Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
9C_425/2024
Arrêt du 10 janvier 2025
IIIe Cour de droit public
Composition
Mme et MM. les Juges fédéraux
Moser-Szeless, Présidente,
Stadelmann et Parrino.
Greffière : Mme Perrenoud.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Jean-Daniel Kramer, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel,
rue Chandigarh 2, 2300 La Chaux-de-Fonds,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel du 13 juin 2024 (CDP.2023.140-AI).
Faits :
A.
À la suite d'un premier refus de prestations de l'assurance-invalidité (décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel [ci-après: l'office AI] du 23 janvier 2020), A.________, né en 1962, a sollicité la réouverture de son dossier, au mois de juillet 2020, en se prévalant d'une aggravation de son état de santé. Après avoir considéré la démarche de l'assuré comme une nouvelle demande de prestations, l'office AI a notamment diligenté une expertise pluridisciplinaire, qui a été attribuée à CEMEDEX SA (rapport du 8 novembre 2022). Il a ensuite rejeté la demande (décision du 8 mars 2023).
B.
Statuant le 13 juin 2024 sur le recours formé par l'assuré contre cette décision, le Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, l'a rejeté.
C.
A.________ interjette un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont il demande l'annulation. Il conclut principalement, en substance, à la reconnaissance de son droit à une rente entière de l'assurance-invalidité. Subsidiairement, l'assuré requiert le renvoi de la cause "aux autorités cantonales" pour instruction complémentaire.
L'office AI et l'Office fédéral des assurances sociales ont renoncé à se déterminer sur le recours.
Considérant en droit :
1.
Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF . Le Tribunal fédéral applique le droit d'office ( art. 106 al. 1 LTF ). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l' art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
2.
Le litige porte sur le droit de l'assuré à une rente de l'assurance-invalidité, dans le cadre de la nouvelle demande de prestations déposée en juillet 2020 (cf. art. 17 al. 1 LPGA , applicable par analogie, en lien avec l' art. 87 al. 2 et 3 RAI ; voir aussi ATF 147 V 167 consid. 4.1; 133 V 108 consid. 5 et les arrêts cités). Il s'agit singulièrement de déterminer si la juridiction cantonale était en droit de nier que l'état de santé de l'assuré se fût modifié dans une mesure ayant une incidence sur le droit à la rente depuis la décision administrative du 23 janvier 2020, en se fondant sur l'expertise de CEMEDEX SA, à laquelle elle a accordé une pleine valeur probante.
3.
Le recourant fait valoir que l'expertise de CEMEDEX SA serait dépourvue de valeur probante pour le motif, en particulier, qu'un interprète n'avait pas été présent lors des examens rhumatologique et pneumologique. Il rappelle qu'il avait expressément sollicité la présence d'un interprète en langue turque, et que sa requête avait été acceptée dès lors qu'il ne s'exprimait pour ainsi dire pas du tout en langue française et qu'il ne comprenait pas cette langue. Cela étant, bien que convoqué, l'expert ne s'était pas présenté le jour de l'expertise. L'assuré explique également que les experts concernés admettaient qu'il y avait eu un problème de communication entre eux et l'assuré. Dès lors que la présence d'un interprète était absolument indispensable et dans la mesure où le "résultat de l'expertise" a eu une influence déterminante sur l'issue du litige, le recourant soutient que ses droits les plus élémentaires ont été bafoués.
4.
4.1. Dans le contexte d'examens médicaux nécessaires pour évaluer de manière fiable l'état de santé de l'assuré et ses répercussions éventuelles sur la capacité de travail, en particulier d'un examen psychiatrique, la meilleure compréhension possible entre l'expert et la personne assurée revêt une importance spécifique. Il n'existe cependant pas de droit inconditionnel à la réalisation d'un examen médical dans la langue maternelle de l'assuré ou à l'assistance d'un interprète. En définitive, il appartient à l'expert, dans le cadre de l'exécution soigneuse de son mandat, de décider si l'examen médical doit être effectué dans la langue maternelle de l'assuré ou avec le concours d'un interprète. Le choix de l'interprète, ainsi que la question de savoir si, le cas échéant, certaines phases de l'instruction médicale doivent être exécutées en son absence pour des raisons objectives et personnelles, relèvent également de la décision de l'expert. Ce qui est décisif dans ce contexte, c'est l'importance de la mesure au regard de la prestation entrant en considération. Il en va ainsi de la pertinence et donc de la valeur probante de l'expertise en tant que fondement de la décision de l'administration, voire du juge. Les constatations de l'expert doivent dès lors être compréhensibles, sa description de la situation médicale doit être claire et ses conclusions motivées (arrêt 9C_262/2015 du 8 janvier 2016 consid. 5.1 et les arrêts cités).
4.2. Le point de savoir si, au regard des circonstances concrètes du cas d'espèce et des aspects rappelés ci-avant, la compréhension linguistique entre l'expert et la personne assurée est suffisante pour garantir une expertise revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant relève de l'appréciation des preuves et, partant, d'une question de fait que le Tribunal fédéral examine uniquement à l'aune de l'inexactitude manifeste et de la violation du droit au sens de l' art. 95 LTF (consid. 1 supra; arrêt 9C_262/2015 précité consid. 5.2).
À cet égard, l'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 134 V 53 consid. 4.3 et les arrêts cités). L'appréciation des preuves doit être arbitraire non seulement en ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale pour écarter un moyen de preuve, mais également dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4; 136 I 316 consid. 2.2.2).
5.
En l'occurrence, les constatations de la juridiction cantonale quant à une compréhension suffisante entre le recourant et les experts rhumatologue et pneumologue pour que ces derniers puissent obtenir les informations nécessaires à l'appréciation de la situation malgré l'absence d'un interprète se révèlent insoutenables. En effet, à la lecture du rapport d'évaluation consensuelle du 8 novembre 2022, on constate que les experts ont considéré que l'assuré ne pouvait pas être expertisé sans interprète car il ne s'exprime dans aucune langue nationale, bien qu'il soit en Suisse depuis de nombreuses années. On ajoutera que le docteur B.________, spécialiste en médecine interne générale, a indiqué que l'assuré ne s'était pas exprimé une seule fois en français au cours de l'expertise qu'il avait effectuée en présence d'une interprète turque et qu'il n'avait pas eu l'impression que l'expertisé comprenait, au moins partiellement, certaines questions posées (rapport d'expertise de médecine interne générale, ch. 4.2 p. 21). Pour leur part, les docteurs C.________, spécialiste en rhumatologie, et D.________, spécialiste en médecine interne générale et en pneumologie, ont relevé l'absence du traducteur prévu et indiqué que l'assuré s'exprimait mal en français (rapport d'expertise rhumatologique, ch. 4.2 p. 28), respectivement qu'il comprenait très mal le français (rapport d'expertise pneumologique, ch. 4.2 p. 35).
Dans ces circonstances, l'absence d'un traducteur durant l'entretien est de nature à susciter une incertitude quant à la pertinence des constatations des docteurs C.________ et D.________. À ce stade de la procédure, on ne saurait s'accommoder de ce manquement, si bien que la cause doit être renvoyée à l'office intimé afin que les expertises rhumatologique et pneumologique puissent se dérouler intégralement dans la langue maternelle du recourant ou avec l'aide d'un interprète. En ce sens, le recours sera partiellement admis, sans qu'il n'y ait lieu d'examiner les autres griefs soulevés par l'assuré, en relation notamment avec son impossibilité de "retrouve[r] une activité lucrative". La conclusion subsidiaire du recours se révèle bien fondée.
6.
Vu le renvoi ordonné, qui revient à donner gain de cause au recourant, les frais judiciaires doivent être mis à la charge de l'office intimé ( art. 66 al. 1 LTF ). Celui-ci versera par ailleurs une indemnité de dépens à l'assuré ( art. 68 al. 1 LTF ). La cause est renvoyée à la juridiction cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure antérieure ( art. 67 et 68 al. 5 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis. L'arrêt du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, du 13 juin 2024 et la décision de l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Neuchâtel du 8 mars 2023 sont annulés. La cause est renvoyée à l'office intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera au recourant la somme de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
4.
La cause est renvoyée au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public pour nouvelle décision sur les frais et les dépens de la procédure antérieure.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel, Cour de droit public, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 10 janvier 2025
Au nom de la IIIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Moser-Szeless
La Greffière : Perrenoud