Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
7B_1030/2024
Arrêt du 2 décembre 2024
IIe Cour de droit pénal
Composition
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président,
Kölz et Hofmann.
Greffière : Mme Nasel.
Participants à la procédure
A.________,
représentée par Me Laurent Fischer, avocat,
recourante,
contre
Ministère public de l'État de Fribourg, case postale 1638, 1701 Fribourg,
intimé.
Objet
Refus de remplacement du défenseur d'office;
révocation du défenseur d'office,
recours contre l'ordonnance du Président de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg du 20 août 2024 (501 2022 189).
Faits :
A.
A.a. Dans le cadre d'une procédure matrimoniale conflictuelle, A.________ et B.________ ont déposé des plaintes pénales réciproques en 2019, 2020 et 2021.
Le 11 août 2020, A.________ a déposé, en qualité de prévenue et de partie plaignante, une "requête d'assistance judiciaire totale", avec désignation de Me Benoît Morzier en qualité de défenseur d'office.
Par ordonnance du 17 novembre 2020, le Ministère public de l'État de Fribourg (ci-après: le Ministère public) a désigné Me Benoît Morzier en qualité de conseil juridique gratuit, respectivement de défenseur d'office de A.________.
A.b. Par jugement du 10 novembre 2022, la Juge de police de l'arrondissement de la Glâne (ci-après: la Juge de police) a classé la procédure pénale ouverte contre A.________ pour diffamation ou calomnie et l'a acquittée du chef d'accusation d'enlèvement de mineur; elle l'a toutefois condamnée pour diffamation, calomnie, tentative d'écoute et enregistrement de conversations entre d'autres personnes, insoumission à une décision de l'autorité et dénonciation calomnieuse à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 30 fr. l'unité, avec sursis pendant 5 ans, et au paiement d'une amende de 1'500 francs. A.________ a en outre été condamnée à verser à B.________ la somme de 1'000 fr. à titre d'indemnité pour tort moral. Dans le même jugement, la Juge de police a acquitté B.________ du chef d'accusation de menaces et l'a condamné pour injure, menaces, tentative de menaces et contrainte à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 30 fr. l'unité, avec sursis pendant 5 ans, et au paiement d'une amende de 200 francs; elle a rejeté les conclusions civiles prises par A.________ contre B.________.
A.c. Par acte du 7 décembre 2022, A.________, agissant à la fois comme prévenue et comme partie plaignante, a déposé une déclaration d'appel auprès de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg (ci-après: la Cour d'appel) contre ce jugement, en concluant notamment à son acquittement de l'ensemble des chefs d'accusation retenus à son endroit, au rejet des conclusions civiles prises par B.________ et à l'admission de ses propres conclusions civiles prises contre ce dernier.
Le 13 février 2023, B.________ a déposé un appel joint en qualité de partie plaignante, dans lequel il conclut notamment à ce que A.________ soit reconnue coupable du chef d'accusation d'enlèvement de mineur et à ce que ses conclusions civiles soient admises entièrement.
B.
B.a. Le 12 janvier 2023, A.________ a contesté la demande de sûretés que lui avait adressée la direction de la procédure d'appel le 28 décembre 2022 pour la partie de son appel où elle intervient en qualité de partie plaignante, faisant valoir que le Ministère public lui avait accordé l'assistance judiciaire et avait désigné son avocat - Me Benoît Morzier - en tant que conseil juridique gratuit et défenseur d'office.
Par ordonnance du 19 janvier 2023, la direction de la procédure d'appel a refusé d'accorder à A.________, en tant que partie plaignante, l'assistance judiciaire pour la procédure d'appel, rappelant en revanche que la désignation de son avocat comme défenseur d'office en tant qu'elle intervenait en qualité de prévenue déployait ses effets pour l'ensemble de la procédure pénale.
B.b. Par courrier du 9 juillet 2024, le Président de la Cour d'appel a informé les défenseurs des parties qu'il envisageait de révoquer ex nunc, faute d'indigence, le mandat de défenseur d'office de Me Benoît Morzier, dès lors qu'à la suite de la vente de l'immeuble dont les parties étaient copropriétaires, celles-ci allaient toucher, après déduction des frais et des impôts prévisibles, un solde de 313'578 fr., à savoir un montant de 157'000 fr. chacune, même si la répartition définitive n'était pas encore établie; ce montant, qui était bloqué auprès du notaire, pouvait être débloqué moyennant des instructions écrites unanimes et conjointes adressées par les vendeurs au notaire ou sur la base d'une décision de justice entrée en force.
Par courrier du 10 juillet 2024, Me Benoît Morzier a déclaré qu'il n'était plus le conseil de A.________ et que c'était Me Laurent Fischer qui lui succédait.
B.c. Par ordonnance du 20 août 2024, le Président de la Cour d'appel a révoqué le mandat de défense d'office de Me Benoît Morzier pour le compte de A.________ et a rejeté la requête de cette dernière tendant au changement de son défenseur d'office.
C.
Par acte du 23 septembre 2024, A.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'ordonnance précitée, par lequel elle conclut principalement à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour statuer à nouveau dans le sens des considérants. "Subsidiairement", elle demande la réforme de l'ordonnance en ce sens que Me Benoît Morzier soit relevé de son mandat de défenseur d'office et que Me Laurent Fischer soit désigné en qualité de défenseur d'office, avec effet au 10 juillet 2024. Elle sollicite par ailleurs d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire en ce sens que Me Laurent Fischer lui soit désigné comme défenseur d'office.
Invités à se déterminer, le Procureur du Ministère public y a renoncé, tandis que le Président de la Cour d'appel a conclu au rejet du recours, en se référant intégralement à la motivation de l'ordonnance attaquée.
Considérant en droit :
1.
Conformément à l' art. 78 LTF , une décision relative à la défense d'office dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. La recourante, prévenue et auteure de la demande de changement de son défenseur d'office, dont le mandat a été révoqué, a qualité pour recourir ( art. 81 al. 1 LTF ). Le rejet de cette demande, de même que la révocation du mandat de défenseur d'office de la recourante, est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l' art. 93 al. 1 let. a LTF (cf. ATF 140 IV 202 consid. 2.2; 133 IV 335 consid. 4). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF ) contre une décision rendue en dernière instance cantonale ( art. 80 LTF ), si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
2.1. La recourante se plaint d'une violation des art. 132 et 134 CPP . En substance, elle reproche au Président de la Cour d'appel d'avoir refusé de désigner son avocat de choix, Me Laurent Fischer, en tant que défenseur d'office pour la procédure d'appel en lieu et place de Me Benoît Morzier, et d'avoir considéré qu'elle n'était plus indigente.
2.2. L' art. 132 al. 1 let. b CPP prévoit que la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts.
Selon l' art. 134 al. 1 CPP , si le motif à l'origine de la défense d'office disparaît, la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné. Si la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur d'office est gravement perturbée ou si une défense efficace n'est plus assurée pour d'autres raisons, la direction de la procédure confie la défense d'office à une autre personne ( art. 134 al. 2 CPP ).
L' art. 134 al. 2 CPP n'empêche toutefois pas le prévenu, à n'importe quel stade de la procédure, moyennant une procuration écrite ou une déclaration consignée au procès-verbal, de charger de sa défense un conseil juridique au sens de l' art. 127 al. 5 CPP ( art. 129 CPP ; arrêts 7B_16/2024 du 28 mars 2024 consid. 2.2.2; 7B_238/2023 du 18 juillet 2023 consid. 2.2).
Lorsqu'un mandataire de choix s'annonce alors qu'un mandat de défense d'office existe en faveur d'un autre avocat, l'autorité doit s'assurer, avant de révoquer le mandat d'office, que le prévenu en cause est à même de s'acquitter des honoraires de son nouveau conseil, cela au moins jusqu'à la clôture de la procédure de première instance (arrêts 7B_16/2024 et 7B_238/2023 précités, ibidem; 1B_152/2020 du 28 mai 2020 consid. 2.1 et les références citées). Lorsque cette rémunération est assurée, le motif à l'origine de la défense d'office disparaît et la direction de la procédure révoque le mandat du défenseur désigné ( art. 134 al. 1 CPP ).
Si, au cours de la procédure, le justiciable change d'avis, il lui est loisible de résilier le mandat de son défenseur de choix et de présenter une nouvelle requête de défense d'office. Il ne peut en revanche pas jouer sur les deux tableaux en désignant un défenseur de son choix puis réclamer à l'État le paiement des frais de sa défense (arrêt 6B_390/2018 du 25 juillet 2018 consid. 8.1). Admettre sans autre cette façon de pratiquer permettrait de contourner de manière inadmissible la procédure prévue à l' art. 134 al. 2 CPP pour obtenir le changement d'un défenseur d'office; cela vaut en particulier quand les circonstances amenant la nouvelle requête sont les mêmes que celles qui prévalaient au moment de la constitution du mandat de choix (arrêts 7B_238/2023 précité, ibidem; 1B_332/2021 du 6 juillet 2021 consid. 6.1; 1B_152/2020 précité, ibidem).
2.3. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un avocat d'office, en la personne de Me Benoît Morzier, a été désigné à la recourante le 17 novembre 2020. C'est ainsi à la direction de la procédure d'appel, en l'occurrence au Président de la Cour d'appel, qu'il appartenait de décider d'un changement d'avocat d'office et non à la recourante ou à son avocat de choix de mettre un terme au mandat de celui qui lui avait été désigné. Comme l'a retenu le Président de la Cour d'appel, cette manière de faire est proscrite par la jurisprudence, dans la mesure où elle revient à contourner les règles applicables au remplacement du défenseur d'office (cf. art. 134 al. 2 CPP ).
Cela étant, il apparaît que le motif à l'origine de la défense d'office de la recourante, en particulier son indigence, a en l'espèce disparu en cours de procédure, de sorte que le Président de la Cour d'appel pouvait révoquer le mandat du défenseur désigné en application de l' art. 134 al. 1 CPP . En effet, s'il n'est pas contesté que la recourante ne dispose pas de revenus suffisants, elle possède en revanche d'une fortune mobilière. Or lorsque la partie requérante dispose d'un patrimoine, il convient qu'elle l'affecte à la défense de ses intérêts (cf. ATF 119 Ia 11 consid. 3a et 5; arrêt 1B_265/2024 du 20 novembre 2014 consid. 3; ordonnances 4A_62/2017 du 15 juin 2017 et 2C_301/2013 du 2 mai 2013 consid. 3.2). En effet, le Président de la Cour d'appel a retenu que la recourante et B.________ allaient toucher un solde de 313'578 fr. (après déduction des frais et des impôts prévisibles), soit un montant de 157'000 fr. chacun à la suite de la vente de l'immeuble dont ils sont copropriétaires. Certes, le montant en question est toujours consigné auprès du notaire et fait l'objet de conclusions dans le cadre de la procédure en divorce divisant les parties. Cela ne suffit toutefois pas pour considérer que la recourante ne peut pas engager les moyens financiers pour la défense de ses intérêts en justice. Elle ne démontre en effet pas qu'il lui serait objectivement impossible d'obtenir un prêt ou de se procurer le montant des frais de procédure présumés par un autre moyen garanti par le montant consigné auprès du notaire. Le Président de la Cour d'appel n'a ainsi pas violé le droit fédéral en considérant que la condition de l'indigence n'était pas réalisée, au motif que la recourante disposait d'une fortune suffisante - d'ailleurs largement supérieure au montant reconnu par la jurisprudence au titre de la "réserve de secours" (cf. arrêts 5A_11/2024 du 2 juillet 2024 consid. 5; 7B_356/2024 du 8 mai 2024 consid. 2.2.3) - pour supporter les frais de la procédure.
Cela suffit pour sceller le sort du recours, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs de la recourante en lien avec le refus du Président de la Cour d'appel de désigner son avocat de choix en tant que défenseur d'office pour la procédure d'appel (cf. art. 134 al. 2 CPP ).
3.
Sur le vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours. La demande d'assistance judiciaire doit également être rejetée, faute de chances de succès ( art. 64 al. 1 LTF ). Les frais de la procédure - qui ne feront l'objet d'aucune réduction (cf. consid. 2.3 supra) - seront mis à la charge de la recourante, qui succombe ( art. 66 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Président de la Cour d'appel pénal du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, à Benoît Morzier, Fribourg, et à C.________, Lausanne.
Lausanne, le 2 décembre 2024
Au nom de la IIe Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Abrecht
La Greffière : Nasel