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21/05/2012 | FRANCE | N°11/01051

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre b, 21 mai 2012, 11/01051


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2012

jlg

N° 2012/ 216













Rôle N° 11/01051







[H] [U] veuve [F]





C/



[X] [R]

[T] [P]































Grosse délivrée

le :

à : SCP BADIE

SELARL BOULAN

















Déci

sion déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/360.





APPELANTE



Madame [H] [U] veuve [F]

née le [Date naissance 2] 1924 à [Localité 16] (ITALIE) (99), demeurant Chez Monsieur et Madame [L] [Y] - [Adresse 11]



représentée par la SCP BADIE, SIMON-...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

4e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 21 MAI 2012

jlg

N° 2012/ 216

Rôle N° 11/01051

[H] [U] veuve [F]

C/

[X] [R]

[T] [P]

Grosse délivrée

le :

à : SCP BADIE

SELARL BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 17 Décembre 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 10/360.

APPELANTE

Madame [H] [U] veuve [F]

née le [Date naissance 2] 1924 à [Localité 16] (ITALIE) (99), demeurant Chez Monsieur et Madame [L] [Y] - [Adresse 11]

représentée par la SCP BADIE, SIMON-THIBAUT et JUSTON, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL

assistée de Me Michel MONTAGARD, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Vanessa POIRIER, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Mademoiselle [X] [R]

née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 17], demeurant [Adresse 3]

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 9] 1978 à [Localité 17], demeurant [Adresse 10]

représentés par la SELARL BOULAN / CHERFILS / IMPERATORE, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, constituée aux lieu et place de la SCP BLANC-CHERFILS

assistés de Me Guy BARGAIN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Mars 2012 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Odile MALLET, Président

Monsieur Jean-Luc GUERY, Conseiller

Madame Valérie GERARD-MESCLE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Agnès BUCQUET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2012

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Mai 2012,

Signé par Mme Odile MALLET, Président et Madame Agnès BUCQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure et prétentions des parties :

[N] [O] et [G] [S], son épouse, étaient propriétaires d'une maison avec jardin cadastrée section CL n° [Cadastre 14] à [Localité 17].

[G] [S] est décédée le [Date décès 8] 1967 en laissant pour lui succéder sa fille [A] [O] épouse [P] qui était propriétaire d'une maison édifiée sur une parcelle contiguë cadastrée section CL n° [Cadastre 15] pour 8a 07ca, qu'elle a vendue à Mme [H] [U] veuve [F] par acte notarié des 28 juillet et 1er août 1978.

Par acte notarié du 30 juillet 1987, Mme [H] [U] a vendu à [N] [O] et à [A] [O] la parcelle cadastrée section CL n° [Cadastre 6] pour 33ca, provenant de la division de sa parcelle CL [Cadastre 15] dont le surplus est actuellement cadastré section CL n° [Cadastre 7] pour 7a 74ca.

[A] [O] est décédée le [Date décès 13] 2000 en laissant pour lui succéder ses deux enfants, Mme [X] [R] et M. [T] [P].

[N] [O] est décédé le [Date décès 4] 2004.

Aux termes d'un acte reçu le 18 novembre 2004 par Maître [E], notaire à [Localité 17], Mme [X] [R] et M. [T] [P], d'une part, Mme [U], d'autre part, ont convenu ce qui suit :

« Pour permettre à Madame [H] [F] d'accéder à la propriété cadastrée section CL n° [Cadastre 7] lui appartenant, Mademoiselle [X] [R] et Monsieur [T] [P] consentent une servitude réelle et perpétuelle de passage non exclusive à pieds et pour tous véhicules et toutes canalisations et tréfonds sur la propriété cadastrée section CL n° [Cadastre 14] et CL n° [Cadastre 6] leur appartenant, suivant tracé d'emprise figurant en teinte jaune sur le plan ci-annexé après visa des parties.

Cette servitude est consentie sans indemnité.

Pour les besoins de la publicité foncière, cette servitude est évaluée à 1 500 euros.

Fonds servant :

-parcelle de terre à [Localité 17] cadastrée section CL n° [Cadastre 6] lieudit [Adresse 1] pour 33ca,

-parcelle à [Localité 17] cadastrée section CL n° [Cadastre 14] lieudit [Adresse 3] pour 8a 23ca,

appartenant à Mademoiselle [X] [R] et Monsieur [T] [P].

Fonds dominant :

-propriété située à [Localité 17] cadastrée section CL n° [Cadastre 7] lieudit [Adresse 1] pour 7a 74ca,

appartenant à Madame [F]. »

Mme [R] et M. [P] ayant assigné Mme [H] [U] veuve [F], le tribunal de grande instance de Grasse a, par jugement du 17 décembre 2010 :

-rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, soulevée par Mme [U],

-déclaré en conséquence recevable l'action en annulation de l'acte de constitution de servitude du 18 novembre 2004,

-prononcé la nullité de cet acte pour absence de cause,

-ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques,

-débouté Mme [U] de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

-condamné Mme [U] à payer à Mme [R] et à M. [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté Mme [U] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

-condamné Mme [U] aux entiers dépens.

Mme [U] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 janvier 2011.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 27 février 2012, elle demande à la cour :

-d'infirmer le jugement entrepris,

-à titre principal,

-de dire et juger que l'action intentée par Mme [R] et M. [P] doit être déclarée prescrite par application des articles 1304 et 2224 du code civil,

-de déclarer la demande irrecevable par application de l'article 122 du code de procédure civile,

-à titre subsidiaire :

-de dire et juger que l'acte de constitution de servitude du 18 novembre 2004 est valable,

-de constater que la servitude a été consentie avec contrepartie,

-de constater que les conditions de la servitude sont clairement énoncées dans l'acte et qu'il ne peut y avoir d'erreur substantielle sur la nature du droit concédé par les intimés,

-de constater que les intimés ont engagé leur action à son encontre dans la perspective de lui nuire en l'empêchant d'exercer son droit de passage,

-de débouter Mme [R] et M. [P] de l'intégralité de leurs demandes,

-de constater que la demande de vérification d'écriture sollicitée dans les motifs des dernières conclusions des intimés n'est pas reprise dans le dispositif des écritures et est en conséquence irrecevable,

-reconventionnellement :

-de constater que la remise en cause de la servitude lui a causé un préjudice,

-de dire et juger que les intimés ont paralysé l'accès à son bien et lui ont causé un trouble de jouissance,

-en conséquence,

-de condamner Mme [R] et M. [P] in solidum, à lui payer la somme de 34 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-de les condamner chacun à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-de les condamner aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir :

-qu'elle a vécu avec [N] [O] de 1973 jusqu'à son décès dans la propriété cadastrée CL [Cadastre 14],

-que le 28 juillet 1978, elle a passé avec [A] [O] un acte sous seing privé ainsi rédigé :

« Il a été convenu ce qui suit :

Madame veuve [F] née [U] déclare par les présentes se désister de tous ses droits de mitoyenneté sur la cour et l'entrée principale avec portail.

De son côté, Madame [P] née [O], s'engage à clôturer ladite cour, en laissant toutefois un passage le long de la maison, ce passage devant avoir une largeur correspondante au trottoir déjà existant.

Elle s'engage, en outre, à créer une entrée principale à ses frais, avec portail, de l'autre côté de la propriété (soit du côté propriété [W]) et donnant sur la route de [Localité 18]. »

-que [A] [O] n'ayant pas exécuté son engagement, sa propriété s'est trouvée enclavée par la vente du 30 juillet 1987,

-que la cause de l'engagement de Mme [R] et de M. [P] est claire : exécuter l'engagement de leur mère, afin d'éviter l'état d'enclavement de sa propriété et la réparation du préjudice que lui cause le non-respect de cet engagement,

-qu'il faut en conclure que la constitution de servitude avait une contrepartie réelle qui sert de cause à l'engagement pris par les intimés dans l'acte du 18 novembre 2004,

-que le contrepartie d'une servitude de passage n'est pas nécessairement un prix ni une libéralité.

À l'appui de sa demande de dommages et intérêts, elle fait valoir que Mme [R] et M. [P] l'empêche d'user de la servitude, en sorte que sa maison est enclavée, que sa vente est rendue impossible et que sa location ne peut non plus être envisagée, ce qui lui cause un préjudice de jouissance et un préjudice moral.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 10 février 2012, Mme [R] et M. [P] demandent à la cour :

-au principal, de confirmer le jugement déféré sauf à l'amender à leur bénéfice sur la sanction des frais irrépétibles,

-en tout état de cause, de débouter Mme [U] en toutes ses demandes,

-sur l'exception d'irrecevabilité :

-de dire et juger que l'assignation introductive d'instance est intervenue avant le 19 novembre 2009 à minuit sans excéder le délai de prescription quinquennale des articles 1304 et 2244 du code civil,

-de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Mme [U],

-sur le fond :

-d'annuler la convention de servitude du 18 novembre 2004, principalement pour absence de cause, subsidiairement pour cause d'erreur substantielle,

-de débouter Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts,

-de la condamner à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et pareille somme au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Ils exposent notamment :

-qu'il existe « une nette différence sur le jet d'écriture à la signature de l'appelante entre l'acte de servitude objet des présentes et la convention sous seing privé du 28 juillet 1978 » les conduisant à formuler « dénégation d'écriture et de signature au sens de l'article 1323 et 1324 du code civil et suggérant que la vérification en soit ordonnée avec charge de preuve et d'initiative à celui qui se prévaut de l'acte, donc de l'appelante »,

-qu'au surplus, ils ne reconnaissent pas davantage la signature de leur mère sur ce document,

-qu'il incombera donc à la cour de trancher et d'écarter cette pièce des débats si elle n'en déduit pas la sincérité,

-que l'acte sous seing privé du 28 juillet 1978 leur est inopposable en droit car non publié ni porté à leur connaissance,

-qu'il ne peut donc leur être reproché le fait que [A] [O] n'aurait pas donné suite au projet de créer une autre entrée,

-qu'il est tout aussi vraisemblable que MM. [W], alors propriétaires de la parcelle [Cadastre 12] voisine où était projetée la création du nouvel accès, aient décliné un tel empiétement chez eux.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 12 mars 2012, avant l'ouverture des débats.

Motifs de la décision :

Sur la demande de Mme [R] et M. [P] :

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, soulevée par Mme [U].

Il résulte des articles 1323 et 1324 du code civil, ainsi que de l'article 287 du code de procédure civile, qu'une vérification d'écriture ne peut être ordonnée que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur. Mme [R] et M. [P] ne peuvent donc invoquer « une nette différence sur le jet d'écriture à la signature de l'appelante entre l'acte de servitude objet des présentes et la convention sous seing privé du 28 juillet 1978 » pour demander une vérification de l'écriture de Mme [U] qui ne consteste pas sa signature.

Mme [R] et M. [P] ne reconnaissant pas la signature de [A] [O], leur auteur, il convient de procéder à une vérification d'écriture.

L'examen comparatif de la signature que [A] [O] a apposée sur l'acte notarié des 28 juillet et 1er août 1978 et de celle attribuée à cette dernière dans l'acte sous seing privé du 28 juillet 1978, permet de constater, sans qu'il soit nécessaire de recourir aux lumières d'un technicien, que ces deux signatures sont identiques. Il est donc établi que cet acte sous seing privé a été signé par [A] [O].

Une servitude peut être consentie à titre gratuit, sans contrepartie.

La cause d'une servitude consentie à titre gratuit réside dans le motif déterminant qui l'a inspirée.

La parcelle cadastrée CL [Cadastre 6] constitue une partie de l'accès commun à la maison édifiée sur la parcelle CL [Cadastre 14] et à la maison édifiée sur la parcelle C [Cadastre 7].

En rétrocédant cette parcelle à [A] [O], Mme [U] a exécuté son engagement du 28 juillet 1978.

Après cette rétrocession, la propriété de Mme [U] n'a plus disposé d'aucun accès sur la route de [Localité 18], [A] [O] n'ayant jamais exécuté son engagement de créer un accès de l'autre côté de la propriété. Cette circonstance suffisant à caractériser le motif déterminant qui a conduit Mme [R] et M. [P] a consentir à Mme [U] une servitude de passage sans indemnité le 18 novembre 2004, le moyen tiré de l'absence de cause de cette servitude est inopérant.

L'acte du 18 novembre 2004 prévoyant expressément que la servitude profitera aux ayants droit et ayants cause de Mme [U], Mme [R] et M. [P] n'ont pu se méprendre sur le caractère réel du droit de passage consenti sur leur fonds. Le moyen tiré de l'erreur sur la nature du droit concédé est donc également inopérant, en sorte que Mme [R] et M. [P] seront déboutés de toutes leurs demandes.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [U] :

Aucune des pièces produites ne permettant d'établir de manière certaine que les difficultés qu'elle a rencontrées pour accéder à sa propriété proviennent d'une intention malveillante de Mme [R] et M. [P] plutôt que d'un dysfonctionnement du système d'ouverture automatique du portail, Mme [U] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré, mais seulement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, soulevée par Mme [U],

L'infirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [R] et M. [P] de leur demande tendant à l'annulation de l'acte de constitution de servitude du 18 novembre 2004,

Déboute Mme [U] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [R] et M. [P] in solidum, à payer la somme de 5 000 euros à Mme [U],

Les condamne aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre b
Numéro d'arrêt : 11/01051
Date de la décision : 21/05/2012

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4B, arrêt n°11/01051 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-05-21;11.01051 ?
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