COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 02 FEVRIER 2011
N°2011/
Rôle N° 09/00287
[J] [U]
SA GAN EUROCOURTAGE IARD
C/
[M] [V]
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES-FGAO
[H] [I]
[P] [X]
[E] [C]
L'ETAT FRANCAIS
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 24 Novembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 07/01900.
APPELANTS
Monsieur [J] [U]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 12] (ALGERIE), demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour,
assisté de la SCP DRUJON D'ASTROS DE SANTI & ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
SA GAN EUROCOURTAGE IARD RCS PARIS B 410 332 738 , représentée par son Président en exercice domicilié au siège sis, [Adresse 7]
représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour,
assistée de la SCP DRUJON D'ASTROS DE SANTI & ASSOCIES, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [M] [V],
né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 10] (13), demeurant [Adresse 13]
représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
assisté de la SCP PREZIOSI - CECCALDI, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Florence BOREL DE GASQUET, avocat au barreau de MARSEILLE
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES FGAO, venant aux droits du Fonds de garantie contre les Accidents de circulation et de Chasse , pris en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 6]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Jean-Luc RIBEIL, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [H] [I],
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 9], demeurant [Adresse 8]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Jean-Luc RIBEIL, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [P] [X], agissant en qualité de liquidateur des opérations d'assurances de la Société MARF, demeurant [Adresse 15]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Jean-Luc RIBEIL, avocat au barreau de MARSEILLE
Maître [E] [C], mandataire judiciaire agissant en qualité de liquidateur de la Société MARF, Mandataire Judiciare - [Adresse 5]
représenté par la SCP BOISSONNET- ROUSSEAU, avoués à la Cour,
assisté de Me Jean-Luc RIBEIL, avocat au barreau de MARSEILLE
L'ETAT FRANCAIS, représenté par Monsieur l' AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR, [Adresse 11]
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assisté de la SCP BREU M.L - DE VILLEPIN E., avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me HARRACH-CENTO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Décembre 2010 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Brigitte VANNIER, Présidente, et Madame Patricia TOURNIER, Conseiller, chargées du rapport.
Mme Brigitte VANNIER, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Brigitte VANNIER, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Madame Patricia TOURNIER, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2011..
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2011.
Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I - Exposé du litige :
Le 1er avril 2003 monsieur [M] [V], gendarme motocycliste a, alors qu'il était en service, été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué à tout le moins le véhicule conduit par monsieur [J] [U] assuré auprès de la société d'assurances GAN Eurocourtage IARD (le GAN).
Monsieur [V] a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence, monsieur [U] et le GAN aux fins de les voir condamner, en présence de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, à réparer son entier préjudice et, avant dire droit, de les voir condamner à lui verser une provision à valoir sur cette indemnisation à déterminer après la réalisation de la mesure d'expertise dont il demandait parallèlement l'organisation.
Il a dénoncé cette assignation à l'Agent judiciaire du Trésor.
Monsieur [U] et le GAN ont fait appeler en intervention forcée monsieur [H] [I], conducteur d'un véhicule qu'ils considèrent comme étant également impliqué dans l'accident et son assureur la NEMARF, puis maître [X], mandataire judiciaire pris en sa qualité de liquidateur des opérations d'assurance de la MARF (anciennement NEMARF) et maître [C] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la MARF.
En raison de la liquidation judiciaire de la MARF le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages est intervenu volontairement à l'instance aux côtés de ses liquidateurs.
Par jugement du 24 novembre 2008 assorti de l'exécution provisoire le tribunal a :
- dit que monsieur [V] a commis une faute de nature à réduire d'un quart son droit à réparation
- dit que le véhicule conduit par monsieur [U] et assuré par la société GAN Eurocourtage est impliqué dans l'accident
- dit que le véhicule conduit par monsieur [I] et assuré auprès de la MARF aujourd'hui en liquidation judiciaire n'est pas impliqué dans l'accident
- mis hors de cause monsieur [I], maître [X] et maître [C] ès qualités
- donné acte au Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de son intervention et prononcé sa mise hors de cause
- mis hors de cause la Caisse nationale militaire de sécurité sociale
- ordonné une expertise médicale
- renvoyé les parties à conclure sur la recevabilité et le bien fondé de la demande de [J] [U] en réparation de son préjudice matériel
- sursis à statuer sur les demandes de l'Agent judiciaire du Trésor
- condamné in solidum monsieur [U] et le GAN à payer à monsieur [V] la somme provisionnelle de 50.000 € et celle de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum monsieur [U] et le GAN à payer à maître [X] ès qualités de liquidateur des opérations d'assurance de la MARF la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- réservé les dépens.
Monsieur [U] et le GAN ont interjeté appel de ce jugement.
Ils font grief au premier juge d'avoir limité le droit à indemnisation de monsieur [V] alors qu'il aurait dû l'exclure en raison des fautes d'inattention et de défaut de maîtrise par lui commises et ils demandent remboursement des sommes que celui-ci a perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré.
Ils font valoir que le fait que monsieur [V] ait été en service et ait encadré un cortège officiel se déplaçant de [Localité 16] à [Localité 17] ne le dispensait pas de l'obligation de prendre toutes les précautions pour rester maître de sa vitesse et pour faire face à tous les obstacles prévisibles de la circulation.
A cet égard ils précisent que la survenue d'un ralentissement à la jonction des autoroutes A7 et A51 n'est pas imprévisible ; que l'accident était évitable comme le démontre le fait que tous les véhicules qui précédaient monsieur [V] ont pu s'arrêter lorsqu'ils ont été confrontés à l'arrêt, pour cause de problème mécanique, d'un véhicule qui les précédait ; que le motard a percuté la voiture qui le précédait parce que, occupé à regarder derrière lui, il ne prêtait pas attention à ce qui se passait devant, alors qu'il aurait dû à la fois régler la circulation et rester attentif aux difficultés de la circulation.
Ils ajoutent que monsieur [V] roulait à une vitesse excessive.
Dans l'hypothèse où la cour n'exclurait pas le droit à indemnisation de monsieur [V] ils concluent au rejet de sa demande de provision complémentaire.
Toujours dans cette hypothèse ils demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le véhicule de monsieur [I] n'était pas impliqué dans l'accident, alors qu'il l'est nécessairement puisque le véhicule conduit par monsieur [U] n'a dû s'arrêter que parce que celui conduit par monsieur [I], qui le précédait, s'était lui-même arrêté.
Ils demandent en conséquence, au constat de l'absence de faute de monsieur [I], comme de l'absence de faute de monsieur [U], que monsieur [I] et la MARF soient condamnés à les garantir des condamnations prononcées contre eux hauteur de 50%.
Monsieur [I], maître [X] et maître [C], ainsi que le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, concluent à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que le véhicule de monsieur [I] n'était pas impliqué dans l'accident, dès lors que monsieur [V] avait été éjecté de sa motocyclette dès le choc avec le véhicule de monsieur [U], de sorte que son dommage était déjà réalisé lorsque sa motocyclette est venue heurter l'arrière du véhicule de monsieur [I].
Subsidiairement pour le cas où il serait jugé que le véhicule de monsieur [I] est impliqué dans l'accident, ils font valoir que la faute d'inattention et de défaut de maîtrise de monsieur [V] exclut ou à tout le moins réduit des trois quarts son droit à indemnisation.
Dans l'hypothèse où le droit partiel à réparation de monsieur [V] serait reconnu ils concluent à la réduction du montant de la provision qui lui a été allouée, les liquidateurs de la MARF faisant valoir qu'aucune condamnation à paiement ne saurait être prononcée contre elle.
Monsieur [V] forme appel incident.
Il fait grief au premier juge de ne pas avoir consacré son droit à réparation intégrale alors que le déroulement de l'accident et son contexte ne mettent en évidence aucune faute susceptible d'entraîner la réduction et plus encore l'exclusion de son droit à indemnisation.
Il fait valoir que l'excès de vitesse qui lui est reproché par monsieur [U] et le GAN n'est pas établi et que les auditions des témoins de l'accident démontrent qu'il n'avait aucun moyen d'éviter la collision.
A cet égard il souligne que les feux de détresse du véhicule de monsieur [U] n'étaient pas en action de sorte que son attention n'a pas été attirée sur le ralentissement inopiné résultant de l'arrêt d'un précédent véhicule causé par des problèmes techniques ; surtout il insiste sur le fait que les contraintes de son service qui lui commandaient de réguler la circulation l'empêchaient de regarder constamment devant lui.
Invoquant les conclusions du médecin et de l'ergothérapeute qui l'ont examiné et qui ont mis en évidence l'ampleur de ses séquelles (en particulier déficit fonctionnel permanent de 70% avec incidence professionnelle et nécessité de l'aide d'une tierce personne) il demande la condamnation de monsieur [U] et du GAN au paiement d'une provision complémentaire de 100.000 €.
L'Etat français demande à ce qu'il soit sursis à statuer sur la détermination du préjudice de la victime soumis à son recours.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux dernières conclusions déposées par les parties (par monsieur [U] et le GAN le 24 novembre 2010, par monsieur [I], maître [X] et maître [C] ès qualités et pas le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages le 15 novembre 2010, par monsieur [V] le 12 février 2010, par l'Etat français le 30 octobre 2009).
II - Motifs
Monsieur [V] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il conduisait sa motocyclette et il dirige sa demande d'indemnisation de son préjudice contre monsieur [U] dont il n'est pas contesté que le véhicule est impliqué dans l'accident et contre son assureur le GAN.
En application des dispositions combinées des articles 1er et 4 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 le conducteur victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur doit être indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation, étant précisé que cette faute doit être appréciée abstraction faite du comportement de l'autre conducteur.
Pour démontrer que monsieur [V] a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation monsieur [U] et le GAN se fondent sur les procès-verbaux dressés par les services de police intervenus immédiatement après l'accident.
Il en ressort que l'accident est survenu de jour, alors que les conditions atmosphériques étaient bonnes et que la chaussée était sèche, immédiatement après la jonction des autoroutes A7 et A51, là où la chaussée est composée de 4 voies de circulation, les deux voies de droite venant de [Localité 14] et les deux voies de gauche venant d'[Localité 9], en direction de [Localité 17].
La circulation était dense mais fluide.
Le gendarme motocycliste [W] [F] qui accompagnait ce jour là monsieur [V] a expliqué que leur mission était d'assureur la protection arrière de l'escorte d'autorités venant de l'aéroport de [Localité 17] Provence et se rendant à l'état major de la gendarmerie à [Localité 17], en empruntant l'autoroute A7.
Leur mission était de se 'maintenir de part et d'autres des voies pour éviter que des véhicules viennent dépasser et doubler le cortège'. Leur vitesse était de 90 km/h.
Il précise qu'au moment d'aborder la jonction avec l'autoroute A51 sur leur gauche, il était convenu que lui-même assurerait la protection arrière droite et monsieur [V] la protection arrière gauche.
Il ajoute qu'à l'approche de la jonction, là où (ils ont) 'récupéré deux voies supplémentaires' lui-même se trouvait sur la voie de droite, la fin du convoi se trouvant 'entre la deuxième et la troisième voie de circulation' et monsieur [V] circulant sur la voie de gauche.
Il relate, parlant de monsieur [V], 'il connaît le secteur et anticipe le fait que l'autoroute A7 en ces lieux va être rejointe par deux voies de l'autoroute A51 venant d'[Localité 9] ; il va donner un coup de gaz pour aller se porter en protection du convoi ; sa mission sera alors de faire ralentir les véhicules venant d'[Localité 9] et risquant de perturber la sécurité et la marche du convoi'.
Après avoir perdu son collègue de vue en raison de la présence d'un fourgon sur sa gauche, monsieur [F] explique qu'il a porté son regard sur les voies de gauche et qu'il a aperçu une file, dont deux voitures claires, suivies d'une 206 dont 'les feux stops sont en fonctionnement et qui pique fortement du nez'.
Il est affirmatif sur le fait que 'sur le temps où (il a ) vu cette voiture les feux de détresse ne sont pas en fonctionnement' ; 'l'ensemble en circulation se rapproche des véhicules à l'arrêt sur la voie la plus à gauche...(son) regard se maintient sur la gauche et (il voit) au-dessus et sur la partie arrière de cet utilitaire' (c'est à dire du fourgon positionné sur sa gauche) 'des éclats de verre multicolores ; (il voit) un corps' reconnaissant son collègue à son uniforme.
Le commandant de police [Z] chef du GIPN de [Localité 17] confirme que lui-même et ses équipes étaient engagés dans l'escorte de deux ministres. Il était passager avant d'un véhicule banalisé de service et son rôle consistait à suivre le cortège pour assurer une protection et une surveillance en cas d'agression.
Il relate : 'quand le cortège s'est engagé à l'entrée du tronc commun de l'autoroute A7, c'est à dire à la jonction de l'A51 et de l'A7, notre véhicule se trouvait en fin de cortège et nous avons noté un fort ralentissement sur la voie la plus à gauche des quatre voies et plus précisément un arrêt total de 3 véhicules....mon rôle consistait alors à me rapprocher de ces véhicules arrêtés ...j'étais franchement retourné sur ma gauche et je regardais le conducteur d'une 206 bleue ...j'ai alors vu arriver une moto de l'escorte de gendarmerie qui a percuté de plein fouet l'arrière de la 206 bleue. Je ne peux pas préciser si cette moto a freiné avant d'entrer en contact avec la voiture. Simultanément j'ai entendu le choc et j'ai vu une boule de feu, celle d'une explosion et le motard s'est envolé...la tête en bas et les pieds en l'air...il a fini sa chute allongé au sol à environ une vingtaine de mètres devant la 206 bleue.'
Monsieur [Y] [O] qui circulait sur sa motocyclette sur la voie de droite de l'A51 à environ 100 km/h a déclaré 'au niveau de la jonction entre les deux autoroutes ...j'ai aperçu venant de ma droite de l'autoroute A55 (A7) deux motocyclistes de la gendarmerie nationale qui roulaient l'un derrière l'autre à une vitesse que j'estime à 130 km/h. Ils circulaient sur la voie de gauche et à la jonction ils ont coupé franchement les deux voies de circulation de l'autoroute A51 pour venir se positionner sur la voie rapide. Les motards faisaient des signes avec leur bras gauche pour faire ralentir les véhicules qui arrivaient d'[Localité 9]...j'ai vu nettement leurs feux stop s'allumer, puis j'ai vu le motard de tête se faufiler à droite. Le second motard regardait sur le côté, puis a retourné sa tête pour regarder devant lui et là il se trouvait à quelques mètres des véhicules qui étaient quasiment à l'arrêt. A ce moment là j'ai vu ce motard freiner, guidonner et percuter violemment l'arrière d'un véhicule.'
Madame [D] [R] épouse [G] qui roulait sur l'A7 derrière les deux gendarmes motocyclistes a déclaré 'je me suis engagée derrière les deux motocyclistes dans la patte d'oie jonction de l'A51 et de l'A7 en direction de [Localité 17]. Le motard roulant à gauche s'engage en direction de la voie la plus à gauche du tronc commun. Il avait la tête tournée vers la gauche. Il faisait des signes de son bras gauche de haut en bas vraisemblablement pour faire ralentir les véhicules venant d'[Localité 9] par l'A51. Il est alors allé directement percuter une voiture qui se trouvait arrêtée sur la voie de gauche. Il devait rouler à ma vitesse c'est à dire à 80/90 km/h'.
Sur interrogations elle précise 'mon attention n'a pas été attirée par les feux de la voiture. Je ne pense pas qu'ils étaient allumés' et 'le motard a percuté le véhicule comme s'il n'avait pas vu que ce dernier était arrêté'.
Monsieur [T] [A] qui roulait sur la voie de gauche de l'autoroute A51 à environ 90 km/h a déclaré : 'j'arrive à proximité de la patte d'oie qui fait la jonction avec l'A7. À peine engagé sur l'A7 un motocycliste de la gendarmerie me double par la droite et me fait signe de serrer à gauche en agitant le bras latéralement. Au même moment j'aperçois le véhicule Peugeot 206 qui me précède d'environ 50 mètres freiner fortement dans sa voie et s'arrêter derrière un véhicule immobile sur la voie de gauche. J'ai clairement vu ses feux stop s'allumer, puis s'éteindre une fois à l'arrêt. Pendant ce temps le motard a fait une légère embardée sur la gauche...après avoir redressé sa motocyclette il heurte violemment la Peugeot 206 à l'arrière droit. Le motocycliste est éjecté de sa moto.
Sur interrogation il précise 'il y avait trois ou quatre voitures arrêtées. La 206 fermait le groupe...le motocycliste n'a pas vu qu'une série de voitures était arrêtée voie de gauche. Le conducteur de la 206 a freiné très fort, s'est immobilisé mais n'a pas signalé l'accident en mettant ses feux de détresse. Ses feux arrières étaient éteints. Le motard roulant plus vite que moi - je roulais à 90 km/h- a été surpris, a donné un coup de frein, a redressé sa moto mais n'a pu éviter l'obstacle'.
Monsieur [U] explique qu'il roulait sur la voie de gauche de l'autoroute après la jonction de l'A51 et de l'A7 et que, devant lui, en ligne droite, il a vu une petite voiture noire arrêtée ; il ajoute 'les voitures qui se trouvaient derrière la voiture noire tout comme moi, ont été obligées de freiner et j'ai moi-même actionné mes freins et mon freinage a été efficace très rapidement...je me suis donc complètement arrêté derrière la Golf grise, à environ un mètre de cette voiture. Pendant que j'avançais sur ce tronçon de jonction des deux autoroutes j'ai entendu une sirène et dans le même temps je voyais la voiture noire de devant s'arrêter. Mon attention était donc attirée par ce qui se passait devant moi et j'ai donc freiné...quand j'ai vu les voitures de devant freiner mon réflexe a été de piler et j'ai jeté un oeil furtif dans le rétroviseur intérieur tout en freinant et je n'ai rien vu, il n'y avait personne derrière moi. J'étais arrêté totalement depuis une fraction de seconde quand j'ai ressenti un choc. Je suis incapable de dire d'où venait ce choc. J'ai immédiatement vu de la fumée de partout et j'ai ressenti de la chaleur...'
Monsieur [I] déclare 'je circulais sur l'autoroute A7 au niveau de la patte d'oie...file de gauche, à environ 60 km/h car la circulation ralentissait. Quatre voitures devant moi il y avait une voiture qui avait fortement ralenti, il me semble qu'elle avait un problème...s'arrêtait et repartait comme si elle avait une panne...les trois voitures devant moi ont pilé en deux ou trois fois et moi-même j'ai pilé lorsque derrière moi est arrivée une voiture bleue et une moto de gendarmerie à vive allure à environ 100 km/h...je précise que tout le monde a pilé à cause de cette voiture en perdition ; le motard a voulu éviter le véhicule bleu mais l'a percuté sur son arrière droit ...'
Les éléments de preuve issus de ces procès-verbaux sont complétés par le rapport d'expertise réalisé à la demande du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Aix en Provence qui a confirmé que la moto portait trace d'un choc frontal et la Peugeot 206 d'un choc arrière décalé à droite. En outre, partant de la déformation de la voiture qui était à l'arrêt au moment du choc, l'expert a calculé que la vitesse de la motocyclette était de 100km/h plus ou moins 10% au moment de la percussion.
Ces éléments démontrent que l'accident s'est produit à la jonction des autoroutes A51 et A7, là où les voies passent de deux à quatre, que sur la quatrième voie, la plus à gauche par rapport au sens de progression de monsieur [V], un véhicule en difficulté a entraîné l'arrêt des véhicules qui le suivaient, le dernier de la file étant la Peugeot 206 conduite par monsieur [U], que monsieur [V], qui traversait l'autoroute de la deuxième voie sur laquelle il se trouvait vers la quatrième voie, n'a pas pu s'arrêter et a percuté la 206 sur la partie droite de son arrière.
Il en ressort encore que le ralentissement était visible pour qui regardait dans le sens de la marche, ainsi qu'en témoignent monsieur [F] (qui a vu les feux stop de la 206), monsieur [Z] (qui a vu un fort ralentissement suivi d'un arrêt total) et monsieur [A] (qui a vu les feux stop de la 206 et son arrêt) et que si monsieur [V] ne l'a pas vu, c'est parce qu'il regardait sur le côté et non dans son sens de progression (témoignages [O] et [G]).
En outre il était possible de réagir à ce ralentissement pour qui était normalement attentif aux conditions de circulation, comme le prouve le fait que tous les véhicules situés devant la 206 et ceux venant derrière monsieur [V] ont pu s'arrêter.
Le défaut d'attention de monsieur [V] et son défaut de maîtrise sont donc manifestes.
La question se pose de savoir si, comme le prétend monsieur [V], son comportement était nécessité par les contraintes de sa mission.
Sa mission, telle qu'elle est définie par son collègue [F], consistait en ce que l'un et l'autre se maintiennent de part et d'autres des voies, la fin du cortège étant entre la deuxième et la troisième, pour éviter que des véhicules ne viennent le dépasser. Plus particulièrement, monsieur [V] était chargé d'assureur la protection arrière gauche, raison pour laquelle il a 'donné un coup de gaz' pour se porter sur la quatrième voie de circulation, de façon à faire ralentir les véhicules venant d'[Localité 9].
Les témoins [O], [G] et [A] décrivent le mode opératoire adopté : monsieur [V] fait des signes avec son bras gauche.
Cette gestuelle était en effet nécessaire, tout comme l'avait été la brusque accélération que monsieur [V] avait dû donner pour passer, en diagonale, dans le temps le plus bref possible, de la deuxième à la quatrième voie de circulation.
Elle suffisait à exprimer son ordre de ralentissement, sans qu'il soit nécessaire de l'accompagner du regard.
Regarder de côté en direction des véhicules venant d'[Localité 9] était d'ailleurs d'autant plus imprudent qu'en raison de sa brusque accélération monsieur [V] abordait la quatrième voie à une vitesse qui, certes n'excédait pas la vitesse autorisée, mais qui était supérieure à celle des véhicules qui y progressaient (90 km/h pour monsieur [A], 80/90 km/h pour madame [G] positionnés derrière lui, 60 km/h pour monsieur [I] situé deux voitures devant lui), ce qui rendait délicate son insertion dans la file des véhicules circulant sur cette voie et devait l'inciter à prêter une particulière attention aux conditions de circulation.
L'inattention de monsieur [V] et le défaut de maîtrise qui en est résulté n'étant pas justifiés par les nécessités de son service, le premier juge doit être approuvé d'avoir considéré qu'ils conservaient leur caractère fautifs, et avaient concouru à la réalisation de son dommage.
Toutefois c'est exactement que monsieur [U] et son assureur font valoir que ces fautes sont de nature, non à limiter, mais à exclure son droit à indemnisation.
Le jugement sera donc infirmé.
La solution donnée au litige rend sans objet l'examen du recours de monsieur [U] et du GAN contre monsieur [I].
Le présent arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à restitutions des sommes versées en exécution du jugement il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du GAN tendant à ce que monsieur [V] soit condamné à lui rembourser les sommes qu'il lui a versées.
Monsieur [V] qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel à l'exclusion de ceux relatifs à la mise en cause de monsieur [I] et des liquidateurs de la MARF qui resteront à la charge de monsieur [U] et du GAN.
L'équité commande qu'il ne soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ni en première instance ni en appel au profit de quelque partie que ce soit.
Par ces motifs :
LA COUR :
- Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a mis hors de cause la Caisse nationale militaire de sécurité sociale
- Statuant à nouveau des chefs infirmés
- Déboute monsieur [V] de ses demandes dirigées contre monsieur [U] et le GAN
- Déclare sans objet le recours dirigé par monsieur [U] et le GAN contre monsieur [I] et les liquidateurs de la MARF
- Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remboursement du GAN
- Rejette les demandes d'indemnités d'article 700 du code de procédure civile
- Rejette la demande de remboursement du GAN
- Condamne monsieur [V] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile à l'exclusion de ceux relatifs à la mise en cause de monsieur [I] et des liquidateurs de la MARF qui resteront à la charge de monsieur [U] et du GAN.
Le Greffier,Le Président,