Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C_41/2013
Arrêt du 24 avril 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Arn.
Participants à la procédure
A.________,
recourant,
contre
Commune de Rossens, route du Jordil 10, 1728 Rossens,
Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions du canton de Fribourg, rue des Chanoines 17, 1700 Fribourg.
Objet
Aménagement du territoire et constructions,
recours contre la décision du Président de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 10 décembre 2012.
Faits:
A.
Dans le courant de l'année 2005, la Commune de Rossens (Fribourg) a entrepris la révision de son plan d'aménagement local (ci-après: PAL), en vue notamment de développer une nouvelle zone à bâtir sur des fonds communaux. Dans ce contexte, B.________ et C.________, propriétaires d'un domaine agricole qu'ils exploitent avec leur père A.________ sur le territoire de la Commune, ont proposé à cette dernière de procéder à un échange de terrains; cette opération avait pour but d'assurer la survie de l'exploitation agricole et de faciliter la révision du PAL; la Commune a refusé cette proposition.
Ensuite d'une mise à l'enquête publique qui n'a pas suscité l'opposition de A.________, la révision générale du PAL a été adoptée par le Conseil communal de Rossens le 13 décembre 2010. Après avoir formé en vain opposition au PAL, B.________ et C.________ ont, entre autres personnes mais à l'exclusion de leur père, interjeté un recours contre cette décision auprès de la Direction fribourgeoise de l'aménagement, de l'environnement et des constructions (ci-après: DAEC). Par décision du 27 juin 2012, la DAEC a rejeté tous ces recours.
B.________ et C.________ ont renoncé à saisir le Tribunal cantonal d'un recours contre cette décision. Quant au recours formé par A.________ auprès du Tribunal cantonal, il a été déclaré manifestement irrecevable par décision du Président de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du 10 décembre 2012 au motif principal que le recourant n'avait pas épuisé les voies de recours préalables.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Président du Tribunal cantonal et celle de la DAEC et de renvoyer la cause à la Commune pour réexamen du PAL. Le Président du Tribunal cantonal, la Commune et la DAEC concluent au rejet du recours. A.________ a répliqué.
Considérant en droit:
1.
La décision entreprise, en tant qu'elle déclare irrecevable le recours cantonal du recourant, met un terme à la procédure et constitue ainsi une décision finale ( art. 90 LTF ). Dirigé pour le surplus contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 lit. d LTF) dans le domaine du droit public des constructions (art. 82 lit. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF , aucune des exceptions prévues à l' art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant, auteur d'un recours déclaré irrecevable pour défaut de qualité pour recourir est habilité à contester la décision cantonale d'irrecevabilité par un recours en matière de droit public ( art. 89 al. 1 LTF ; cf. ATF 131 II 497 consid. 1 et les références). Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière.
2.
L'objet du présent litige est limité à la question de savoir si, sans violer le droit fédéral ou consacrer d'application arbitraire du droit cantonal, l'autorité précédente pouvait déclarer irrecevable le recours cantonal du recourant. Par conséquent, sont irrecevables les conclusions du recourant tendant à ce que la décision de la DAEC soit annulée et que le PAL soit réexaminé par l'autorité communale dans le sens des considérants.
2.1 La cour cantonale a retenu que, en vertu du droit fribourgeois, quiconque est touché par les plans d'affectation de zone ou leur réglementation et a un intérêt digne de protection à ce qu'ils soient annulés ou modifiés peut faire opposition, par dépôt d'un mémoire motivé auprès du secrétariat communal ou de la préfecture, pendant la durée de l'enquête publique (art. 84 al. 1 de la loi fribourgeoise du 2 décembre 2008 sur l'aménagement du territoire et les constructions; RS/FR 710.1; LATeC). En outre, selon l'art. 88 LATeC, les décisions communales sur les oppositions peuvent faire l'objet d'un recours à la Direction (al. 1), les décisions de cette dernière étant sujettes à un recours devant le Tribunal cantonal (al. 3). Enfin, à teneur de l'art. 118 du Code fribourgeois du 23 mai 1991 de procédure et de juridiction administrative (RS/FR 150.1; CPJA), le recours auprès d'une autorité supérieure n'est recevable qu'après épuisement des voies préalables de réclamation ou de recours.
Après avoir posé que ces dispositions étaient conformes au droit fédéral, la cour cantonale a constaté que le recourant connaissait l'existence de la procédure de modification du PAL pour les motifs suivants: le dossier de révision avait été mis à l'enquête publique par avis dans la Feuille officielle du canton de Fribourg; le recourant avait lui-même participé régulièrement aux séances de l'assemblée communale lors desquelles il avait été question de cette révision; les enfants du recourant avaient proposé à la Commune de procéder à un échange de terrains dès 2005, ce qu'il ne pouvait pas ignorer dès lors qu'il exploitait avec eux le domaine concerné. La cour cantonale en a déduit que le recourant aurait ainsi dû présenter lui-même ses moyens dès la procédure pendante devant la Commune et que, à défaut de l'avoir fait, il n'avait pas épuisé les voies de recours préalables de sorte qu'il ne disposait pas de la qualité pour recourir.
2.2 Le recourant fait d'abord valoir une violation du droit fédéral. A le suivre, une application correcte de l'art. 33 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (RS 700; LAT) aurait dû entraîner la reconnaissance de sa qualité pour recourir, dans la mesure où il est particulièrement atteint par la décision attaquée. Le recourant explique ensuite qu'il avait totale confiance en ses enfants, qui étaient les plus intéressés à la révision du plan d'aménagement, raison pour laquelle il avait renoncé à participer lui-même à la procédure d'opposition et de recours; dans la mesure cependant où ceux-ci avaient décidé "de guerre lasse, après plusieurs procédures, de ne plus agir en défendant leurs droits par le dépôt d'un recours", il n'avait plus eu d'autre solution que d'agir en son propre nom. Contrairement à ce que laissait entendre la cour cantonale, il avait ainsi agi de parfaite bonne foi.
Pour le surplus, le recourant expose avoir toujours un intérêt digne de protection: à cet égard, il se réfère à la convention du 30 juin 2000 entre son épouse et ses enfants au sujet du transfert de la propriété du domaine agricole et rappelle également qu'il demeure toujours formellement exploitant dudit domaine agricole.
2.3 En vertu de l' art. 33 al. 3 let. a LAT , la qualité pour recourir devant les autorités cantonales doit être reconnue au moins dans les mêmes limites que pour le recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. On exige ainsi du recourant qu'il ait pris part à la procédure devant l'autorité précédente - et que ses conclusions aient été rejetées en tout ou en partie - ou ait été privé de la possibilité de le faire ( art. 89 al. 1 let. a LTF ; ATF 136 II 281 consid. 2.2 p. 284). Cette condition de nature procédurale ("formelle Beschwer": ATF 133 II 249 consid. 1.3.1 p. 252) tire sa justification du principe de la bonne foi: la partie intéressée doit faire valoir ses moyens le plus tôt possible, au lieu d'attendre d'agir devant l'instance de recours pour lui soumettre pour la première fois des moyens qui n'avaient pas été examinés; la règle sert à assurer l'immutabilité du litige et reste cohérente avec le principe de l'épuisement des voies de recours préalables (cf. Moor/Poltier, Droit administratif, volume II: Les actes administratifs et leur contrôle, 3ème édition 2011, p. 752; Isabelle Häner, in Auer/Müller/Schindler, Kommentar zum VwVG, 2008, n. 7 ad art. 48 PA ). A cet égard, l'art. 118 CPJA auquel s'est référée l'autorité précédente est conforme à ces principes.
La cour cantonale a retenu que le recourant connaissait l'existence de la procédure de révision du plan d'aménagement. L'intéressé ne le conteste pas. Il expose en revanche avoir renoncé à agir lui-même, lors de la mise à l'enquête publique et de la procédure de recours auprès de la DAEC, car il préférait s'en remettre au jugement de deux de ses enfants, qui seraient les plus intéressés à la révision du plan d'aménagement. Ce faisant, le recourant a opéré un choix procédural qui ne s'accommode pas avec le régime décrit précédemment de l'épuisement des voies de droit (cf. Isabelle Häner, op. cit., n. 8 ad art. 48 PA ). En refusant d'entrer en matière sur le recours en question, la cour cantonale n'a ainsi pas violé le droit fédéral. Quant aux griefs liés à l'existence d'un éventuel intérêt digne de protection, ils n'ont pas à être examinés dans la mesure où l'absence de participation à la procédure devant l'instance précédente constitue, à côté des autres conditions de recevabilité, une condition cumulative nécessaire à la légitimation pour recourir (ATF 133 II 249 consid. 1.3 p. 252; Kiener/Rütsche/Kuhn, Öffentliches Verfahrensrecht, 2012, n. 1336).
3.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté. Le recourant, qui succombe, supporte les frais de la présente procédure ( art. 66 al. 1 LTF ). Des dépens n'ont pas lieu d'être alloués à la Commune qui a obtenu gain de cause dans l'exercice de ses attributions officielles ( art. 68 al. 3 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué au recourant, à la Commune de Rossens, à la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions et au Président de la IIe Cour administrative du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
Lausanne, le 24 avril 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Fonjallaz
La Greffière: Arn