Tribunal administratif N° 53126 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53126 1re chambre Inscrit le 4 juillet 2025 Audience publique du 14 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L.29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 53126 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2025 par Maître Yusuf MEYNIOGLU, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée-Bissau) et être de nationalité guinéenne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 27 juin 2025 ordonnant son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hayri ARSLAN, en remplacement de Maître Yusuf MEYNIOGLU, et Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 juillet 2025.
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Suivant rapport de la police grand-ducale du 27 juin 2025, Monsieur (A) fut dans l’impossibilité de présenter des documents d’identité, lors d’une vérification des autorisations de travail du personnel d’un « barber shop » effectuée en raison de soupçons de travail clandestin.
Par arrêté du même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de le quitter sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son encontre.
Par arrêté séparé du 27 juin 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :
1« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 juillet 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 27 juin 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification.
Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Prétentions et moyens des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur affirme résider légalement au Portugal depuis 2023 et avoir des attaches familiales très fortes au Luxembourg, alors que sa future épouse y demeurerait et qu’il s’y serait rendu en vue d’organiser leur mariage.
Au vu de ces éléments, il estime que la décision déférée lui causerait torts et griefs, de sorte qu’il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives au sens de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.
En droit, le demandeur fait valoir qu’il disposerait d’une autorisation de séjour délivrée par les autorités portugaises et ne saurait dès lors être considéré comme étant en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeoise.
Après avoir cité l’article 120 de la loi du 29 août 2008, il soutient que la décision déférée serait entachée d’un défaut de base légale, en ce que l’existence d’une décision de retour assortie d’une obligation de quitter le territoire ne saurait justifier à elle seule un placement en rétention. Il conteste également l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, estimant que la simple présomption de pareil risque de fuite ne saurait suffire à motiver un placement en rétention.
Le demandeur renvoie ensuite à l’article 125 de la même loi et affirme être disposé à déposer une garantie financière de 5.000 euros et à se soumettre à toute autre condition que le ministre jugerait appropriée dans le but d’obtenir sa libération et de régulariser sa situation 2administrative au Portugal et, le cas échéant, au Luxembourg.
En se référant aux articles 5 et 18 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après dénommée la « CEDH », il fait valoir que la privation de liberté devrait toujours demeurer l’exception et que les autorités compétentes devraient faire tous les efforts et entreprendre toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée dans les délais les plus brefs.
Il reproche, à cet égard, au ministre de ne pas avoir respecté cette exigence, alors qu’aucun obstacle légal ne s’opposerait à sa libération.
Enfin, le demandeur reproche au ministre une violation du principe de proportionnalité, en ce que la mesure de rétention serait démesurée et entraînerait des conséquences graves et irréversibles tant pour lui que pour sa fiancée.
Il conclut à la réformation de la décision ministérielle litigieuse, tout en soutenant qu’elle serait également entachée d’illégalité, d’excès et de détournement de pouvoir, de même qu’elle violerait la loi et les formes destinées à protéger les intérêts privés.
Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Appréciation du tribunal Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement en application des articles 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, et contrairement aux allégations du demandeur, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la 3préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
S’agissant d’abord des contestations de Monsieur (A) quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal rappelle que le 27 juin 2025, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, constatant son séjour irrégulier au Luxembourg.
Si l’intéressé soutient qu’il ne pourrait être déclaré en séjour irrégulier au Luxembourg, en ce qu’il disposerait d’une autorisation de séjour lui délivrée par les autorités portugaises, le tribunal relève qu’à travers l’argumentation en question, le demandeur entend, en réalité, remettre en cause la légalité de la susdite décision de retour prise à son égard. Or, cette décision ne fait pas l’objet du présent recours, dirigé à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 27 juin 2025 ordonnant son placement au Centre de rétention. Dès lors, et dans la mesure où le droit luxembourgeois n’admet actuellement pas le contrôle par voie d’exception des actes administratifs individuels et ce contrairement aux actes réglementaires par rapport auxquels l’article 102 de la Constitution révisée impose à toute juridiction le devoir de refuser l’application des règlements illégaux1, l’argumentation en question est à écarter pour défaut de pertinence.
Etant donné que le 27 juin 2025, le demandeur a encore fait l’objet d’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de trois ans, il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figurent justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.
1 Cour adm., 17 décembre 2015, n° 36893C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 179 et l’autre référence y citée.
4En effet, son argumentation selon laquelle il souhaiterait régulariser sa situation au Portugal, le cas échéant au Luxembourg, est tout au plus de nature à corroborer l’existence d’un risque de fuite dans son chef, étant rappelé à cet égard que la notion de risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à la mesure d’éloignement.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier des mesures moins coercitives, il échet de relever que l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention 5est ordonné. ».
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) qui peuvent être prononcées de manière cumulative, sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes2.
En l’espèce, le demandeur n’a pas soumis au tribunal d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Le tribunal vient, en effet, de conclure que l’argumentation de Monsieur (A) selon laquelle il aurait l’intention de régulariser sa situation au Portugal ou au Luxembourg n’est pas de nature à renverser le risque de fuite.
Il n’est, par ailleurs, pas établi que le demandeur disposerait d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg ou d’une quelconque autre attache - l’attestation testimoniale de Madame (B) demeurant à … et affirmant en des termes tout à fait généraux qu’elle serait la fiancée de Monsieur (A), qui serait son « petit ami » depuis 2023 et avec lequel elle mènerait une relation « très stable », étant, en l’absence d’autres éléments permettant d’apprécier la réalité, la stabilité et la pérennité de cette relation, insuffisante à cet égard -, et il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait disposé à déposer une garantie financière de 5.000 euros, étant donné qu’il n’est pas établi que l’intéressé dispose effectivement des moyens financiers requis pour verser une telle garantie financière.
Il suit des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.
Par ailleurs et pour autant qu’à travers son affirmation selon laquelle les autorités compétentes devraient faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée dans les délais les plus brefs, le demandeur ait entendu contester les démarches entreprises par le ministre pour procéder à son éloignement, le tribunal relève que l’autorité ministérielle (i) a procédé à une recherche effectuée dans la 2 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 971 et les autres références y citées.
6base de données EURODAC en date du 1er juillet 2025, laquelle avait révélé que l’intéressé avait déjà introduit une demande de protection internationale en Allemagne le 22 décembre 2016, (ii) a contacté les autorités portugaises le 30 juin 2025, soit trois jours après la notification de l’arrêté de placement en rétention de Monsieur (A), pour une éventuelle réadmission du demandeur sur le territoire portugais, laquelle a toutefois été refusée par lesdites autorités le 1er juillet 2025 et (iii) a contacté en date du 2 juillet 2025 l’Ambassade de la République de Guinée-Bissau en vue de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef du demandeur en y joignant une photo d’identité, une copie de son passeport, de même qu’un jeu d’empreintes.
Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à conclure que les démarches entreprises pour organiser l’éloignement du demandeur sont à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à la liberté de mouvement, consacré par l’article 5 de la CEDH, ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort du libellé de l’article 5 (1) f), précité, de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays3.
Dans un arrêt du 15 décembre 20164, la CourEDH a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.
Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».
L’article 18 de la CEDH, invoqué par le demandeur, dispose quant à lui que : « Les restrictions qui, aux termes de la présente Convention, sont apportées auxdits droits et libertés ne peuvent être appliquées que dans le but pour lequel elles ont été prévues. ».
En l’espèce et tel que relevé ci-avant, le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une trois de trois ans en date du 27 juin 2025, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire. Par ailleurs, le tribunal a relevé ci-avant qu’une procédure d’éloignement est en cours et est poursuivie avec la diligence requise.
3 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 et les autres références y citées.
4 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.
7Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une prétendue disproportion de la mesure de placement en rétention ainsi qu’à une violation des articles 5 et 18 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.
Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et à défaut d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée, de sorte que le recours sous analyse est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 juillet 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 8