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07/05/2025 | SUISSE | N°4A_282/2024

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, I  , Arrêt du 7 mai 2025  , 4A 282/2024


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_282/2024  
 
 
Arrêt du 7 mai 2025  
I  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Hurni, Président, Kiss, Denys, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Benoît Fournier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Frédéric Forclaz, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Qua

lité pour agir, recevabilité des faits nouveaux en appel, devoir d'interpellation du juge, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 10 avril 2024 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
4A_282/2024  
 
 
Arrêt du 7 mai 2025  
I  
 
Composition 
Mmes et MM. les Juges fédéraux 
Hurni, Président, Kiss, Denys, Rüedi et May Canellas. 
Greffier : M. Botteron. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Benoît Fournier, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
B.________, 
représenté par Me Frédéric Forclaz, avocat, 
intimé. 
 
Objet 
Qualité pour agir, recevabilité des faits nouveaux en appel, devoir d'interpellation du juge, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 10 avril 2024 par la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais (C1 20 295). 
 
 
Faits :  
 
A.  
B.________ (ci-après: le demandeur ou l'intimé) a été administrateur, puis l'administrateur unique de la société C.________ SA, dont la faillite a été prononcée le 4 avril 2016 puis clôturée le 16 janvier 2018. Dans le cadre de cette faillite, il a été admis comme créancier en 3ème classe pour une somme de 244'688 fr. 30. B.________ a soutenu que la société C.________ SA détenait une créance de 100'000 fr. dirigée contre A.________ (ci-après: le défendeur ou le recourant). Cette créance est litigieuse. 
 
B.  
Par demande du 8 mai 2018, suite à l'échec de la conciliation, le demandeur a ouvert action contre le défendeur en paiement d'un montant de 100'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 12 janvier 2016 pour le compte de la masse en faillite de la société C.________ SA, dont il a soutenu qu'il s'était fait céder les droits en vertu de l' art. 260 LP . A l'appui de son allégué affirmant son droit d'agir, il a invoqué comme titre le formulaire de cession des droits de la masse en faillite de C.________ SA et déposé la pièce correspondante, dont manquait le verso sur lequel aurait dû figurer le lieu, la date et la signature de l'office des faillites. Le défendeur a conclu à l'irrecevabilité de la demande. 
Par jugement du 28 août 2020, le Juge du district de Sion a déclaré la demande recevable et condamné le défendeur au paiement de 100'000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 12 janvier 2016. 
Statuant sur appel du 30 novembre 2020, la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais l'a rejeté et confirmé le jugement. Procédant elle-même à l'examen de la recevabilité de la demande, la cour cantonale a admis la production par le demandeur de la version recto-verso de la pièce sur laquelle il fondait sa qualité pour agir. La cour cantonale a considéré que le juge de première instance, constatant que la pièce était mal photocopiée et qu'il en manquait le verso, aurait dû interpeller le demandeur et lui proposer de la compléter. Relevant que le dépôt en appel de la pièce recto-verso ne remplissait pas les conditions de l' art. 317 al. 1 CPC , la cour cantonale a toutefois considéré que déclarer la demande irrecevable procéderait d'un formalisme excessif dans la mesure où le juge de première instance avait failli à son devoir d'interpellation du demandeur. 
 
C.  
Contre cet arrêt qui lui a été notifié le 12 avril 2024, le défendeur interjette un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral le 13 mai 2024. Il conclut à ce que l'arrêt soit annulé et la demande rejetée dans la mesure de sa recevabilité. Dans le détail de ses griefs, le recourant conclut à la réforme de l'arrêt en ce sens que la demande soit déclarée irrecevable en vertu d'une violation de l' art. 317 CPC . Il conclut au rejet au fond, invoquant une violation de l' art. 8 CC . 
Le recourant a complété l'acte de recours de son mandataire par une écriture du 22 mai 2024. 
La cour cantonale s'est référée aux considérants de son arrêt. 
L'intimé a conclu à l'irrecevabilité du recours du 13 mai 2024 ainsi que du complément du 22 mai 2024. Subsidiairement, il a conclu à son rejet. 
Le recourant, par son avocat, a déposé une réplique, suivie d'une observation le lendemain signée de sa propre main. 
L'intimé a dupliqué. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Interjeté en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF ), par le défendeur qui a succombé ( art. 76 al. 1 LTF ), et dirigé contre une décision finale ( art. 90 LTF ) rendue sur appel, par le tribunal supérieur du canton du Valais ( art. 75 LTF ), dans une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions. 
Déposé tardivement, le complément du 22 mai 2024 est irrecevable ( art. 100 al. 1 LTF ). 
 
2.  
 
2.1. Le recours en matière civile peut être exercé pour violation du droit fédéral ( art. 95 let. a LTF ), y compris le droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1; 136 II 304 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l' art. 42 al. 1 et 2 LTF , sous peine d'irrecevabilité ( art. 108 al. 1 let. b LTF ), le Tribunal fédéral n'examine que les griefs invoqués, sauf en cas d'erreurs juridiques manifestes. Il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (ATF 140 III 86 consid. 2, 115 consid. 2; 137 III 580 consid. 1.3). Par exception à la règle selon laquelle il applique le droit d'office, il n'examine la violation d'un droit constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de façon détaillée ( art. 106 al. 2 LTF ; ATF 139 I 22 consid. 2.3; 137 III 580 consid. 1.3; 135 III 397 consid. 1.4 in fine).  
 
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Relèvent de ces faits tant les constatations relatives aux circonstances touchant l'objet du litige que celles concernant le déroulement de la procédure conduite devant l'instance précédente et en première instance, c'est-à-dire les constatations ayant trait aux faits procéduraux (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1; 140 III 115 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.5) ou ont été établies en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1 p. 356) - ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ).  
 
3.  
Dans un grief qu'il convient de traiter en premier dans la mesure où son admission conduirait à l'irrecevabilité de la demande, le recourant invoque une violation de l' art. 317 al. 1 CPC . Selon lui, la cour cantonale ne pouvait, sans violer les règles afférentes aux faits et moyens de preuve nouveaux, admettre la production nouvelle de la pièce censée prouver la cession des droits de la masse en faillite au demandeur, alors que celle-ci aurait pu être produite en première instance. Faute de preuve admissible de la qualité pour agir, la cour cantonale aurait dû déclarer la demande irrecevable. 
 
3.1. 3.1.1 L'intimé demandeur se prévaut de la cession des droits de la masse en faillite au sens de l' art. 260 LP .  
Selon la jurisprudence, la cession selon l' art. 260 LP n'est pas une cession au sens des art. 164 ss CO . Il s'agit d'une institution du droit de la faillite et du droit de procédure sui generis qui peut être considérée comme une sorte de " Prozessstandschaft ", permettant au cessionnaire d'entamer un procès en son propre nom et pour son propre compte ou de reprendre celui-ci dans les mêmes conditions, sans qu'il devienne pour autant, par la cession, le titulaire de la prétention litigieuse; ne lui est cédé que le droit d'agir à la place de la masse (ATF 149 III 422 consid. 3.4.1; 146 III 441 consid. 2.5.1; 145 III 101 consid. 4.1.1; 144 III 552 consid. 4.1.1; 140 IV 155 consid. 3.4.4 et les arrêts cités; 139 III 391 consid. 5.1; arrêt 4A_469/2024 du 4 mars 2025 consid. 4.2).  
La faculté de faire valoir en justice, en son propre nom, le droit d'un tiers (" Prozessstandschaft ") est une condition de recevabilité de l'action (F RANÇOIS BOHNET, Prozessführungsrecht, Prozessführungs-befugnis, Prozessstandschaft, Sachlegitimation et qualité pour agir: Plaidoyer pour un réexamen conceptuel et terminologique, in: SZZP/RSPC 5/2017, p. 477; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2ème éd. 2016, n° 824 p. 145). En tant que condition de recevabilité de la demande (" Prozessvoraussetzung "), le juge doit examiner d'office que le droit de procéder appartient à celui qui l'affirme ( art. 60 CPC ).  
 
3.1.2 Selon la jurisprudence, même lorsque le procès au fond est régi par la maxime des débats ( art. 55 al. 1 CPC ), l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité de la demande est soumis à la maxime inquisitoire simple en vertu de l' art. 60 CPC (ATF 139 III 278 consid. 4.3; arrêts 4A_95/2023 du 12 décembre 2023 consid. 4.1.1; 4A_165/2021 du 22 janvier 2022 consid. 3.2.3; 4A_100/2016 consid. 2.1). Selon cette dernière maxime, le tribunal doit admettre les faits et moyens de preuve nouveaux jusqu'aux délibérations, conformément à l' art. 229 al. 3 CPC . Doivent ainsi être admis les faits et moyens de preuve nouveaux - qu'il s'agisse de faux faits nouveaux ou de vrais faits nouveaux - en tout temps et sans condition jusqu'au début des délibérations de première instance (ATF 138 III 788 consid. 4.2). La règle de l' art. 229 al. 1-2 CPC qui ne donne aux parties le droit de s'exprimer librement que deux fois (ATF 146 III 55 consid. 2.3; 144 III 117 consid. 2.2) n'est pas applicable aux conditions de recevabilité (arrêt 4A_165/2021 précité consid. 3.2.3). L'obligation faite au tribunal d'examiner d'office les conditions de recevabilité ne signifie toutefois pas qu'il doive rechercher lui-même les faits justifiant la recevabilité de la demande. L'examen d'office ne dispense pas les parties de collaborer à l'établissement des faits, en alléguant ceux qui sont pertinents et en indiquant les moyens de preuve propres à les établir (ATF 144 III 552 consid. 4.1.3; 141 III 294 consid. 6.1; 139 III 278 consid. 4.3; arrêt 4A_95/2023 précité consid. 4.1.1; 4A_165/2021 précité consid. 3.2.2).  
Le devoir du tribunal de rechercher les faits ou d'en tenir compte d'office ne concerne que les circonstances qui font obstacle à la recevabilité de la demande et peuvent justifier une non-entrée en matière, ceci afin d'éviter qu'un jugement au fond n'intervienne alors que la demande était irrecevable (arrêts 4A_94/2020 du 12 décembre 2020 consid. 4.3; 4A_427/2018 du 14 septembre 2018 consid. 4; 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4.2). Le juge n'est toutefois pas tenu de procéder à des investigations étendues (ATF 139 III 278 consid. 4.3; arrêts 4A_229/2017 du 7 décembre 2017 consid. 3.4.2; 4A_100/2016 du 13 juillet 2016 consid. 2.1.1, non publié dans l'ATF 142 III 515). L'examen d'office ne doit donc intervenir que dans ces circonstances. Il n'y a ainsi pas lieu en appel, sous réserve de l' art. 317 al. 1 CPC , de prendre en compte des faits ou des preuves qui servent à affirmer une condition de recevabilité, qui n'ont pas été déposés en première instance par un demandeur négligent. Permettre au demandeur d'attendre jusqu'au stade d'une éventuelle procédure de recours pour alléguer et prouver les faits qui sous-tendent la recevabilité de sa demande contredirait le principe selon lequel l'examen de toutes les conditions de recevabilité doit intervenir aussitôt que possible (ATF 140 III 159 consid. 4.2.4; arrêt 4A_229/2017 précité consid. 3.4.3). 
Le nouvel art. 317 al. 1bis CPC entré en vigueur le 1er janvier 2025 n'y change rien. Celui-ci s'applique lorsque le tribunal examine les faits d'office, soit lorsque la maxime inquisitoire illimitée s'applique et non la maxime inquisitoire simple (dite parfois atténuée ou sociale), applicable à l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité de la demande (Message du 26 février 2020 relatif à la modification du code de procédure civile suisse, FF 2020 p. 2680). 
 
3.1.3 En vertu de l' art. 56 CPC , le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets et leur donne l'occasion de les clarifier et de les compléter.  
L'idée directrice du devoir général d'interpellation du juge de l' art. 56 CPC est qu'une partie ne doit pas perdre un droit en raison de son inexpérience, de sorte que le juge doit intervenir pour l'aider en cas de défaillance claire dans ses actes ou déclarations. Le devoir d'interpellation du juge entre toutefois en conflit avec son devoir d'impartialité. Les indications à donner par le juge quant aux manquements dans la présentation de l'état de fait et aux lacunes de l'offre de preuves ne doivent pas aller jusqu'à violer son devoir d'impartialité et de neutralité. L'exercice du devoir d'interpellation du juge ne doit pas avantager unilatéralement une partie et conduire à une violation du principe d'égalité de traitement. Le devoir d'interpellation du juge n'a surtout pas pour objectif de compenser les négligences procédurales des parties (arrêts 4A_502/2019 du 15 juin 2020 consid. 7.1; 4A_375/2015 du 26 janvier 2016 consid. 7.1; 4A_444/2013 du 5 février 2014 consid. 6.3.2; 4D_57/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2; 5A_115/2012 du 20 avril 2012 consid. 4.5.2). Le juge doit faire preuve de retenue comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire lorsque la partie est représentée par un avocat (cf. ATF 141 III 569 consid. 2.3.2; arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 3.3.2). 
Le devoir d'interpellation n'existe que lorsque les conditions légales de l' art. 56 CPC sont réunies, c'est-à-dire lorsque les actes ou déclarations d'une partie sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Tel peut aussi être le cas d'une offre de preuve manifestement incomplète ou incompréhensible. Le devoir d'interpellation du juge ne le charge cependant pas d'aider une partie dans l'administration de la preuve (arrêts 4A_444/2013 précité consid. 6.3.2; 5A_586/2011 du 20 octobre 2011 consid. 2.4.2). L'appréciation de la force probante d'un moyen de preuve offert relève de l'appréciation des preuves et ne peut dès lors pas être l'objet du devoir d'interpellation du juge (arrêts 4A_90/2022 du 13 avril 2022 consid. 5.4; 5A_380/2016 du 15 septembre 2016 consid. 5.1; 5A_205/2015 du 22 octobre 2015 consid. 2; 4A_444/2013 précité consid. 6.3.2). 
 
3.2. En l'espèce, l'intimé demandeur a affirmé en procédure en son propre nom le droit de la masse en faillite en vertu de l' art. 260 LP .  
À l'appui de son allégation selon laquelle il s'était vu céder les droits de la masse en faillite, l'intimé a cité à titre de preuve le formulaire n° 7F de cession des droits de la masse en faillite de C.________ SA. Il a toutefois déposé en première instance uniquement le recto de la pièce, alors que c'est au verso de celle-ci que figuraient la date, le lieu et la signature du Préposé de l'Office des faillites de Sion. Celle-ci était ainsi incomplète puisqu'il en manquait les éléments essentiels pour juger de la validité de la cession en question. 
En annexe de sa réponse à appel du 29 janvier 2021, l'intimé demandeur a déposé la pièce complète recto-verso. Il a invoqué à cette occasion que c'est à la suite d'une "simple erreur de photocopieuse" qu'il n'avait initialement produit que le recto de cette pièce et qu'il n'aurait "pas manqué de déposer la pièce en entier si cet élément avait été évoqué par le défendeur". 
Or la cour cantonale a retenu que le défendeur avait dûment contesté la qualité pour agir au nom d'autrui du demandeur dans sa réponse du 22 mai 2018 et qu'il avait expressément mis en lumière le caractère incomplet de la pièce dans son écriture du 27 décembre 2018, soit avant le début de la phase de délibération intervenue le 14 juillet 2020, date de la fin du délai fixé aux parties pour le dépôt de leurs plaidoiries écrites. 
La cour cantonale, considérant que le juge de première instance aurait dû interpeller le demandeur - représenté par un avocat - en vertu de l' art. 56 CPC , ce que le juge de première instance relevait lui-même dans son jugement, a examiné elle-même la recevabilité de la demande, retenant que le demandeur avait qualité pour agir sur la base de la pièce recto-verso déposée devant elle. Elle a considéré que la pièce était certes déposée tardivement au regard de l' art. 317 al. 1 CPC , mais l'a admise néanmoins considérant que le contraire résulterait d'un formalisme excessif. 
 
3.3. La cour cantonale a méconnu que la maxime inquisitoire simple régissant l'établissement des faits nécessaires pour juger des conditions de recevabilité de la demande, n'oblige le tribunal à tenir compte d'office que des circonstances qui font obstacle à la recevabilité de la demande et peuvent justifier une non-entrée en matière. Or, la preuve du fait que le demandeur s'était vu céder les droits de la masse en faillite était une circonstance accréditant la recevabilité de la demande et non y faisant obstacle. Le juge de première instance n'avait donc pas à établir les faits d'office sur ce point.  
De plus, lorsqu'il interpelle la partie en vertu de l' art. 56 CPC , le juge doit veiller à ne pas avantager unilatéralement une partie. Il doit en particulier intervenir pour éviter qu'une partie ne perde son droit par inexpérience, mais pas pour corriger les négligences procédurales graves d'une partie, a fortiori représentée par un avocat. Or, outre "l'erreur de photocopieuse" qui constitue déjà une première négligence, l'omission pour la partie représentée par un avocat, de compléter la pièce mal photocopiée, alors que son attention a été attirée sur ce défaut par le défendeur et qu'un laps de temps d'un an et demi s'est encore écoulé avant le début de la phase de délibération, constitue assurément une négligence procédurale, que le juge ne saurait corriger sans avantager la partie demanderesse. La cour cantonale ne pouvait donc pas considérer que le juge de première instance avait le devoir d'interpeller le demandeur, sans violer les conditions de l' art. 56 CPC . 
Enfin, dans la mesure où la partie demanderesse a allégué s'être fait céder les droits de la masse en faillite et a offert à titre de preuve le formulaire n° 7F, censé attester de cette cession, l'allégué et l'offre de preuve étaient complets. Le juge n'a donc plus matière à interpeller la partie sur ces points. Constater que la preuve proposée est insuffisante et que, faute de comporter la date et la signature de l'office des faillites, elle ne permet pas de prouver que les droits de la masse en faillite ont effectivement été cédés au demandeur, ressortit à l'appréciation de la force probante du moyen de preuve offert. Celle-ci ne fait pas l'objet du devoir d'interpellation du juge, qui ne porte que sur l'allégué et l'offre de preuve. 
Par conséquent, le juge de première instance n'avait pas à interpeller le demandeur sur le fait que le moyen de preuve produit n'était pas probant en vertu de l' art. 56 CPC . La cour cantonale se trompe donc lorsqu'elle admet la preuve déposée devant elle, manifestement tardivement au regard de l' art. 317 al. 1 CPC , au motif que le juge de première instance aurait dû interpeller le demandeur ou rechercher ce fait d'office. Lorsqu'elle considère encore que déclarer cette preuve tardive relèverait du formalisme excessif, la cour cantonale ne saurait davantage être suivie: il n'y a en effet rien d'excessivement formaliste à déclarer une preuve irrecevable lorsqu'elle ne remplit pas les conditions de l' art. 317 al. 1 CPC . Au contraire, admettre sa production en violation des règles concernant les faits et moyens de preuves nouveaux revient à avantager unilatéralement le demandeur et conduit à une violation du principe de l'égalité de traitement. 
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale a déclaré la demande recevable en violation de l' art. 317 al. 1 CPC . Le grief du recourant doit être admis. 
 
4.  
Vu l'admission du recours sur le point de la violation de l' art. 317 al. 1 CPC , dont il découle que la demande était irrecevable, il n'y a pas lieu d'examiner le grief de violation de l' art. 8 CC , lequel serait susceptible d'aboutir au rejet de la demande. 
 
5.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la demande est irrecevable. L'intimé, qui succombe, supportera les frais de procédure et versera une indemnité de dépens au recourant (art. 66 al. 1 et 68 al. 1-2 LTF). La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens des instances cantonales. 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis. L'arrêt attaqué est annulé et réformé en ce sens que la demande déposée le 8 mai 2018 par B.________ est irrecevable. 
 
2.  
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur le sort des frais et dépens des instances cantonales. 
 
3.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé. 
 
4.  
L'intimé versera au recourant une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour civile II du Tribunal cantonal du canton du Valais. 
 
 
Lausanne, le 7 mai 2025 
 
Au nom de la I re Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Hurni 
 
Le Greffier : Botteron 


Synthèse
Formation : I  
Numéro d'arrêt : 4A_282/2024
Date de la décision : 07/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2025
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2025-05-07;4a.282.2024 ?

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