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14/02/2025 | SUISSE | N°6B_544/2024

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Ire Cour de droit pénal  , Arrêt du 14 février 2025  , 6B 544/2024


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_544/2024  
 
 
Arrêt du 14 février 2025  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et Guidon. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Patrick Bolle, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève


route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________, 
représentée par Me Laura Santonino, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Retrait de l'appel (tentative de meurtre, viol, etc.), 
...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_544/2024  
 
 
Arrêt du 14 février 2025  
 
Ire Cour de droit pénal  
 
Composition 
Mme et MM. les Juges fédéraux 
Jacquemoud-Rossari, Présidente, 
Muschietti et Guidon. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représenté par Me Patrick Bolle, avocat, 
recourant, 
 
contre  
 
1. Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, 
2. B.________, 
représentée par Me Laura Santonino, avocate, 
intimés. 
 
Objet 
Retrait de l'appel (tentative de meurtre, viol, etc.), 
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice 
de la République et canton de Genève, 
Chambre pénale d'appel et de révision, 
du 7 mai 2024 (AARP/186/2024 P/14931/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 22 septembre 2023, le Tribunal correctionnel du canton de Genève, statuant contradictoirement mais en l'absence de A.________, dont l'avocat avait été autorisé à le représenter, a reconnu A.________ coupable de tentative de meurtre ( art. 111 et 22 al. 1 CP ), de viol ( art. 190 al. 1 CP ), de vol ( art. 139 ch. 1 CP ), d'escroquerie par métier ( art. 146 al. 2 CP ) et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur par métier ( art. 147 al. 2 CP ) et l'a condamné à une peine privative de liberté de sept ans et demi, sous déduction de 72 jours de détention avant jugement et de 63 jours à titre d'imputation des mesures de substitution ( art. 40 CP ). Sur le plan civil, il a constaté que A.________ avait acquiescé aux conclusions de l'assurance C.________ et l'a condamné à lui verser une indemnité de 1'489 fr. 90 à titre de réparation du dommage matériel. Il a également condamné l'intéressé à payer à B.________ un montant de 30'000 fr. à titre de réparation du tort moral, renvoyant cette dernière à agir par la voie civile pour la réparation de son dommage matériel. 
 
B.  
A.________ a formé un appel partiel contre ce dernier jugement. Il a conclu à son acquittement des faits qualifiés de tentative de meurtre et de viol, au rejet des conclusions de B.________ et au prononcé d'une peine plus clémente pour les autres infractions. B.________ a déposé un appel joint, concluant à l'octroi d'un montant de 60'000 fr. au titre de réparation de son tort moral. 
Par arrêt du 7 mai 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a constaté le retrait de l'appel de A.________ et la caducité de l'appel joint et a rayé la cause du rôle. 
L'arrêt cantonal repose en substance sur les faits suivants: 
 
B.a. La cour d'appel a convoqué les parties à une audience fixée le 18 avril 2024. Comme le conseil de l'appelante-jointe a fait valoir un empêchement, l'audience a été reportée au 7 mai 2024. "Les mandats de comparution successifs destinés à A.________, envoyés à son domicile élu expressément pour les mandats de comparution chez son avocat, mentionnaient des extraits du CPP" (cf. arrêt attaqué p. 4), dont notamment une reproduction de l' art. 407 CPP .  
 
B.b. A.________ n'a pas comparu aux débats d'appels. Seul son conseil était présent. Il a produit une lettre de son client adressée aux juges de la cour. Dans cette lettre, A.________ expliquait qu'il avait été choqué par le jugement du tribunal correctionnel, qu'il contestait; il annonçait qu'il ne se présenterait pas aux débats et chargeait son conseil de le représenter, joignant une procuration en sa faveur.  
 
C.  
A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre l'arrêt du 7 mai 2024. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il constate le retrait de son appel et qu'il le condamne aux frais de procédure, et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour la fixation de nouveaux débats d'appel, son défenseur étant autorisé à le représenter lors de ceux-ci. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire, qui lui a été refusée par ordonnance du 4 septembre 2024. 
Invités à se déterminer, la cour cantonale et le Ministère public genevois concluent au rejet du recours. L'intimée B.________ conclut également au rejet du recours et requiert en outre l'assistance judiciaire. Le recourant dépose une réplique, qui a été communiquée aux autres parties à titre d'information. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré à tort que son absence aux débats d'appel emportait le retrait de l'appel. Selon lui, la cour cantonale aurait dû autoriser son conseil à plaider. Il soutient en outre qu'il n'aurait pas été convoqué régulièrement. 
 
1.1.  
 
1.1.1. Selon l' art. 407 al. 1 CPP , l'appel est réputé retiré si la partie qui l'a déclaré fait défaut aux débats d'appel sans excuse valable et ne se fait pas représenter (let. a); omet de déposer un mémoire écrit (let. b); ne peut pas être citée à comparaître (let. c).  
La fiction du retrait de l'appel selon l' art. 407 al. 1 let. a CPP s'applique au prévenu lorsqu'il fait défaut aux débats sans excuse valable et, cumulativement, ne se fait pas représenter (cf. arrêts 6B_1359/2023 du 23 septembre 2024 consid. 1.1; 6B_1293/2018 du 14 mars 2019 consid. 3.3.2). Si le prévenu, valablement cité à comparaître, est appelant principal et seul son défenseur se présente à l'audience d'appel, celle-ci doit se tenir sans le prévenu (arrêts 6B_1359/2023 précité consid. 1.1; 7B_409/2023 du 19 août 2024 consid. 2.2.1; 6B_1293/2018 précité consid. 3.3.2; 6B_37/2012 du 1er novembre 2012 consid. 4). Le défenseur doit alors être autorisé à plaider (arrêt 6B_1359/2024 précité consid. 1.1; MARLÈNE KISTLER VIANIN, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 6 ad art. 407 CPP et les références à la jurisprudence de la CourEDH). Une procédure par défaut selon les art. 366 ss CPP n'a pas lieu ( art. 407 al. 2 CPP , e contrario; arrêts 6B_671/2021 du 26 octobre 2022 consid. 5.4; 6B_1293/2018 précité consid. 3.3.2). 
 
1.1.2. Les communications aux parties qui sont pourvues d'un conseil juridique sont valablement notifiées à celui-ci ( art. 87 al. 3 CPP ). Lorsqu'une partie est tenue de comparaître personnellement à une audience ou d'accomplir elle-même un acte de procédure, la communication lui est notifiée directement. En pareil cas, une copie est adressée à son conseil juridique ( art. 87 al. 4 CPP ). La notification du mandat de comparution au conseil de l'intéressé ne suffit pas (arrêts 6B_673/2015 du 19 octobre 2016 consid. 1.2; 6B_552/2015 du 3 août 2016 consid. 2.3 et références citées).  
Les parties sont toutefois libres de communiquer aux autorités pénales une adresse autre que celle de leur domicile ou de leur résidence habituelle ( art. 87 al. 1 CPP ; ATF 139 IV 228 consid. 1.1 p. 229 s.). Si le prévenu communique l'adresse de son conseil comme adresse de notification, le mandat de comparution personnelle est valablement délivré lorsqu'il est notifié au prévenu en l'étude de son conseil et que ce dernier en a également reçu une copie (arrêt 6B_673/2015 précité consid. 1; cf aussi 6B_328/2020 du 20 mai 2021 consid. 2.2.3). 
 
1.2. La cour cantonale a rappelé que le recourant avait été régulièrement convoqué et qu'il ne s'était pas présenté aux débats d'appel, sans faire valoir aucun empêchement ou motif d'excuse et sans solliciter une dispense de comparution personnelle. Elle a donc estimé qu'il devait être considéré comme défaillant. Selon la cour cantonale, son conseil ne pouvait pas être admis à le représenter dans la mesure où l'affaire présentait une certaine complexité et exigeait la comparution personnelle du recourant; son interrogatoire revêtait en effet une grande importance en raison de la contestation de l'intégralité des chefs d'accusation d'infractions retenus à son encontre en lien avec le viol. La cour cantonale a en outre qualifié le comportement du recourant de contradictoire, voire d'abusif, dans la mesure où il exigeait une procédure d'appel tout en refusant d'y participer. Le recourant étant responsable de l'absence de réexamen en appel du jugement de première instance, il devait en être inféré qu'il y avait renoncé en toute connaissance de cause. La cour cantonale a donc conclu que l'appel était réputé retiré. Il s'ensuivait que l'appel joint devenait caduc (cf. art. 401 al. 3 CPP ).  
 
1.3.  
 
1.3.1. En l'espèce, le recourant ne s'est pas présenté aux débats d'appel, sans excuse valable. Contrairement à ce que soutient le recourant, il a été régulièrement convoqué. C'est en vain qu'il se plaint du fait que les mandats de comparution successifs n'ont été envoyés qu'à l'adresse de son conseil. En effet, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a communiqué cette adresse comme adresse de notification. Dans ces conditions, les autorités ont satisfait les exigences de l' art. 87 al. 4 CPP en notifiant les mandats de comparution en l'étude du conseil du recourant. La cour cantonale a donc considéré à juste titre que le recourant était défaillant.  
 
1.3.2. La fiction du retrait de l'appel prévue à l' art. 407 al. 1 let. a CPP suppose toutefois, outre le défaut de l'appelant, l'absence de représentation. En l'espèce, le défenseur d'office du recourant était présent aux débats d'appel et a demandé à représenter son client; il a produit une procuration en ce sens et une lettre du recourant dans laquelle celui-ci expliquait avoir été choqué par le jugement de première instance et le contester, de sorte que l'on ne saurait voir dans l'absence du recourant aux débats d'appel une renonciation implicite à son appel. Il convient de relever à cet égard qu'une renonciation implicite à l'appel déclaré au motif que le prévenu aurait agi de manière contraire aux règles de la bonne foi ne peut être admise qu'avec une grande réserve, en particulier dans les cas de défense obligatoire. En effet, en renonçant à être présent personnellement à l'audience d'appel, l'appelant s'accommode certes d'un affaiblissement de sa situation procédurale et des possibilités de défense mais ne renonce pas complètement à l'appel ou à toute défense (cf. ATF 133 I 12 consid. 8.2).  
La cour cantonale a considéré que la présence du recourant revêtait une importance centrale pour vérifier l'exactitude de ses allégations et confronter celles-ci aux explications de la victime. Cela ne saurait pour autant justifier le retrait de l'appel. Il est en effet important pour l'équité du système pénal que l'accusé soit adéquatement défendu tant en première instance qu'en appel. La suppression du droit d'être représenté par un défenseur en son absence constitue une mesure disproportionnée sous l'angle de la garantie d'un procès équitable, et ce d'autant plus que l'on se trouve en l'espèce dans un cas légal de défense obligatoire et que le recourant a été condamné en première instance à une peine privative de liberté de sept ans et demi. 
En conséquence, en refusant au défenseur du recourant le droit de défendre son client et en considérant l'appel comme retiré, la cour cantonale a donc violé l' art. 407 al. 1 CPP . 
 
1.3.3. Le ministère public invoque à tort dans sa réplique les ATF 149 IV 259 et 148 IV 362. Dans ces deux cas, le lieu de séjour du prévenu était inconnu et celui-ci ne pouvait pas être cité à comparaître aux débats d'appel. Ces cas relevaient donc de l'application de l' art. 407 al. 1 let . c CPP, qui prévoit la fiction de retrait de l'appel lorsque l'appelant ne peut pas être cité à comparaître. En l'espèce, comme vu ci-dessus, le mandat de comparution a été valablement notifié, de sorte que c'est l' art. 407 al. 1 let. a CPP qui est applicable.  
 
2.  
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supporte pas de frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ). Il peut prétendre à des dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, à la charge de la République et canton de Genève ( art. 68 al. 1 LTF ). 
L'intimée est mise au bénéfice de l'assistance judiciaire, les conditions de l' art. 64 al. 1 LTF étant réunies. Elle est dispensée des frais de procédure et Me Laura Santonino, désignée en qualité d'avocate d'office de l'intimée ( art. 64 al. 2 LTF ), est indemnisée. Dans les circonstances de l'espèce, il peut être renoncé de mettre des dépens à la charge de l'intimée ( art. 66 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement. 
 
2.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
3.  
Le canton de Genève versera au recourant une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
4.  
La demande d'assistance judiciaire de l'intimée est admise. Me Laura Santonino est désignée comme avocate d'office de l'intimée et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision. 
 
 
Lausanne, le 14 février 2025 
 
Au nom de la Ire Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Jacquemoud-Rossari 
 
La Greffière : Kistler Vianin 


Synthèse
Formation : Ire cour de droit pénal  
Numéro d'arrêt : 6B_544/2024
Date de la décision : 14/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2025
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2025-02-14;6b.544.2024 ?

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