COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 01 OCTOBRE 2014
N°2014/663
Rôle N° 13/06855
Sarl T.M.S. B.T.P.
C/
[N] [T]
CPAM DU VAR
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS)
Grosse délivrée le :
à :
Me Ahmed-cherif HAMDI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Laetitia MAGNE, avocat au barreau de TOULON
Me Jean-Marc CAZERES de la SCP CAZERES - PINATEL - BRUN, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VAR en date du 26 Novembre 2012,enregistré au répertoire général sous le n° 21001531.
APPELANTE
Sarl T.M.S. B.T.P., demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Ahmed-cherif HAMDI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [N] [T], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Laetitia MAGNE, avocat au barreau de TOULON
CPAM DU VAR, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Marc CAZERES de la SCP CAZERES - PINATEL - BRUN, avocat au barreau de MARSEILLE
PARTIE INTERVENANTE
ARS Provence - Alpes - Côte d'Azur (anciennement DRASS), demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 03 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Monsieur Jean-Luc CABAUSSEL, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Octobre 2014
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Octobre 2014
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
[N] [T] a saisi le Tribunal des affaires de Sécurité Sociale (TASS) du Var d'un recours tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, société TMS BTP, dans le cadre de l'accident allégué en date du 4 décembre 2008.
Le Tribunal par jugement en date du 26 novembre 2012, a fait droit au recours, fixé au maximum la majoration du capital perçu par [N] [T], et diligenté une expertise aux fins de déterminer les préjudices complémentaires.
La société employeur TMS BTP a relevé appel de cette décision, le 3 avril 2013.
Le conseil de l'appelant expose que le contexte de l'accident allégué n'est pas celui de la faute inexcusable présumée, que celle-ci n'est aucunement constituée dans la mesure où les circonstances de l'accident lui-même ne sont pas déterminées, que subsidiairement, la liquidation des préjudices ne saurait faire l'objet d'une évocation par la cour, sauf à priver la société employeur du bénéfice du double degré de juridiction.
Il sollicite la réformation en ce sens du jugement déféré, et demande une somme en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
[N] [T] demande la confirmation du jugement entrepris, en conséquence la confirmation de la faute inexcusable de l'employeur, l'évocation par la cour de la liquidation du préjudice subi car entretemps l'expertise sur les préjudices de la victime a été effectuée, et expose ses différentes demandes de réparation ainsi qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De son côté la Caisse entend s'en remettre sur la détermination éventuelle de la faute inexcusable, et dans cette hypothèse, demande le remboursement par l'employeur des sommes dont elle serait tenue de faire l'avance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer aux écritures des parties reprises oralement à l'audience.
La DRJSCS régulièrement convoquée n'a pas comparu.
SUR CE
Attendu que [N] [T] a été embauché par contrat d'apprentissage en date du 10 novembre 2008 en qualité de chauffeur par la société TMS BTP ;
Que le 4 décembre 2008, il a été victime d'un accident, alors qu'il effectuait un nettoyage dans un vide sanitaire en position accroupie, il se serait coincé le pied dans un trou et serait tombé en arrière, sa chute causant une entorse de son genou gauche ;
Attendu qu'il est loisible de constater que le dossier de la procédure ne contient pas de déclaration d'accident du travail ;
Que le certificat médical initial en date du 4 décembre 2008 porte la mention : « atteinte ménisque interne genou gauche probable ' » ;
Que le certificat médical final en date du 22 juin 2009 porte la mention : « entorse genou droit (sic) avec atteinte ménisque consolidée » ;
Attendu, concernant la faute inexcusable, que l'employeur est tenu en vertu du contrat de travail le liant à son salarié d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne la santé et la sécurité de ses salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ou de l'activité confiée à celui ci ;
Que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;
Qu'il importe de rappeler que pour faire retenir la faute inexcusable de l'employeur, le salarié doit nécessairement établir de manière circonstanciée, d'une part l'imputabilité de l'accident à son activité au sein de l'entreprise et donc qualifier l'exposition au risque et d'autre part la réalité de la conscience du danger auquel l'employeur l'exposait, ne l'ayant pas malgré cela amené à prendre les mesures de prévention utiles ;
Attendu toutefois que [N] [T], en situation de contrat d'apprentissage avance un manquement à une obligation de sécurité renforcée ; que l'employeur ayant méconnu son obligation, en application de l'article L 4154-3 du code du travail, il existe une présomption de faute inexcusable ; que la charge de la preuve serait ainsi inversée ;
Attendu en effet que selon les dispositions de l'article L 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable est présumée établie si des salariés sous contrat à durée déterminée ou des travailleurs intérimaires, ont été affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, sans avoir bénéficié de la formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L 4141-2 du code du travail ;
Attendu cependant, tel que souligné par le premier juge, que [N] [T] n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions des articles L 4154-3 et suivants du code du travail, car inapplicables au jour de l'accident puisqu' issues d'une loi postérieure en date du 12 mai 2009 ;
Qu'il en résulte que la présomption visée ci-dessus sera écartée ;
Attendu en conséquence que l'exposition au risque soulève la question du caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident ; qu'il va de soi qu'il ne saurait y avoir reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, s'il devait être admis que l'affection du salarié n'est pas d'origine professionnelle ; que la juridiction saisie d'une action en reconnaissance d'une faute inexcusable est ainsi en mesure de rechercher si la maladie ou l'accident a un caractère professionnel et si le salarié a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute ;
Attendu en l'espèce que l'imputabilité de l'accident à l'activité au sein de l'entreprise est contestée, l'employeur fondant précisément ses démonstrations sur les conditions de l'accident allégué, en soulignant que les pièces versées aux débats ne permettent pas de déterminer les circonstances de l'accident en date du 4 décembre 2008 ;
Attendu, tel que précisé ci-dessus, qu'il résulte des dispositions de l'article L 452-4 du code de la sécurité sociale que le caractère professionnel d'une maladie ou d'un accident peut être ainsi remis en cause lors d'une action en reconnaissance de faute inexcusable ; que dans ce cas le bénéfice de la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection reste toutefois acquis au salarié, en ce qui concerne ses relations avec la caisse, mais il va de soi qu'il ne saurait y avoir reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur, s'il était admis au cours de cette instance que l'affection du salarié n'est pas d'origine professionnelle ;
Attendu par ailleurs que selon les dispositions de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, notamment l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail ;
Que toutefois, il est évidemment nécessaire que la matérialité de cet accident soit préalablement établie, soit par le témoignage de personne ayant assisté à l'accident, soit par des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'avoir la certitude de la réalité des faits invoqués ;
Que la présomption d'imputabilité ne peut résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs ;
Qu'au surplus, l'article R 441-2 du code de la sécurité sociale dispose que la déclaration à laquelle la victime d'un accident du travail est tenue conformément à l'article L 441-1 du même code doit être effectuée dans la journée où l'accident s'est produit ou au plus tard dans les vingt quatre heures ; qu'elle doit être envoyée par lettre recommandée, si elle n'est pas faite à l'employeur ou à son préposé sur le lieu de l'accident ;
Attendu qu'en l'espèce, il a déjà été constaté que le dossier de la procédure ne contient pas de déclaration d'accident du travail ;
Attendu tel que rappelé ci-dessus que doit être remplie l'exigence de réunir des présomptions précises, graves et concordantes permettant d'obtenir une certitude, ou à tout le moins d'établir la réunion d'éléments objectifs venus corroborer les déclarations de la victime ;
Que la société employeur fait également ressortir la confusion des constatations médicales entre le genou gauche et le genou droit ;
Qu'enfin, la seule pièce avancée par le requérant est une attestation rédigée par le nommé [Q] [B] [E], maçon, sans précision sur sa qualité au sein de la société employeur, dont la lecture ne fait aucunement ressortir qu'il aurait été témoin direct de l'accident allégué ;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la certitude des faits invoqués n'est pas établie
par un faisceau de présomptions suffisamment précises et concordantes ;
Attendu en conséquence que la recherche des éléments constitutifs de la reconnaissance d'une faute inexcusable imputable à l'employeur est en l'espèce devenue sans objet, dans la mesure où il vient d'être établi que la preuve de l'origine professionnelle de l'accident fait défaut ;
Attendu qu'en tout état de cause, les éléments de la faute inexcusable ne sont pas réunis, et que l'ensemble des demandes subséquentes seront rejetées ;
Qu'il convient en conséquence de considérer qu'en faisant droit au recours, le premier juge n'a pas fait une juste appréciation des faits de la cause et que sa décision doit être infirmée en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il est équitable de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que la procédure devant les juridictions de la sécurité sociale est gratuite et sans frais conformément aux dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale,
Déclare recevable l'appel de la société TMS BTP,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur au préjudice de [N] [T],
Rejette en conséquence l'ensemble des demandes subséquentes,
Dit n'y avoir lieu à liquidation des préjudices,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT