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21/07/2022 | SUISSE | N°6B_752/2022

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral, Cour de droit pénal  , Arrêt du 21 juillet 2022  , 6B 752/2022


 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_752/2022, 6B_761/2022  
 
 
Arrêt du 21 juillet 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
6B_752/2022 
A.________, 
représenté par Me Olivier Peter, avocat, 
recourant 1, 
 
et 
 
6B_761/2022 
B.________, 
représenté par Me Léna

Laghzaoui, avocate, 
recourant 2, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Entrave aux services d'int...

 
Bundesgericht 
Tribunal fédéral 
Tribunale federale 
Tribunal federal 
 
 
 
 
6B_752/2022, 6B_761/2022  
 
 
Arrêt du 21 juillet 2022  
 
Cour de droit pénal  
 
Composition 
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Juge présidant, van de Graaf et Hurni. 
Greffière : Mme Kistler Vianin. 
 
Participants à la procédure 
6B_752/2022 
A.________, 
représenté par Me Olivier Peter, avocat, 
recourant 1, 
 
et 
 
6B_761/2022 
B.________, 
représenté par Me Léna Laghzaoui, avocate, 
recourant 2, 
 
contre  
 
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD, 
intimé. 
 
Objet 
Entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel, contravention à la Loi vaudoise sur les contraventions; procédure écrite 
( art. 406 al. 1 CPP ), 
 
recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 7 avril 2022 
(n° 160 PE19.025122-STL). 
 
 
Faits :  
 
A.  
Par jugement du 17 novembre 2021, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné A.________, pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions, à une peine pécuniaire de vingt jours-amende à 50 fr. le jour-amende et à une amende de 200 francs. Il a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire, a imparti à A.________ un délai d'épreuve de deux ans et dit qu'en cas de non-paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de deux jours. 
 
Par le même jugement, il a condamné B.________, pour entrave aux services d'intérêt général et contravention à la loi vaudoise sur les contraventions, à une peine pécuniaire de dix jours-amende à 30 fr. le jour-amende et à une amende de 200 francs. Il a suspendu l'exécution de la peine pécuniaire, a imparti à B.________ un délai d'épreuve de deux ans et dit qu'en cas de non-paiement fautif de l'amende, la peine privative de liberté de substitution serait de deux jours. 
 
B.  
Par jugement du 7 avril 2022, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les appels formés par A.________ et B.________ contre le jugement du 17 novembre 2021, qu'elle a confirmé. 
En résumé, elle a retenu les faits suivants: 
 
B.a. A U.________, rue V.________, le 14 décembre 2019, entre 10 h 05 et 15 h 55, sans avoir obtenu d'autorisation préalable pour se réunir au lieu en question, des manifestants, au nombre desquels figuraient A.________ et B.________, se sont assis sur les voies de circulation afin de bloquer le trafic sur cet axe par leur présence. Le trafic, notamment des véhicules d'urgence (police, pompiers et ambulances) et des bus, a dû être dévié sur des artères attenantes. Les forces de l'ordre ont dans un premier temps demandé aux manifestants de quitter les lieux de leur propre chef. Cette requête ayant été ignorée, les agents de police ont dû évacuer par la force les manifestants un par un.  
 
 
B.b. Né à U.________ en 1954, A.________ est titulaire d'une licence en histoire. Il a effectué toute sa carrière au sein de C.________ en qualité d'historien et archiviste. Désormais retraité, il est veuf et père de trois enfants adultes, financièrement indépendants. Son casier judiciaire suisse ne comporte aucune inscription.  
 
Né à W.________ en 1986, B.________ a effectué toutes ses études en Suisse. Il est actuellement doctorant à la Faculté des Lettres de l'Université de U.________, dans le but d'obtenir un doctorat en littérature. Parallèlement à cette activité, qui n'est pas rémunérée, il travaille à 30 % au gymnase de X.________ comme enseignant en philosophie. Son casier judiciaire suisse comporte une inscription pour délit contre la loi fédérale sur la protection de la population et sur la protection civile. 
 
B.c. Dans sa déclaration d'appel qu'il a motivée, A.________ a conclu à son acquittement de tous les chefs d'accusation et indiqué que son appel portait sur le jugement attaqué dans son ensemble. Il a formulé des réquisitions de preuve, en particulier la production des dossiers en mains de la Municipalité de U.________ et de la Police municipale de U.________; il soutenait, en particulier, que la manifestation avait été annoncée aux autorités par les organisateurs et qu'elle ne présentait aucun risque pour la sécurité publique. B.________ a également conclu à son acquittement et a aussi indiqué faire appel de l'ensemble du jugement entrepris. Il contestait la partie en fait du jugement attaqué dans son intégralité et requerrait la production de dossiers en mains des autorités et l'audition d'un témoin de moralité. Le Président de la Cour d'appel pénale vaudoise a informé les appelants que les appels seraient d'office traités en procédure écrite ( art. 406 al. 1 CPP ) et leur a imparti un délai pour déposer un mémoire motivé ( art. 406 al. 3 CPP ). Les appelants ont requis que leurs appels soient traités en procédure orale. Dans leur mémoire d'appel, ils ont maintenu leurs conclusions et ont à nouveau demandé qu'il soit ordonné la tenue d'un procès public.  
 
C.  
Contre le jugement cantonal du 7 avril 2022, A.________ dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Principalement, il conclut à la constatation d'une violation du droit à un procès équitable (art. 6 § 1 et 3 let. a CEDH ), à la constatation d'une violation du droit à la liberté de réunion pacifique ( art. 11 CEDH ), à l'annulation du jugement attaqué et au classement de la procédure. Subsidiairement, il requiert son acquittement pour l'ensemble des infractions reprochées. Encore plus subsidiairement, il demande le renvoi de la procédure à la cour cantonale pour qu'elle ordonne la jonction de l'ensemble des recours dirigés contre les jugements rendus ou à rendre par la cour cantonale dans les procédures portant sur la manifestation du 14 décembre 2019, la tenue d'un procès public, la production des pièces requises et qu'elle rende une nouvelle décision dans le sens des considérants. 
 
B.________ dépose également un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il conclut, principalement, à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision. A titre subsidiaire, il requiert l'annulation du jugement attaqué, la suspension de la présente procédure jusqu'au dépôt de l'ensemble des recours dirigés contre les jugements rendus, ou à rendre, par la cour cantonale, dans les procédures portant sur la manifestation pacifique du 14 décembre 2019, la jonction de la présente cause avec l'ensemble des procédures de recours dans les procédures portant sur ladite manifestation et la réforme du jugement attaqué en ce sens qu'il est acquitté. En tout état de cause, il demande que soient constatées une violation de la légalité des peines (art. 7 § 1 CEDH ), une violation du droit à un procès équitable (art. 6 § 1 CEDH ), une violation de la présomption d'innocence (art. 6 § 2 CEDH ), une violation de la liberté d'expression (art. 10 § 1 CEDH ) et une violation de la liberté de réunion et d'association (art. 11 § 1 CEDH ). Enfin, il sollicite l'assistance judiciaire. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
Les deux recours, dirigés contre le même jugement, concernent le même complexe de faits et portent dans une large mesure sur les mêmes questions de droit. Il se justifie de les joindre et de statuer par une seule décision ( art. 71 LTF et 24 PCF). 
 
2.  
Dénonçant une violation de l' art. 406 al. 1 CPP et des art. 30 al. 3 Cst. et 6 § 1 CEDH , les recourants 1 et 2 font grief à la cour cantonale de ne pas avoir tenu de débats. 
 
2.1. La procédure d'appel est réglée par les art. 403 ss CPP . En principe, elle est orale et publique et se déroule selon les dispositions applicables aux débats de première instance (cf. art. 69 al. 1 et 405 CPP ; ATF 139 IV 290 consid. 1.1 p. 291). Elle peut toutefois se dérouler selon une procédure écrite dans les cas visés à l' art. 406 al. 1 et 2 CPP . Cette disposition énumère exhaustivement les cas dans lesquels la juridiction d'appel peut traiter l'appel en procédure écrite. Ces cas sont soumis à des conditions strictes et la procédure d'appel écrite doit demeurer l'exception (ATF 147 IV 127 consid. 2.2.1 p. 131; 143 IV 483 consid. 2.1.1 p. 484; 139 IV 290 consid. 1.2 p. 292).  
 
En particulier, l' art. 406 al. 1 let. a CPP prévoit que la juridiction d'appel peut traiter l'appel en procédure écrite si seuls des points de droit doivent être tranchés ( art. 406 al. 1 let. a CPP ). Il en découle que des débats doivent être tenus dès qu'une question de fait est litigieuse, sous réserve de l'accord des parties avec la procédure écrite (cf. art. 406 al. 2 CPP ). La procédure ne peut pas être écrite si des preuves doivent encore être administrées (ATF 139 IV 290 consid. 1 p. 292). La remise en cause du jugement dans son ensemble implique une contestation tant des faits que du droit. Comme l'appelant n'est pas tenu de motiver sa déclaration d'appel (cf. art. 399 al. 3 CPP ), le fait de conclure à l'acquittement suffit pour considérer qu'il remet potentiellement en cause les faits et, par conséquent, pour interdire la procédure écrite (ATF 139 IV 290 consid. 1.3 p. 293). 
 
2.2. En résumé, la cour cantonale a retenu que les recourants ne faisaient valoir ni dans leur déclaration d'appel motivée, ni dans leur mémoire écrit une constatation incomplète ou erronée des faits selon l' art. 398 al. 3 let. b CPP et qu'ils ne contestaient pas leur participation aux faits incriminés. Ils avaient en particulier admis ne pas avoir obtempéré aux injonctions de la police leur enjoignant de quitter les lieux. La cour cantonale a conclu que les faits n'étaient pas contestés, mais que seuls des points de droit devaient être tranchés. En conséquence, elle a ordonné une procédure écrite en application de l' art. 406 al. 1 let. a CPP (jugement attaqué p. 9).  
 
2.3. Dans leur déclaration d'appel, les recourants critiquaient le jugement de première instance dans son ensemble et concluaient à leur acquittement. Certes, ils ne contestaient pas leur participation à la manifestation litigieuse et ne faisaient pas valoir une constatation incomplète ou erronée des faits selon l' art. 398 al. 3 let. b CPP . En concluant à leur acquittement, ils remettaient toutefois potentiellement en cause les faits, ce qui excluait déjà la procédure écrite (cf. ATF 139 IV 290 consid. 1.3 p. 294). En relation avec la connaissance et le comportement des autorités municipales, ils requerraient en outre également la production des dossiers de la Municipalité de U.________ et de la Police municipale de U.________, ce qui impliquait de la part de la cour cantonale un examen des faits, avant de rejeter les réquisitions de preuve. Enfin, dans son mémoire d'appel motivé ( art. 406 al. 3 CPP ), le recourant 2 demandait une exemption de peine ou l'atténuation de celle-ci, ce qui devait entraîner un examen de sa situation personnelle.  
 
Dès lors, les questions qui se posaient à la cour cantonale relevaient également des faits, et non exclusivement du droit. La cour cantonale a donc violé l' art. 406 al. 1 let. a CPP en traitant les appels en procédure écrite. Les recourants 1 et 2 n'ont pour le surplus pas donné leur accord à une procédure écrite, puisqu'ils ont requis à plusieurs reprises la tenue de débats; l'application de l' art. 406 al. 2 CPP n'entre donc pas en considération. Les griefs tirés de la violation de l' art. 406 CPP doivent en conséquence être admis, le jugement attaqué doit être annulé sur ce point et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement, étant précisé que des débats devront être tenus. Au vu du sort du recours, les autres griefs des recourants deviennent sans objet. 
 
3.  
Les recours doivent être admis, le jugement attaqué doit être annulé et la cause doit être renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
 
ll peut être procédé au renvoi sans ordonner préalablement un échange d'écritures. En effet, vu la nature procédurale du vice examiné, le Tribunal fédéral n'a pas traité la cause sur le fond et n'a ainsi pas préjugé de l'issue de la cause (cf. ATF 133 IV 293 consid. 3.4.2 p. 296; arrêt 6B_248/2019 du 29 mars 2019 consid. 3). 
Les recourants obtiennent gain de cause. Ils ne supportent pas de frais (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF). Ils peuvent prétendre à de pleins dépens ( art. 68 al. 1 LTF ). La requête d'assistance judiciaire et la demande de suspension du recourant 2 sont sans objet ( art. 64 al. 2 LTF ). 
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.  
Les causes 6B_752/2022 et 6B_761/2022 sont jointes. 
 
2.  
Les recours sont admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle instruction et nouveau jugement. 
 
3.  
Il n'est pas perçu de frais judiciaires. 
 
4.  
Le canton de Vaud versera au conseil de B.________ une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
5.  
Le canton de Vaud versera au conseil de A.________ une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral. 
 
6.  
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud. 
 
 
Lausanne, le 21 juillet 2022 
 
Au nom de la Cour de droit pénal 
du Tribunal fédéral suisse 
 
Le Juge présidant : Denys 
 
La Greffière : Kistler Vianin 



Références :

Origine de la décision
Formation : Cour de droit pénal  
Date de la décision : 21/07/2022
Date de l'import : 26/02/2023

Fonds documentaire ?: www.bger.ch


Numérotation
Numéro d'arrêt : 6B_752/2022
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2022-07-21;6b.752.2022 ?

Source

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