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17/12/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006945610

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, Ct0021, 17 décembre 2004, JURITEXT000006945610


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 8 Chambre B ARRÊT AU FOND DU 17 DÉCEMBRE 2004 No 2004/ Rôle No 02/10350 S.A. BIOTONIC C/ Geneviève X... Grosse délivrée le : à : SCP LATIL Me JAUFFRES réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 28 Mars 2002 enregistré au répertoire général sous le no 01/F172. APPELANTE S.A. BIOTONIC, 1570 Chemin de la Plaine - BP 325 - 06253 MOUGINS CEDEX représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour, assistée de Me Claude-André CHAS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Audrey

MASSEI, avocat au barreau de NICE INTIMÉE Madame Geneviève X... née Y....

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 8 Chambre B ARRÊT AU FOND DU 17 DÉCEMBRE 2004 No 2004/ Rôle No 02/10350 S.A. BIOTONIC C/ Geneviève X... Grosse délivrée le : à : SCP LATIL Me JAUFFRES réf Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de CANNES en date du 28 Mars 2002 enregistré au répertoire général sous le no 01/F172. APPELANTE S.A. BIOTONIC, 1570 Chemin de la Plaine - BP 325 - 06253 MOUGINS CEDEX représentée par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour, assistée de Me Claude-André CHAS, avocat au barreau de NICE substitué par Me Audrey MASSEI, avocat au barreau de NICE INTIMÉE Madame Geneviève X... née Y... née le 12 mai 1945 à SAINT AMANDIN (15) demeurant Le Bourg - Place de la Fontaine - 15140 SAINT BONNET DE SALERS représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, assistée de Me Eric POUDEROUX, avocat au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 29 Octobre 2004 en audience publique devant la Cour composée de : Monsieur Christian CADIOT, Président Monsieur Jean-Paul ASTIER, Conseiller Monsieur Charles STERN, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Madame Michèle GOUREL DE SAINT PERN. ARRÊT Contradictoire, Prononcé publiquement le 17 Décembre 2004 par Monsieur Jean Paul ASTIER, Conseiller. Signé par Monsieur Christian CADIOT, Président et Madame Michèle GOUREL DE SAINT PERN, greffier présent lors du prononcé. FAITS ET PROCEDURE

Début 1999 la société BIOTONIC a adressé à Mme X... des documents publicitaires lui laissant entrevoir un gain, accompagnés d'un catalogue de produits ; estimant être la gagnante d'un lot de 100 000 francs, celle-ci l'a assignée en paiement ;

Par jugement du 28 mars 2002 le tribunal de commerce de Cannes a condamné la société BIOTONIC à lui payer la somme de 20 000 francs à titre de dommages et intérêts, et celle de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La société BIOTONIC a relevé appel de cette décision le 29 avril 2002 ;

Au terme de dernières conclusions du 24 septembre 2004 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, elle fait valoir pour l'essentiel : - qu'elle propose à ses clients des jeux sans obligation d'achat fonctionnant selon la règle du pré-tirage au sort du nom des gagnants, et non pas des loteries ; - que ces jeux publicitaires sont conformes à l'article L 121-36 du code de la consommation ; - que dans tous ses documents elle rappelle les conditions d'obtention des lots, et donc l' existence d'un aléa ; - que s'ils présentent un certain caractère attractif, ils ne comportent aucune allégation men- songère ; - qu'ils sont compréhensibles pour un consommateur de bonne foi, et normalement attentif ; - que Mme X... a bien renvoyé son bulletin de participation dans les temps, mais n'était pas en possession du document désigné gagnant ; - qu'il n'existe aucun engagement ferme de sa part de lui verser un prix ; - qu'elle n'a commis aucune faute ;

Elle demande à la Cour : - d'infirmer le jugement entrepris ; - de débouter Mme X... de ses prétentions ; - de la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Au terme de dernières conclusions du 4 mars 2003 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, celle-ci réplique pour l'essentiel : - que la société BIOTONIC n'a pas mis en évidence l'existence d'un aléa dans ses documents publicitaires, dont la présentation a pu légitimement lui laisser croire qu'elle avait gagné le lot de 100 000 francs ; - qu'elle est fondée à en réclamer la délivrance sur un fondement quasi-contractuel ; - que la société BIOTONIC a commis une faute délictuelle en présentant le déroulement du jeu d'une manière ambiguù, ayant engendré la confusion dans son esprit ; - qu'elle lui

a causé un préjudice moral considérable ;

Elle demande à la Cour : - de réformer la décision déférée ; - de condamner la société BIOTONIC à lui payer la somme de 15 244,90 euros en délivrance du gain promis ou à titre de dommages et intérêts, et celle de 2 500 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sus de l'indemnité déjà allouée par le tribunal ; L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 septembre 2004 ; MOTIFS DE LA DECISION

L'appel est régulier en la forme et a été interjeté dans les délais ; il est recevable ;

L'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer ;

S'agissant d'une loterie avec pré-tirage, au moment de l'envoi des documents publicitaires par la société BIOTONIC chaque destinataire était d'ores et déjà soit gagnant, soit perdant, mais son sort était scellé, ainsi qu'il résulte du "règlement complet du jeu" qui énonce que "les coordonnées du gagnant potentiel ont été relevées par tirage au sort avant le dépôt postal des documents", et s'il est encore question ici de gagnant "potentiel" c'est uniquement parce que la perception de son lot demeurait subordonnée à l'accomplissement de formalités déterminées dans un délai imparti ;

Dans ce contexte particulier, la société BIOTONIC devait mettre en évidence le fait que le destinataire des documents publicitaires pouvait avoir soit gagné, soit perdu, ce qu'il ne saurait qu'en retournant son bon de participation ; or tel n'est pas le cas en ce qui concerne Mme X... ;

En effet sous prétexte d'adresser à "chaque participant un jeu de

documents comportant un spécimen reproduisant ce que recevra le gagnant définitif du jeu", la société BIOTONIC a fait parvenir à cette dernière toute une série d'imprimés nominatifs destinés à lui faire croire qu'elle avait gagné, alors qu'elle avait perdu : - "INVITATION PRIVEE : Mme X... vous êtes invitée à la cérémonie de remise du chèque de 100.000,00 Frs que vous avez gagné ! ... Le chèque de 100.000,00 Frs ne pourra être établi qu'au nom de Geneviève X... et personne d'autre !" ; - "INVITATION OFFICIELLE ET PERSONNELLE : Je soussigné ... directeur financier de la société BIOTONIC invite Mme X... à prendre part officiellement à l'opération Invitation privée à titre personnel en vue de la remise d'un chèque d'un montant de 100.000,00 Frs . Ce chèque sera établi à son nom dès qu'elle nous aura confirmé conformément au règlement, au moyen des documents ci-joints, qu'elle pourra effectivement assister à cette cérémonie en tant que gagnante officielle" ; - "CONFIRMATION PERSONNELLE DE PAIEMENT GARANTI : ce document officiel, établi sur la base d'une opération effectuée sous le contrôle d'un huissier de justice, constitue une preuve matérielle irréfutable ! Dès que nous aurons reçu de la part de Mme X... les documents permettant conformément au règlement joint de valider sa réclamation nous donnerons le feu vert aux procédures bancaires permettant de lui faire parvenir la somme de 100.000,00 Frs" ; - "JOURNAL OFFICIEL DES GAGNANTS : Mme X... est la seule et unique gagnante des 100.000,00 Frs ... Mme X... notre nouvelle gagnante record ! ... La nouvelle liste de nos plus grands gagnants : 1ère Mme X... 100.000,00 Frs" ;

La société BIOTONIC ne saurait se retrancher derrière le caractère nécessairement astucieux de ce genre de publicités, ni derrière les rares avertissements instillés au détour de tel ou tel des documents litigieux, dès lors que même son "règlement complet du jeu" est

artificieux, puisqu'il affirme "vous avez une vraie chance de gagner le premier prix", alors que c'est faux dans la mesure où au moment de l'envoi des documents publicitaires tous les destinataires avaient d'ores et déjà perdu, à l'exception d'un seul qui n'était pas Mme X... ;

Par cette présentation fallacieuse destinée à tromper le consommateur même le plus sceptique ("Trop beau pour être vrai ä Et pourtant ...."), la société BIOTONIC a annoncé un gain à Mme X... sans mettre en évidence le fait qu'elle pouvait avoir déjà perdu ; elle sera donc condamnée à lui payer la somme de 100 000 francs ;

L'équité ne commande pas d'allouer à Mme X..., sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, d'autre somme que la juste indemnité déjà accordée par les premiers juges ;

La société BIOTONIC qui succombe doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en dernier ressort,

Reçoit l'appel de la société BIOTONIC ;

Confirme le jugement entrepris, excepté sur le montant de la condamnation principa-le ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société BIOTONIC à payer à Mme X... la somme de 15 244,90 euros ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société BIOTONIC aux dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître JAUFFRES conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile

;

LE PRESIDENT

LE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Formation : Ct0021
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006945610
Date de la décision : 17/12/2004

Analyses

QUASI-CONTRAT - Quasi-contrat de jeu - Effets - Obligation de délivrance du gain annoncé - Exécution - Conditions - /

Une société de vente par correspondance ne saurait se retrancher derrière le caractère nécessairement astucieux de ses documents publicitaires, ni derrière les rares avertissements instillés au détour de ceux-ci, dès lors que même son "règlement complet du jeu" est artificieux puisqu'il laisse entendre à son destinataire qu'il a une réelle chance de gagner sans mettre en évidence le fait qu'il avait déjà perdu. Elle s'expose ainsi à verser à ce dernier une somme équivalente au gain annoncé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;2004-12-17;juritext000006945610 ?
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