Abstract
Baux - Avenant au contrat de bail à usage de bureau - Extension des activités du preneur - Pas de porte dû par le preneur en cas d'application du statut des baux commerciaux - Validité de la clause (oui)
Résumé
Par avenant au contrat de bail d'un local à usage de bureau, le bailleur a accepté l'extension des activités du preneur, à charge pour ce dernier de n'exercer aucune activité commerciale, celui-ci acceptant, dans l'hypothèse où il se prévaudrait d'une telle activité, de verser un pas-de-porte au bailleur. La qualification de bail commercial ayant été demandée et obtenue par le preneur, le pas de porte est dû par ce dernier, étant précisé que le versement d'un pas-de-porte résulte d'un usage bien établi en matière commerciale et peut intervenir en cours de bail.
Motifs
COUR D'APPEL
ARRÊT DU 12 FÉVRIER 2019
En la cause de :
* - Madame f. C., exerçant le commerce sous l'enseigne « AAA », immatriculée au R. C. I. sous le n°XX, demeurant en cette qualité X1 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
APPELANTE,
d'une part,
contre :
* - La Société Civile Immobilière B, dont le siège social est sis X2 à Monaco, prise en la personne de sa gérante en exercice, Madame g. D. demeurant X3 à Monaco ;
Ayant élu domicile en l'Étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
INTIMÉE,
d'autre part,
LA COUR,
Vu le jugement rendu par le Tribunal de première instance, le 11 mai 2017 (R. 4903) ;
Vu l'exploit d'appel et d'assignation du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 23 juin 2017 (enrôlé sous le numéro 2017/000172) ;
Vu les conclusions déposées les 10 octobre 2017, 27 mars 2018, 5 juin 2018 et 23 octobre 2018 par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la Société Civile Immobilière B ;
Vu les conclusions déposées les 16 février 2018 et 2 octobre 2018 par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de Madame f. C.;
À l'audience du 4 décembre 2018, ouï les conseils des parties en leurs plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
La Cour statue sur l'appel relevé par Madame f. C. à l'encontre d'un jugement du Tribunal de première instance du 11 mai 2017.
Considérant les faits suivants :
Suivant acte sous seing privé en date du 1er octobre 1997, la SCI B a consenti à f. C. un bail portant sur un local à usage de bureau situé au rez-de-chaussée de l'immeuble « Y » sis X1 à Monaco, pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction à compter du 1er septembre 1997, le statut des baux commerciaux étant expressément exclu.
Deux autres baux ont ensuite été conclus par les parties aux mêmes conditions, au seul effet d'acter une augmentation de loyer, dont le dernier en date est intervenu le 20 juin 2005.
Les 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011, les parties ont signé des documents intitulés chacun « autorisation », aux termes desquels :
* - la SCI B autorise f. C. à héberger dans les locaux loués son activité en cours de constitution ayant pour objet le conseil en bioéthique, ainsi que les activités de la SARL C et de « Y. Z. »,
* - la loi n° 490 du 24 novembre 1948 concernant les baux commerciaux est déclarée inapplicable,
* - pour le cas où le bénéfice de la propriété commerciale serait néanmoins reconnu au preneur, celui-ci serait redevable d'un pas-de-porte évalué à 20 fois le montant du loyer annuel pendant la durée d'occupation.
Le 29 mai 2013, la bailleresse a délivré congé à la locataire pour l'échéance annuelle fixée au 31 août 2013.
Par acte d'huissier délivré le 5 août 2013, f. C. a fait citer la SCI B devant le Tribunal de première instance aux fins de voir requalifier la convention conclue entre les parties en un bail commercial, déclarer en conséquence nul le congé délivré, et à défaut, dire que le preneur est en droit de solliciter une indemnité d'éviction. A titre subsidiaire, elle a demandé que le congé soit déclaré nul comme ayant été donné abusivement par la SCI B, réclamant en tout état de cause, condamnation de cette dernière à payer 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis depuis 1999 à ce jour, outre 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour mauvaise foi.
Par écritures en réponse, la SCI B a conclu au rejet des demandes présentées, sollicitant à titre reconventionnel que soit prononcée l'expulsion de f. C. des locaux loués dont elle est occupante sans droit ni titre depuis le 1er septembre 2013 et sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation, et à titre subsidiaire sa condamnation à lui payer un pas-de-porte, réclamant en tout état de cause condamnation de la demanderesse à lui payer les sommes de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par ses accusations mensongères répétées et de 25.000 euros pour procédure abusive.
Par jugement mixte rendu le 11 juin 2015, le Tribunal a :
* - dit que le bail liant f. C. à la SCI B a un caractère commercial et se trouve soumis à la loi n° 490 du 24 novembre 1948,
* - déclaré nul le congé délivré le 29 mai 2013 par la SCI B à f. C.,
* - débouté f. C. de sa demande de dommages-intérêts pour les prétendus manquements de la SCI B à ses obligations de bailleur,
* - condamné la SCI B à payer à f. C. la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité du congé et tentative d'expulsion,
* - débouté la SCI B de ses demandes tendant à voir déclarer f. C. occupante sans droit ni titre et voir prononcer son expulsion,
* - ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 8 juillet 2015 aux fins que les parties présentent leurs observations sur les trois « autorisations » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011 qui ont été signées par f. C. non pour son activité d'agent d'affaires, mais pour pouvoir héberger dans les locaux donnés à bail par la SCI B, son activité de conseil en bio-éthique, la SARL C et l'activité professionnelle de Y. Z.,
* - prononcé le sursis à statuer sur le paiement d'un pas-de-porte sollicité par la SCI B et sur le restant de ses demandes.
Sur l'appel interjeté par f. C. la Cour d'appel a, suivant arrêt avant dire droit du 23 février 2016, déclaré l'appel recevable et renvoyé les parties à débattre des questions de fond qui lui ont été dévolues.
Par arrêt en date du 26 septembre 2016, la Cour a confirmé le jugement du 11 juin 2015, sauf en ce qu'il a débouté f. C. de sa demande de dommages-intérêts pour les manquements de la SCI B à ses obligations de bailleur au titre des désordres affectant le carrelage et statuant à nouveau, condamné cette dernière à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et débouté la SCI B de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif et dilatoire.
Le litige s'est poursuivi devant le Tribunal de première instance s'agissant des points non tranchés ayant donné lieu à réouverture des débats.
Par jugement contradictoire rendu le 11 mai 2017, le Tribunal de première instance a :
* - dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des actes intitulés chacun « autorisation » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011,
* - dit que l'acte du 24 novembre 2011 constitue un avenant au contrat de bail en date du 20 juin 2005 conclu entre f. C. et la SCI B,
* - dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des clauses stipulant le paiement d'un pas de porte conditionnel à la charge de f. C.
* - condamné f. C. à payer à la SCI B la somme de un million soixante-dix mille deux cent soixante-dix euros et quarante cents ( 1.070.270,40 euros), à titre de pas de porte,
* - débouté la SCI B de sa demande en paiement d'une somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts,
* - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
* - rejeté le surplus des demandes des parties.
Pour statuer ainsi les premiers juges ont retenu que :
* - les documents intitulés « autorisations » sont signés par g. D. mandataire de la SCI B dont elle est la gérante, alors que f. C. ne précise pas en quoi un mandat spécial serait nécessaire pour engager la société, au-delà des dispositions statutaires,
* - que l'acte établi le 24 novembre 2011, signé de la main de f. C. comporte des engagements réciproques conduisant à le considérer comme un avenant au contrat de bail du 20 juin 2005,
* - les stipulations d'obligations à la charge de f. C. qui en découlent, ne trouvent pas nécessairement leur cause dans les stipulations contenues dans le même acte, laquelle doit être recherchée dans la totalité de la convention liant les parties,
* - le potentiel versement d'un pas de porte est manifestement la contrepartie de la reconnaissance éventuelle de la propriété commerciale, dont les parties, usant de leur liberté contractuelle, ont valablement convenu dans le cadre de dispositions alternatives,
* - rien n'interdit que le paiement d'une telle somme, fondée sur un usage établi en matière commerciale, puisse intervenir en cours de bail, dès lors que le principe et les modalités en ont été prévues d'un commun accord entre les parties, soit dans le contrat initial, soit par voie d'avenant,
* - que les clauses mettant à la charge de f. C. une obligation conditionnelle de paiement d'un pas-de-porte n'encourent pas la nullité, dans la mesure où la preneuse ne démontre pas que son montant présenterait, de manière générale ou particulière à son endroit, un caractère exorbitant dans le seul but de faire échec aux dispositions de la loi n° 490 en inhibant toute initiative de sa part de solliciter une requalification judiciaire du contrat,
* - dans le cas particulier d'une telle stipulation par avenant, f. C. demeurait d'autant plus libre d'accepter une telle clause qu'à sa date, le 24 novembre 2011, elle exploitait depuis plus de trois ans un fonds de commerce dans les locaux litigieux et ne se trouvait pas dans la situation de potentielle faiblesse économique d'un candidat preneur contraint d'accepter une clause exorbitante pour pouvoir accéder à un local et y déployer son activité,
* - le calcul du montant du pas-de-porte n'est pas contesté en lui-même par f. C.
* - la demanderesse ayant triomphé dans son action tenant à la requalification du contrat de bail, son droit d'agir en justice n'a pas dégénéré en abus.
Par exploit du 23 juin 2017, f. C. a interjeté appel du jugement rendu le 11 mai 2017.
Aux termes de ces écritures et de conclusions déposées les 16 février 2018 et 2 octobre 2018, f. C. demande à la Cour de :
* - infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
* - dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des actes intitulés chacun « autorisation » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011,
* - dit que l'acte du 24 novembre 2011 constitue un avenant au contrat de bail en date du 20 juin 2005 conclu entre f. C. et la SCI B,
* - dit n'y avoir lieu au prononcé de la nullité des clauses stipulant le paiement d'un pas de porte conditionnel à la charge de f. C.
* - condamné f. C. à payer à la SCI B la somme de un million soixante-dix mille deux cent soixante-dix euros et quarante cents ( 1.070.270,40 euros), à titre de pas de porte,
Statuant à nouveau de ces chefs,
* - donner acte à la SCI B de ce qu'elle reconnaît que les « autorisations » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011, ne constituent pas des avenants au bail,
* - déclarer nulles lesdites autorisations, produites en pièces 26 et 27 par la SCI B,
* - ordonner en tant que de besoin le transport de la Cour dans les locaux loués par f. C. situés X4 à Monaco, sur le fondement de l'article 309 du Code de procédure civile,
Subsidiairement,
* - déclarer nulle la clause indemnitaire qu'elles contiennent en leurs paragraphes a), b), c), et d),
* - confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI B de sa demande de dommages-intérêts,
* - débouter la SCI B de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir en substance que la SCI B n'a pas justifié de ce que sa mandataire disposait d'un mandat spécial à l'effet de signer l'acte unilatéral du 24 novembre 2011, lequel ne constitue pas un avenant au contrat de bail du 20 juin 2005, n'a aucune valeur juridique et que la clause indemnitaire qu'il contient est nulle comme faisant échec aux dispositions d'ordre public de la loi n° 490.
Elle avance en effet que :
* - les 3 autorisations litigieuses encourent la nullité dès lors qu'il s'agit d'actes unilatéraux, signés par g. D. se présentant comme mandataire de la SCI B, dont il n'est pas établi qu'elle était la gérante statutaire à leur date, et qui ne relèvent pas de surcroît de la gestion courante de la société, nécessitant dès lors l'établissement d'un mandat spécial pour y procéder, dont il n'est pas justifié, de sorte que lesdites autorisations sont nulles comme ayant été signées sans pouvoir,
* - ces actes ont reçu la qualification erronée d'avenant, particulièrement celui délivré le 24 novembre 2001 s'agissant d'une simple autorisation consentie de manière unilatérale, qui ne se veut en aucune façon modifier les termes du bail initial, d'autant que :
* le jugement rendu le 11 mai 2017 entre en contradiction avec celui du 11 juin 2015, dès lors qu'il ressort de cette dernière décision que lesdites autorisations ont été signées non pour le commerce d'agents d'affaires de f. C. mais pour lui permettre d'héberger dans les locaux loués d'autres activités, de sorte qu'elles ne pouvaient être considérées comme un ajout au bail commercial et par la même constituer des avenants,
* le jugement entrepris a, de manière contradictoire, considéré que certaines clauses de l'autorisation étaient valables alors qu'elle constitue un acte unique et indivisible et que la volonté du bailleur était clairement de faire renoncer la locataire à des dispositions d'ordre public sous forme de sanction financière,
* - la prétendue obligation de paiement d'un pas-de-porte en cas de bail commercial figurant dans l'acte du 24 novembre 2011 constitue une sanction financière exorbitante mise à sa charge de manière illicite pour la punir de faire application de la loi n° 490 d'ordre public alors que :
* la rédaction du bail visait à faire obstacle à l'application de la loi n° 490 du 24 novembre 1948 sur les loyers commerciaux pour tenter de faire échec aux droits du locataire,
* le bail initial était dépourvu de clause de pas-de-porte,
* aucun élément objectif ne permet de considérer que l'acte du 24 novembre 2011 constitue un avenant à l'inverse de ceux établis les 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 alors qu'ils sont rédigés en des termes strictement identiques,
* l'avenant au bail établi le 23 septembre 2010, enregistré auprès des Services Fiscaux le 5 octobre 2010, démontre que les autorisations vantées n'ont pas vocation à constituer des avenants, et ne forment pas en conséquence une sphère contractuelle autour du bail initial,
* le Tribunal a dénaturé la volonté des parties en considérant comme « avenant » une simple autorisation qui n'en porte pas le nom, qui n'a pas été enregistrée ni signée par le co-preneur,
* l'exploitation de l'activité W, qui aurait justifié l'instauration d'un pas-de-porte n'a pu prospérer en raison des divers sinistres rencontrés, expliquant que faute d'avoir pu exploiter l'enseigne elle n'a pas déclaré de chiffre d'affaires,
* l'activité de conseil en bioéthique constitue en tout état de cause une activité civile, ne pouvant sous-tendre une demande de pas-de-porte,
* - le caractère exorbitant du pas-de-porte résulte tout à la fois :
* de son montant qui s'élevant à plus d'un million d'euros sonnerait la ruine de son entreprise, conduisant à une situation absurde où la protection commerciale accordée revient à signer la fin d'un commerce, alors enfin que, faute de pouvoir s'en acquitter, la validité de la clause permettrait au bailleur de se débarrasser de son locataire sans qu'il puisse exiger une indemnité d'éviction,
* de la superficie modeste (55m²) et du délabrement du local occupé qui a subi de nombreux dégâts des eaux.
Aux termes de ses écritures en réponse déposées les 10 octobre 2017, 27 mars 2018, 5 juin 2018 et 23 octobre 2018, la SCI B a conclu au débouté des demandes présentées et à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sollicitant à titre reconventionnel la condamnation de f. C. à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif.
Elle objecte que :
* - g. D. a tous pouvoirs pour engager la SCI B en sa qualité de gérante aux termes des statuts, de sorte que les autorisations contestées ont été valablement établies,
* - l'acte signé par les parties le 24 novembre 2011 est un avenant au bail, comportant des obligations réciproques des parties qu'elles ont accepté et signé,
* - si l'autorisation n'avait pas été nécessaire, f. C. ne l'aurait pas signée,
* - l'activité W s'est bien exercée dans les locaux loués, nonobstant l'absence de toute déclaration de chiffre d'affaire y afférant,
* - la clause de pas-de-porte concerne en tout état de cause l'ensemble des activités exercées par f. C. dans les locaux loués,
* - le juge a le pouvoir souverain d'apprécier la nature juridique que les parties ont réellement voulu donner au document qu'elles ont signé, au-delà de la qualification juridique qu'elles lui ont donnée,
* - l'enregistrement est une simple formalité fiscale sans incidence sur la validité de l'avenant,
* - l'avenant au bail signé par les parties le modifie et le complète de sorte que la clause de paiement d'un pas-de-porte est parfaitement valable,
* - f. C. pouvait se prévaloir des dispositions de la loi n° 490 dès 2011, exerçant son activité commerciale dans les locaux depuis la signature du bail initial,
* - le paiement d'un pas-de-porte n'est pas une sanction et n'est pas contraire à la loi n° 490,
* - dès lors que le caractère commercial du bail lui a été reconnu, f. C. pourra parfaitement se prévaloir d'une indemnité d'éviction en cas de résiliation de son bail,
* - la question des dégâts des eaux survenus dans les locaux loués et du carrelage qui se soulève et se fissure et a été tranchée par la Cour dans son arrêt du 26 septembre 2016 revêtu de l'autorité de la chose jugée, alors qui plus est que l'appelante a refusé les travaux de réfection qui lui étaient proposés.
Elle affirme avoir toujours assumé ses obligations contractuelles et reproche à son adversaire de chercher à s'exonérer du paiement d'un pas-de-porte qu'elle a contractuellement accepté, en réitérant les mêmes arguments qu'en première instance, révélant leur caractère abusif.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs écritures ci-dessus évoquées auxquelles il est expressément renvoyé.
SUR CE,
* Sur la recevabilité de l'appel :
Attendu que le jugement rendu le 11 mai 2017 par le Tribunal de première instance a été signifié le 30 mai 2017 à f. C.;
Que se trouvant formé dans le respect des règles de délai et de forme applicables, l'appel sera déclaré recevable ;
Sur la validité des « autorisations » en date des 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011 :
Attendu que l'appelante poursuit la nullité des actes signés les 15 janvier 2009, 20 janvier 2010 et 24 novembre 2011 au motif que leur signataire, g. D. ne démontre pas qu'elle avait le pouvoir d'engager la SCI B ;
Attendu que les actes critiqués ont été établis par g. D. sous l'enseigne Z, en sa qualité de mandataire de la SCI B ;
Qu'il ressort notamment du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire des associés en date du 23 mars 1994 que les associés, composés de d. S. et g. D. ont nommé à l'unanimité cette dernière en qualité de gérante de la société, sans limitation de durée ;
Que l'attestation délivrée le 9 octobre 2017 par le Directeur de l'Expansion Economique, chargé du répertoire spécial des sociétés civiles, certifie que g. D. est toujours à ce jour gérante de la SCI B ;
Attendu qu'aux termes des statuts de la société datés du 1er mars 1994, le gérant se voit conférer tous les pouvoirs nécessaires notamment à l'administration courante des biens sociaux et en particulier à la signature de tous baux de durée courante ;
Que les actes de disposition ne pourront par contre être réalisés par la gérance qu'avec l'accord exprès des associés consultés spécialement à cet effet ;
Qu'il s'agit néanmoins d'actes tels que vente et emprunt avec ou sans garantie, au titre desquels ne figure pas la stipulation d'une clause de pas-de-porte, qui loin de constituer un acte de disposition, tend au contraire à assurer à son bénéficiaire une garantie complémentaire qui s'inscrit dans les suites de la signature des baux courants que le gérant est habilité à consentir ;
Qu'il s'ensuit que la signature des actes intitulés « autorisations » visés au cas présent, qui concernent tous des modalités d'exécution du contrat de bail conclu le 1er mai 2005, n'excède pas les pouvoirs d'administration courante reconnus à la gérante en exercice, g. D.;
Attendu que le moyen développé à cet égard est donc inopérant, justifiant de confirmer la décision prise à cet égard par les premiers juges ;
* Sur la nature juridique de l'acte établi le 24 novembre 2011 :
Attendu qu'aux termes de l'article 958 du Code civil, le contrat est unilatéral lorsqu'une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que de la part de ces dernières il y ait d'engagement ;
Attendu qu'en l'espèce, les relations des parties s'inscrivent dans le cadre du bail à loyer établi le 20 juin 2005, enregistré sous le n° 98960, par lequel la SCI B loue à f. C. un local à usage de bureau, portant le n° 78A situé au rez-de-chaussée de l'immeuble « Y » sis X1 à Monaco ;
Que l'acte critiqué, qui vise expressément le bail précité, comporte une autorisation d'héberger dans les locaux déjà loués les bureaux administratifs de (l') activité en cours de constitution, ayant pour objet « conseil en bioéthique » ;
Que les parties ont convenu que « cette autorisation est délivrée sans que cela ne puisse, en aucune manière, modifier les termes du bail, objet des présentes », f. C. reconnaissant formellement que l'autorisation concerne un local pour lequel les dispositions de la loi n° 490 sur les locaux commerciaux ne sont pas applicables et s'engage donc à ne demander en aucun cas, le bénéfice de la propriété commerciale ;
Qu'il s'évince de ces dispositions que le bailleur s'est engagé à laisser son preneur étendre son activité dans les locaux loués, à charge pour f. C. de n'exercer aucune activité commerciale, celle-ci acceptant dans l'hypothèse où elle se prévaudrait d'une telle activité de verser un pas-de-porte à la SCI B ;
Que cet acte contient donc bien des engagements réciproques des parties, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante ;
Qu'il a été signé par les deux parties, qui se sont nécessairement arrêtées sur la portée de cet acte avant d'y consentir ;
Qu'il appartenait le cas échéant à f. C. de ne pas signer ce document, si elle estimait que le pas-de-porte devant éventuellement être acquitté excédait ses capacités financières ou les prix du marché ;
Qu'il a donc été à juste titre analysé par les premiers juges comme portant avenant au contrat de bail initial ;
Que f. C. ne peut valablement soutenir qu'elle n'y aurait finalement pas déployé la nouvelle activité autorisée alors qu'il ressort :
* - de l'extrait RCI au nom de f. C. en date du 12 septembre 2013 que se trouve exercée dans les locaux loués l'activité « 2° W- conseil en bioéthique », en sus de l'activité initiale exercée sous l'enseigne AAA,
* - du procès-verbal de constat dressé le 11 avril 2018 qu'une plaque au nom de l'activité W est apposée sur la boite aux lettres attribuée au commerce sous l'enseigne « AAA »;
Que l'absence de chiffre d'affaire ayant conduit à la demande de radiation de l'activité de W du Répertoire du Commerce et de l'Industrie le 19 juin 2018 en suite de son entretien avec les services de la Direction de l'Expansion Economique ne peut valablement trouver sa seule explication dans l'état délabré allégué des locaux alors que l'activité principale s'exerce dans les mêmes lieux et que le preneur s'est manifestement opposé à « la réalisation de travaux (qui) perturberait le bon fonctionnement de l'entreprise et impacterait son chiffre d'affaires, préjudice qu'il faudrait indemniser » (pièce n° 63 de l'appelante) ;
Que le degré d'utilisation de ces locaux en suite de l'autorisation accordée comme le succès de l'entreprise demeurent en tout état de cause indifférents à l'avenant conclu entre les parties et à ses conséquences ;
Que la demande de transport de la Cour dans les locaux loués en application des dispositions de l'article 309 du Code de procédure civile se révèle dès lors sans utilité ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu davantage de s'arrêter à la seule dénomination donnée à cet acte, intitulé « autorisation » et non « avenant » comme cela a pu être le cas de l'acte régularisé le 23 septembre 2010, pas plus qu'à son absence d'enregistrement auprès des services fiscaux ;
Que ce dernier acte, qui comporte au demeurant également une autorisation de partage du local, concerne néanmoins un tiers au bail initial, devenant co-preneur et créant des droits et obligations à l'égard de celui-ci, pouvant expliquer la terminologie retenue par les parties ;
Attendu encore que f. C. ne peut se retrancher derrière le caractère prétendument civil de l'activité W pour soutenir la nullité de la clause instituant un pas-de-porte, alors que la clause relative au paiement éventuel d'un pas de porte insérée dans l'acte du 24 novembre 2011 ne constitue pas la contrepartie de l'autorisation d'exercice de l'activité supplémentaire de conseil en bioéthique, comme relevé de manière pertinente par les premiers juges, mais doit s'apprécier au regard de l'ensemble des activités exercées par le preneur dans les locaux loués ;
Que la multiplication des activités autorisées au cours des années peut d'ailleurs expliquer les engagements complémentaires souscrits, le bailleur perdant la lisibilité sur la nature des activités exercées dans les locaux mis à disposition ;
Attendu que la qualification juridique d'avenant accordée par les premiers juges à l'acte signé par les parties le 24 novembre 2011 mérite donc confirmation ;
* Sur la validité de la clause de pas-de-porte :
Attendu qu'aux termes de l'article 989 du Code civil, les conventions régulièrement intervenues entre les parties tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ;
Attendu au cas présent qu'aux termes de l'acte signé le 24 novembre 2011 portant autorisation d'héberger « les bureaux administratifs » de l'activité complémentaire en cours de constitution de conseil en bioéthique, valant avenant au bail initial, les parties ont expressément convenu et entendu :
* que si le bail à loyer avait été conventionnellement dressé à destination commerciale, un pas-de-porte, aurait été, en sus, convenu comme représentant, non un complément de loyer payé d'avance, mais la contrepartie de la concession, par le bailleur au preneur, de la propriété commerciale, laquelle se traduit entre autres, soit par le renouvellement indéfini de la location, soit par une indemnité d'éviction,
* que la valeur dudit « pas-de-porte » si la propriété commerciale avait été demandée et concédée, comme aussi bien si elle devait être concédée ou obtenue, aurait été, est, et sera pendant la durée de l'occupation, égale à 20 fois (vingt fois) le montant du loyer annuel en vigueur au jour de la concession de la propriété commerciale,
* que la propriété commerciale étant en l'espèce, purement et simplement rejetée par les parties, il n'a pas été payé de pas-de-porte à la signature (du) bail à loyer,
* que cette valeur serait immédiatement due par le preneur et payée au bailleur dans le cas où la propriété commerciale serait concédée et obtenue ;
Attendu qu'il n'est aucunement démontré que f. C. aurait subi des pressions de quelque nature que ce soit pour renoncer au statut protecteur de la loi n° 490 sur les locaux commerciaux, à l'occasion de la rédaction de l'avenant critiqué, alors qu'elle se trouvait dans les lieux depuis le 1er octobre 1997, sans en avoir à aucun moment revendiqué le bénéfice, que ce soit à l'origine de l'établissement du bail, ou dans le cadre des baux établis postérieurement à l'occasion des augmentation de loyers, et pour la dernière fois le 20 juin 2005 ;
Qu'à la lumière de la seule liberté contractuelle et de l'autonomie de la volonté, les parties ont pu valablement convenir de dispositions alternatives aux termes desquelles :
* - soit le contrat demeurait civil et le preneur ne disposait pas du droit au maintien dans les lieux ou de l'indemnité d'éviction,
* - soit sur la demande du preneur, le contrat se trouvait régi par les dispositions de la loi n° 490, induisant à son profit notamment le bénéfice des dispositions précitées, (ainsi que le lui reconnaît désormais le jugement rendu le 11 juin 2015), celui-ci devant alors s'acquitter en contrepartie du montant contractuel du pas de porte ;
Qu'au regard de ces éléments, f. C. preneur, a expressément et librement souscrit lors de la signature de cet acte au versement par elle d'un pas-de-porte pour le cas où les relations contractuelles s'emplaceraient sous le régime de la loi n° 490 ;
Attendu que cette dernière ne justifie aucunement, ainsi que l'ont déjà relevé à bon droit les premiers juges que le montant du pas-de-porte édicté par cette clause contractuelle présenterait, tant de manière générale (par rapport aux usages de la place qui peuvent retenir des montants de 20 fois voire 50 fois le loyer annuel) que de manière particulière à son endroit, un caractère exorbitant dont le seul but serait de faire échec aux dispositions de la loi n° 490, en inhibant toute initiative de sa part de solliciter une requalification judiciaire du contrat ;
Que force est au contraire de constater que f. C. est à l'initiative de l'application de cette loi dans le cadre de la procédure engagée, illustrant à l'inverse de ses propos, le caractère peu dissuasif de la sanction financière qui lui aurait été imposée dans ce cas ;
Attendu que par jugement rendu le 11 juin 2015, le Tribunal, retenant la nature commerciale de l'activité d'agent d'affaire exercée dans le fonds exploité, a dit que le bail liant les parties a un caractère commercial et se trouve soumis comme tel à la loi n° 490 du 24 novembre 1948 ;
Que les parties n'ont pas interjeté appel de ce chef du jugement, comme en témoigne les arrêts rendus les 23 février 2016 et 26 septembre 2016, qui a acquis force de chose jugée ;
Attendu que le versement d'un pas-de-porte qui n'est pas prohibé par la loi résulte d'un usage bien établi en matière commerciale ;
Qu'il peut intervenir en cours de bail dès lors que les parties se sont accordées tant sur le principe que sur les modalités de son paiement, soit dans le contrat initial soit par voie d'avenant comme cela se présente au cas présent ;
Qu'il constitue la contrepartie de la propriété commerciale reconnue à f. C. et dont elle constitue la cause ;
Que le sort de la formulation, figurant dans le même acte, selon laquelle f. C. s'interdit de solliciter le bénéfice des dispositions de la loi n° 490, soumis à la censure de l'article 28 de ce texte est sans incidence sur la validité d'une clause distincte ;
Attendu qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, la clause mettant à la charge de f. C. l'obligation conditionnelle de paiement d'un pas-de-porte n'encourt pas la nullité ;
Que la décision déférée sera donc confirmée à cet égard, tout comme mérite de l'être le calcul exactement opéré par les premiers juges pour l'évaluation du pas-de-porte en suivant l'application des dispositions contractuelles prévue à l'avenant du 24 novembre 2011 ;
* Sur la demande de dommages-intérêts :
Attendu que la SCI B sollicite la condamnation de f. C. à lui payer une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Attendu que le droit d'interjeter appel reconnu à tout plaideur n'a pas dégénéré en abus dans le cas d'espèce ;
Qu'il n'est pas démontré en effet que f. C. aurait agi dans l'intention de nuire aux intérêts de l'intimée ;
Que la demande présentée de ce chef ne peut donc prospérer ;
* Sur les dépens :
f. C. partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR D'APPEL DE LA PRINCIPAUTÉ DE MONACO,
statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare recevable l'appel formé par f. C.
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de première instance le 11 mai 2017 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SCI B de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif,
Condamne f. C. aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, Avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que lesdits dépens seront provisoirement liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable,
Vu les articles 58 et 62 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires,
Composition
Après débats en audience de la Cour d'Appel de la Principauté de Monaco, par-devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, Monsieur Éric SENNA, Conseiller, Madame Claire GHERA, Conseiller, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint,
Après qu'il en ait été délibéré et jugé par la formation de jugement susvisée,
Lecture est donnée à l'audience publique du 12 FÉVRIER 2019, par Madame Sylvaine ARFINENGO, Conseiller, faisant fonction de Président, assistée de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef adjoint, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint.
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