Tribunal administratif Numéro 53242 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53242 Chambre de vacation Inscrit le 25 juillet 2025 Audience publique de vacation du 30 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 53242 du rôle et déposée le 25 juillet 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 17 juillet 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nur CELIK, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région Capitale, commissariat C2R Hesperange, portant le numéro de référence …, du 17 juillet 2025, qu’en date de ce même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle d’identité à Howald et qu’à cette occasion, il était en mesure de présenter une carte d’identité algérienne valable.
Par arrêté du 17 juillet 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son encontre.
Par arrêté ministériel séparé du même jour, également notifié à l’intéressé le 18 juillet 2025, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et les considérations suivants :
1« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport numéro … du 17 juillet 2025 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat C2R Hesperange ;
Vu la décision de retour du 17 juillet 2025, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 3 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juillet 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 17 juillet 2025 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, Monsieur (A) explique être de nationalité algérienne et être entré en Europe en bateau depuis l’Espagne avant de rejoindre la France où il possèderait des attaches familiales, alors que ses cousins y résideraient de façon régulière, pour finalement arriver au Luxembourg en voiture en date du 17 juillet 2025.
Il donne à considérer que quand bien même il aurait été en mesure de présenter sa carte d’identité algérienne lors d’un contrôle opéré par la police grand-ducale, il aurait été conduit au Centre de rétention pour défaut de document l’autorisant à circuler et à séjourner sur le territoire luxembourgeois.
En droit, le demandeur fait tout d’abord souligner que le placement en rétention, qui constituerait une forme de privation de liberté au sens de l’article 5, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », devrait rester une ultima ratio et une mesure devant demeurer exceptionnelle, strictement nécessaire et dûment justifiée, tout en critiquant le ministre d’être resté en défaut d’envisager d’autres solutions plus adaptées et moins attentatoires à sa liberté individuelle, telle que l’assignation à résidence, laquelle suffirait à atteindre les objectifs de la procédure d’éloignement, notamment celui d’assurer la disponibilité de l’étranger et de prévenir le risque de fuite. Il fait encore valoir qu’une obligation de motiver rigoureusement 2ses décisions pèserait sur le ministre, lequel devrait établir que toute autre mesure moins coercitive serait inefficace, ce qui n’aurait pas été démontré en l’espèce. En effet, le placement en rétention ne constituerait, d’après le demandeur, pas la seule mesure propre à garantir le bon déroulement de la procédure d’éloignement, de sorte que cette manière de procéder violerait le principe de proportionnalité, ainsi que le cadre juridique encadrant les mesures d’éloignement, le demandeur suggérant ainsi le réexamen de sa situation et le recours à une alternative à son placement au Centre de rétention.
Après avoir souligné que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite, apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, tout en tenant compte du caractère proportionné de ladite mesure et de l’inexistence de mesures moins coercitives, le demandeur cite l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, pour reprocher à l’arrêté ministériel déféré ordonnant son placement au Centre de rétention de ne pas être motivé à suffisance, respectivement de ne contenir qu’une motivation stéréotypée, non individualisée, ne documentant pas les diligences déjà entreprises par l’autorité ministérielle et se limitant à indiquer les motifs gisant à la base de la mesure de placement en rétention, sans pour autant justifier l’impossibilité d’appliquer dans son chef les mesures moins coercitives que le placement en rétention.
A cet égard, le demandeur fait valoir qu’au vu des circonstances de l’espèce, son placement en rétention serait disproportionné, alors que les mesures moins coercitives, telle qu’une assignation à résidence, auraient pu être prises à son encontre.
Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste sur le fait qu’il pourrait être assigné à la maison retour, cette possibilité ressortant, selon lui, d’un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle, alors qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, que son comportement ne constituerait aucune menace grave et actuelle à l’ordre public luxembourgeois, tel que cela ressortirait du rapport de la police grand-ducale, prémentionné, du 17 juillet 2025, qu’il aurait exprimé sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, qu’il aurait fait état aux autorités policières de sa volonté de quitter le Grand-Duché de Luxembourg « si une décision venait à être prise à cet égard », qu’il n’entendrait pas se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes, ainsi que des attaches au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte que son placement au Centre de rétention ne serait pas justifié, illégal et disproportionné par rapport au but recherché.
Il ajoute qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».
Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».
3En se référant ensuite à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur soutient encore que le dispositif d’éloignement ne serait pas exécuté avec toute la diligence requise et que les perspectives de son éloignement demeureraient incertaines dans la mesure où aucune date d’éloignement n’aurait été arrêtée à ce jour, aucune identification officielle n’aurait été faite et aucun laissez-passer n’aurait été délivré par les autorités algériennes, si bien que tout porterait à croire que son éloignement vers l’Algérie ne pourrait pas être mené à bien dans un délai raisonnable. Dans la mesure où une mesure de rétention administrative ne pourrait toutefois que se justifier par la perspective d’un éloignement imminent et effectif, son maintien au Centre de rétention serait disproportionné.
Le demandeur en conclut que son éloignement ne serait pas exécuté avec toute la diligence requise, de sorte qu’il devrait être immédiatement libéré, conformément à l’article 5, paragraphe (1), point f) de la CEDH.
Par ailleurs, il donne à considérer que le placement dans une structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter, sinon à exclure tout risque de fuite dans son chef, serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par la « directive 2008/1152 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’était pas légale, qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait avoir un effet direct, faute de transposition en droit national.
Après avoir cité le considérant 16 de la directive 2008/115 et en se référant à un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répondrait aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre, ainsi qu’à deux jugements du tribunal administratif du 11 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49109 du rôle, et du 12 juillet 2023, inscrit sous le numéro 49141 du rôle, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle, tout en précisant, à cet égard, que son placement en rétention serait disproportionné pour méconnaître ses garanties de représentation suffisantes pour se voir appliquer des mesures moins coercitives, telles que l’assignation à résidence.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe de la décision déférée précédant celui de la légalité interne.
4S’agissant, dès lors, tout d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -
, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Ensuite, quant à la légalité interne de la décision déférée, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté litigieux a été pris, prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure 6 d’éloignement (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
5En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal relève qu’il est constant en cause, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 17 juillet 2025, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, décision non visée par le présent recours, et qu’il ne dispose pas de documents de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments pertinents permettant de renverser cette présomption, susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il est toutefois resté en défaut de faire, étant relevé que les affirmations du demandeur quant à sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises et le fait qu’il n’entendrait pas se soustraire à la mesure d’éloignement ou même qu’il aurait des attaches au Grand-Duché de Luxembourg sont, à elles seules, insuffisantes à cet égard, respectivement restent à l’état de pures allégations.
Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont dès lors à rejeter.
Sur base de ces considérations, il y a lieu de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3). On entend par mesures moins coercitives :
6a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal est amené à constater, tel que relevé ci-avant, que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
7En effet, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Grand-Duché de Luxembourg, ni d’une quelconque attache particulière, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur tendant à une assignation à résidence à la maison retour, alors qu’une telle structure d’hébergement ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure d’assignation à résidence dans cette structure ne saurait, au vu des circonstances de l’espèce, être concevable.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait prêt à coopérer avec les autorités luxembourgeoises, alors que cette dernière n’est pas per se de nature à laisser conclure à une garantie de représentation suffisante et à renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.
Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Concernant l’invocation par le demandeur d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.
En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, il se dégage du dossier administratif que par courrier du 24 juillet 2025, les autorités luxembourgeoises ont adressé aux autorités consulaires algériennes à Bruxelles une demande d’identification en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef de Monsieur (A), tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales, quatre photos d’identité, ainsi qu’une copie de la carte d’identité algérienne du concerné.
Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.
Par ailleurs, il y a lieu de relever que c’est à tort que le demandeur affirme que son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien. En effet, même si la demande d’identification et de délivrance d’un laissez-passer dans le chef de l’intéressé n’a, à ce jour, pas encore abouti, la procédure d’éloignement actuellement entamée ne saurait néanmoins, à ce stade, être considérée comme étant d’ores et déjà vouée à l’échec, conclusion qui s’impose d’autant plus que la décision litigieuse constitue la première mesure de placement en rétention du demandeur, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
8Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…) f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
(…) ».
L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH ») a retenu que : « (…) L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) (…) ».
En l’espèce, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, qu’il a fait l’objet d’une décision de retour le 17 juillet 2025 et qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement est toujours en cours et poursuivie avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
S’agissant de la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de maintien en rétention litigieuse est légale - le tribunal ayant plus particulièrement retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un maintien en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise - et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les meilleurs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115, ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.
9Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé, formulée dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 30 juillet 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 10