité de son travail tout au long de l'année ' soit pour des raisons antérieures à l'accident médical de M. [V] du 15 janvier 2008 et donc sans lien de causalité avec la paraplégie de M. [V].

Ces chefs de dommage doivent être supportés par la seule Polyclinique et la Sa Axa à hauteur de moitié eu égard au taux de perte de chance ci-dessus retenu soit au total 10.000 € qui en application de l'article 1153-1 alinéa 2 in fine du code civil porte intérêts au taux légal à compter 4 juin 2015.

Sur les demandes annexes

La Clinique et la Sa Axa d'une part et l'Oniam d'autre part qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des dépens de première instance et d'appel à hauteur respectivement de 50 % in solidum pour les premiers et 50 % pour l'autre  et doivent être déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [V] une indemnité de 5.000 € et à la Cpam une indemnité de 1.000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la cour dont 50 % à la charge du professionnel de santé et de son assureur in solidum et 50 % à la charge de cet organisme et de rejeter les demandes présentées à ce même titre par toute autre partie.

Par ces motifs

La Cour,

- Déclare recevables les conclusions des époux [V] au visa de l'article 961 du code de procédure civile.

- Infirme le jugement,

hormis en ce qu'il a rejeté toute faute commise par les médecins de la cause

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la Sa Poyclinique Clairval a engagé sa responsabilité envers M. [V] et est tenue de réparer une perte de chance de 50 % au titre du dommage corporel survenu

- Dit que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales est tenue à indemnisation vis à vis de M. [V] pour la part complémentaire de 50 %.

- Fixe à la somme de 1.681.159,10 € le préjudice corporel subi par M. [V] dont 1.363.328,20 € lui revenant et 317.830,95 € revenant au tiers payeur dont moitié seulement ou 158.915,47 € indemnisable .

- Condamne in solidum la Sa Poyclinique Clairval et la Sa Axa France Iard à payer à ce titre à

* M. [V] les sommes de 430.124,90 € en capital outre une rente trimestrielle et viagère de 3.600 € à ce titre, sauf à déduire les provisions versées

* la Caisse primaire d'assurances maladie du Var la somme de 158.915,47 € au titre du remboursement de ses débours

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à M. [V] la somme de 430.124,90 € en capital outre une rente trimestrielle et viagère de 3.600 € à ce titre, sauf à déduire les provisions versées.

- Dit que la rente est indexée conformément aux dispositions de l'article L 434-17 du code de la sécurité sociale et que son versement sera suspendu en cas d'hospitalisation d'une durée supérieure à 45 jours prise en charge par un organisme de sécurité sociale.

- Condamne in solidum la Sa Poyclinique Clairval et la Sa Axa France Iard à payer à Mme [V] les sommes de

* 5.000 € au titre de son préjudice d'affection

* 5.000 € au titre de son préjudice extra patrimonial exceptionnel

sauf à déduire les provisions versées

- Déclare irrecevable l'action exercée par Mme [V] à l'encontre de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

- Dit que l'ensemble des indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2015.

- Condamne in solidum la Sa Poyclinique Clairval et la Sa Axa France Iard à payer à

* M. et Mme [V] la somme globale de 2.500 €

* la Caisse primaire d'assurances maladie du Var la somme globale de 1.000 €

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel.

* la Caisse primaire d'assurances maladie du Var la somme de 1037 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

- Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à M. [V] la somme globale de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel.

- Déboute toute autre partie de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés.

- Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la la Sa Poyclinique Clairval et la Sa Axa France Iard in solidum à hauteur de 50 % et de l'Office National d' Indemnisation des Accidents Médicaux , des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à hauteur de 50 % qui seront recouvrés comme en matièrre d'aide juridictionnelle pour ceux concernant les époux [V] et conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile pour ceux concernant les cinq médecins et le tiers payeur.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 10e chambre
Numéro d'arrêt : 15/11438
Date de la décision : 25/07/2016

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 10, arrêt n°15/11438 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-25;15.11438 ?
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