Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B_1048/2023
Arrêt du 7 août 2024
Ire Cour de droit pénal
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux
Jacquemoud-Rossari, Présidente,
van de Graaf et von Felten.
Greffier : M. Dyens.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Samir Djaziri, avocat,
recourant,
contre
1. Ministère public de la République et canton de Genève,
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
2. B.________,
représenté par Me Pascal Junod, avocat,
intimés.
Objet
Lésions corporelles graves par négligence; arbitraire,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice
de la République et canton de Genève,
Chambre pénale d'appel et de révision,
du 26 juin 2023 (AARP/237/2023 P/1344/2020).
Faits :
A.
Par jugement du 31 janvier 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles graves par négligence et l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. l'unité, avec un sursis de trois ans, ainsi qu'à une amende de 500 fr. à titre de sanction immédiate, renvoyant B.________ à agir par la voie civile.
B.
Par arrêt du 26 juin 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise a partiellement admis l'appel interjeté par A.________ à l'encontre du jugement de première instance, a annulé ledit jugement et, statuant à nouveau, a reconnu A.________ coupable de lésions corporelles graves par négligence. Elle l'a condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à 30 fr. l'unité, avec un sursis de trois ans, tout en renvoyant à son tour B.________ à agir par la voie civile.
Les faits sont, en résumé, les suivants.
B.a. En date du 5 octobre 2019, jour du jeûne genevois, le véhicule conduit par A.________ et le motocycle conduit par B.________ sont entrés en collision.
À l'endroit des faits, le boulevard U.________ comporte plusieurs voies de circulation dans le sens alors utilisé par B.________ et forme un carrefour avec la rue V.________, sur laquelle circulait A.________. Le point de choc se situait à la hauteur de la voie de droite du boulevard U.________.
Le jour de l'accident, des travaux modifiaient la configuration du carrefour. Ils étaient délimités par des bornes verticales blanches et rouges. Les feux qui régissaient habituellement la circulation étaient hors service. Des feux clignotants et un panneau "Cédez le passage" régissaient la rue V.________ sur le carrefour. Il y avait très peu de circulation. Seuls quelques véhicules avaient été entravés dans leur course en raison de l'accident.
B.b. La cour cantonale a retenu, en substance, que A.________ n'avait pas respecté le panneau "Cédez le passage" et coupé la route à B.________, provoquant ainsi la collision.
B.c. B.________ a été grièvement blessé dans l'accident. Après avoir reçu les premiers soins de la part d'une infirmière qui se trouvait fortuitement sur les lieux, il a été transporté d'urgence à l'hôpital.
Selon les certificats médicaux versés à la procédure, B.________ a subi un dégantage du pied droit et de la jambe droite ainsi que dix fractures au niveau du pied et du tibia, étant précisé qu'il a dû être opéré à trois reprises, est resté hospitalisé durant plusieurs semaines, et que la question de l'amputation s'est posée. Il a été en substance constaté que les séquelles liées à l'accident, en particulier les douleurs invalidantes, persisteraient à vie.
B.________ a notamment exposé, en première instance, qu'il n'avait pas pu reprendre d'activité lucrative ni sportive, la question de son invalidité à long terme étant réservée par le médecins, dans l'attente d'une stabilisation de son état de santé. Il n'avait en revanche entrepris aucun suivi psychologique.
C.
A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 26 juin 2023 par la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement, à son acquittement du chef de prévention de lésions corporelles graves par négligence et, subsidiairement, à son annulation ainsi qu'au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Considérant en droit :
1.
Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'établissement des faits.
1.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux, dont l'interdiction de l'arbitraire, que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise ( art. 106 al. 2 LTF ; ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 143 IV 500 consid. 1.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 148 IV 409 consid. 2.2; 147 IV 73 consid. 4.1.2; 146 IV 88 consid. 1.3.1).
1.2. En l'espèce, l'arrêt attaqué renvoie notamment au rapport de police, qui retient que le recourant, n'a pas respecté le panneau "Cédez le passage" en s'engageant dans le carrefour. Deux témoins directs avaient été entendus et avaient confirmé le déroulement des faits.
Cela étant, la cour cantonale a relevé que les parties avaient présenté des versions divergentes au sujet des circonstances entourant l'accident. Si le recourant admettait que les feux régissant l'intersection à laquelle s'était produit la collision étaient en phase jaune clignotante, il soutenait en substance que des véhicules s'étaient arrêtés sur la route principale afin de le laisser passer, quand bien même il n'avait pas la priorité. Il faisait valoir que ces véhicules lui avaient masqué la visibilité. Selon ses dires, l'intimé 2 avait dû remonter la file des véhicules par la gauche pour les dépasser, ce qui faisait de lui le fautif.
Les juges précédents ont cependant jugé que cette version ne pouvait être suivie. Elle était contredite non seulement par les déclarations de l'intimé 2, mais également par les déclarations claires de deux témoins directs des faits. Ces derniers affirmaient avoir vu l'intimé 2 circuler sur son motocycle à une vitesse adaptée sur la voie de droite du boulevard helvétique. Il n'y avait pas d'autres véhicules présents. En particulier, aucun véhicule ne s'était arrêté pour laisser passer le recourant. La visibilité était bonne et cet accident aurait pu être évité. Les deux témoins, qui arrivaient juste en face du point de choc, disposaient d'une bonne vision sur les lieux, ne connaissaient pas la version des deux parties au moment de leur témoignage et n'avaient aucun intérêt à privilégier l'une par rapport à l'autre. La cour cantonale a de surcroît mis en exergue l'avis professionnel des policiers, aux dires desquels, au vu du point de choc et de la position des dégâts, la moto circulait latéralement et ne venait pas d'un angle qui suggérait un changement de voie. Pour les juges précédents, cet élément achevait d'anéantir la théorie soutenue par le recourant. Le fait que l'intimé 2 ait affirmé devant le ministère public avoir vu des véhicules stationnés sur sa droite avant de revenir sur ses déclarations demeurait sans préjudice de ce qui précède. En effet, la configuration des lieux ne laissait, au vu des photographies, aucune place pour un stationnement et il était possible que le prénommé, choqué, ait pu se tromper. La présence d'autres voitures sur la droite - qu'elles aient été stationnées ou à l'arrêt pour céder le passage au recourant - n'était en outre corroborée par aucun autre élément au dossier. Il pouvait également être relevé qu'au vu de l'accident survenu, d'éventuels véhicules à l'arrêt sur la route auraient été entravés dans la poursuite de leur course et que leurs conducteurs auraient porté secours au motard accidenté.
1.3. Le recourant objecte que ces constatations seraient manifestement erronées, dans la mesure où, selon lui, elles ne correspondent absolument pas aux éléments du dossier. En réalité, sous couvert d'un grief d'arbitraire, le recourant se livre à une discussion libre et appellatoire, partant irrecevable, des constatations cantonales. Pour l'essentiel, les éléments du dossier dont il se prévaut ne sont autres que ses propres déclarations, ce qui le conduit à développer une argumentation qui revient avant tout à substituer sa propre appréciation à celle des juges précédents. À cet égard également, ses griefs s'avèrent largement appellatoires et, en conséquence, irrecevables. On peut encore relever que la cour cantonale a expressément évoqué le revirement opéré par l'intimé dans ses déclarations relatives à la présence de véhicules sur sa droite immédiatement avant la collision. Les éléments avancés par les juges précédents pour en relativiser la portée ne sont nullement insoutenables et ne sauraient être taxés d'arbitraire. De surcroît, le recourant se prévaut en vain des témoignages pour étayer son grief. L'absence de souvenir de ceux-ci quant à la présence de véhicules tels que décrits par le recourant n'est nullement de nature à rendre les constatations cantonales insoutenables, ce d'autant que l'un des deux témoins a certes précisé ne pas se souvenir de cet élément, mais a aussi indiqué - le recourant semble le perdre de vue - qu'il n'y avait au moment des faits que le motocycle de l'intimé 2 et aucun autre véhicule arrêté pour laisser passer la voiture du recourant (Procès-verbal d'audience du Ministère public genevois du 20 juillet 2021, p. 3), en ajoutant également que s'il n'en avait pas le souvenir, il ne pensait pas qu'il y ait eu des voitures qui étaient à l'arrêt ou parquées ( ibid ., p. 4). Enfin, le recourant substitue également sa propre appréciation à celle des juges précédents, ce qu'il n'est pas recevable à faire, lorsqu'il soutient la thèse d'un dépassement avec rabattement de l'intimé peut avant la collision.
Manifestement mal fondé, le grief doit être rejeté dans la faible mesure de sa recevabilité.
2.
Le recourant se plaint ensuite d'une violation de l' art. 125 CP .
Force est toutefois de constater que le grief soulevé sous cet angle ne l'est qu'au regard de la propre version des faits du recourant. Pour le reste, on peut entièrement renvoyer ( art. 109 al. 3 LTF ) à la motivation claire et convaincante de la cour cantonale, dont l'analyse juridique concernant les art. 12 al. 3 et 125 al. 1 et 2 CP, en lien avec les art. 26 et 27 LCR , 14 OCR et 36 al. 2 et 68 al. 6 OSR, ne prête nullement le flanc à la critique.
Le grief, autant que recevable, est manifestement mal fondé.
3.
Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il était dépourvu de toute chance de succès, ce qui conduit au rejet de la requête d'assistance judiciaire ( art. 64 al. 1 LTF ). Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 LTF ), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 7 août 2024
Au nom de la Ire Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Jacquemoud-Rossari
Le Greffier : Dyens