Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B_48/2013
Arrêt du 19 février 2013
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Merkli, Juge présidant,
Karlen et Chaix.
Greffière: Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________, représenté par Me Coralie Germond, avocate,
recourant,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
Objet
Détention provisoire,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 17 janvier 2013.
Faits:
A.
A.________, ressortissant du Kosovo né en 1986, a été interpellé le 10 janvier 2013 et mis en prévention pour entrave à l'action pénale. Il lui est reproché d'avoir aidé son frère, B.________, prévenu de meurtre, à se soustraire à son arrestation. Arrêté le 1er novembre 2012, B.________ a reconnu avoir tué son beau-frère, C.________, le 29 octobre 2012.
Par ordonnance du 12 janvier 2013, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (Tmc) a ordonné la mise en détention provisoire de A.________ pour trois mois, en raison de charges suffisantes et d'un risque de collusion.
La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a confirmé cette décision sur recours du prévenu au terme d'un arrêt rendu le 17 janvier 2013 et notifié le 22 janvier 2013. Elle a considéré en substance qu'il existait un risque de collusion et que le principe de la proportionnalité était respecté.
B.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'ordonner sa libération immédiate. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause au Tribunal cantonal ou à l'autorité de première instance pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert en outre l'assistance judiciaire.
La Chambre des recours pénale se réfère aux considérants de son arrêt. Le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne conclut au rejet du recours, en précisant les mesures d'instruction qui vont être prises les 25 et 28 février 2013 et celles qui ont été prises depuis l'arrêt attaqué. Le recourant a répliqué par courrier du 15 février 2012.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière pénale ( art. 78 al. 1 LTF ) est en principe ouvert contre une décision relative au maintien en détention provisoire au sens des art. 212 ss CPP . Dès lors que l'acte de procédure litigieux ne met pas un terme à la procédure pénale (art. 90 s. LTF), il s'agit d'une décision incidente prise séparément au sens de l' art. 93 al. 1 LTF . La décision ordonnant la mise en détention provisoire du prévenu étant susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l' art. 93 al. 1 let. a LTF , elle peut faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et let. b ch. 1 LTF, l'accusé a qualité pour agir. Pour le surplus, le recours est formé en temps utile ( art. 100 al. 1 LTF ) contre une décision rendue en dernière instance cantonale ( art. 80 LTF ) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l' art. 107 al. 2 LTF .
2.
Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir violé son droit d'être entendu, en motivant insuffisamment l'arrêt attaqué.
2.1 Le droit d'être entendu garanti à l' art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, la motivation d'une décision est suffisante lorsque l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité ne doit toutefois pas se prononcer sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 137 II 266 consid. 3.2 p. 270; 136 I 229 consid. 5.2 p. 236).
Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1 publié in RDAF 2009 II p. 434 et les références).
2.2 En l'espèce, le recourant reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné un de ses griefs. L'instance précédente aurait omis de se prononcer sur le fait que le Tmc a justifié la détention provisoire "à tout le moins en partie par la nécessité d'investiguer sur la participation éventuelle du recourant au meurtre dont son frère est soupçonné, alors qu'en l'état il est prévenu uniquement d'entrave à l'action pénale".
Ce grief doit être d'emblée écarté. Si le Tribunal cantonal et le Tmc ont mentionné qu'il apparaissait "nécessaire de préciser le rôle exact joué par le recourant et de déterminer s'il [avait] aidé son frère à se soustraire à son arrestation ou s'il l'[avait] aidé d'une quelconque manière", ils ont justifié le maintien en détention préventive du prénommé uniquement sur l'existence d'indices de culpabilité quant à l'infraction d'entrave à l'action pénale (cf. infra consid. 4). La motivation de l'arrêt attaqué sur ce point est satisfaisante du point de vue du droit d'être entendu.
3.
Dans un second grief d'ordre formel, le recourant fait valoir une appréciation arbitraire des faits.
Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente ( art. 105 al. 1 LTF ). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l' art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2) - ou en violation du droit au sens de l' art. 95 LTF ( art. 105 al. 2 LTF ), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause ( art. 97 al. 1 LTF ). Le recourant qui entend contester les constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l' art. 105 al. 2 LTF sont réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).
Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir retenu qu'il "s'était entretenu à plusieurs reprises avec son frère durant sa cavale et qu'il devait dès lors savoir où se trouvait celui-ci". Cette critique est infondée dans la mesure où l'instance précédente a seulement constaté que "E.________ avait déclaré que le recourant savait que son frère allait se rendre chez lui à La Chaux-de-Fonds et que le recourant l'aurait appelé plus d'une fois en deuxième partie de journée du 29 octobre 2012 pour parler à B.________". Il ne ressort pas non plus de l'arrêt attaqué que B.________ aurait indiqué avoir informé son frère du lieu où il se trouvait ou que D.________ aurait déclaré avoir donné des informations au recourant sur la cache de B.________. Mal fondé, le grief doit être rejeté.
4.
Sur le fond, le recourant conteste l'existence de charges suffisantes à son encontre.
4.1 Une mesure de détention préventive n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale ( art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst. ), soit en l'espèce l' art. 221 CPP . Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité ( art. 36 al. 2 et 3 Cst. ). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP).
Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé ( art. 221 al. 1 CPP ; art. 5 par. 1 let . c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction. Il n'appartient cependant pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître vraisemblable après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 137 IV 122 consid. 3.2 p. 126 s.).
4.2 Le recourant prétend que hormis des preuves indirectes et des témoignages contradictoires et confus, rien au dossier ne permettrait de retenir qu'il aurait aidé son frère à se cacher ou qu'il aurait su où ce dernier se trouvait; de plus, même si les deux frères s'étaient entretenus à plusieurs reprises, cela ne prouverait pas encore que le recourant savait où se trouvait son frère.
Ces arguments ne suffisent pas à établir l'absence de charges à l'encontre du prévenu. En effet, il ressort des contrôles téléphoniques rétroactifs que les téléphones de A.________ et E.________ - qui habitait dans l'appartement dans lequel s'était caché B.________ - ont été en contact à plusieurs reprises le jour de l'homicide, alors qu'ils ne l'avaient jamais été avant le 25 octobre 2012. S'ajoute à cela le fait que le recourant et D.________ - qui a vu à plusieurs reprises B.________ pendant sa cavale - ont eu une quinzaines de connexions téléphoniques entre le 30 octobre 2012 et le 7 novembre 2012, alors qu'ils n'avaient jamais été en contact téléphoniquement auparavant. Enfin, le Tribunal cantonal a relevé des contradictions dans les déclarations du recourant.
Ces éléments constituent, au stade actuel de l'enquête, un faisceau d'indices suffisant pour justifier un maintien en détention du recourant, étant rappelé que c'est au juge du fond et non à celui de la détention qu'il incombera d'apprécier la culpabilité de l'intéressé ainsi que la valeur probante des différentes déclarations.
5.
Le recourant conteste également l'existence d'un risque de collusion.
5.1 Le maintien du prévenu en détention peut être justifié par l'intérêt public lié aux besoins de l'instruction en cours, par exemple lorsqu'il est à craindre que l'intéressé ne mette sa liberté à profit pour faire disparaître ou altérer les preuves, ou qu'il prenne contact avec des témoins ou d'autres prévenus pour tenter d'influencer leurs déclarations. L'autorité doit démontrer que les circonstances particulières de l'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de telles manoeuvres, propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 p. 127 s.; 132 I 21 consid. 3.2 p. 23 et les références).
5.2 En l'occurrence, le Tribunal cantonal a retenu que plusieurs contradictions entre les déclarations de A.________ et celles d'autres personnes impliquées dans l'affaire liée à l'homicide de C.________ ont été portées à l'attention du recourant lors de ses auditions des 10 et 11 janvier 2013. Ayant connaissance désormais de nombreux renseignements techniques obtenus au cours des investigations ainsi que des contradictions et des points faibles de sa version des faits, le prénommé pourrait influer sur les déclarations des personnes qui doivent être réentendues, afin qu'elles corroborent sa version des faits. En effet, le Ministère public a prévu différentes mesures d'instruction les 25 et 28 février 2013, soit des inspections locales, une reconstitution de l'homicide ainsi que de nouvelles auditions de toutes les personnes impliquées dans l'affaire. Le recourant a donc un intérêt à tenter d'entrer en contact avec celles-ci afin d'arranger leurs versions des faits pour leur donner un sens qui ne l'accable pas davantage. Le fait que les intéressés sont actuellement en détention n'exclut pas non plus que le recourant puisse faire pression sur eux. Cela peut en effet se produire par l'entremise de tierces personnes. Enfin, le fait que le prénommé aurait eu tout loisir de se livrer à des manoeuvres propres à entraver la recherche de la vérité pendant les deux mois durant lesquels il était en liberté ne suffit pas non plus à rendre inexistant le risque de collusion.
Sur le vu de ces éléments, le risque de collusion ne saurait, en l'état, être écarté. Il appartiendra cependant aux autorités compétentes de faire preuve de diligence pour administrer les moyens qui peuvent encore l'être et respecter de la sorte le principe de la proportionnalité (cf. infra consid. 6.2).
6.
Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de la proportionnalité, au motif que la durée de la détention provisoire serait excessive au regard de la peine qu'il encourt.
6.1 En vertu des art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH, toute personne qui est en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale. Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée de ce droit fondamental, qui est notamment violé lorsque la durée de la détention préventive dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre ( art. 212 al. 3 CPP ).
Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention préventive aussi long-temps qu'elle n'est pas très proche de la durée de peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation (ATF 133 I 168 consid. 4.1 p. 170 et les références). A moins que celui-ci soit d'emblée évident, il n'y a pas lieu de prendre en compte un éventuel sursis (cf. ATF 133 I 270 consid. 3.4.2 p. 282).
6.2 En l'espèce, la durée de la détention provisoire subie par le recourant atteignait un peu plus d'une semaine au moment où la décision attaquée a été rendue. Si le recourant est reconnu coupable d'entrave à l'action pénale, la peine privative de liberté encourue est de trois ans au plus ( art. 305 al. 1 CP ). L'absence d'antécédents judiciaires ne permet pas d'emblée d'affirmer que la peine sera assortie du sursis. Pour le reste, il appartiendra au juge du fond d'examiner si une exemption de peine au sens de l' art. 305 al. 2 CP devra éventuellement être prise en compte.
En l'état, il y a donc lieu de considérer que la durée de la détention préventive déjà subie est encore compatible avec la peine privative de liberté à laquelle l'inculpé est exposé concrètement en cas de condamnation, de sorte que le Tribunal cantonal a correctement nié une violation du principe de la proportionnalité. Les autorités cantonales devront toutefois faire en sorte que l'instruction portant sur l'entrave à l'action pénale touche rapidement à sa fin en ce qui concerne le recourant.
7.
Il s'ensuit que le recours doit être rejeté. Dès lors que le recourant est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée ( art. 64 al. 1 LTF ). Le recourant requiert la désignation de Me Coralie Germond en qualité d'avocate d'office. Il y a lieu de faire droit à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocate, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral ( art. 64 al. 2 LTF ). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires ( art. 64 al. 1 LTF ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
La demande d'assistance judiciaire est admise. Me Coralie Germond est désignée comme avocate d'office du recourant et ses honoraires, supportés par la caisse du Tribunal fédéral, sont fixés à 1'500 francs.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué à la mandataire du recourant, au Ministère public central et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
Lausanne, le 19 février 2013
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant: Merkli
La Greffière: Tornay Schaller