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11/01/2024 | SUISSE | N°7B_1000/2023

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, IIe Cour de droit pénal  , Arrêt du 11 janvier 2024  , 7B 1000/2023


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1000/2023  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann, 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Magali Buser, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-

Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 novembre 2023 (...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
7B_1000/2023  
 
 
Arrêt du 11 janvier 2024  
 
IIe Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. les Juges fédéraux Abrecht, Président, 
Hurni et Hofmann, 
Greffier : M. Tinguely. 
 
Participants à la procédure 
A.________, 
représentée par Me Magali Buser, avocate, 
recourante, 
 
contre  
 
Ministère public de la République et canton de Genève, 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy. 
 
Objet 
Détention provisoire, 
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 29 novembre 2023 (ACPR/926/2023 - P/16205/2021). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. A.________, ressortissante bulgare née en 1974, fait l'objet d'une instruction pénale dirigée par le Ministère public de la République et canton de Genève pour traite d'êtres humains par métier ( art. 182 al. 2 CP ) et pour blanchiment d'argent ( art. 305bis ch. 1 CP ).  
Il est reproché à A.________, issue de la communauté rom, d'avoir recruté en Bulgarie, entre 2018 et 2021, des personnes ressortissantes de cet État, également issues de la communauté rom, puis d'avoir organisé leur transfert en Suisse, où elle leur fournissait un hébergement et où ils mendiaient pour son compte, sous sa surveillance et selon ses indications, dans les cantons de Vaud et de Genève, se faisant remettre la totalité ou la quasi-totalité de leurs gains. Elle aurait agi de la sorte à l'égard des personnes suivantes, en partie de concert avec son mari B.________ - décédé en 2021 -, et avec leur fils C.________, déféré séparément (cf. let. A.b infra ) :  
 
- D.________ (née en 1995), entre 2018 et 2021, qu'elle savait avoir été "achetée" par son mari autour de l'année 2013 alors qu'elle était jusque-là placée dans un orphelinat en Bulgarie, l'exploitation exercée ayant porté, en ce qui la concerne, non seulement sur une activité de mendicité, mais également de prostitution, A.________ s'étant chargée de prendre contact avec les clients et d'encaisser l'argent versé par ces derniers; 
- E.________ (année de naissance non précisée), en 2019; 
- F.________ (année de naissance non précisée), en 2019 et 2020, qu'elle savait avoir été "loué" par son mari à un dénommé G.________, établi en Bulgarie; 
- H.________ (né en 1985), en 2019 et 2021, qu'elle savait être sans épouse ni enfants et n'avoir qu'un très faible revenu; 
- I.________ (né en 1971), en 2021, qu'elle savait souffrir de déficiences psychiques et qu'elle avait "acheté" au dénommé G.________. 
En outre, en 2020 et 2021, A.________ aurait tantôt acheminé physiquement, tantôt envoyé, l'argent ainsi récupéré en Bulgarie où elle l'aurait utilisé notamment pour financer des travaux dans sa propre maison ou encore pour faire des achats en espèces, empêchant de la sorte la découverte de la provenance des fonds et leur confiscation. 
 
A.b. Par jugement du 3 février 2023, rendu dans le cadre d'une procédure simplifiée (cf. art. 358 ss CPP ), C.________ a été condamné à une peine privative de liberté de 30 mois, avec sursis partiel portant sur 15 mois, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, avec sursis, pour traite d'êtres humains par métier et blanchiment d'argent.  
Il lui était reproché d'avoir recruté, à tout le moins entre le 26 janvier 2021 et le 17 août 2021, de concert avec sa mère A.________, des ressortissants bulgares afin de les faire mendier pour leur propre compte et de se faire remettre la totalité de leurs gains alors qu'ils avaient promis le versement d'un pécule à leur retour en Bulgarie, et d'avoir utilisé ces gains pour subvenir à leurs besoins. Il avait agi de la sorte notamment à l'égard de I.________ et de H.________. 
 
A.c. Ayant fait l'objet d'un mandat d'arrêt international délivré le 11 février 2022 par le Ministère public genevois, A.________ a été arrêtée le 8 janvier 2023 en Roumanie. Elle a été extradée vers la Suisse le 2 février 2023, puis placée en détention provisoire par le Tribunal des mesures de contrainte genevois (TMC) dès le 3 février 2023.  
Initialement prononcée jusqu'au 2 mai 2023, la détention provisoire de A.________ a été régulièrement prolongée par le TMC, la dernière fois jusqu'au 2 février 2024. 
 
B.  
 
B.a. Par ordonnance du 25 octobre 2023, le TMC a rejeté la demande de demande de mise en liberté que A.________ avait formulée le 18 octobre 2023.  
 
B.b. Par arrêt du 29 novembre 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours interjeté par A.________ contre l'ordonnance du 25 octobre 2023.  
 
C.  
Par acte du 14 décembre 2023, A.________ forme un recours en matière pénale contre l'arrêt du 29 novembre 2023. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à sa mise en liberté immédiate, principalement sans conditions et subsidiairement moyennant le prononcé de mesures de substitution, sous la forme du paiement d'une caution, de l'obligation de se présenter à toutes les audiences qui seront agendées, y compris l'audience de jugement, ainsi que d'une interdiction de contact avec toutes les personnes liées à la procédure ou à la procédure parallèle. Plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle demande en outre le constat d'une violation de son droit d'être entendue, dans sa composante de l'obligation de motiver. Elle demande par ailleurs l'octroi de l'assistance judiciaire. 
Invitée à se déterminer, la Chambre pénale de recours y renonce, se référant aux considérants de son arrêt. Le Ministère public présente des observations, concluant au rejet du recours. 
Lors d'ultimes déterminations, A.________ persiste dans ses conclusions. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Le recours en matière pénale ( art. 78 al. 1 LTF ) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (ATF 137 IV 22 consid. 1). Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF, la recourante, prévenue détenue, a qualité pour recourir et la décision attaquée, en tant que prononcé incident rendu en dernière instance cantonale (cf. art. 80 LTF ), est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l' art. 93 al. 1 let. a LTF (arrêts 7B_856/2023 du 21 novembre 2023 consid. 1; 7B_392/2023 du 15 septembre 2023 consid. 1.1 et les arrêts cités). Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réunies, il y a lieu d'entrer en matière. 
 
2.  
 
2.1. Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle ( art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH) que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l' art. 221 CPP . Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par un risque de fuite, un danger de collusion ou de réitération (cf. art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé ( art. 221 al. 1 CPP ), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction.  
 
2.2. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise ( art. 105 al. 1 LTF ), à moins qu'elles aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 146 IV 88 consid. 1.3.1; 145 IV 154 consid. 1.1; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 147 IV 73 consid. 4.1.2).  
 
3.  
 
3.1. Invoquant une violation de l' art. 221 al. 1 CPP , la recourante soutient que les charges ne seraient plus suffisantes à ce stade pour justifier son maintien en détention.  
 
3.2. Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2). En d'autres termes, les soupçons doivent se renforcer plus l'instruction avance et plus l'issue du jugement au fond approche. Si des raisons plausibles de soupçonner une personne d'avoir commis une infraction suffisent au début de l'enquête, ces motifs objectifs doivent passer ensuite de plausibles à vraisemblables (arrêts 7B_885/2023 du 4 décembre 2023 consid. 3.2; 1B_99/2023 du 7 mars 2023 consid. 4.1; 1B_143/2019 du 23 avril 2019 consid. 3.1).  
 
3.3. La cour cantonale a pris en considération que la recourante avait été mise en cause par d'autres personnes, elles-mêmes soupçonnées d'être impliquées dans le réseau de mendicité organisée que la police avait identifié dans un rapport établi le 18 août 2021 à l'attention du Ministère public. Il s'agissait en particulier de son beau-frère J.________ et des fils de ce dernier - soit K.________ et L.________ - ainsi que de M.________, qui étaient tous également prévenus de traite d'êtres humains par métier et de blanchiment d'argent dans le cadre d'une procédure séparée.  
Au cours de leurs auditions, les précités avaient ainsi expliqué que la recourante avait exploité, à des fins de mendicité, I.________ et D.________ - qui avaient été "achetés" au préalable par la recourante elle-même (pour le premier) et par son mari B.________ (pour la seconde) - ainsi que H.________, E.________ et F.________. Ils avaient également relaté que D.________ s'était prostituée pour le compte de la recourante. 
En outre, selon la cour cantonale, alors que le fils de la recourante avait déjà été condamné pour avoir agi de concert avec elle après le décès de B.________, les dénégations de la recourante n'étaient pas de nature à amoindrir les charges pesant contre elle, retenues de manière constante par le TMC. Ces dénégations étaient au demeurant contredites par les déclarations de I.________, qui avait affirmé de manière tout aussi constante avoir mendié pour le compte de la recourante, cette dernière étant selon lui devenue, après le décès de son mari, la "grande cheffe" qui "donnait tous les ordres" (cf. arrêt attaqué, consid. 3.2 p. 11). 
 
3.4.  
 
3.4.1. Par ses longs développements, la recourante tente de faire valoir que, lors de leurs auditions subséquentes, les autres prévenus, de même que les victimes, seraient en grande partie revenus sur leurs premières déclarations la mettant en cause ou les auraient, à tout le moins, fortement nuancées, ceux-là ayant notamment expliqué que ce n'était pas elle qui était à la tête du réseau. Relevant en particulier que son fils N.________ avait finalement affirmé que sa mère n'avait rien à voir avec les faits pour lesquels il avait été condamné, la recourante soutient en particulier que les prévenus et les victimes avaient tout intérêt à porter des accusations inexactes la concernant, ceci dans le but, pour les premiers, d'abréger leur propre détention provisoire et, pour les secondes, de prolonger leur séjour en Suisse, où, en raison de leur statut de victime présumée de traite d'êtres humains, elles auraient bénéficié d'un titre de séjour et de l'aide sociale.  
La recourante entend également faire valoir qu'elle n'avait aucune marge de manoeuvre dans les "affaires" de son défunt mari, qui se montrait violent envers elle. Elle relève d'ailleurs, en référence aux déclarations de I.________, que, dans la tradition rom, ce serait l'homme qui décide et qui donne les ordres, de sorte que, dans leur cas précis, c'était bien son fils N.________ qui avait repris les affaires de son père. 
 
3.4.2. Ce faisant, la recourante s'attache essentiellement à rediscuter la portée des déclarations des autres protagonistes et, d'une manière générale, à présenter sa propre version des faits, en tentant ainsi d'anticiper, par ses développements, l'appréciation des preuves qui sera opérée par le juge du fond.  
Il faut en effet rappeler que ce sera bien à l'autorité de jugement qu'il appartiendra, le cas échéant, de déterminer la crédibilité à accorder aux déclarations recueillies en cours de procédure, et en particulier d'apprécier dans quelle mesure les affirmations subséquentes des différents protagonistes devraient être privilégiées par rapport à celles recueillies en premier lieu. 
A ce stade, il suffit de constater que la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en considérant que les premières déclarations des différentes parties impliquées dans le réseau de mendicité organisée - qui sont pour l'essentiel concordantes - reflétaient des soupçons portant sur des faits particulièrement graves, s'étendant de surcroît sur une longue période, ce qui est suffisant en l'état pour justifier le maintien de la recourante en détention provisoire. 
 
3.4.3. S'il faut certes reconnaître que l'enquête n'a apparemment pas encore permis de déterminer avec précision le degré d'implication de la recourante dans le réseau mis en place, il doit également être pris en considération qu'à teneur de l'arrêt attaqué (cf. Faits, let. C p. 8), le Ministère public reste dans l'attente des résultats de la demande d'entraide judiciaire, adressée aux autorités bulgares, dans le cadre de laquelle plusieurs témoins et victimes, dont D.________, doivent être auditionnés.  
Cela étant observé, il appartiendra au Ministère public, s'il entend requérir une nouvelle prolongation de la détention provisoire, de détailler plus précisément les faits qui sont concrètement reprochés à la recourante, en expliquant, à la lumière des éléments ressortant des actes d'enquête dernièrement réalisés, en quoi les soupçons pesant sur l'intéressée font apparaître sa future condamnation, le cas échéant à titre de complice, comme une perspective vraisemblable. 
 
4.  
La recourante, qui ne conteste pas en tant que telle l'existence d'un risque de fuite ( art. 221 al. 1 let. a CPP ), soutient que des mesures de substitution à la détention provisoire seraient néanmoins susceptibles de pallier ce risque. 
 
4.1. Conformément au principe de la proportionnalité ancré à l' art. 36 al. 3 Cst. , il convient d'examiner les possibilités de mettre en oeuvre d'autres solutions moins dommageables que la détention (règle de la nécessité). Cette exigence est concrétisée par l' art. 237 al. 1 CPP , qui prévoit que le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si ces mesures permettent d'atteindre le même but que la détention. Selon l' art. 237 al. 2 CPP , font notamment partie des mesures de substitution la fourniture de sûretés (let. a), la saisie des documents d'identité (let. b), l'assignation à résidence ou l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c), l'obligation de se présenter régulièrement à un service administratif (let. d), l'obligation d'avoir un travail régulier (let. e), l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (let. f) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Cette liste est exemplative et le juge de la détention peut également, le cas échéant, assortir les mesures de substitution de toute condition propre à en garantir l'efficacité (ATF 145 IV 503 consid. 3.1).  
 
4.2. Il faut donner acte à la cour cantonale que le versement d'une caution, à hauteur de 5'000 ou de 10'000 fr. - comme l'a successivement proposé la recourante -, ne constitue pas une mesure de substitution efficace en l'espèce (cf. arrêt attaqué, consid. 5.2 p. 13). Il pouvait à cet égard être tenu compte, d'une part, de l'importance du risque de fuite constaté - l'intéressée, ressortissante bulgare, ne dispose en effet d'aucune attache en Suisse - et, d'autre part, de sa situation personnelle, qui paraît relativement confortable sur le plan financier, dès lors qu'elle serait propriétaire de plusieurs maisons en Bulgarie et qu'elle se dit soutenue par ses quatre filles, vivant toutes en Allemagne (cf. arrêt attaqué, Faits, let. B.l p. 8).  
Au surplus, la recourante ne fait état d'aucune autre mesure de substitution propre à parer le risque de fuite. 
 
5.  
La recourante invoque enfin une violation du principe de la proportionnalité. Elle se plaint également dans ce contexte d'une violation de son droit d'être entendue, reprochant à la cour cantonale d'avoir insuffisamment motivé sa décision quant à cet aspect. 
 
5.1.  
 
5.1.1. Le principe de la proportionnalité postule que toute personne qui est mise en détention avant jugement a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale ( art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH). Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée du droit à la liberté personnelle, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention provisoire dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre ( art. 212 al. 3 CPP ; ATF 143 IV 168 consid. 5.1).  
 
5.1.2. Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention avant jugement aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l' art. 51 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.1; arrêt 7B_933/2023 du 14 décembre 2023 consid. 2.2.1 et l'arrêt cité).  
Afin d'éviter d'empiéter sur les compétences du juge du fond, le juge de la détention ne tient en principe pas compte de la possibilité éventuelle de l'octroi, par l'autorité de jugement, d'un sursis ou d'un sursis partiel, ni de la possibilité d'une libération conditionnelle au sens de l' art. 86 al. 1 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.4; 143 IV 168 consid. 5.1), à moins que son octroi apparaisse d'emblée évident (ATF 143 IV 160 consid. 4.2; arrêts 7B_933/2023 du 14 décembre 2023 consid. 2.2.1; 1B_233/2023 du 5 juin 2023 consid. 4.1). En outre, pour examiner si la durée de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté s'approche de la peine à laquelle il faut s'attendre en cas de condamnation et ainsi respecter le principe de la proportionnalité, il appartient au juge de la détention de tenir compte de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce. Dans ce contexte, le seul fait que la durée de la détention avant jugement dépasserait les trois quarts de la peine prévisible n'est pas décisif en tant que tel (ATF 145 IV 179 consid. 3.5; arrêt 7B_933/2023 du 14 décembre 2023 consid. 2.2.1). 
 
5.1.3. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 29 al. 2 Cst. , 6 par. 1 CEDH et 3 al. 2 let. c CPP, implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et afin que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision (ATF 146 II 335 consid 5.1; 143 III 65 consid. 5.2; 139 IV 179 consid. 2.2), de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 141 IV 249 consid. 1.3.1; 139 IV 179 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2; 139 IV 179 consid. 2.2). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1).  
 
5.2. En l'espèce, la cour cantonale a estimé que la détention extraditionnelle et provisoire subie depuis le 8 janvier 2023 n'excédait pas la peine concrètement encourue par la recourante (cf. art. 212 al. 3 CPP ) si elle était reconnue coupable des infractions qui lui étaient reprochées (cf. arrêt attaqué, consid. 6 p. 13).  
 
5.3.  
 
5.3.1. Une telle motivation, même brève, permet de comprendre le raisonnement de la cour cantonale. Il apparaît en effet clairement que, par les termes utilisés, les juges cantonaux entendaient faire référence à la teneur de l' art. 182 al. 2 CP , réprimant notamment la traite d'êtres humains par métier, infraction pour laquelle le législateur a prévu une peine privative de liberté d'un an au moins. On rappellera du reste que la recourante est également prévenue de blanchiment d'argent, soit d'une infraction passible d'une peine privative de liberté de 3 ans au plus ou d'une peine pécuniaire ( art. 305bis ch. 1 CP ).  
La recourante ne prétendant par ailleurs pas avoir été empêchée d'entreprendre utilement ce raisonnement, c'est en vain qu'elle se prévaut d'une violation de son droit d'être entendue. 
 
5.3.2. Pour le surplus, il n'y a rien d'évident à considérer que, comme la recourante le soutient, l'autorité de jugement appréciera les faits sous le prisme de sa soumission totale à l'égard de son défunt époux ni a fortiori qu'au regard de ce contexte, elle l'exemptera de toute peine ou lui infligera une peine réduite.  
Il ne saurait non plus être fait abstraction du fait que le fils de la recourante a pour sa part été condamné - en raison des mêmes infractions et pour avoir agi de concert avec sa mère - à une peine privative de liberté de 30 mois, avec sursis partiel portant sur 15 mois. 
 
5.3.3. Pour autant, comme cela a été déjà observé ci-avant (cf. consid. 3.4.3 supra), il appartiendra au Ministère public, s'il entend requérir la prolongation de la détention provisoire au-delà du 2 février 2024, de décrire avec plus de précision les charges pesant actuellement sur la recourante.  
Cet aspect se révèle en effet tout aussi important au moment de déterminer si la détention provisoire demeure conforme au principe de la proportionnalité. 
 
6.  
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. 
La recourante a demandé l'assistance judiciaire (cf. art. 64 al. 1 LTF ). Les conditions y relatives étant réunies, il y a lieu d'admettre cette requête et de désigner Me Magali Buser en tant qu'avocate d'office pour la procédure fédérale et de lui allouer une indemnité à titre d'honoraires, qui sera supportée par la caisse du Tribunal fédéral ( art. 64 al. 2 LTF ). La recourante est toutefois rendue attentive à son obligation de rembourser la caisse du Tribunal fédéral si elle retrouve ultérieurement une situation financière lui permettant de le faire (cf. art. 64 al. 4 LTF ). Il ne sera pas perçu de frais judiciaires ( art. 64 al. 1 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable. 
 
2.  
La requête d'assistance judiciaire est admise. 
 
2.1. Me Magali Buser est désignée comme avocate d'office de la recourante et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.  
 
2.2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.  
 
3.  
Le présent arrêt est communiqué à la recourante, au Ministère public de la République et canton de Genève, à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève et au Tribunal des mesures de contrainte de la République et canton de Genève. 
 
 
Lausanne, le 11 janvier 2024 
 
Au nom de la IIe Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Président : Abrecht 
 
Le Greffier : Tinguely 


Synthèse
Formation : Iie cour de droit pénal  
Numéro d'arrêt : 7B_1000/2023
Date de la décision : 11/01/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2024
Fonds documentaire ?: www.bger.ch
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2024-01-11;7b.1000.2023 ?

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