Tribunal administratif N° 53223 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53223 Chambre de vacation Inscrit le 21 juillet 2025 Audience publique de vacation du 30 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 53223 du rôle et déposée le 21 juillet 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 16 juillet 2025 ayant prorogé son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 19 juillet 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nur CELIK, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 30 juillet 2025.
___________________________________________________________________________
Suivant le rapport de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 20 septembre 2021, référencé sous le numéro …, lors d’un contrôle d’identité effectué le même jour à …, Monsieur (A) fut dans l’impossibilité de présenter des documents d’identité.
Suivant le relevé journalier du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL ») du même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’un mandat d’amener pour avoir commis une infraction à la loi modifiée du 19 février 1973 concernant la vente de substances médicamenteuses et la lutte contre la toxicomanie.
En date du 1er octobre 2021, l’autorité ministérielle adressa aux autorités italiennes une demande de reprise en charge de l’intéressé sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », demande qui fut acceptée par lesdites autorités en date du 5 octobre 2021.
Par arrêté du 6 octobre 2021, notifié à Monsieur (A) par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile décida de transférer l’intéressé en Italie.
Il se dégage ensuite du dossier administratif que l’intéressé fut libéré du CPL en date du 10 novembre 2021.
Suivant le rapport de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 11 janvier 2022, référencé sous le numéro …, Monsieur (A) fut dans l’impossibilité de présenter des documents d’identité lors d’un contrôle d’identité effectué le même jour à … Par arrêté ministériel du 11 janvier 2022, lui notifié en mains propres le même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’une décision de retour.
Par arrêté ministériel séparé du même jour, lui notifié en mains propres le même jour, l’intéressé fut placé au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, placement qui fut prorogé par arrêté ministériel du 7 février 2022, notifié à l’intéressé le 11 février 2022.
Il se dégage ensuite du dossier administratif que par décision du 2 mars 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile rapporta, avec effet au 3 mars 2022, la décision de retour du 11 janvier 2022 prononcée à l’égard de Monsieur (A) et que le 3 mars 2022, l’intéressé fut transféré en Italie.
Suivant le dossier administratif, Monsieur (A) fut condamné, par jugement n°1547/2022 du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du … 2022, à une peine d’emprisonnement de 24 mois pour avoir contrevenu à la législation en matière de stupéfiants, étant relevé que ledit jugement fut notifié en personne à l’intéressé le ….
Suivant le relevé journalier du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU ») du 14 avril 2023, Monsieur (A) fit l’objet d’un mandat d’amener pour une infraction de vol qualifié.
Par décision du 21 juin 2023, le délégué du Procureur général d’Etat à l’exécution des peines demanda au directeur du CPL d’écrouer Monsieur (A) en vue de l’exécution de la peine d’emprisonnement prémentionnée.
Le 29 juin 2023, Monsieur (A) fit l’objet d’un signalement national en vue de son arrestation.
Il se dégage du relevé journalier du CPU du 13 juillet 2023 qu’à cette même date, l’intéressé fut libéré.
Suivant un procès-verbal de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », Région …, référencé sous le numéro …, du 18 août 2023, Monsieur (A) fut contrôlé par la police à … alors qu’il se trouva en présence d’une personne recherchée par la police pour avoir proféré des menaces dans le même quartier. A cette occasion, il s’avéra que Monsieur (A) n’était pas en mesure de présenter un document d’identité ou de voyage valable et qu’il ne disposait pas d’une adresse officielle au Luxembourg.
Par arrêté du 18 août 2023, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire duGrand-Duché de Luxembourg, et lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, en l’occurrence la Tunisie, ou à destination de tout autre pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou de tout autre pays où il est autorisé à séjourner. Par le même arrêté, ledit ministre lui interdit encore l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.
Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également le 18 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.
Une recherche effectuée par la police grand-ducale révéla que l’intéressé avait été signalé dans le Système d’information Schengen (« SIS ») par l’Italie, la France et la Belgique.
Les autorités luxembourgeoises furent encore informées via le Centre de coopération policière et douanière par les autorités allemandes que l’intéressé leur était également connu, tandis que les autorités françaises informèrent les autorités luxembourgeoises que Monsieur (A) leur était connu et qu’il faisait l’objet d’un ordre de quitter le territoire lui notifié le 10 janvier 2023.
Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 23 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile contacta les autorités consulaires tunisiennes en vue d’une demande d’identification et de délivrance d’un laissez-passer dans le chef de l’intéressé.
Suivant le relevé journalier du CPL du 30 août 2023, Monsieur (A) y fut incarcéré à cette même date, étant relevé qu’il se dégage de l’acte d’écrou du 1er septembre 2023, que l’intéressé y purgea la peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné par le Tribunal correctionnel à Luxembourg en date du 2 juin 2022 et que sa libération était provisoirement prévue pour le 31 mars 2025.
Le recours contentieux dirigé le 15 septembre 2023 contre la décision de placement en rétention du 18 août 2023 fut rejeté par jugement du tribunal administratif du 25 septembre 2023, inscrit sous le numéro 49435 du rôle, sur base de la considération que ledit recours avait perdu son objet compte tenu du fait que l’intéressé avait été incarcéré en date du 30 août 2023 au CPL, de sorte à ne plus avoir été placé au Centre de rétention non seulement au moment où le tribunal avait été amené à statuer mais déjà au moment de l’introduction du recours sous analyse.
Il se dégage ensuite du dossier administratif que le 14 novembre 2023, Monsieur (A) fit introduire, par l’intermédiaire de son mandataire de l’époque, un recours gracieux contre les décisions de retour et d’interdiction d’entrée sur le territoire prises à son encontre en date du 18 août 2023.
Le 13 février 2024, les autorités italiennes informèrent les autorités luxembourgeoises qu’elles avaient pris, à l’encontre de l’intéressé, une décision de retour, de même qu’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans en date du 10 mars 2022.
Suivant l’acte d’écrou du 26 octobre 2024, la peine d’emprisonnement de 24 mois relative à la condamnation du 2 juin 2022 fut interrompue pour contrainte par corps du 11 octobre au 26 octobre 2024, repoussant la libération provisoire de l’intéressé au 15 avril 2025.
Il se dégage du relevé journalier du CPL du 15 avril 2025 qu’à cette même date, l’intéressé fut libéré.
Suivant le rapport de police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 18 avril 2025, référencé sous le numéro …, Monsieur (A) fut interpellé par les agents de la police grand-
ducale.
Par arrêté du 19 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par le « ministre », ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 18 avril 2025 établi par la Police grand-ducale, unité Région … ;
Vu la décision de retour du 18 août 2023, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Suivant jugement du tribunal administratif du 5 mai 2025, inscrit sous le numéro 52767 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 28 avril 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel du 19 avril 2025, précité.
Par arrêté du 16 mai 2025, notifié à l’intéressé le 19 mai 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.
Suivant jugement du tribunal administratif du 28 mai 2025, inscrit sous le numéro 52895 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 21 mai 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel du 16 mai 2025, précité.
Par arrêté du 16 juin 2025, notifié à l’intéressé le 19 juin 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.
Suivant jugement du tribunal administratif du 2 juillet 2025, inscrit sous le numéro 53223 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 24 juin 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel du 16 juin 2025, précité.
Par arrêté du 16 juillet 2025, notifié à l’intéressé le 18 juillet 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 19 juillet 2025.
Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 19 avril, 16 mai et 16 juin 2025, notifiés le 19 avril, le 19 mai et le 19 juin 2025, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 19 avril 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juillet 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 16 juillet 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, outre de rappeler certains faits et rétroactes tels que relevés ci-avant, ainsi que de souligner que la décision querellée lui causerait torts et griefs et ne répondrait pas aux conditions requises par la loi, respectivement par les articles 5 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par la « CEDH », le demandeur explique être un ressortissant tunisien et être venu en Europe afin d’y introduire une demande de protection internationale et d’y travailler.
Il indique encore être venu au Luxembourg en 2019, alors que son oncle y aurait vécu, sa tante habitant à … et ses parents à …, et soutient qu’il devrait être régularisé pour avoir travaillé au Luxembourg comme « … » et en tant que « … ».
En droit, le demandeur fait tout d’abord souligner que le placement en rétention, qui constituerait une forme de privation de liberté au sens de l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, devrait rester une ultima ratio, cette mesure devant demeurer exceptionnelle, strictementnécessaire et dûment justifiée, tout en critiquant le ministre d’être resté en défaut d’envisager d’autres solutions plus adaptées et moins attentatoires à sa liberté individuelle, telle que l’assignation à résidence, pouvant suffire à atteindre les objectifs de la procédure d’éloignement, notamment assurer la disponibilité de l’étranger et prévenir le risque de fuite.
Il fait encore valoir qu’une obligation de motiver rigoureusement ses décisions pèserait sur le ministre, lequel devrait établir que toute autre mesure moins coercitive serait inefficace, ce qui n’aurait pas été démontré en l’espèce, le placement en rétention ne constituant pas la seule mesure propre à garantir le bon déroulement de la procédure d’éloignement, de sorte que cette manière de procéder violerait le principe de proportionnalité, ainsi que le cadre juridique encadrant les mesures d’éloignement, le demandeur suggérant ainsi le réexamen de sa situation et le recours à une alternative à son placement au Centre de rétention.
Après avoir souligné que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, tout en tenant compte du caractère proportionnel de ladite mesure et de l’inexistence de mesures moins coercitives, le demandeur cite l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, afin de reprocher à l’arrêté ministériel déféré portant prorogation de sa mesure de placement de ne pas être motivé à suffisance, respectivement de ne contenir qu’une motivation stéréotypée, non individualisée, ne documentant pas les diligences déjà entreprises par les autorités ministérielles et se limitant à indiquer que les motifs gisant à la base de la mesure de placement en rétention du 19 avril 2025 subsisteraient dans son chef, sans pour autant préciser quels éléments permettraient de retenir un risque de fuite et sans justifier l’impossibilité d’appliquer les mesures moins coercitives que le placement en rétention dans son chef.
A cet égard, il insiste sur le fait que ses centres d’intérêts « tant personnels que professionnels » se trouveraient au Luxembourg, éléments démontrant l’existence d’attaches au Luxembourg, de façon à exclure, dans son chef, tout risque de fuite. Le demandeur en conclut, au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, que son placement en rétention serait disproportionné, alors que les mesures moins coercitives, telle qu’une assignation à résidence, auraient pu être prises à son encontre.
Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste sur le fait qu’il pourrait être assigné à la maison retour, cette possibilité ressortant, selon lui, d’un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle, alors qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, qu’il aurait exprimé sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, qu’il n’entendrait pas se soustraire à la mesure d’éloignement et qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes, ainsi que des attaches au Luxembourg, de sorte que son maintien au Centre de rétention ne serait pas justifié, illégal et disproportionné par rapport au but recherché.
Il ajoute qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa presence. ».
Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette 6 mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».
En se référant à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur soutient encore que le dispositif d’éloignement ne serait pas exécuté avec toute la diligence requise et que les perspectives de son éloignement seraient incertaines dans la mesure où malgré une première demande d’identification adressée par le ministre aux autorités tunisiennes en date du 23 août 2023, renouvelée ensuite les 6 et 20 mai 2025, ainsi que le 16 juin 2025, ces dernières n’auraient pas encore procédé à son identification officielle, ni n’auraient délivré, dans son chef, un laissez-passer en vue de son rapatriement, si bien que tout porterait à croire que son éloignement vers la Tunisie ne pourrait pas être mené à bien. Dans ce même contexte, le demandeur fait encore valoir que rien ne garantirait, par ailleurs, qu’il serait « effectivement un ressortissant tunisien », la vérification de sa nationalité et l’acceptation de celle-ci par les autorités tunisiennes pouvant être sujettes à des contestations ou des délais, ce qui pourrait entraver les délais d’éloignement. Il ajoute que le ministre se serait contenté d’affirmer, dans le cadre de sa décision du 19 avril 2025, que des démarches seraient engagées dans les plus brefs délais et que, dans le cadre de sa décision du 16 juillet 2025, celui-ci affirmerait que lesdites démarches n’auraient pas encore abouti, le demandeur estimant que suivant un jugement du tribunal administratif du 5 octobre 2022, inscrit sous le numéro 47991 du rôle, l’envoi de simples lettres de rappel serait équivalent à une absence de démarches. Il en conclut que son éloignement ne serait pas exécuté avec toute la diligence requise, de sorte qu’il devrait être immédiatement libéré, conformément à l’article 5, paragraphe (1), point f) de la CEDH.
Par ailleurs, il donne à considérer que le placement dans une structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter, sinon à exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/1152 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’était pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait avoir un effet direct, faute de transposition en droit national.
Après avoir cité le considérant 16 de la directive 2008/115 et en se référant à un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répondrait aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle, le demandeur précisant, à cet égard, que son placement en rétention serait disproportionné pour méconnaître ses garanties de représentation suffisantes pour se voir appliquer des mesures moins coercitives, telles que l’assignation à résidence.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
S’agissant de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté litigieux a été pris, prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyende transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est, partant, en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal relève qu’il est constant en cause, pour avoir également été retenu par les jugements précités des 5 et 28 mai et 2 juillet 2025, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 18 août 2023, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, décision non visée par le présent recours, et qu’il ne dispose pas de documents de voyage valables, ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments pertinents permettant de renverser cette présomption, susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il est toujours resté en défaut de faire, étant relevé que les affirmations du demandeur quant à ses « attaches » au Luxembourg, sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises et le fait qu’il n’entendrait pas se soustraire à la mesure d’éloignement sont à eux seuls insuffisants à cet égard pour rester à l’état de pure allégation. Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont dès lors à rejeter.
Sur base de ces considérations, il y a lieu de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étrangerprésente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal est amené à constater, tel que relevé ci-avant et à l’instar des conclusions retenues dans les jugements prémentionnés des 5 et 28 mai, ainsi que du 2 juillet 2025 que le demandeur ne lui a pas soumis suffisamment d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
En effet, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque attache particulière – étant relevé, à cet égard, que l’affirmation du demandeur non autrement démontrée selon laquelle il aurait fixé ses « centres d’intérêts professionnel et personnel » au Luxembourg est plutôt de nature à corroborer le risque de fuite présumé dans son chef, la notion de risque de fuite visant, en effet, non pas un risque de quitter le territoire, mais un risque de soustraction à la mesure d’éloignement projetée –, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur tendant à une assignation à résidence à la maison retour, alors qu’une telle structure d’hébergement ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure d’assignation à résidence dans cette structure ne saurait, au vu des circonstances de l’espèce, être concevable en l’occurrence.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait prêt à coopérer avec les autorités luxembourgeoises, alors que ceci n’est pas per se de nature à laisser conclure à une garantie de représentation suffisante et à renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.
Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Concernant l’invocation par le demandeur d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal se doit, tout d’abord, de constater que dans le jugement précité du 2 juillet 2025, lequel a, tout d’abord retracé les diligences effectuées par les autorités ministérielles jusqu’au jugement du 28 mai 2025 - à savoir qu’à la suite de la libération de l’intéressé du CPL en date du 15 avril 2025 et de son placement en rétention subséquent ordonné par le biais de l’arrêté ministériel du 19 avril 2025, les autorités luxembourgeoises avaient contacté les autorités consulaires tunisiennes en date du 22 avril 2025 en vue de réitérer leur demande d’identification de l’intéressé et de délivrance d’un laissez-passer dans son chef, telle que formulée initialement le 23 août 2023, respectivement de se renseigner au sujet de l’état d’avancement de ce dossier. Par ailleurs, le 23 avril 2025, les services du ministre avaient encore demandé à la police grand-ducale de procéder à la prise des empreintes de l’intéressé, tout en s’adressant aux autorités consulaires tunisiennes par courriers respectifs des 6 et 20 mai 2025 afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier – pour ensuite constater que les autorités luxembourgeoises s’étaient de nouveau adressées aux autorités consulaires tunisiennes par courriers respectifs des 3 et 16 juin 2025 afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier, démarches qui ont été reconnues comme suffisantes.
Quant aux démarches effectuées depuis le jugement du 2 juillet 2025, il se dégage du dossier administratif, d’une part, que les autorités luxembourgeoises se sont de nouveau adressées aux autorités consulaires tunisiennes par courriers respectifs des 30 juin et 14 juillet 2025 afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier, et, d’autre part, qu’en date du 3 juillet 2025, les autorités consulaires tunisiennes ont indiqué à leurs homologues luxembourgeois que leur demande d’identification de Monsieur (A) est toujours en cours d’instruction.
Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où les autorités luxembourgeoises sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités tunisiennes, alors qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est en cours et qu’il est toujours poursuivi avec la diligence légalement requise, étant relevé qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement du demandeur ne puisse d’ores et déjà pas être mené à bien endéans les délais légalement requis, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation non autrement circonstanciée du demandeur selon laquelle la Tunisie pourrait, le cas échéant, émettre des contestations quant à la reconnaissance de sa nationalité.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…) f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) ».
L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et visetoutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme a retenu que : « (…) L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) (…) ».
En l’espèce, étant donné que le demandeur est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, qu’il a fait l’objet d’une décision de retour le 18 août 2023 et qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement est toujours en cours et poursuivie avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
S’agissant de la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale - le tribunal ayant plus particulièrement retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivie avec la diligence légalement requise - et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les meilleurs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115, ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;
2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 30 juillet 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.
s. Xavier Drebenstedt s. Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 30 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 14