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18/08/2016 | SéNéGAL | N°157

Sénégal | Sénégal, Cour suprême, Chambre criminelle, 18 août 2016, 157


Texte (pseudonymisé)
ARRÊT N° 157 DU 18 AOÛT 2016

Mme Ac ET AUTRES
c/
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE DAKAR
ET ÉTAT DU SÉNÉGAL


DÉTOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS – INFRACTIONS ASSIMILÉES – ESCROQUERIE PORTANT SUR DES DENIERS PUBLICS – RÉPRESSION – BÉNÉFICE DES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES OU DU SURSIS – CONDITIONS – DÉTERMINATION

Aux termes des articles 154, alinéa 2 et 155, alinéas 1 et 2 du code pénal, d’une part,
« la confiscation de tous les biens du condamné sera obligatoirement prononcée …/… lorsque les sommes ou objets dét

ournés ou soustraits n’auront pas été remboursés ou restitués en totalité au moment du jugement », d’autre part, le bénéfic...

ARRÊT N° 157 DU 18 AOÛT 2016

Mme Ac ET AUTRES
c/
PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE DAKAR
ET ÉTAT DU SÉNÉGAL

DÉTOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS – INFRACTIONS ASSIMILÉES – ESCROQUERIE PORTANT SUR DES DENIERS PUBLICS – RÉPRESSION – BÉNÉFICE DES CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES OU DU SURSIS – CONDITIONS – DÉTERMINATION

Aux termes des articles 154, alinéa 2 et 155, alinéas 1 et 2 du code pénal, d’une part,
« la confiscation de tous les biens du condamné sera obligatoirement prononcée …/… lorsque les sommes ou objets détournés ou soustraits n’auront pas été remboursés ou restitués en totalité au moment du jugement », d’autre part, le bénéfice des circonstances atténuantes ne peut être reconnu au prévenu poursuivi pour cette infraction que s’il a restitué ou remboursé avant jugement le tiers au moins de la valeur détournée ou soustraite et, enfin, que le sursis ne peut être accordé qu’en cas de restitution ou de remboursement avant jugement des trois quart (¾) de ladite valeur.
A méconnu le sens de ces dispositions, une cour d’appel qui, pour déclarer un prévenu coupable d’escroquerie portant sur des deniers publics et le condamner à un emprisonnement assorti du sursis et une amende ferme, s’est abstenue d’ordonner la confiscation de ses biens, aux motifs « que ni les débats d’audience, ni les organes de contrôle des marchés publics n’ont permis de conclure à une somme précise qui établirait le non-respect de ses obligations contractuelles et aucune décision d’une juridiction administrative allant dans ce sens n’a également été produite ; que, l’escroquerie portant sur les deniers publics à lui reprochée est prévue par l’article 153 du code pénal lequel, dans son alinéa premier, (lequel) renvoie, pour les peines prévues, à l’article 152 du même code, à savoir, s’il s’agit d’un simple particulier, d’un emprisonnement d’un à cinq ans », alors que, d’une part, elle a relevé « qu’il (lui) est reproché un montant de vingt milliards six cent quatre vingt huit millions six cent trente huit mille neuf cent soixante sept (20 688 638 967) francs CFA » et d’autre part, elle n’a constaté aucune restitution, ni aucun remboursement, sur ce montant.

La Cour suprême,

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

1. Sur la constitution des conseils de Mme Ac :

Attendu que la requête aux fins de pourvoi de Mme Ac en date du 26 avril 2016 est signée par Maîtres DN, ES, DB, AK, EN, MD et MN, avocats à la cour ;

Que, cependant, seul Maître DN dispose du pouvoir spécial exigé en matière pénale par l’article 59 alinéa 3 de la loi organique susvisée ;

Qu’il s’ensuit que sa constitution étant la seule régulière, les autres conseils doivent être écartés de la procédure pour défaut de pouvoir spécial ;

2. Sur la recevabilité du pourvoi de l’agent judiciaire de l’Etat du Sénégal

Attendu qu’il résulte de l’examen du dossier de la procédure que l’agent judiciaire de l’État n’a pas interjeté appel contre le jugement du tribunal de grande instance hors classe de Dakar en date du 28 mai 2015 ;

Que ce constat ressort des mentions de l’arrêt qui vise le seul appel du ministère public, suivant acte du greffe en date du 29 mai 2015 (cf. arrêt pages 3 sur les visas et 21 sur les intérêts civils) ;

Qu’ainsi, l’agent judiciaire de l’État, n’étant pas appelant, n’a pas qualité à se pourvoir contre la décision rendue par la cour d’appel de Dakar ;

Que son pourvoi est irrecevable ;

3. Sur le pourvoi du Procureur général

A. Sur l’irrecevabilité et la déchéance

a) L’irrecevabilité du pourvoi du Procureur général

Attendu que dans leurs mémoires en défense, Mme Ac, M.Y et M.Z ont soulevé plusieurs griefs d’irrecevabilité contre le pourvoi du Procureur général ;

1) Les griefs d’irrecevabilité soulevés par Mme Ac

Attendu que ces griefs portent sur la violation des articles :

- 63-1 de la loi organique susvisée pour signification tardive du pourvoi aux parties adverses ;

- 35 de la loi organique pour défaut d’indication du domicile des parties ;

- 34 de la loi organique pour pourvoi formé par un substitut qui ne fait pas partie des personnes qualifiées à cet effet ;

- 35-1 de la loi organique pour non-indication de la partie critiquée de la décision attaquée dans sa requête ;

A Sur la signification du pourvoi à la partie adverse

Attendu qu’aux termes de l’article 63 alinéa 1 de la loi organique susvisée, « le recours en cassation exercé en matière pénale, soit par la partie civile, soit par le civilement responsable, soit par le ministère public doit, outre l’inscription énoncée dans l’article 59, être notifié à la partie contre laquelle il est dirigé, dans le délai de trois jours lorsque celle-ci est en détention, et lorsqu’elle est en liberté, le demandeur en cassation lui signifie son recours par le ministère d’un huissier soit à personne ou à domicile, soit au
domicile élu ; le délai ci-dessus sera, en ce cas, augmenté d’un jour pour chaque distance de 100 kilomètres » ;

Attendu que la déclaration de pourvoi du Procureur général a été signifiée à M.Z, M.Y et M.N par actes des 20 et 27 avril 2016 et à Mme Ac par acte du 7 avril 2016 ;

Que la signification faite aux trois premiers nommés est hors délai alors que celle de Mme Ac est régulière pour avoir été faite deux jours après la déclaration de pourvoi du Procureur général, le 5 avril 2016 ;

Qu’il s’ensuit que Mme Ac, n’ayant subi aucun préjudice personnel de ce fait, ne saurait se prévaloir de l’irrégularité commise à l’endroit de ses co-prévenus M.Y, M.Z et M.N ;

Attendu que s’agissant de ces derniers, il y a lieu de retenir que l’irrégularité invoquée est couverte par la production d’un mémoire en défense ;

A Sur l’absence d’indication du domicile du Procureur général et de celui de l’État du Sénégal

Attendu que la requête de pourvoi du Procureur général mentionne
« le Procureur général, près la cour d’appel de Dakar » ; que le domicile légal de celui-ci se trouve fixé au siège de la juridiction où il officie, en l’espèce la cour d’appel de Dakar ;

Qu’il y a lieu de préciser que, le domicile des parties visées dans l’article 35 est, outre, celui du requérant, ceux des parties adverses du requérant au pourvoi, en l’occurrence, M.Y, M.Z , M.N et Mme Ac ; que le domicile de chacun d’eux est bien mentionné dans la requête du Procureur général ;

Que s’agissant de l’agent judiciaire de l’Etat, sa requête ayant été déclarée irrecevable, la critique portant sur l’absence d’indication de son domicile est sans effet ;

Que le grief manque en fait ;

A Sur le défaut de qualité du substitut général pour initier un pourvoi en cassation

Attendu que Mme Ac fait observer que le substitut général ne figure pas dans la liste des personnes énumérées à l’article 34 de la loi organique et qui sont qualifiées pour exercer un pourvoi en cassation ; qu’elle en infère que le pourvoi du Procureur général est irrecevable ;

Attendu, cependant, que l’article 58 de la loi organique en vertu duquel
« le ministère public et toutes les parties en cause ont 6 jours après celui du prononcé pour se pourvoir en cassation » autorise, en sus du principe de l’indivisibilité du ministère public, les magistrats placés sous l’autorité hiérarchique du Procureur général, à agir en lieu et place de celui-ci dans l’exercice du droit de se pourvoir en cassation ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la non-indication de la partie critiquée de la décision attaquée

Attendu que Mme Ac fait grief à la requête du Procureur général d’être irrecevable pour avoir méconnu les dispositions de l’article 35-1 de la loi organique qui lui imposent d’indiquer la partie critiquée de l’arrêt attaqué ;

Attendu, toutefois, que la recevabilité de la requête ne se confond pas avec celle des moyens qu’elle contient ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

2) Les griefs d’irrecevabilité soulevés par M.Y

Attendu que M.Y a invoqué l’irrecevabilité de la requête du Procureur général pour signification tardive de celle-ci en violation de l’article 63-1 de la loi organique ;

Attendu, cependant, que l’irrégularité invoquée est couverte par la production d’un mémoire en défense ;

Qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité n’est pas encourue ;

3) Les griefs d’irrecevabilité soulevés par M.Z

Attendu que M.Z a soulevé plusieurs griefs d’irrecevabilité contre la requête de pourvoi du Procureur général ;

A Sur la signification hors délai de la requête de pourvoi du Procureur général

Attendu que M.Z conclut à l’irrecevabilité du pourvoi du Procureur général au motif que la requête lui a été signifiée le 20 avril 2016, soit plus de trois jours après la déclaration de pourvoi du 5 avril 2016 ;

Attendu, cependant, que l’irrégularité invoquée est couverte par la production d’un mémoire en défense ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la violation de l’article 59 alinéa 4 de la loi organique

Attendu que M.Z fait grief à la requête de pourvoi du Procureur général de n’avoir pas mentionné la date de son dépôt au greffe de la Cour suprême ;

Attendu, cependant, que ladite requête a été déposée le 3 mai 2016 au greffe de la Cour ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la violation de l’article 2 de la loi organique

Attendu que M.Z reproche au Procureur général d’inviter la Cour, dans sa requête de pourvoi, à statuer sur le fond pour en inférer l’irrecevabilité de celle-ci ;

Mais attendu que les deux moyens articulés dans cette requête sont relatifs à des questions de droit en ce qu’ils portent sur la fausse interprétation de la loi (article 132 du code pénal) et la contrariété de motifs ;

D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la méconnaissance de l’article 35-1 de la loi organique « par la présentation d’une requête longue, prolixe, touffue et confuse »

Mais attendu que la requête incriminée s’est conformée aux dispositions de l’article 35-1 ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la méconnaissance de l’article 35-1 de la loi organique par la requête qui vise la contradiction de motifs alors que la critique doit porter sur un dispositif

Mais attendu que la contradiction de motifs est un cas d’ouverture à cassation admis ; qu’au surplus la recevabilité de la requête ne doit pas être confondue avec celle des moyens ;

D’où il suit que le grief n’est pas fondé ;

A Sur la violation de l’article 1-3 du code de procédure civile et de l’article 34 de la loi organique pour défaut de qualité à agir du Procureur général

Attendu, cependant, que l’indivisibilité du ministère public permet au substitut général de suppléer le Procureur général ;

Qu’au surplus, le Procureur général, agissant en sa qualité de défenseur de la société et de l’intérêt général et pas au nom de l’Etat, sa requête n’encourt pas en conséquence le reproche allégué ;

A Sur la violation de l’article 35-1 de la loi organique

Attendu que M.Z a soutenu que les moyens de la requête du Procureur général sont présentés en « une multitude de sous-branches diffuses, non différenciées et mélangées de fait et de droit pour conclure à l’irrecevabilité du pourvoi » ;

Attendu, toutefois, que la recevabilité de la requête ne se confond pas avec celle des moyens qu’elle contient ;

Qu’il s’ensuit que le grief n’est pas fondé ;

b) La déchéance du pourvoi du Procureur général

Attendu que Mme Ac soulève la déchéance du pourvoi du Procureur général en ce que, d’une part, la requête lui a été signifiée non accompagnée de l’expédition de la décision attaquée et d’autre part, le paiement des droits de timbre et d’enregistrement n’a pas été effectué ;

Mais attendu que le Procureur général n’est pas assujetti au paiement des droits de timbre et d’enregistrement ni aux dépens ; que pour le surplus la production d’un mémoire en défense purge les vices découlant de l’irrégularité invoquée ;

D’où il suit qu’aucune déchéance n’est encourue ;

Attendu que selon l’arrêt attaqué, le tribunal correctionnel de Dakar a renvoyé Mme Ac, M.Y, M.Z et M.N des fins de la poursuite des chefs de détournement de deniers publics contre le deuxième, complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics, et complicité de faux et usage de faux en écritures publiques et privées contre les troisième et quatrième, escroquerie portant sur les deniers publics, faux et usage de faux en écritures publiques et privées et exercice illégal du commerce par un fonctionnaire contre la première, débouté l’Etat de toutes ses demandes et ordonné la mainlevée des saisies pratiquées sur les biens de Mme Ac et la restitution après expertise de leur valeur vénale au moment des saisies à la date du dépôt du rapport de l’expert désigné ;

Que par l’arrêt partiellement infirmatif, la cour d’appel de Dakar a :

- rejeté les exceptions tirées de l’irrecevabilité de l’appel du ministère public ;

- relaxé Mme Ac du chef d’exercice illégal du commerce par un fonctionnaire et de faux dans un document administratif ;

- déclaré Mme Ac coupable d’escroquerie portant sur des deniers publics sur le fondement de l’article 153 du code pénal et l’a condamnée à une peine d’un (1) an d’emprisonnement assorti du sursis et à deux (2) millions de francs d’amende ferme en vertu des dispositions des articles 154 et 155 du code pénal ;

- dit n’y avoir lieu à prononcer des peines complémentaires du fait de l’exécution des marchés litigieux ;

- renvoyé M.Y, M.Z et M.N des fins de la poursuite ;

- déclaré irrecevables les demandes formulées par l’agent judiciaire de l’État pour défaut d’appel ;

- ordonné la main levée des saisies opérées sur les biens et les sommes d’argent de Mme Ac et leur restitution, en condamnant cette dernière aux dépens ;

B. Sur les moyens de cassation du pourvoi du Procureur général

Sur les premier et second moyens réunis, tirés respectivement de la violation par fausse application de l’article 132 du code pénal et de la contrariété de motifs ;

Mais attendu que, d’une part, sous couvert de violation de la loi, les moyens ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond des éléments de fait et de preuve et, d’autre part le fondement du débouté de l’agent judicaire de l’Etat de toutes ses demandes, n’est pas l’absence de préjudice mais plutôt son défaut de qualité d’appelant dans la procédure suivie devant la cour d’appel ;

D’où il suit que les moyens, irrecevables pour partie, sont mal fondés pour le surplus ;

Qu’en définitive, le pourvoi du procureur général doit être rejeté ;

1) Sur le pourvoi de Mme Ac

A. Les moyens tirés de la violation de la loi

a) Sur les trois premiers moyens réunis, tirés respectivement de la violation des articles 31 du code de procédure pénale, de la loi organique n° 2014-26 du 3 novembre 2014 abrogeant et remplaçant la loi n° 84-19 du 2 février 1984 fixant l’organisation judiciaire et 484 du code de procédure pénale :

Mais attendu que l’indivisibilité du ministère public permet au substitut d’agir, sans avoir besoin d’habilitation spéciale du Procureur de la République ;

D’où il suit que les dits moyens ne sont pas fondés ;

b) Sur le quatrième moyen tiré de la violation de l’article 414 du code de procédure pénale :

Mais attendu que ce moyen qui critique les qualités de l’arrêt sans viser aucun de ses dispositifs, ne peut qu’être déclaré irrecevable ;

c) Sur les cinquième, septième et huitième moyens réunis, tirés de la violation respective des articles 153 du code pénal, 48 du code des marchés publics et 114 à 116 du code des obligations civiles et commerciales :

Mais attendu que, sous couvert de violation de la loi, les moyens ne tendent qu’à remettre en cause les appréciations souveraines des juges du fond ;

D’où il suit qu’ils sont irrecevables ;

d) Sur le sixième moyen tiré de la violation de l’article 11 du code des marchés publics :

Mais attendu qu’aucune violation de l’article 11 du code des marchés publics ne saurait être reprochée à un arrêt qui a combiné ce texte de loi avec les articles 152 à 155 du code pénal pour sanctionner des faits d’escroquerie portant sur des deniers publics dès lors que les manœuvres frauduleuses visées sont réprouvées à la fois par le code pénal et la Charte d’éthique et de transparence ;

Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;

B. Le défaut de motifs

Sur le neuvième moyen tiré du défaut de motif en ses deux branches :

Mais attendu qu’il est de principe que la fraude vicie le droit ; que celle commise pour l’obtention des marchés litigieux est considérée par l’arrêt comme une manœuvre qui a déterminé l’autorité contractante à signer ces contrats ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Attendu qu’en définitive le pourvoi de Mme Ac doit être rejeté ;

2. Sur le moyen soulevé d’office tiré de la violation des articles 154 et 155 du code pénal

Attendu qu’il y a lieu de relever d’office un moyen tiré de la violation des articles 154 et 155 du code pénal par l’arrêt attaqué ;

Attendu qu’il n’est pas besoin de soumettre ce moyen, déjà débattu devant les juges du fond, à l’observance du principe de la contradiction ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’aux termes de l’article 154 alinéa 2 du code pénal « la confiscation de tous les biens du condamné sera obligatoirement prononcée …/… lorsque les sommes ou objets détournés ou soustraits n’auront pas été remboursés ou restitués en totalité au moment du jugement » ;

Attendu que selon l’article 155 alinéa 1er du même code, le bénéfice des circonstances atténuantes ne peut être reconnu au prévenu poursuivi pour cette infraction que s’il a restitué ou remboursé avant jugement le tiers au moins de la valeur détournée ou soustraite ;

Que l’alinéa 2 du même texte précise que le sursis ne peut être accordé qu’en cas de restitution ou de remboursement avant jugement des trois quart (¾) de ladite valeur ;

Attendu que, l’escroquerie portant sur les deniers publics reprochée à Mme Ac est prévue par l’article 153 du code pénal lequel, dans son alinéa premier, renvoie, pour les peines prévues, à l’article 152 du même code, à savoir s’il s’agit d’un simple particulier, d’un emprisonnement d’un à cinq ans ;

Attendu que, tout en déclarant Mme Ac coupable d’escroquerie portant sur des deniers publics pour la condamner à un an d’emprisonnement assorti du sursis et à deux millions (2 000 000) de francs CFA d’amende ferme en application des dispositions des articles 154 et 155 du code pénal, l’arrêt attaqué s’abstient d’ordonner la confiscation de ses biens, au motif que ni les débats d’audience, ni les organes de contrôle des marchés publics n’ont permis de conclure à une somme précise qui établirait le non-respect de ses obligations contractuelles et aucune décision d’une juridiction administrative allant dans ce sens n’a également été produite ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, d’une part, elle a relevé « qu’il est reproché à Mme Ac un montant de vingt milliards six cent quatre vingt huit millions six cent trente huit mille neuf cent soixante sept (20 688 638 967) francs CFA » et d’autre part, elle n’a constaté aucune restitution, ni aucun remboursement, sur ce montant, la cour d’appel a méconnu les textes de loi précités ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Attendu que l’article 52 alinéa 5 de la loi organique susvisée dispose que
« la Cour peut, en cassant sans renvoi, mettre fin au litige lorsque les faits, tels qu’ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée ;

Dans les cas visés aux alinéas 4 et 5, elle se prononce sur les dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;

L’arrêt emporte exécution forcée » ;

Que tel est le cas en l’espèce ;

D’où il suit que la cassation encourue sera sans renvoi, la Cour suprême étant en mesure d’appliquer la règle de droit et de mettre fin au litige conformément à l’article précité ;

Attendu que l’arrêt attaqué a condamné Mme Ac à un (01) an d’emprisonnement assorti du sursis et à deux millions (2 000 000) de francs CFA d’amende ferme et dit n’y avoir lieu à prononcer des peines complémentaires du fait de l’exécution des marchés litigieux ;

Qu’il y a lieu, par substitution de dispositif et en application des dispositions des articles 152, 153, 154 et 155 du code pénal, de la condamner à un (01) an d’emprisonnement ferme et à deux millions (2 000 000) de francs CFA d’amende ferme, et d’ordonner la confiscation de ses biens saisis ;

Attendu qu’il y a lieu, en outre, de la condamner aux dépens ;

Par ces motifs :

Rejette les exceptions soulevées ;

Déclare irrecevable le pourvoi de l’agent judiciaire de l’État ;

Rejette les pourvois du Procureur général près la cour d’appel de Aa et de Mme Ac ;

Casse l’arrêt n° 271 rendu le 5 avril 2016 par la cour d’appel de Dakar, en ce qui concerne Mme Ac, mais uniquement en ce que ledit arrêt a assorti du sursis la peine d’emprisonnement prononcée, dit n’y avoir lieu à confiscation des biens et ordonné leur restitution ;

Et par substitution de dispositif, faisant application des dispositions des articles 152, 153, 154 et 155 du code pénal ;

Condamne Mme Ac à la peine d’un (01) an d’emprisonnement ferme et à deux millions (2 000 000) de francs CFA d’amende ferme ;

Ordonne la confiscation de ses biens saisis ;

Dit n’y avoir lieu à renvoi ;

La condamne aux dépens ;

Dit que le présent arrêt sera imprimé, qu’il sera transcrit sur les registres de la cour d’appel de Dakar ;

Ordonne l’exécution du présent arrêt à la diligence du Procureur général près la Cour suprême ;

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour suprême, chambre criminelle, en son audience publique des vacations tenue les jour, mois et an ci-dessus et à laquelle siégeaient Messieurs et Madame :

PRÉSIDENT : Abdourahmane DIOUF ; CONSEILLERS : Amadou BAL, Adama NDIAYE, Ibrahima SY et Amadou Mbaye GUISSE ; AVOCAT GÉNÉRAL : Ndiaga YADE ; AVOCATS : Maître Doudou NDOYE et Autres, Maître Aly FALL et Autres ; GREFFIÈRE : Ad Ab B.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 157
Date de la décision : 18/08/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;sn;cour.supreme;arret;2016-08-18;157 ?
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