Tribunal administratif N° 49110 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49110 5e chambre Inscrit le 3 juillet 2023 Audience publique extraordinaire du 18 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre un acte de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt sur le revenu
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49110 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2023 par Monsieur (A), demeurant à L-…, demandant au tribunal de « bien vouloir annulée le bulletin rectifié du 13 avril 2023 » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 novembre 2023 ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur (A) et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 février 2025.
Il ressort d’une attestation de virement bancaire, intitulée « Gutschrift », que Monsieur (A) reçut en date du 3 février 2022 un virement d’un montant de … euros de la part du Corps grand-ducal d’incendie et de secours, ci-après désigné par « le CGDIS ». Il est constant en cause que ledit virement constitue un remboursement partiel de frais d’assurances complémentaires, effectué par le CGDIS au bénéfice de Monsieur (A) en sa qualité de pompier volontaire.
Il ressort du dossier fiscal et notamment d’une attestation (« Bescheinigung ») émise le 24 janvier 2023 par la société anonyme (AA) que Monsieur (A) était redevable envers ladite compagnie d’assurance d’une prime d’assurance de … euros pour l’année 2022 au titre de son contrat de prévoyance-vieillesse auprès d’elle1.
Il ressort du dossier fiscal qu’en date du 9 mars 2023, Monsieur (A) déposa sa déclaration de l’impôt sur le revenu de l’année 2022 par voie électronique. Il s’avère au regard de ladite déclaration et de ses annexes que Monsieur (A) y déclara la somme de … euros au titre des dépenses spéciales déductibles couvertes par le minimum forfaitaire, sous la rubrique des primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-vieillesse visé par 1 « […] Hiermit bestätigen wir, dass für das Jahr 2022 die folgende Versicherungsprämie von unserer Gesellschaft ausgestellt wurde: […] Versicherungsart: Altersvorsorgeversicherung […] Prämie: … € Dieser Vertrag ist entsprechend der Bestimmungen des Artikels 111bis des geänderten Gesetzes vom 4. Dezember 1967 bezüglich der Einkommenssteuer ausgestellt. […] ».
1l’article 111bis de la loi modifiée du 4 novembre 1967 sur l’impôt sur le revenu, ci-après désignée « LIR ».
En date du 22 mars 2023, l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », émit à l’égard de Monsieur (A), sur le fondement du § 100a de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », un bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2022 portant imposition suivant déclaration et sous réserve d’un contrôle ultérieur.
En date du 13 avril 2023, après avoir procédé à un contrôle ultérieur, l’administration émit à l’égard de Monsieur (A) un nouveau bulletin portant imposition définitive de son revenu de l’année 2022 suivant le § 100a, alinéa (2) AO. Ledit bulletin indique :
« L’imposition diffère de la déclaration sur les points suivants Prévoyance-vieillesse:
Déduction du remboursement des assurances complémentaires aux pompiers volontaires. » Par courrier daté du 14 avril 2023 et réceptionné le 18 avril 2023 par le bureau d’imposition …, ci-après désigné le « bureau d’imposition », Monsieur (A) contesta l’imposition ainsi retenue à son égard.
Par courrier daté du 24 avril 2023, le bureau d’imposition répondit à Monsieur (A) qu’il ne procéderait pas à une rectification du bulletin, en rendant le contribuable attentif à la possibilité d’introduire une réclamation auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné « le directeur ».
Par courrier daté du 25 avril 2023 et réceptionné, d’après le tampon de l’administration apposés sur ledit courrier, le 4 mai 2023, Monsieur (A) introduisit une réclamation auprès du directeur.
Par décision daté du 21 juin 2023, le directeur reçut en la forme la réclamation de Monsieur (A), mais la rejeta comme non fondée, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vu la requête introduite le 3 mai 2023 par le sieur (A), demeurant à L-…, pour réclamer contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2022, émis en date du 13 avril 2023 ;
Vu le dossier fiscal ;
Vu les §§ 228 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;
Considérant que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;
Considérant qu’il ressort de sa requête que le réclamant fait grief au bureau d’imposition de ne pas avoir déduit l’entièreté des primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-vieillesse ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens du réclamant, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard, le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
2qu’en l’espèce, la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal que le bureau d’imposition a établi l’imposition pour l’année litigieuse sur pied du § 100a AO en date du 22 mars 2023 ;
Considérant qu’aux termes du § 100a AO, le bureau d’imposition peut, sous réserve d’un contrôle ultérieur, fixer l’impôt en tenant compte de la seule déclaration d’impôt ;
qu’en l’occurrence, le bureau d’imposition a procédé à un tel contrôle ultérieur et a émis un bulletin définitif, objet de la requête introductive, en date du 13 avril 2023 ;
Considérant que dans sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2022, le réclamant a déclaré un montant de … euros à titré de primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-vieillesse visé à l’article 111bis de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) ; que le bureau d’imposition n’a cependant admis qu’un montant de … euros en raison d’un remboursement de la part du Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS) ;
Considérant que dans sa requête le réclamant s’exprime comme suit : « Votre bureau … suppose un montant de remboursement par le CGDIS sans savoir exactement ce montant (…) Le remboursement de 2021 est demandé en 2022, et 2022 et demandé en 2023 » ;
Considérant qu’en vertu du règlement grand-ducal modifié du 13 juillet 2018 fixant les conditions et modalités de remboursement des assurances complémentaires aux pompiers volontaires, les pompiers volontaires bénéficient sur demande d’un remboursement partiel de versements faits en vertu d’un contrat individuel de prévoyance-
vieillesse visé par l’article 111bis L.I.R., en vertu d’un contrat d’assurance maladie visé par l’article 111 L.I.R. ou en vertu d’un contrat d’assurance auprès des sociétés de secours mutuels reconnues visées par l’article 111 L.I.R. ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal, que le réclamant a reçu en 2022 un remboursement à hauteur de … euros ;
Considérant que de manière générale, des dépenses spéciales antérieurement déduites dans le chef d’un contribuable qui lui sont remboursées sont à compenser au cours de l’année d’imposition du remboursement avec des dépenses spéciales du même genre ;
qu’en l’espèce le remboursement partiel de versements faits en vertu d’un contrat individuel de prévoyance-vieillesse visé par l’article 111bis L.I.R. et déduits en tant que dépenses spéciales au cours d’une année d’imposition antérieure à celle du remboursement est, en vue de la détermination du montant déductible de dépenses spéciales, à retrancher des versements faits dans le cadre du contrat mentionné ci-avant au cours de l’année du remboursement ; qu’il s’en suit que c’est à bon escient que le bureau d’imposition n’a porté en déduction qu’un montant de (… euros – … euros, i.e.) … euros à titre de primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-vieillesse ;
Considérant que pour le surplus, l’imposition est conforme à la loi et aux faits de la cause et n’est d’ailleurs pas autrement contestée ;
PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme, 3 la rejette comme non fondée. […] » Par requête déposée le 3 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif, Monsieur (A) a introduit un recours demandant au tribunal « de bien vouloir annulée le bulletin rectifié du 13 avril 2023 ».
1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Arguments et moyens des parties Dans son mémoire en réponse et quant à la recevabilité, le délégué du gouvernement estime que le recours serait à déclarer irrecevable au motif que la requête introductive d’instance serait dirigée directement contre un bulletin alors même que suite à l’introduction d’une réclamation auprès du directeur ce dernier aurait statué sur ladite réclamation par décision du 21 juin 2023.
Quant à l’objet du recours, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il conviendrait de faire abstraction de l’objet indiqué tant dans la réclamation que dans la requête introductive d’instance comme étant le « Bulletin de l’impôts sur le revenu 2021 et 2022 » et de se référer au « dispositif » de la requête visant, tout comme celui de la réclamation, le seul « bulletin rectifié du 13 avril 2023 », c’est-à-dire le bulletin de l’année 2022, conclusion qui serait par ailleurs corroborée par le corps de la requête et de la réclamation.
Le délégué du gouvernement précise que, dans l’hypothèse où le tribunal considérerait que le bulletin de l’année 2021 serait également mis en cause, la réclamation du 4 mai 2023 aurait été tardive dans la mesure où elle aurait visé ledit bulletin, notifié le 9 novembre 2022, et qu’il en découlerait une deuxième fin de non-recevoir pour le recours sous analyse.
Appréciation du tribunal Le tribunal relève de prime abord que tant la réclamation du 4 mai 2023 auprès du directeur que le présent recours sont formulés de manière peu claire et restent équivoques quant à leurs objets.
Toutefois, il y a lieu de faire application du principe de l’effet utile selon lequel la jurisprudence tend, sur le fondement du § 249, alinéas (1) et (2) AO, à interpréter les requêtes des contribuables selon l’intention qu’elles manifestent plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes employés. A cet égard, encore que le libellé de la requête introductive d’instance est identique à celui de la réclamation et que le demandeur s’y réfère aux « bulletin de l’impôts sur le revenu 2022 » sans mentionner la décision directoriale, il échet de constater que parmi les pièces versées en cause par le demandeur figure en premier rang la décision sur réclamation du directeur du 21 juin 2023 et qu’il est ressorti de ses explications à l’audience publique des plaidoiries qu’il conteste les conclusions de ladite décision.
Le tribunal est dès lors amené à conclure que le recours sous examen est dirigé contre la décision directoriale du 21 juin 2023.
4Le moyen d’irrecevabilité du délégué du gouvernement tiré du fait que le recours serait dirigé directement contre un bulletin de l’impôt est donc à rejeter pour ne pas être fondé.
Dans le même contexte, il échet de constater que la décision directoriale déférée ne prend position que par rapport à une réclamation dirigée contre le bulletin de l’impôt sur le revenu de l’année 2022, et non point de l’année 2021, de sorte que les développements du délégué du gouvernement sur la question de savoir si le recours sous examen viserait éventuellement l’année d’imposition 2021 sont à rejeter pour ne pas être pertinents en l’espèce.
Enfin, Monsieur (A) n’ayant pas qualifié son recours, il y a lieu d’admettre qu’il a entendu introduire le recours prévu par la loi2.
Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.
En conséquence, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation contre la décision directoriale du 21 juin 2023, lequel est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
2) Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours, le demandeur reprend les moyens exposés dans sa contestation du 18 avril 2023 auprès du bureau d’imposition ainsi que dans sa réclamation du 4 mai 2023 devant le directeur, soutenant en substance (i) que le bureau d’imposition aurait à tort soustrait le remboursement de … euros lui parvenu de la part du CGDIS du montant de ses dépenses déductibles, alors que le bureau d’imposition n’aurait pu connaître le montant exact du remboursement correspondant aux primes versées au titre de l’année fiscale concernée, un tel remboursement ne pouvant être demandé auprès du CGDIS que le premier trimestre de l’année qui suit celle du versement de la prime, et (ii) qu’en soustrayant le montant du remboursement des dépenses déductibles du demandeur, le bureau d’imposition aurait procédé à une imposition indirecte dudit remboursement, le demandeur précisant à cet égard que le remboursement – constituant un acte de reconnaissance accordé aux pompiers volontaires – serait non imposable.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut en substance au rejet du recours pour ne pas être fondé, au motif que le bulletin définitif du 13 avril 2023 aurait à juste titre soustrait, de la somme déclarée par le demandeur au titre du contrat de prévoyance-vieillesse, le remboursement de … euros lui parvenant du CGDIS.
Appréciation du tribunal 2 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1348 et les autres références y citées.
5 A titre liminaire, le tribunal écarte le moyen du demandeur formulé dans son courrier électronique du 10 février 2025 soit, après la prise en délibéré de l’affaire par le tribunal, quant à la possibilité, ou à l’impossibilité, de diviser le montant remboursé par le CGDIS entre deux postes distincts de dépenses spéciales, à savoir les primes versées au titre d’un contrat de prévoyance-vieillesse et celles versées au titre d’un contrat d’assurance maladie privé complémentaire, étant donné que ce moyen a été développé pour la première fois après la prise en délibéré de l’affaire.
Le tribunal constate ensuite qu’il ressort du bulletin du 13 avril 2023 qu’en substance, l’imposition résultant dudit bulletin diffère de la déclaration du demandeur, et partant du bulletin suivant déclaration du 22 mars 2023, en ce que le remboursement de … euros parvenant au demandeur de la part du CGDIS a été soustrait du montant de … euros déclaré par le demandeur, seule la différence de … –… = … euros ayant finalement été retenue par l’administration comme dépense déductible au titre de versements effectués dans le cadre du contrat de prévoyance-vieillesse.
Le litige opposant les parties en l’espèce porte en substance sur la question de la régularité de la soustraction effectuée par l’administration du montant viré par le CGDIS des dépenses déductibles.
L’article 39 de la loi du 27 mars 2018 portant organisation de la sécurité civile, telle que modifiée, ci-après désignée par « la loi du 27 mars 2018 », invoqué par le demandeur dans ses échanges avec le bureau d’imposition, prévoit ce qui suit :
« Le CGDIS peut rembourser jusqu’à hauteur de cinquante pour cent des paiements effectués par le pompier volontaire pour la souscription d’une pension complémentaire dans le cadre du régime de la prévoyance-vieillesse ou d’une assurance maladie privée complémentaire.
Le remboursement des paiements pour la souscription d’une pension complémentaire dans le cadre du régime de la prévoyance-vieillesse et le remboursement d’une assurance maladie privée complémentaire sont cumulables pour le même pompier volontaire. Le remboursement cumulé ne peut pas dépasser le montant de 1 600 euros par année. Ce montant est adapté périodiquement aux variations du coût de la vie constaté par l’indice pondéré des prix à la consommation qui est établi et publié chaque mois par l’Institut national de la statistique et des études économiques.
Les conditions et les modalités du remboursement sont fixées par règlement grand-
ducal. Le remboursement est exempt d’impôts. ».
Le règlement grand-ducal d’exécution auquel fait référence le dernier alinéa de l’article 39 précité est le règlement grand-ducal du 13 juillet 2018 fixant les conditions et modalités de remboursement des assurances complémentaires aux pompiers volontaires, tel que modifié, ci-après désigné « le règlement grand-ducal du 13 juillet 2018 » qui prévoit en son article 2 :
« Le pompier volontaire est éligible à un remboursement annuel unique jusqu’à hauteur de cinquante pour cent du montant versé dans le cadre :
61° d’un contrat individuel de prévoyance-vieillesse visé par l’article 111bis de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ou de cotisations personnelles sur les rémunérations des salariés en raison de l’existence d’un contrat sous un régime complémentaire de pension, instaurées conformément à la loi du 8 juin 1999 relative aux régimes complémentaires de pension, visées par l’article 110, alinéa 3, de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu ;
[…] ».
En premier lieu, force est au tribunal de constater qu’en dépit de la terminologie employée, le « remboursement » visé par l’article 39 de la loi du 27 mars 2018 ainsi que par le règlement grand-ducal du 13 juillet 2018 ne constitue pas un remboursement au sens propre du terme, alors qu’il ne s’agit pas d’argent restitué par le créancier du versement original à son débiteur, ce qui aurait été le cas si la compagnie d’assurance avait remboursé en tout ou en partie le montant de la prime d’assurance à l’assuré, mais doit s’analyser au contraire comme un avantage versé par un tiers, à savoir le CGDIS, au pompier volontaire.
Il ressort des travaux parlementaires ayant abouti à la loi du 27 mars 2018 que ledit « remboursement » fait – tel que le demandeur le soutient en substance – partie des « mesures de reconnaissance de l’engagement des volontaires et censées exprimer la reconnaissance de la nation pour leur action et leurs missions au service de l’intérêt générale »3.
Il ressort en outre des travaux parlementaires que le texte à l’origine de l’actuel article 39 de la loi du 27 mars 2018 a été modifié afin de prévoir, expressément et par la voie légale, l’exemption d’impôts du « remboursement »4.
S’agissant de la qualification fiscale dudit « remboursement », le tribunal retient, sur base des développements qui précèdent, que :
(i) le montant n’est pas remboursé au pompier volontaire par la compagnie d’assurance mais lui est versé par le CGDIS, un établissement public aux missions duquel le pompier volontaire participe ;
(ii) le législateur a expressément exempté ledit montant, étant relevé qu’une exemption de l’impôt sur le revenu n’a lieu d’être – par essence – que si le « remboursement » est a priori compris dans une des catégories de revenus nets de l’article 10 LIR, qui entrent seuls en ligne de compte pour la détermination du total des revenus nets et – après déduction des dépenses spéciales – pour le calcul du revenu imposable ;
Etant relevé, par ailleurs, que le critère d’indépendance, nécessaire pour une éventuelle qualification du « remboursement » en tant que bénéfice relevant des trois premières catégories de l’article 10 LIR, fait défaut dans le chef d’un pompier volontaire agissant sous la direction du CGDIS, le soi-disant « remboursement » doit forcément rentrer 3 Trav. parl. n° 6861, Document n° 6861/00 – Commentaire des articles, p. 48.
4 Trav. parl. n° 6861, Document n° 6861/10 – Amendements adoptés par la/les commission(s) : Commission des Affaires intérieures, p. 22 : « L’ajout au dernier alinéa retient l’exemption d’impôts pour le remboursement des paiements pour la souscription d’une pension complémentaire dans le cadre du régime de la prévoyance vieillesse et le remboursement d’une assurance maladie privée complémentaire. ».
7dans une des 5 dernières catégories de revenus nets prévues par l’article 10 LIR.
Il s’ensuit que le « remboursement » constitue, d’un point de vue fiscal, une recette au sens de l’article 104 LIR. En effet, ledit article prévoit, en son paragraphe (1), que :
« Sont considérés comme recettes tous les biens et avantages, tant en espèces qu’en nature, mis à la disposition du contribuable dans le cadre de l’une des catégories de revenus nets mentionnées aux numéros 4 à 8 de l’article 10. ».
Par ailleurs, la qualification fiscale des primes d’assurance versées par le demandeur, en tant que dépense spéciale déductible couverte par le minimum forfaitaire, rentrant plus précisément dans la rubrique des primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-
vieillesse visé par l’article 111bis LIR, n’est pas contestée en l’espèce.
En suivant l’ordre dicté par la LIR pour calculer le revenu imposable, le tribunal rappelle qu’il convient, dans une première étape et par application de l’article 103 LIR5, de déterminer l’excédent de la somme des recettes sur les éventuels frais d’obtention afin de calculer le revenu net de chacune des catégories de revenus visées aux numéros 4 à 8 de l’article 10 LIR, de calculer ensuite le total des revenus nets suivant les dispositions de l’article 7, alinéa (2) LIR6, puis, dans une étape ultérieure et par application de l’article 7, alinéa (1) LIR7, de déduire du total des revenus nets les dépenses spéciales visées à l’article 109 LIR, dont font partie notamment les primes versées en vertu d’un contrat de prévoyance-vieillesse tel que visé par l’article 111bis LIR.
C’est partant au niveau du calcul des revenus nets, et non de la détermination des dépenses spéciales à déduire du total des revenus nets pour aboutir au revenu imposable, qu’il convient, le cas échéant, de tenir compte de recettes.
Or, en l’espèce, la recette litigieuse qui est constituée par le « remboursement » effectué par le CGDIS est précisément exemptée d’impôts en vertu de l’article 39 de la loi du 27 mars 2018, de manière qu’il convient de ne pas inclure le montant afférent dans les revenus nets.
Le directeur, pour motiver la prise en compte du montant du « remboursement » dans le cadre non pas du calcul des revenus nets mais de la détermination des dépenses spéciales déductibles, invoque, comme fondement, la considération que « de manière générale, des dépenses spéciales antérieurement déduites dans le chef d’un contribuable qui lui sont remboursées [seraient] à compenser au cours de l’année d’imposition du remboursement avec des dépenses spéciales du même genre ; […] ».
Ce raisonnement, d’ailleurs avancé par le directeur sans référence à une base légale concrète, repose essentiellement sur la notion de remboursement laquelle, tel qu’exposé auparavant par le tribunal, n’est pas adaptée pour qualifier fiscalement l’avantage accordé au pompier volontaire par le CGDIS. Dès lors, une pareille considération générale ne saurait 5 Article 103 LIR : « (1) Le revenu net de chacune des catégories de revenus visées aux numéros 4 à 8 de l’article 10 est constitué par l’excédent des recettes sur les frais d’obtention. (2) (…) ».
6 Article 7, alinéa (2) LIR : « Le total des revenus nets est constitué par l’ensemble des revenus nets, déterminés distinctement pour chacune des catégories énumérées à l’article 10, les pertes dégagées pour l’une ou l’autre catégorie se compensant, s’il n’en est pas autrement disposé, avec les revenus nets des autres catégories. ».
7 Article 7, alinéa (1) LIR : « Le revenu imposable est obtenu par la déduction des dépenses spéciales visées à l’article 109 du total des revenus nets. ».
8justifier la dérogation opérée par l’administration au calcul du revenu imposable.
A titre superfétatoire, le tribunal relève que la conclusion qui précède est corroborée par le fait qu’il ressort du procès-verbal de la réunion du 16 mars 2017 de la commission des Affaires intérieures, à l’ordre du jour de laquelle figurait notamment la continuation des travaux sur le projet de loi ayant abouti à la loi du 27 mars 2018, que « Monsieur le Ministre souligne que cette disposition [à savoir, l’article 35 du projet de loi en sa version au jour de la réunion, qui correspond à l’article 34 du projet initial et qui est à l’origine de l’actuel article 39 de la loi du 27 mars 2018] fait partie des mesures destinées à renforcer le volontariat. Actuellement, le montant fiscalement déductible pour une pension complémentaire est fixé à … €. L’article 35 prévoit que le CGDIS peut rembourser jusqu’à cinquante pour cent de ce montant, lequel reste par ailleurs entièrement déductible. »8. Il en découle l’intention des rédacteurs du texte original d’éviter que le montant « remboursé » par le CGDIS impacte le montant fiscalement déductible par le pompier volontaire.
Il s’ensuit que le recours est à déclarer fondé.
Partant, il y a lieu de réformer la décision directoriale litigieuse en ce sens que le montant des dépenses spéciales du demandeur n’est pas à réduire du montant lui versé par le CGDIS sur le fondement de l’article 39 de la loi du 27 mars 2018 et du règlement grand-
ducal du 13 juillet 2018, et de renvoyer le dossier devant le directeur en prosécution de cause.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 juin 2023, référencée sous le numéro (1) du rôle ;
au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 21 juin 2023, référencée sous le numéro (1) du rôle, dit que que le montant des dépenses spéciales du demandeur n’est pas à réduire du montant lui versé par le CGDIS sur le fondement de l’article 39 de la loi du 27 mars 2018 et du règlement grand-ducal du 13 juillet 2018 ;
renvoie le dossier devant le directeur en prosécution de cause ;
condamne la partie étatique aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 18 juillet 2025 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, 8 Trav. parl. n° 6861, Document n° 12 – Commission des Affaires intérieures Procès-verbal (12) de la réunion du 16 mars 2017, p. 8. Souligné par le tribunal.
9 en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 10