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28/02/2024 | SUISSE | N°7B_1/2024

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit pénal  , Arrêt du 28 février 2024  , 7B 1/2024


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1/2024  
 
 
Arrêt du 28 février 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann. 
Greffier: M. Magnin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
agissant par Me Robert Assaël 
2. B.________, 
agissant par Me Nicolas Jeandin, 
3. C.________, 
agissant par Me Yaël Hayat, 
4. D.________, 
agissant par Me Ro

main Jordan, avocat, 
tous les quatre représentés par Me Romain Jordan, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________, 
Présidente du Tribunal correctionnel, rue des Chau...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1/2024  
 
 
Arrêt du 28 février 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Koch et Hofmann. 
Greffier: M. Magnin. 
 
Participants à la procédure 
1. A.________, 
agissant par Me Robert Assaël 
2. B.________, 
agissant par Me Nicolas Jeandin, 
3. C.________, 
agissant par Me Yaël Hayat, 
4. D.________, 
agissant par Me Romain Jordan, avocat, 
tous les quatre représentés par Me Romain Jordan, avocat, 
recourants, 
 
contre  
 
E.________, 
Présidente du Tribunal correctionnel, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3, 
intimée, 
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Récusation, 
 
recours contre l'arrêt rendu le 7 décembre 2023 par la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ACPR/956/2023 - PS/127/2023). 
 
 
Faits:  
 
A.  
 
A.a. Des membres de la famille F.________, composée de B.________ (père), A.________ (mère), C.________ (fils) et D.________ (épouse de ce dernier) sont prévenus dans une procédure pénale ouverte par le Ministère public de la République et canton de Genève (ci-après: le Ministère public) pour, notamment, traite d'être humains par métier ( art. 182 al. 2 CP ), usure par métier ( art. 157 ch. 1 et 2 CP ) et infractions à la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers et l'intégration (LEI; RS 142.20).  
 
A.b. Par acte d'accusation du 14 février 2023, complété et corrigé le 15 août 2023, le Ministère public a renvoyé les prévenus devant le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève (ci-après: le tribunal). Les débats devant ce tribunal, composé des juges E.________, G.________ et H.________, étaient initialement prévus du 2 au 6 octobre 2023, puis du 20 au 23 novembre 2023. Ils ont ensuite été reportés au 15 janvier 2024.  
 
A.c. Par courriel du 14 septembre 2023, le Chargé des relations médias de la Direction de la communication du Pouvoir judiciaire genevois (ci-après: le service de communication) a écrit, à l'attention du tribunal, que, comme convenu avec la juge E.________, présidente du tribunal et direction de la procédure, ils allaient faire parvenir une information aux journalistes afin qu'ils puissent réserver les dates de l'audience et que l'acte d'accusation serait transmis aux journalistes accrédités "sous strict embargo jusqu'à l'ouverture du procès, le jeudi 28 septembre 2023".  
 
A.d. Par courriel du 29 septembre 2023, un journaliste accrédité a demandé au service de communication s'il avait un commentaire à faire à propos de l'annulation du procès et s'il pouvait lui dire quelle suite serait donnée à la procédure. Consultée, la présidente du tribunal a, par courriel du même jour, répondu à ce service qu'il pouvait confirmer au journaliste que l'audience de jugement prévue du 2 au 6 octobre 2023 avait dû être annulée et que les débats seraient réappointés à une date ultérieure.  
 
A.e. Le 26 octobre 2023, D.________ s'est informée, auprès du tribunal, au sujet de tout échange qui serait intervenu avec tout média concernant le procès, ainsi qu'entre le tribunal et le service de communication. Elle a invoqué un article paru dans un media en ligne, selon lequel le tribunal a indiqué que "les débats seront convoqués à nouveau à une date ultérieure".  
 
A.f. Le 1 er novembre 2023, la direction de la procédure lui a répondu que le tribunal n'avait communiqué aucune information aux médias, ni directement, ni par l'entremise du service de communication.  
 
B.  
 
B.a. Le 27 novembre 2023, D.________, déclarant agir aussi pour "tous les prévenus de la famille", a adressé à la direction de la procédure du tribunal une lettre intitulée "P/21865/2017 - Votre pli du 1er novembre 2023, récusation". A l'appui de sa lettre, elle a produit des courriels reçus dans l'intervalle du service de communication et en a déduit que la réponse donnée le 1er novembre 2023 par la direction de la procédure était "sciemment contraire à la vérité". Elle a également reproché à la direction de la procédure de ne pas avoir versé au dossier les échanges entre le tribunal, le service de communication et la presse et d'avoir ainsi "constitué un dossier parallèle au sein du Tribunal".  
La présidente du tribunal, qui a considéré qu'il s'agissait d'une demande de récusation, a transmis le courrier du 27 novembre 2023 à la Chambre pénale de recours de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale de recours). 
 
B.b. Par arrêt du 7 décembre 2023, la Chambre pénale de recours a rejeté la demande de récusation et a mis les frais de la procédure, arrêtés à 1'000 fr., à la charge des requérants, solidairement entre eux.  
 
C.  
Par acte du 29 décembre 2023, A.________, B.________, C.________ et D.________ (ci-après: les recourants) forment un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que la récusation des juges E.________, G.________ et H.________ soit ordonnée et, subsidiairement, à son annulation suivie du renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants. Ils ont requis, à titre de mesures provisionnelles, qu'il soit fait interdiction au tribunal de tenir les débats prévus dès le 15 janvier 2024 "avant droit connu par le Tribunal fédéral". 
Le 5 janvier 2024, le Ministère public et la présidente du tribunal ont déposé des déterminations sur la requête de mesures provisionnelles. Le 8 janvier 2024, la Chambre pénale de recours s'en est remise à justice. Les prises de position ont été communiquées aux parties le 11 janvier 2024. 
Par ordonnance du 10 janvier 2024, le Président de la II e Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a rejeté la requête de mesures provisionnelles.  
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures. L'autorité cantonale a produit le dossier de la cause. 
 
 
Considérant en droit:  
 
1.  
Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence ( art. 29 al. 1 LTF ) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 149 IV 9 consid. 2). 
Une décision - rendue par une autorité cantonale statuant en tant qu'instance unique (art. 80 al. 2 in fine LTF) - relative à la récusation de magistrats pénaux peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale, malgré son caractère incident (cf. art. 78 et 92 al. 1 LTF ). Les recourants, prévenus, dont la demande de récusation a été rejetée, ont qualité pour recourir en vertu de l' art. 81 al. 1 LTF .  
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réalisées, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. Les recourants invoquent une violation de leur droit d'être entendu et l'interdiction du déni de justice formel. Ils reprochent à la cour cantonale de ne pas avoir abordé leur grief, pourtant formulé dans le cadre de leur demande de récusation du 27 novembre 2023, selon lequel les échanges intervenus entre le tribunal et la presse auraient été gardés à l'écart du dossier de la procédure. Ils considèrent que cela démontrerait la constitution d'un dossier parallèle au sein de l'autorité pénale.  
 
2.2. Le droit d'être entendu, garanti par l' art. 29 al. 2 Cst. , implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 139 IV 179 consid. 2.2), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen de ceux qui lui paraissent pertinents et aux questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt 6B_1246/2022 du 11 octobre 2023 consid. 3.1 et les arrêts cités). L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l' art. 29 al. 1 Cst. (ATF 142 II 154 consid. 4.2; arrêt 6B_1446/2021 du 9 décembre 2022 consid. 3.1.2 et l'arrêt cité).  
Le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi. Il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1; arrêt 6B_659/2022 du 17 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). 
 
2.3. En l'espèce, il est vrai que la cour cantonale n'a pas examiné le grief formulé par le recourant en lien avec la prétendue constitution d'un dossier parallèle par le tribunal. Cependant, les recourants, qui se contentent d'affirmer que des pièces produites en annexes à leur demande de récusation ne figuraient pas à la procédure, ne fournissent aucun indice permettant de penser que le tribunal aurait constitué un dossier parallèle. Ils n'expliquent pas non plus pourquoi le tribunal aurait voulu leur cacher des informations, ni dans dans quel but celui-ci aurait sciemment voulu constituer un tel dossier. Ils ne font en réalité part que de simples suppositions, qui ne reposent sur aucun élément objectif. Par ailleurs, l'allégation des recourants au sujet d'un éventuel dossier parallèle apparaît d'autant moins sérieuse qu'une copie des échanges litigieux leur a ensuite été communiquée par le service de communication à la suite d'une demande de leur part. Au demeurant, les échanges d'une autorité judiciaire avec un service de communication peuvent constituer un dossier dudit service, sans qu'ils doivent nécessairement être introduits dans le dossier de fond de l'autorité judiciaire. Au regard de ce qui précède, force est de constater que le grief des recourants n'était pas pertinent pour statuer sur leur demande de récusation. Dans ces conditions, l'autorité cantonale n'a ni violé le droit d'être entendu des recourants, ni commis de déni de justice en n'examinant pas leur grief en lien avec la prétendue constitution d'un dossier parallèle.  
 
3.  
 
3.1. Les recourants invoquent une constatation arbitraire des faits sur plusieurs points.  
 
3.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2; arrêt 7B_156/2023 du 31 juillet 2023 consid. 3.1.3).  
 
3.3. Les recourants reprochent tout d'abord à la cour cantonale d'avoir exposé un état de fait confus et incomplet et rappellent, sur la base des pièces qu'ils ont produites à l'appui de leur demande de récusation du 27 novembre 2023, le "contenu" des faits et des échanges qui seraient, selon eux, pertinents. Ils en déduisent plusieurs constatations prétendument fausses et arbitraires de la part de la juridiction cantonale.  
 
3.3.1. Les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir retenu que l'intervention du journaliste en question avait uniquement eu pour but de "s'enquérir d'un éventuel commentaire sur le report du procès", le cas échéant d'"obtenir un commentaire à ce sujet" (cf. arrêt querellé, consid. 4.3, pp. 4-5). Ils exposent que, dans son courriel du 29 septembre 2023, le journaliste avait également demandé au service de communication, outre le fait de savoir si celui-ci avait un commentaire à formuler sur l'annulation du procès concerné, s'il pouvait lui dire quelle suite serait donnée à la procédure. Ils y voient une constatation fausse, respectivement arbitraire. La cour cantonale a effectivement retranscrit de manière incomplète le contenu du courriel adressé le 29 septembre 2023 au service de communication. Comme on le verra ci-dessous (cf. consid. 4 infra ), cela n'est toutefois pas de nature à remettre en cause l'appréciation de l'autorité cantonale selon laquelle les reproches énoncés dans la demande de récusation étaient dénués de fondement. Les recourants ne démontrent dès lors pas que le constat incomplet de la cour cantonale serait arbitraire dans son résultat, de sorte que l'arrêt querellé ne saurait être annulé pour ce motif. L'état de fait sera néanmoins complété conformément à l' art. 105 al. 2 LTF .  
 
3.3.2. Faisant suite à ce qui précède, les recourants reprochent à la juridiction cantonale d'avoir arbitrairement affirmé que "le tribunal se serait limité à confirmer une information dont le journaliste disposait déjà", précisant qu'il ne disposait pas de l'information concernant "le devenir de la procédure suite à l'annulation" des débats (cf. arrêt querellé, consid. 4.3, p. 5). Cette imprécision n'est, comme on le verra ci-dessous (cf. consid. 4 infra ), pas non plus de nature à rendre le raisonnement de la cour cantonale manifestement insoutenable dans son résultat. Il n'y a donc pas matière à annuler l'arrêt querellé pour ce motif.  
 
3.3.3. Les recourants reprochent à l'autorité cantonale d'avoir retenu qu'à aucun moment, la présidente du tribunal n'avait "eu de contact avec le journaliste en question" (cf. arrêt querellé, consid. 4.3, p. 5). Ils considèrent que cette constatation serait fausse et arbitraire, dès lors que, selon eux, le tribunal aurait eu un contact avec la presse à travers le service de communication, un contact qui devrait à tout le moins être qualifié d'indirect. Il ressort de l'état de fait cantonal que le journaliste concerné a pris contact avec le service de communication, que celui-ci a ensuite contacté à son tour la direction de la procédure et que celle-ci a répondu à ce service (cf. arrêt querellé, p. 2, let. B.c). Ces faits sont conformes aux éléments produits à l'appui de la demande de récusation du 27 novembre 2023, de sorte que la cour cantonale pouvait tout à fait constater que la présidente n'avait pas eu de contact avec le journaliste en question. Sur ce point, les recourants jouent sur les mots et se bornent à livrer leur propre interprétation des faits, mais ne démontrent pas que la constatation de la juridiction cantonale serait arbitraire.  
 
4.  
 
4.1. Les recourants invoquent ensuite une violation de l' art. 56 let . f CPP. Ils exposent que le "tribunal" - comprend-on le tribunal dans son entier et non seulement la direction de la procédure - aurait menti en indiquant, dans le courrier du 1er novembre 2023, qu'il n'avait communiqué aucune information aux médias, ni directement, ni par l'entremise du service de communication. Ils relèvent en effet qu'il ressort des pièces qui lui ont été transmises par le service de communication que le tribunal aurait au contraire eu des contacts avec la presse. Ils considèrent ainsi qu'un tel comportement serait incompatible avec les exigences d'indépendance, d'impartialité et d'intégrité dévolues à un tribunal et reprochent à la cour cantonale d'avoir considéré que leur demande de récusation était dénuée de tout fondement.  
 
4.2. Selon l' art. 56 let . f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.  
Cette disposition légale a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus à l'art. 56 let. a à e CPP. Elle correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). Elle concrétise également les droits déduits de l' art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable cette protection lorsque d'autres autorités ou organes que des tribunaux sont concernés (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2). Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 148 IV 137 consid. 2.2; 143 IV 69 consid. 3.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1; arrêt 7B_189/2023 du 16 octobre 2023 consid. 2.2 et les arrêts cités). Les déclarations d'un magistrat, particulièrement celles figurant au procès-verbal des auditions, doivent être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur. Des propos maladroits ou déplacés ne suffisent en principe pas pour retenir qu'un magistrat serait prévenu, sauf s'ils paraissent viser une personne particulière et que leur tenue semble constitutive d'une grave violation notamment des devoirs lui incombant (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.3; arrêt 7B_186/2023 du 19 juillet 2023 et l'arrêt cité). 
 
4.3. La cour cantonale a en substance considéré que le fait que le tribunal ait indiqué au journaliste concerné, par l'intermédiaire du service de communication, que les débats prévus du 2 au 6 octobre 2023 étaient reportés ne révélait aucune prévention, aucun parti pris et aucune violation des devoirs d'un magistrat, en précisant que les recourants n'étaient pas en mesure d'énoncer quel préjudice leur causerait la confirmation que leur procès était ajourné. Elle a ajouté que la direction de la procédure n'avait pas menti en répondant le 1 er novembre 2023 à l'une des recourants, puisque le journaliste souhaitait obtenir un commentaire au sujet de l'annulation et du report des débats (cf. arrêt querellé, p. 5).  
 
4.4. En l'espèce, selon l'état de fait cantonal - précisé selon l' art. 105 al. 2 LTF -, le service de communication a, par courriel du 14 septembre 2023, indiqué, comme convenu avec la présidente du tribunal, qu'il ferait parvenir aux journalistes une information afin que ceux-ci puissent réserver la date des débats du 2 au 6 octobre 2023 et que l'acte d'accusation leur serait transmis le 28 septembre 2023. Le 29 septembre 2023, un journaliste a adressé un courriel à ce service et lui a demandé s'il avait un commentaire à faire à propos de l'annulation du procès et s'il pouvait lui dire quelle suite serait donnée à la procédure. Le service de communication a consulté la direction de la procédure et celle-ci lui a répondu qu'il pouvait confirmer au journaliste que l'audience prévue du 2 au 6 octobre 2023 avait dû être annulée et que les débats seraient réappointés ultérieurement. Le 26 octobre 2023, l'une des recourants, se prévalant d'un article paru dans un média en ligne, dans lequel il est mentionné que le tribunal a indiqué que les débats seront convoqués à nouveau à une date ultérieure, a demandé à ce tribunal s'il avait eu des échanges avec la presse. Le 1er novembre 2023, la direction de la procédure lui a répondu que le tribunal n'avait communiqué aucune information aux médias, ni directement, ni par l'entremise du service de communication.  
Contrairement à ce que font valoir les recourants, cette situation n'est pas de nature à fonder un motif de récusation du tribunal au sens de l' art. 56 let . f CPP. Comme le relève la cour cantonale, on comprend de la réponse adressée le 1 er novembre 2023 par la direction de la procédure que celle-ci a en réalité voulu dire, en indiquant que le tribunal n'avait communiqué aucune information aux médias, qu'il n'avait pas donné des informations concernant la présente affaire, autre que la simple mention que les débats étaient reportés. Il ne ressort en effet ni des faits retenus, ni des pièces produites dans le cadre de la requête de récusation - et les recourants ne le prétendent d'ailleurs pas - que le tribunal aurait communiqué, en particulier au journaliste qui a interpellé le service de communication le 29 septembre 2023, les raisons qui ont conduit à l'ajournement du procès. Il n'a pas non plus répondu à la question de ce journaliste en lien avec la suite qui serait donnée à la procédure. Par ailleurs, il ressort du courriel du 14 septembre 2023 que le tribunal avait à cet époque simplement communiqué, de manière usuelle et conformément au règlement sur la communication du Pouvoir judiciaire genevois (cf. arrêt querellé, p. 4), le programme des audiences publiques, ainsi que l'acte d'accusation, afin qu'ils soient transmis aux journalistes accrédités. Dans ces circonstances, si on peut certes admettre que les propos tenus le 1 er novembre 2023 ne sont pas strictement conformes à la réalité, puisque le tribunal a eu, par l'intermédiaire du service de communication, des contacts avec la presse, on ne saurait affirmer, comme le font les recourants, que le tribunal leur aurait menti et que les exigences d'indépendance, d'impartialité et d'intégrité seraient en l'espèce compromises. Les propos du tribunal peuvent en effet tout au plus être qualifiés de maladroits et ne sont par conséquent pas de nature à établir de sa part une apparence de prévention à l'égard des recourants, ceux-ci se bornant à en donner une interprétation qui leur est propre et qui s'écarte de celle de la cour cantonale. Le grief est dès lors infondé.  
 
5.  
 
5.1. Les recourants invoquent enfin une violation de l' art. 58 al. 2 CPP . Ils exposent que l'autorité cantonale ne pouvait pas statuer sur la demande de récusation sans attendre les déterminations des juges composant le tribunal. Ils relèvent que les déterminations des personnes dont la récusation est demandée ne sont pas impératives uniquement lorsque la requête de récusation est manifestement tardive ou abusive, ce qui ne serait en l'espèce pas le cas.  
 
5.2. Il est vrai que, selon la jurisprudence, l' art. 58 al. 2 CPP , qui prévoit que la personne visée par la demande de récusation prend position sur celle-ci, est en principe une disposition impérative, car, d'une part, elle tend à permettre l'établissement des faits et à garantir le respect du droit d'être entendu, tant de la personne concernée que de l'auteur de la demande de récusation auquel un droit de réplique doit le cas échéant être accordé, et, d'autre part, il s'agit d'une mesure d'instruction importante, dès lors que l'administration des preuves est en principe limitée, voire exclue (cf. art. 29 al. 2 Cst. et art. 3 al. 2 let . c et 59 al. 1 CPP; ATF 138 IV 222 consid. 2.1; arrêt 7B_232/2023 du 6 février 2024 consid. 2.2 et l'arrêt cité).  
Cela étant, dans le cas présent, ce sont les personnes visées par la demande de récusation qui n'ont pas eu la possibilité de déposer des déterminations, et non les recourants, et celles-là ne se sont pas plaintes du manquement de la cour cantonale. De plus, il a été jugé que l' art. 58 al. 2 CPP était impératif parce qu'il visait en particulier à permettre l'établissement des faits. Or, en l'occurrence, ni les personnes visées par la demande de récusation, ni les recourants ne prétendent que les faits ne seraient pas suffisamment établis. En effet, quoi qu'en disent les recourants, les faits sont clairs et n'appelaient aucune précision. A cet égard, les recourants font valoir de manière toute générale que les déterminations étaient attendues et pertinentes sur les autres contacts intervenus avec le service de communication. Cependant, ils ne fournissent aucun indice permettant de supposer que les faits ne seraient pas suffisamment établis sur ce point et n'exposent pas quels faits devraient être précisés ou élucidés. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de reprocher à la cour cantonale d'avoir renoncé à attendre les déterminations du tribunal avant de rendre l'arrêt querellé. Cela vaut d'autant plus que cette dernière n'a pas passé sous silence la question de la prise de position prévue par l' art. 58 al. 2 CPP . Elle s'est en effet fondée, d'une part, sur la jurisprudence selon laquelle l'autorité compétente était dispensée de recueillir des déterminations lorsqu'elle était saisie d'une demande de récusation manifestement tardive ou abusive (cf. arrêt 1B_196/2023 du 27 avril 2023 consid. 4 et les arrêts cités) et, d'autre part, sur celle relative à l' art. 36 al. 2 LTF pour considérer que, lorsque, comme dans le cas d'espèce, la demande de récusation était manifestement mal fondée, la personne visée n'avait pas à prendre position (cf. FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 3 e éd. 2022, n. 19 ad art. 36 LTF et les arrêts cités). Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique et peut être confirmée. L' art. 58 al. 2 CPP est libellé de la même manière que l' art. 36 al. 2 LTF , qui prévoit que "le juge ou le greffier visé prend position sur le motif de récusation invoqué". Il ne saurait donc être interprété différemment. Le Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale relève de surcroît que les règles en matière de récusation du CPP s'inspirent de celles que contient la LTF et que la teneur de l' art. 58 CPP correspond à la réglementation prévue par l' art. 36 LTF (cf. FF 2006, pp. 1126-1127). Le grief des recourants ne saurait donc être suivi.  
 
6.  
En définitive, le recours doit être rejeté. 
Les recourants, qui succombent, supporteront solidairement les frais judiciaires ( art. 66 al. 1 et 5 LTF ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens ( art. 68 al. 3 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:  
 
1.  
Le recours est rejeté. 
 
2.  
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants. 
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 28 février 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président: Abrecht 
 
Le Greffier: Magnin 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit pénal  
Numéro d'arrêt : 7B_1/2024
Date de la décision : 28/02/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2024
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2024-02-28;7b.1.2024 ?

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