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07/01/1998 | FRANCE | N°1997-21539

France | France, Cour d'appel de Versailles, 07 janvier 1998, 1997-21539


Madame X... a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 20 octobre 1994 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et qui a débouté la société LE LIVRE DE PARIS de sa demande reconventionnelle.

Madame X... a été engagée initialement par la société des EDITIONS ROMBALDI à compter du 16 avril 1973 en qualité de secrétaire.

A compter du 1er février 1980, elle s'est vu confier le poste d'agent de gestion.

Suite au rachat de la société des EDITIONS ROMBALDI et à la restructuration affér

ente à cette société, Madame X..., par lettre du 10 mai 1988, a été mutée au LIVRE DE...

Madame X... a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 20 octobre 1994 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et qui a débouté la société LE LIVRE DE PARIS de sa demande reconventionnelle.

Madame X... a été engagée initialement par la société des EDITIONS ROMBALDI à compter du 16 avril 1973 en qualité de secrétaire.

A compter du 1er février 1980, elle s'est vu confier le poste d'agent de gestion.

Suite au rachat de la société des EDITIONS ROMBALDI et à la restructuration afférente à cette société, Madame X..., par lettre du 10 mai 1988, a été mutée au LIVRE DE PARIS à compter du 1er juin 1988 en qualité d'assistante planning média au sein de l'unité V.P.C. Sa dernière rémunération mensuelle brute s'élevait à 11.489 frs.

Dans le cadre d'un licenciement collectif concernant 33 salariés, Madame X... a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée en date du 28 décembre 1992 ainsi libellée:

"Votre reclassement n'ayant pu être assuré dans le cadre des mesures prévues à l'occasion du licenciement collectif que nous avons dû mettre en oeuvre et qui emporte la suppression de votre emploi, nous sommes contraints de vous signifier votre licenciement.

Par lettre du 18 décembre 1992, vous avez reçu une proposition d'adhésion à une convention de conversion dont le délai de réflexion expire le 8 janvier 1993.

En cas d'accord sur cette convention, la rupture du contrat de travail prendra effet, d'un commun accord des parties, à l'issue de ce délai de réflexion.

Si vous refusez cette convention, votre licenciement prendra effet dès la première présentation de cette notification qui marquera également le point de départ de votre préavis.

Vous bénéficierez d'une période de réembauchage durant un an à compter de la date de rupture de votre contrat de travail, à condition que vous nous informiez de votre désir d'user de cette priorité dans un délai de quatre mois commençant à courir dès la fin de votre contrat".

Madame X... a accepté d'adhérer à la convention de conversion qui lui était proposée.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT le 25 janvier 1994 pour voir condamner son ancien employeur à lui payer, en l'état de ses dernières demandes, les sommes suivantes: - 160.855,20 frs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 160.855,20 frs à titre d'indemnité pour refus de mise en oeuvre du droit de priorité de réembauchage, - 10.000 frs à titre de dommages et intérêts pour réticence dolosive, - 5.000 frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour se déterminer, le Conseil de Prud'hommes a retenu qu'il existait un motif économique de licenciement dû à une réorganisation de la direction commerciale de vente par correspondance et que le poste de Madame X... avait bien été supprimé, ajoutant que le poste d'assistant achats, créé en août 1993, était d'un niveau plus important que celui précédemment occupé par Madame X....

Dans ses conclusions d'appel, Madame X... soutient que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée, n'indiquant pas les motifs économiques ou les changements technologiques ayant pu entraîner la suppression de son "emploi" et que cette insuffisance de motivation suffit à établir l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Faisant valoir qu'en réalité son poste n'a pas été supprimé puisqu'il a été créé un poste d'assistant achats reprenant la plupart de ses

précédentes attributions, l'appelante ajoute qu'en tout état de cause, l'employeur était tenu d'adapter la formation de sa salariée à l'évolution de son emploi et elle estime de plus qu'elle était de toute façon compétente pour gérer l'activité achats.

Reprochant en outre à son employeur de n'avoir pas respecté les critères légaux pour déterminer l'ordre des licenciements, Madame X... soutient également que le LIVRE DE PARIS a violé la priorité de réembauchage en ne lui proposant pas le poste d'assistant achats qui correspondait en fait au poste d'assistant planning média précédemment supprimé.

En conséquence, elle demande à la Cour de condamner la SNC LE LIVRE DE PARIS à lui payer les sommes de: - 160.855,20 frs à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 7.500 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SNC LE LIVRE DE PARIS, intimée, conclut à la confirmation du jugement en demandant de condamner l'appelante au paiement de la somme de 7.500 frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société intimée souligne que Madame X... ayant accepté la convention de conversion qui lui était proposée, le contrat de travail de l'appelante a été, de ce fait, rompu d'un commun accord, la lettre de licenciement étant alors devenue sans objet, peu important donc sa motivation.

Elle ajoute que la salariée a eu amplement connaissance des motifs économiques ayant entraîné la suppression de son poste, dès lors que l'ensemble des éléments sur les difficultés économiques rencontrées par le LIVRE DE PARIS ont été exposés dans le plan social et le projet de licenciement collectif.

Faisant valoir également que Madame X... a souhaité bénéficier d'un

licenciement économique, la SNC LE LIVRE DE PARIS soutient que le poste de Madame X... a été supprimé dans le cadre de la réorganisation de la direction commerciale de la VPC (vente par correspondance) rendue nécessaire par la baisse d'activité de cette direction.

La société intimée ajoute que le poste d'assistant achats créé au sein de cette même direction mettait en oeuvre des responsabilités d'encadrement incompatibles avec la qualification professionnelle que cette dernière n'aurait pu acquérir dans le cadre d'une formation à l'évolution de son emploi. SUR CE

Considérant qu'en application de l'article L.122-14-2 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur;

Considérant que cette disposition étant applicable au salarié qui adhère à une convention de conversion et dont le licenciement a été décidé, la lettre de licenciement notifiant au salarié son licenciement tout en lui proposant une convention de conversion doit être motivée;

Considérant, en l'espèce, qu'en se bornant à énoncer dans la lettre de rupture comme seul motif de licenciement "votre reclassement n'ayant pu être assuré dans le cadre des mesures prévues à l'occasion du licenciement collectif que nous avons dû mettre en oeuvre et qui emporte la suppression de votre emploi", la SNC LE LIVRE DE PARIS n'a pas énoncé les motifs économiques ou de changement technologiques l'ayant conduite à supprimer le poste de sa salariée;

Considérant que la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le licenciement de Madame X... n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L.122-14-4

du code du travail, l'employeur doit indemniser son ex-salariée du préjudice consécutif au licenciement;

Considérant que compte-tenu du niveau de rémunération de Madame X... et des pièces versées aux débats, la Cour a les éléments pour évaluer le préjudice de l'intéressée à la somme de 70.000 frs;

Considérant que si Madame X... a demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage dans le délai légal, il ne résulte pas du dossier que la SNC LE LIVRE DE PARIS ait disposé d'un poste disponible et compatible avec sa qualification ou la qualification nouvelle qu'elle aurait pu acquérir entre temps et dont l'employeur aurait eu connaissance; qu'en effet, le poste d'assistant achats, pourvu en août 1993, requérait une expérience professionnelle antérieure et un niveau de compétence spécifique dans le domaine des collections livres et achats primes, avec notamment la recherche de fournisseurs spécialisés dans l'import-export pour les primes, que Madame X... ne possédait pas et qu'elle n'aurait pu acquérir dans le cadre d'une simple formation d'adaptation à l'emploi; que, par suite, Madame X... ne saurait se voir allouer une indemnité pour violation de la priorité de réembauchage;

Considérant que succombant sur l'essentiel du litige, la SNC LE LIVRE DE PARIS doit supporter les dépens d'instance et d'appel et participer en outre aux frais et honoraires non inclus dans les dépens que l'appelante a dû exposer tant devant le Conseil qu'en cause d'appel; PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame X... n'est pas fondé sur un motif

réel et sérieux;

En conséquence,

Condamne la SNC LE LIVRE DE PARIS à payer à Madame Marie-Catherine X... les sommes de: - 70.000 frs ( SOIXANTE DIX MILLE FRANCS) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse; - 6.000 frs (SIX MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

Déboute Madame X... du surplus de sa demande;

Ordonne le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement, dans la limite de trois mois;

Condamne la SNC LE LIVRE DE PARIS aux dépens d'instance et d'appel;

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre et Madame Y..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-21539
Date de la décision : 07/01/1998

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

En application de l'article L 122-14-2 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur.Dès lors que la disposition qui précède est applicable à un salarié adhérant à une convention de conversion, dont le licenciement a été décidé, il en résulte que la lettre notifiant à un salarié son licenciement, tout en lui proposant une convention de conversion, doit être motivée.En l'espèce, une lettre de rupture qui se borne à énoncer comme seul motif de licenciement " votre reclassement n'ayant pu être assuré dans le cadre des mesures prévues à l'occasion du licenciement collectif que nous avons dû mettre en ouvre et qui emporte la suppression de votre emploi ", n' énonce pas les motifs économiques ou de changement technologiques l'ayant conduite à supprimer le poste du salarié ; à défaut, le licenciement de l'intéressé n'est pas fondé sur un motif réel et sérieux.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1998-01-07;1997.21539 ?
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