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09/04/1998 | FRANCE | N°JURITEXT000006934694

France | France, Cour d'appel d'aix-en-provence, 09 avril 1998, JURITEXT000006934694


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS consorts X... 1998 10° CHAMBRE ARRET AU FOND AS 09/04/1998 ROLE N°95/6703 ARRET de la 10° chambre civile, prononcé sur appel d'un Jugement rendu le 19 janvier 1995 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE 1 ère Chambre COMPOSITION DE lA COUR :

.Madame Y..., PDT CONSEll..LERS Monsieur NAL Mademoiselle WOYTT Z... , Madame A... l'affaire a été mise en délibéré au 10 déceùbre 1997 prorogée au 31/3/98 puis au .::-.9 AVR. 1].j]1 PRONONCE: Après délibéré entre les mêmes mil,gistrats A l'audience publique du ,-.9

Avw. 1]93 par Madame Y... assisté de Madame JAUFFRES B... le 1 9 M A C....

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS consorts X... 1998 10° CHAMBRE ARRET AU FOND AS 09/04/1998 ROLE N°95/6703 ARRET de la 10° chambre civile, prononcé sur appel d'un Jugement rendu le 19 janvier 1995 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE 1 ère Chambre COMPOSITION DE lA COUR :

.Madame Y..., PDT CONSEll..LERS Monsieur NAL Mademoiselle WOYTT Z... , Madame A... l'affaire a été mise en délibéré au 10 déceùbre 1997 prorogée au 31/3/98 puis au .::-.9 AVR. 1].j]1 PRONONCE: Après délibéré entre les mêmes mil,gistrats A l'audience publique du ,-.9 Avw. 1]93 par Madame Y... assisté de Madame JAUFFRES B... le 1 9 M A C... 1998 délivrée à eLorc- ]]. NATURE DE L'ARRET : REPlrrE CON1RADI CTOlRE AU FOND NOM DES PARTIES : Monsieur Augyste X... né.. le 1er janvier 1937 à MARSEILLE, de nationalité ftançaise, instituteur, agissant tant personnellement qu'en qualité d'administrateur légal de la personne et des biens de Patrice, collégi]n, de nationalité ftançaise, né le 1/4/80 à MARSEILLE et de Thomas de natioanlité ftançaise, né le 15/5/90 à MARSEILLE, deme]t et domicilié 24 rue Charpe 13004 MARSEILLE Madame Christiane X... née D... le 2 mai 1952 à MARSEILLE, de nationalité ftançaise, agissant tant personnellement qu'en qualité d'administratrice légale de la personne et des biens de Patrice, collégien, de nationalité française, né le 1/4/80 à MARSEILLE, et de Thomas, de nationalité ftançaise né le 15/5/90 à MARSEILLE, demeurant et domiciliée 24 rue ChaIpe 13004 MARSEILLE Mademoiselle Véronique X... né le 20 avril 1974 à MARSEILLE de nationalité fi-ançaise, étudiante, demeurant et domiciliée 24 rue Chalpe 13004 MARSEILLE APPElANTS Ayant pour avoué la S.C.P. BLANC, Plaidant Maître GASP ARRI, avocat au barreau de MARSEILLE CONTRE:

Monsieur Michael E... né le 12 aout 1958 à MARSEILLE, génécologue obstétricien, domicilié à MARSEILLE (13008) 76 rue Jean Mennoz L'UNION DES ASSURANCES DE PARIS, SA au

capital de 500000000 FRS dont le siège social est à PARIS 1°, 9, Place Vendôme, agissant par son Président en exercice. INI1MES Ayant pour avoué la S.C.P. JOURDAN-WA1TECAMPS, Plaidant Maître MALINCONI, avocat au barreau de MARSEILLE LA CAISSE PRIMAIRE Dr ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU F..., dont le siège est 8, rue Jules Moulet 13003 MARSEILLE, poursuites et diligences de son représentant légal y domicilié. IN11MEE D EF AILIAN1E * * * F AITS ET PROCEDURE Monsieur X... né le 1 er janvier 1937 et Madame X... née le 2 mai 1952 ont eu un premier enfant Véronique née lè 20 avril 1974 et un deuxième Patrice Auguste né le 1er avril 1980 ; celui-ci présentait à sa naissance une malformation de la main droite. . Les époux X... souhaitant avoir un troisième enfant et leur désir étant infructueux consultaient le Docteur E... qui prescrivait un traitement approprié qui aboutissait à une grossesse révélée par un test le 5 septembre 1989. Le Docteur E... a suivi Madame X... tout au long de la grossesse et lui a fait subir uné amrùocentèse auprès du Centre de Diagnostic Prénatal de l'Hôpital de la llMONE révélant une fonnule chromosomique normale et que l'enfant était de sexe masculin. Le Docteur E... a mis au monde Tomas le 15 mai 1990 lequel présentait à la naissance une malfornIation de l'extrémité du membre supérieur droit, l'avant bras ne présentant qu'un seul os et n'étant prolongé que par un seul doigt. Les époux X... ont saisi le Tribunal de Grande Instance de MARSEil--LE aux fInS de réparation de leurs préjudices et de ceux de leurs enfants résultant de l'erreur manifeste de diagnostic anténatal de la malformation (rente viagère mensuelle de 10000 F pour Tornas, depuis sa naissance, 2 000 000 F pour leurs préjudices, 100 000 F pour chacun des frère et soeur de Tornas). Par jugement du 19 janvier 1995 le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE, -a estimé établi par le rapport d'expertise des Professeill"S RUDIGOZ et HERMIER et du Docteur G... le

préjudice personnel et moral subi par les époux X... en raison de l'erreur de diagnostic de la malforrnation commise par le Docteur E... qui les a privés du choix qu'ils avaient exprimé d'avoir un enfant exempt d'une anomalie d'origine génétique telle celle présentée par le précédent enfant. -a rejeté tout lien de causalité entre cette faute et les préjudices résultant de ce handicap pour Tomas lui-même et pour ses frère et soeur. -a condamné in solidum le Docteur E... et l'UAP à payer à chacun des époux X... la somme de 50 000 F . -a débouté les consorts X... du surplus de leurs demandes. A l'appui de leur appel régulièrement inteIjeté, les consorts X... font valoir l'argumentation suivante : -rappelant les circonstances de la 3ème grossesse difficile de Madame X..., la volonté clairement exprimée des époux X... de n'avoir tm troisième enfant qu'à la condition qu'il soit exempt. d'tme anomalie génétique analogue à celle dont le deuxième enfant était atteint, les contrôles rapproChés dont Madame X... a été le sujet pendant sa grossesse, l'affmnation réitérée de l'absence -de toute anomalie du foetus, le caractère génétique et non accidentel de la malfonnation de Tomas, ils estiment indiscutable la faute de diagnostic anténatal commise par le Docteur E... H... demandent donc la confmnation du jugement sur ce point. -Cependant ils reprochent à la décision déférée de n'avoir pas tiré les conséquences de cette faute et du fait que cette malfomlation les autorisait à recourir à une ITG, ce qui les a privés de leur droit de décider de la non existence de l'embryon, solution à laquelle ils étaient détemrinés en raison de l'antécédent dans la fratrie. -H... estiment établi le lien de causalité entre le préjudice résultant de la malfonnation et la non révélation de celle-ci, l'existence d'inflmle de Tomas étant la conséquence directe des erreurs commises par le Docteur E... même si la malfonnation en elle-même n'est pas liée à l'erreur de diagnostic

et demandent l'application de ce principe reconnu par la Cour de Cassation dans ses arrêts du 26 mars 1996. -H... réaffirment l'existence de troubles importants, notamment pour Monsieur X..., après le choc de la découverte du handicap, encore plus sévère, de son troisième enfant que tous les spécialistes avaient affinné exempt de toute anomalie et le lien de causalité entre les conséquences psychologiques d'un tel choc et les problèmes professionnels rencontrés ultérieurement par Monsieur X... -H... demandent donc la réfonnation du jugement quant aux indemnisations et sollicitent les sommes suivantes : * rente viagère mensuelle de 10000 F (valeur juin 1993) revalorisable pour Tomas. * 2 000 000 F pour chacun d'eux (père et mère) en réparation de leurs préjudices propres (moral et fInancier par pertes de revenus) - * 100000 F pour chacun des frère et soeur (cass. 1er civ. 30 juin 1993). x x x Fom1ant appel incident, le Docteur E... et rUAp demandent d'infmner le jugement et de débouter les consorts X... de toutes leurs demandes, en faisant valoir l'argtnnentation suivante : -la faute reprochée au Docteur E... n'est pas démontrée car le handicap de Tomas résulte d'un défaut génétique du développement du membre supérieur droit et le suivi clinique et échogi"aphique de la grossesse de Madame X... eu égard à l'antécédent malformatif est exempt de critique, le Docteur E... ayant fait appel à tous les moyens scientifique et d'investigation de l'époque et ayant agi conformément aux données actuelles de la science. -Il n'existe auctm lien de causalité entre cette prétendue faute et le préjudice de Tomas, en raison de l'incertitude de l'obtention d'tme autorisation médicale pour pmtiquer tme IVG thérapeutique dans ce type de malformation, le camctère inéluctable de ]lle-ci affmnée par le collège d'experts étant réfutée par les professeurs GAMERRE et MATfEI, et en raison de l'absence de préjudice lié à la naissance d'tm enfant atteint de

malformation congénitale survenant après tm examen à l'occasion duquel rien n'a été décelé, ainsi qu'il a été jugé à de nombreuses reprises. -Subsidiairement, ils s'opposent à toute indemnisation du préjudice professionnel allégué par Monsieur X... qui est sans lien avec le handicap et ne saurait pas plus être indemnisé que les conséquences du handicap lui-même. H... demandent de plus la condamnation des appelants à leur payer la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. x x x La CP AM DES BOUCHES DU F... assignée à personne habilitée à recevoir l'acte nia pas constitué avoué. MOTIFS DE LA DEOSION 1) Sur l'existence d'une faute du Docteur E... a) détermination de la nature de la malformation présentée par Tomas X... Les experts décrivent en ces tennes cette malformation: "La malformation du membre supérieur droit associe une malformation du coude avec ankylose en flexion, une atrophie fusiforme majeure de l'avant bras qui se prolonge, sans main individualisable, par une formation digitale unique dotée d'un ongle. La radiographie pratiquée à l'âge d'un mois montre que l'avant bras comporte un seul os long au lieu de deux. Cet os unique a plutôt la morphologie d'un radius, sans qu'on puisse être affIrmatif. Cette radiographie montre aussi que la formation digitale comporte trois os courts sans qu'on puisse dire :

.s'il s'agit d'un métacarpien et de deux phalanges, auquel cas il existerait une seule fom1ation digitale dotée de deux phalanges et il manquerait 4 métacarpiens ainsi que quatre doigts co1Tespondants. .ou s'il s'agit de trois phalanges auquel cas il manquerait 5 métacarpiens et quatre doigts. Dans le cas de Tomas, les anomalies de l'avant bras et de la main représentent une variété extrême de malformation. " Dans de tels cas, il est souvent impossible de dire avec certitude quel est ou quels sont les rayons absents." H... ont donc, tout d'abord, été amenés à détenniner si la malfonnation est primitive, relevant d'une anomalie génétique

ou si elle est secondaire, relevant d'une anomalie embryologique. Retenant comme arguments, l'existence d'une malfonnation de la main droite chez le frère aîné, la topographie longitudinale des malfom1ations ( en opposition avec les amputations secondaires transversales), l'absence de signes cutanés révélateurs de brides amniotiques, l'absence de facteurs connus d'embryopathie, le collège d'experts estime, sans être contesté, que tous les éléments du dossier s'opposent à ce que l'anomalie soit survenue secondairement sur une ébauche embryologique initialement nonnale, et au contraire indiquent que la malfonnation résulte de façon quasi certaine d'un défaut primitif, d'origine génétique, du développement du membre supérieur droit. B) Dès lors cette malforn1ation aurait dû être diagnostiquée à partir de 20 à 24 semaines d'aménorrhée. Les experts indiquent à ce sujet Il Au cabinet du Docteur E..., deux examens de morphologie foetale ont été réalisés à 23 et 30 semaines d'aménorrhée, c'est à dire à des périodes où le diagnostic de la malformation de la main pouvait être posé de façon fiable. Lors de ces deux examens, le docteur E... a noté une échographie anatomique apparemment nonnale. Le compte rendu du premier examen précise qu'une attention toute particulière a été portée sur l'étude des membres et en particulier des membres supérieurs qui ont semblé normaux avec cinq colonnes à chaque extrémité. L'absence d'un des deux os de l'avant bras droit n'a pas été diagnostiquée. Le docteur E... n'a pas signalé de position défavorable des membres. La discordance entre les constatations échographiques et les malformations observées à la naissance indiquent clairement une erreur diagnostique". Les experts relèvent également "que le docteur E... n'a jamais noté qu'il avait un doute diagnostique et qu'il convenait de consulter un confrère très spécialisé dans le diagnostic anténatal" alors qu'en matière de malformation des membres, la technique de la foetoscopie étant

écartée en raison des risques de fausse couche, les seuls examens à pratiquer sont "un contrôle échographique précis et complet de la morphologie foetale, d'abord entre 20 et 24 semaines d'aménoIThée, puis 4 à 6 semaines plus tard. Ces deux échographies à visée morphologique, d'une durée minimum de 30 minutes, doivent être réalisées par un examinateur très spécialisé dans le diagnostic anténatal, averti de l'antécédent malformatif dans la fratrie. Au cas où tous les membres ne sont pas bien visibles, en raison de la position foetale ou de l'attitude fermée des mains, l'examen est repris quelques jours plus tard". Il résulte de ces éléments que le Docteur E... qui connaissait l'antécédent malformatif chez le ftère aîné de Tomas, ne l'a pas signalé dans la lettre d'envoi au centre de diagnostic prénatal alors qu'il s'agissait d'un élément important, que ce centre a commis une erreur de diagnostic en mentionnant que les membres avaient été vus mais en ne diagnostiquant pas l'absence d'un des deux os de l'avant bras droit, erreur qui a pu influencer le diagnostic ultérieur du Docteur ] que celui-ci a commis à deux reprises des erreurs de diagnostic lors des échographies à 23 et 30 semaines d'aménorrhée, puisque lors de ces deux échographies, le docteur E... n'a pas noté l'absence d'un des deux os de l'avant bras droit, l'absence d'au moins 4 métaCaIpiens droits et l'absence de 4 doigts droits. Nulle part il n'a noté une position défavorable du membre supérieur droit ou d'une main droite fermée qui aurait empêché de les examiner correctement et qui aurait nécessité un contrôle quelques jours plus tard. Nulle part il n'a noté un doute diagnostique et la nécessité de demander l'avis d'un confrère très spécialisé en diagnostic anténatal et explicitement prévenu de l'objet de la recherche. i)] 91 En sous estimant l'importance du précédent malfonnatif, et en n'apportant pas tous les soins nécessaires à l'étude foetale morphologique du fait même de ce

précédent, le Docteur E... n'a pas donné à Madame X... des soins et conseils confonnes aux données acquises en ce qui concerne le diagnostic-anténatal de la malfonnation. ll) Sur l'existence de préjudices a) La malfon11ation du foetus pennettait-elle d'envisager une interruption thérapeutique de grossesse ä Le diagnostic de cette malfonnation ne pouvant être posé qu'au-delà de la période où une IVG est possible, seule l'hypothèse d'une ITG, confonne aux dispositions de l'article L 162-12 du Code de la Santéune IVG est possible, seule l'hypothèse d'une ITG, confonne aux dispositions de l'article L 162-12 du Code de la Santé Publique, restait envisageable. Cet article prévoit que "l'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiqu]si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic". Diagnostiquée, cette malfornlation pennettait-elle de recourir à cette mesure ä Les Professeurs GAMERRE et MAnEI, se fondant sur le caractère nonnal du caryotype du foetus, sur le fait que la malfonnation n'était pas curable in utero, sur son caractère isolé et sur le fait qu'elle n'était pas incompatible avec une vie ultérieure, ont estimé qu'une ITG n'aurait pas été autorisée car elle n'était pas justifiée. Cet avis est en tout point combattu par le collège d'experts qui a réfuté un à un tous ces arguments pour conclure : "En sonune, la malfonnation ne met pas en danger la santé physique de l'enfant, mais elle réduit considérablement ses capacités fonctionnelles et au moment où le diagnostic aurait dû être fait il n'existait pas de thérapeutique efficace à proposer. En outre la malfonnation posera plus tard des problèmes d'avenir professionnel, des problèmes psychologiques et des problèmes esthétiques. Les parents de Tomas

indiquent que s'ils avaient eu connaissance de la malfonnation, ils auraient formulé une demande d'interruption volontaire de grossesse pour motif thérapeutique. Pour les différentes raisons exposées ci-dessus un collège de médecins pouvait accepter une intemlption de grossesse pour motif thérapeutique dans le cadre de l'article L 162-12 du Code de la Santé Publique". Dès lors il est établi que si les époux X..., dont la volonté clairement exprimée était de n'avoir un troisième enfant qui exempt d'une malfom1ation analogue à celle dont est atteint; leur deuxième enfant, avaient exactement connu le diagnostic de malfom1ation sévère du bras droit du foetus, ils avaient la possibilité, fusse après discussion entre spécialistes, d'obtenir une ITG. préjudices allég1!és : a) Préjudice des parents En privant les époux X... de la possibilité de détemriner en toute connaissance de cause s'ils souhaitaient que la mère poursuive sa grossesse ou recoUlTe à une possible ITG, le Docteur E... a interféré dans une décision intime et légitime qu'il àppartenait exclusivement aux deux parents de prendre et à la mère seule de fonnuler, les privant de leur liberté de choix, et créant au sUlplus, par la non préparation au handicap écarté tout au long de la grossesse, un préjudice certain. En évaluant le montant de la réparation de ce préjudice moral à la somme de 50 000 F pour chacun des deux parents le Tribunal de Grande Instance en a faite une exacte , .. appreclatlon. Monsieur X... estime que le choc psychologique ressenti à la naissance de Tomas a ultérieurement entraîné ses problèmes à l'origine de sa mise à la retraite anticipée. Il convient de retenir des certificats des docteurs RA YMOND et YDRANT , psychiatres, que si Monsieur X... a été suivi à partir de mai 1990 pour détresse psychologique liée aux difficultés professionnelles et au traumatisme subi lors de la naissance d'un enfant handicapé, l'arrêt définitif du travail remonte au 28

septembre 1994, avec retraite pour invalidité au 29 septembre 1995 en raison de ]a réactivation de la dépression par le décès de sa mère en 1993 et ultérieurement au niveau professionnel en raison de la déception sur la non tenue d'une promesse faite il y a 30 ans quant à sa retraite. Les conséquences professionnelles du choc psychologique ne sont donc pas établies et il y a donc lieu de conflm1er la seule indemnisation faite par le Trib1mal. b) Préjudice de Tomas lui-même Il est établi, et non contesté, que la malforn1ation dont est atteint Tomas est congénitale et qu'il n'y avait pas de moyens d'y remédier in utero. Le préjudice que les époux X... demandent au nom de leur enfant, de prendre en considération est le fait même pour Tomas d'être en vie, alors qu'il est handicapé et que ses parents disposaient de la possibilité de refuser sa naissance. H... demandent ainsi à la Cour de juger qu'il vaut mieux ne pas naître que naître handicapé. Loin d'éluder ce débat en atfnmant seulement l'existence d'un lien de causalité entre le handicap et l'erreur de diagnostic, les époux X... abordent au contraire le véritable problème en ces termes : "Qu'ainsi leur est reconnu le droit pour eux même d'opter pour la non existence de cet infinne et pour ce dernier de ne pas naître à la vie avec cette affection incurable et gravement paralysante sur le plan physique comme aussi difficilement supportable au plan familial, social et professionnel." "Que le préjudice pour l'enfant lui même devrait être réparé par l'allocation d'une rente annuelle et viagère lui pemlettant de vivre puisque si son handicap d'origine génétique n'est pas imputable à une faute commise par le Docteur E..., son existence d'infifl11e est, elle, la conséquence directe des erreurs commises par ce dernier." "Qu'en effet une naissance peut constituer pour l'enfant lui même une situation dommageable dès lors qu'en raison de sa venue au monde il souffre de graves handicaps aussi bien physiques que psychologiques."

"Que c'est précisément sur ce point essentiel que porte l'appel des époux X... qui insistent à nouveau sur l'étendue des obligations incombant au praticien, en application de l'article 1147 du Code Civil, qui, en ce qui concerne la réclamation faite au nom de l'enfant réside dans sa venue au monde à l'encontre du voeu de ses géniteurs seuls aptes à juger, à l'époque des faits, s'il valait mieux ne pas exister plutôt que de mener une vie d'inf1m1e." Ainsi posé, ce problème recouvre deux séries de questions : celle du fondement du droit allégué et celle de la légitimité de l'intérêt protégé; l'examen de ces questions doit également inclure, compte tenu de la nature du problème posé et de l'argumentation des époux X..., une interrogation sur le fondement éthitque d'une telle action i Les époux X... fondent leur demande sur le droit de leur enfant de ne pas exister comme handicapé, ce droit découlant de leur propre droit à recourir à une ITG.Or la possibilité offerte par les dispositions de l'article L162-12 du Code de la Santé Publique est strictement persoimelle à la mère, dans son expression ultime, même si le père doit être associé à son élaboration. Ce droit n'est pas transmissible et ne saurait légalement fonder la possibilité pour l'enfant lui-même de revendiquer la "non-vie" plutôt que le handicap vécu. Par ailleurs, cette revendication implique que l'enfant fasse totalement sien le double regard que ses parents portent, en son nom et par l'intermédiaire de la représentation légale de ses intérêts, sur lui: lU1 regard d'amour et de vie pour l'enfant qu'il est; lU1 regard de négation et de mort pour l'handicapé qu'il est. -0 Au plan éthique, la destructuration psychique dont ce comportement mortifere est porteur ne permet pas, en l'absence de dispositions législatives spécifiques de fonder juridiquement une telle action. ) Il est enfin demandé à la Cour de reconnaître la légitimité de l'intérêt de l'enfant de préférer ne pas être en vie dans ces conditions et d'en

demander réparation à un tiers. La reconnaissance de cette légitimité se hemte : à l'ensemble de la législation protectrice des handicapés. -à la contradiction qui en résulterait pour une société qui affinne que le tragique ne se situe pas dans ce qui naît et qui apparaît mais qu'il réside dans les conditions et les représentations où l'on accueille ce qui naît et qui apparaît, comme le révèle le succès quia connu une oeuvre cinématographique récente mettant en pratique ces principes à propos de trisorniques et donnant le rôle principal à un han4icapé. -à l'illégitimité d'un eugénisme qui, au-delà de l'affinnation qu'il y aurait des vies qui ne valent pas d'être vécues, institutionnaliserait le refus, totalitaire, de la différence, défInie par les tenants de la nom1alité : ici encore l'argument éthique revêt une importance capitale. C'est donc par illle exacte motivation, qu'il y a lieu de compléter par cette explicitation, que le Tribunal de Grande Instance a rejeté cette demande. c) Préjudice des frère et soeur de Tomas : La possibilité offerte par l'article L 162-12 du Code de la Santé Publique ne saurait pas plus fonder le droit de frère et soeur à revendiquer une fratrie exempte de handicap qu'elle ne peut fonder celui de l'enfant lui-même et l'intérêt dont il est demandé la protection est aussi illégitime que celui de l'enfant concerné. Il convient donc également de rejeter l'appel sur ce point. L'équité commande que les intimés conservent leurs frais iuépétibles d'appel. Les dépens doivent suivre le sort du principal. p AR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant publiquement ] par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort, -Déclare recevable mais mal fondé l'appel intetjeté à titre principal par les époux X... à l'encontre du jugement rendu le 19 janvier 1995 par le Tribunal de Grande Instance de MARSFn J ,R. -En conséquence, -Déboute les époux X... de leur appel et de toutes leurs demandes et conflm1e la décision déférée dans toutes ses

dispositions. . -Déboute les intimés de leur demande foridée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile pour leur frais irrépétibles d'appel. Condamne les époux X... aux entiers dépens d'appel. Autorise la SCP WAnECAMPS JOURDAN à recouvrer les dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'aix-en-provence
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934694
Date de la décision : 09/04/1998

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE

La faute du médecin du fait d'un défaut de diagnostic d'une malformation de l'enfant a privé les époux de la possibilité de déterminer en toute connaissance de cause s'ils souhaitaient que la mère poursuive sa grossesse ou recourre à une I.T.G.. Par contre, ne constitue pas un préjudice pour l'enfant le fait d'être né handicapé au lieu d'être mort. D'une part, le droit à recourir à une I.T.G. n'est pas transmissible et ne saurait légalement fonder la possibilité pour l'enfant de revendiquer la "non-vie" plutôt que le handicap vécu. D'autre part, la Cour ne reconnaît pas la légitimité de l'intérêt de l'enfant de préférer ne pas être en vie avec un handicap et d'en demander réparation à un tiers. La reconnaissance de cette légitimité se heurte à l'ensemble de la législation protectrice des handicapés, à la contradiction qui en résulterait pour une société qui affirme que le tragique ne se situe pas dans ce qui naît et qui apparaît mais qu'il réside dans les conditions et les représentations où l'on accueille ce qui naît et apparaît ainsi enfin qu'à l'illégitimité d'un eugénisme qui, au-delà de l'affirmation qu'il y aurait des vies qui ne valent pas d'être vécues, institutionnaliserait le refus, totalitaire, de la différence définie par les tenants de la normalité. Ici encore, l'argument éthique revêt une importance capitale.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.aix-en-provence;arret;1998-04-09;juritext000006934694 ?
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