COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 30 NOVEMBRE 2010
N°2010/ 696
Rôle N° 09/19897
[G] [D]
C/
[F] [C]
COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE
[M] [T]
Syndicat CGT ET UFIC-CGT Mines Energies Rhône Durance Grand [Localité 5]
Grosse délivrée le :
à :
-Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS
- M. [D] [G]
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes d'ARLES en date du 29 Septembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 07/483.
APPELANT
Monsieur [G] [D], demeurant [Adresse 4]
comparant en personne, assisté de M. [S] [A] (Délégué syndical ouvrier)
INTIMES
COMPAGNIE NATIONALE DU RHONE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Nelly MORICE, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [M] [T], demeurant [Adresse 1]
non comparant
Monsieur [F] [C], demeurant [Adresse 11]
non comparant
PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE
Syndicat CGT ET UFIC-CGT Mines Energies Rhône Durance Grand [Localité 5], demeurant [Adresse 2]
représenté par M. [S] [A] (Délégué syndical ouvrier)
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 26 Octobre 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2010.
ARRÊT
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Novembre 2010
Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Le 22 Novembre 2007, [G] [D], qui était salarié de la Compagnie Nationale du Rhône et pour laquelle il exerçait un emploi d'éclusier dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et à temps plein, a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Arles pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer des heures supplémentaires.
Deux autres salariés de l'entreprise, [F] [C] et [M] [T], qui occupaient un poste de travail identique sur le site des écluses de [Localité 9]/[Localité 6], faisaient de même.
Dans les conclusions déposées et explications orales ultérieures qu'il développait devant les premiers juges conjointement avec ses collègues de travail, [G] [D] précisait la nature et le montant de ses demandes, à savoir :
- il expliquait que jusqu'au 1er Juillet 2005, date de la mise en place d'une nouvelle organisation supprimant les astreintes en lui substituant la téléconduite et le passage en automatisation des commandes de l'écluse, il avait été contraint d'assurer la régulation et le passage des bateaux les week-ends, jours féries et durant les nuits (de 20 heures 36 à 5 heures 24 puis de 20 heures à 6 heures) au cours d'astreintes et d'effectuer des périodes de veille-radio à la demande de l'employeur dans l'attente d'être contacté à son domicile par les usagers par radio qui l'appelaient pour se déplacer sur son site de travail et effectuer les manoeuvres nécessaires au passage des bateaux, selon des modalités appelées par l'entreprise 'exploitation discontinue assortie d'astreinte',
- il indiquait que lui avait été imposé un logement de fonction, situé à proximité du lieu de travail et équipé d'une antenne radio VHF permettant une communication fluviale et maritime,
- il faisait valoir que la veille radio effectué sur le canal VHF-12 qui couvrait une zone de navigation important (ports de [Localité 10], de [Localité 8] et de [Localité 7]) l'obligeait à une écoute permanente en raison du nombre important d'utilisateurs et à sélectionner les communications relevant de sa mission, que cette sujétion ne pouvait donc être seulement compensée par l' indemnité d'astreinte qui lui était versée, cette veille radio caractérisant un temps de travail effectif alors que la Compagnie Nationale du Rhône ne lui réglait que les interventions sur écluses comme temps de travail effectif,
- sur la base des dispositions conventionnelles qui majoraient les heures supplémentaires pour le travail effectué par le salarié en distinguant les activités accomplies de jour en semaine (+50%), de jour le dimanche (+ 75%), la nuit en semaine (+100%) et le dimanche et jours fériés de nuit (+125%), il chiffrait à 15.022,95 Euros le montant global brut de ses heures supplémentaires dues par la Compagnie Nationale du Rhône pour la période comprise entre Janvier 2002 et Juin 2005 et réclamait, en conséquence, la somme de 14.713,10 Euros puisqu'il lui avait déjà été alloué, titre de provision sur heures supplémentaires, la somme de 309,85 Euros par ordonnance rendue par le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes,
- il sollicitait, en outre, la somme de 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des manquements de la Compagnie Nationale du Rhône à ses obligations contractuelles en matière de paiement de l'intégralité des rémunérations à son salarié,
- il évaluait à 1.000 Euros le montant de ses prétentions au titre des frais irrépétibles.
En cours d'instance, le syndicat CGT intervenait volontairement.
Pour sa part, la Compagnie Nationale du Rhône concluait au rejet des demandes des 3 salariés, à la condamnation d'[G] [D] à lui rembourser la somme de 309,85 Euros qu'elle lui avait payée en vertu de l'ordonnance provisionnelle et à l'application, en sa faveur, des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'employeur exposait que la veille radio n'avait pas constitué un temps de travail effectif, que le salarié, placé sous le régime de l'astreinte d'action immédiate et se tenant en permanence à son domicile ou à proximité, pouvait vaquer librement à des occupations personnelles et qu'elle lui avait normalement payé ses périodes d'astreintes.
La juridiction prud'homale a rendu sa décision le 29 Septembre 2009 ; les premiers juges ont pris acte de l'intervention du syndicat, ordonné la jonction des instances engagées par [G] [D], [F] [C] et [M] [T], dit que le temps de veille radio ne constituait pas un temps de travail effectif, débouté les salariés de leurs demandes respectives, les ont condamnés, en revanche, à rembourser à la Compagnie Nationale du Rhône les provisions obtenues au titre des heures supplémentaires et rejeté, enfin ,toutes les demandes faites au titre des frais irrépétibles.
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[G] [D] a, le 2 Novembre 2009, régulièrement relevé appel de la décision, qui lui a été notifiée le 9 Octobre 2009, rendue par le Conseil de Prud'hommes qui a rejeté toutes ses demandes.
Dans ses écritures déposées et réitérées oralement, [G] [D], qui confirme que la veille radio faite durant sa période d'astreinte procédait d'un temps de travail effectif, conclut à la réformation du jugement entrepris et forme des demandes en tout point identiques à celles présentées en première instance en matière de rappel d'heures supplémentaires, de dommages et intérêts et de frais irrépétibles, reprenant les arguments, moyens et conclusions exposés à cette occasion.
[F] [C] et [M] [T] ne sont ni comparants, ni représentés.
Le syndicat CGT sollicite la condamnation de la Compagnie Nationale du Rhône à lui verser la somme de 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour réparer l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente et celle de 1.000 Euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
En réplique, dans ses écritures comme dans ses explications verbales, la Compagnie Nationale du Rhône, reprenant son argumentation de première instance, conclut à la confirmation du jugement de la décision déférée, au rejet des demandes d'[G] [D] et à sa condamnation à lui verser une somme de 1.000 Euros en vertu de l'article 700.
MOTIFS DE LA DECISION
Bien que régulièrement convoqués , [F] [C] et [M] [T] ne se sont pas présentés à l'audience et n'ont pas été représentés de sorte que la décision à intervenir sera réputée contradictoire.
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Les parties ne font que reprendre devant la Cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance concernant le mode de règlement de l'astreinte -veille radio imposée à [G] [D].
Le jugement contesté, qui a considéré que cette veille ne caractérisait pas un temps de travail effectif donnant droit à perception d'heures supplémentaires, repose sur des motifs exactes et pertinents.
Les juges, en effet, ont fait une juste application des dispositions du Code du Travail qui régissent la matière et notamment celles de l'ancien article L.212-4 bis qui ont été reprises par l'article L. 3121-5 et qui stipulent qu'une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise, seule la durée de cette intervention étant considéré comme un temps de travail effectué.
Le Conseil de Prud'hommes a relevé que l'éclusier accomplissait la veille radio à son domicile, que l'accomplissement de cette mission dans un logement imposé par la Compagnie Nationale du Rhône lui permettait de percevoir une indemnité spéciale dite de logement imposé.
La juridiction prud'homale a également constaté fort justement qu'[G] [D] ne versait pas au dossier les attestations ou éléments établissant qu'il était dans l'impossibilité, au sein de son domicile, de vaquer à des occupations personnelles.
La Cour note, par ailleurs, que :
- la nature du logement imposé à [G] [D] était sans influence sur la nature qui doit être donnée à l'accomplissement d'une veille radio,
- en contrepartie des obligations imposées par l'astreinte, [G] [D] a perçu une indemnité horaire d'astreinte, une indemnité d'éclusage pour chaque intervention sur site et des heures supplémentaires majorées correspondant à des interventions et opérations d'éclusage et dont les montants étaient conformes à l'article 16 du statut national des industries électriques et gazières,
- les cartes marines produites par [G] [D], les pièces justifiant les obligations imposées aux plaisanciers, aux pêcheurs professionnels et aux bateaux de commerce d'utiliser le canal 12 VHF, les attestations de [W] [J], [P] [Y] et [R] [L], qui ont exercé leur fonction sur un bateau pousseur et qui ont tous confirmé le recours au canal 12 VHF pour appeler directement l'éclusier, restent insuffisantes pour démontrer qu' [G] [D] ne pouvait vaquer à des occupations personnelles durant son astreinte, les documents communiqués par le salarié ne démontrant pas autre chose que le recours régulier ,voire fréquent au canal 12,
-le salarié ne donne aucune précision détaillée chiffrée sur la répartition de son emploi du temps durant les périodes de veille .
Dans ces conditions, il convient de dire que l'obligation pour [G] [D] de se tenir en permanence à son domicile ou à proximité immédiate pour répondre sur le champ à des demandes d'interventions éventuelles ne l'a pas privé de la possibilité de vaquer à des occupations personnelles et n'a n'a pas constitué un travail effectif mais une astreinte qui lui a été normalement payée ; le jugement déféré sera confirmé sur ce premier point.
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[G] [D] n' a pas établi à l'encontre de la Compagnie Nationale du Rhône l'existence d'une dissimulation d'emploi salarié par une déclaration sur le bulletin de salaire de l'intéressé d'un volume d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué caractérisant un agissement déloyal et un abus de l'employeur dans l'exercice de ses obligations contractuelles ayant entraîné pour son salarié un préjudice ; partant, [G] [D] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts.
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En l'absence de fautes ou de manquements à ses obligations professionnelles, conventionnelles et contractuelles de la part de la Compagnie Nationale du Rhône, le syndicat CGT ne démontre pas l'existence d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, sa demande d'attribution de dommages et intérêts sera écartée.
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Sera maintenue la décision des premiers juges qui ont rejeté les prétentions des parties au titre des frais irrépétibles de première instance ; l'équité en la cause commande de débouter également les parties de leurs demandes présentées en appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
[G] [D], qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, réputée contradictoire et en matière prud'homale,
Reçoit l'appel régulier en la forme,
Confirme le jugement déféré rendu le 29 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes d'Arles dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute [G] [D], la Compagnie Nationale du Rhône et le syndicat CGT de leurs demandes respectives fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne [G] [D] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT