Tribunal administratif Numéro 53115 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53115 5e chambre Inscrit le 3 juillet 2025 Audience publique du 9 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 53115 du rôle et déposée le 3 juillet 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Sierra Leone) et être de nationalité sierra-léonaise, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 13 juin 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 14 juin 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 juillet 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI et Madame le délégué du gouvernement Evelyne LORDONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 9 juillet 2025.
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Le 1er juin 2021, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Par décision du 21 septembre 2022, notifiée le 13 octobre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile refusa la demande de protection internationale de Monsieur (A) et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.
Le 15 décembre 2022, les autorités luxembourgeoises reçurent une demande de reprise en charge de Monsieur (A) de la part de leurs homologues suédois sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le 1règlement Dublin III », suite au dépôt par Monsieur (A) d’une demande de protection internationale en Suède en date du 14 décembre 2022.
Le 23 décembre 2022, les autorités luxembourgeoises acceptèrent ladite demande de reprise en charge sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III.
Le 27 février 2023, le demandeur introduisit une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg, laquelle fut déclarée irrecevable par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 27 avril 2023 sur le fondement de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015.
Le 12 mai 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision d’irrecevabilité du 27 avril 2023, duquel il fut débouté par une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 mai 2023.
Il ressort du dossier administratif que deux courriers parvinrent au ministre de l’Immigration et de l’Asile en date des 14 août et 5 octobre 2023, par lesquels Monsieur (A) fit introduire une demande en obtention d’une autorisation de séjour temporaire en qualité de travailleur salarié.
Par décision du 13 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, déclara irrecevable ladite demande en obtention d’une autorisation de séjour temporaire sur le fondement de l’article 39, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 ».
Par courrier daté du 30 décembre 2023, réceptionné le 2 janvier 2024 par les autorités compétentes, Monsieur (A) déposa un recours gracieux à l’encontre de la décision précitée du 13 décembre 2023.
Par décision du 16 janvier 2024, le ministre rejeta ledit recours gracieux en confirmant sa décision du 13 décembre 2023.
Le 28 mars 2024, les autorités luxembourgeoises reçurent une demande de reprise en charge de Monsieur (A) de la part de leurs homologues français sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b), du règlement Dublin III, suite au dépôt par Monsieur (A) d’une demande de protection internationale en France en date du 22 février 2024.
Le 3 avril 2024, les autorités luxembourgeoises acceptèrent ladite demande de reprise en charge sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d), du règlement Dublin III.
Le 3 juillet 2024, les autorités luxembourgeoises informèrent leurs homologues français que le transfert de Monsieur (A) n’était pas nécessaire alors que celui-ci se trouvait déjà au Luxembourg.
Il ressort d’un transmis daté du 10 avril 2025 que le ministre s’adressa au commissariat d’Echternach pour demander à la police grand-ducale de se rendre à l’adresse L-… – renseignée aux termes dudit transmis comme étant celle de la « copine » de Monsieur (A), Madame (B) – afin d’informer les services ministériels si Monsieur (A) était présent à ladite 2adresse, et, le cas échéant, de retenir son passeport, de prendre ses empreintes et sa photo, ainsi que de lui notifier une décision d’interdiction de territoire et de le placer au Centre de rétention.
Par arrêté du 11 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 14 avril 2025, le ministre prononça à l’égard de Monsieur (A) une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
Par arrêté séparé du 11 avril 2025, également notifié à l’intéressé en mains propres le 14 avril 2025, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, ladite décision étant basée sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu la décision de retour du 21 septembre 2022, lui notifiée le 13 octobre 2022 ;
Vu ma décision du 13 décembre 2023, lui refusant une autorisation de séjour pour travailleur salarié ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ;
Considérant que l’intéressé s’est présenté au Ministère des Affaires intérieures en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine en date des 10 novembre 2023, 16 mai 2023 et 4 janvier 2024 ;
Considérant que l’intéressé n’est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d’origine ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’identification et de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] » Par arrêté du 14 mai 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.
Suivant jugement du tribunal administratif du 23 mai 2025, inscrit sous le numéro 52857 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 15 mai 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel du 14 mai 2025, précité.
Par arrêté du 13 juin 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre prorogea une seconde fois le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 14 juin 2025, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
3« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 11 avril 2025, notifié le 14 avril 2025 et mon arrêté du 14 mai 2025, lui notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 11 avril 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 juillet 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 13 juin 2025.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, outre de citer certains des rétroactes exposés ci-avant, explique être de nationalité sierra-léonaise et vivre en situation irrégulière au Luxembourg depuis plusieurs années.
Il aurait régulièrement saisi les autorités ministérielles en vue d’une régularisation de sa situation administrative « par considération des nombreux éléments d’intégration qui ressort[irai]ent de son dossier administratif », parmi lesquels il nomme le fait qu’il vivrait depuis 2022 en communauté de vie, non continue, avec Madame (B), qu’il aurait acquis une formation scolaire et professionnelle au Luxembourg et que de nombreux employeurs auraient été – et resteraient – disposés à l’embaucher.
Il soutient que, jusqu’au moment de son placement en rétention, il aurait vécu auprès de Madame (B) sans troubler l’ordre public. Il ajoute que ce serait au domicile de sa compagne que les forces de l’ordre l’auraient arrêté. Le demandeur fait par ailleurs référence à une attestation testimoniale, versée parmi ses pièces, que Madame (B) aurait établie en vue de marquer son accord à ce qu’il soit assigné à résidence au domicile de Madame (B), qui serait sis à L-…. Il précise que cet accord serait toujours valable à l’heure actuelle.
Le demandeur souligne qu’au cours du mois de mai 2025, il aurait reçu la visite des autorités consulaires sierra-léonaises en vue de son identification et, le cas échéant, la délivrance d’un laissez-passer.
En droit, et après avoir cité les articles 120, paragraphes (1) et (3) et 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, ainsi que l’article 15, paragraphe (1) et le considérant n° 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des 4ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », le demandeur fait valoir que la légalité d’une mesure de rétention devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives. En outre, le demandeur insiste sur le fait que le dispositif d’éloignement devrait être exécuté avec toute la diligence requise.
Après avoir cité une nouvelle fois le considérant n° 16 de la directive 2008/115 et rappelé qu’il consacrerait le principe de proportionnalité, le demandeur soutient que l’objectif poursuivi par la mesure d’éloignement devrait être réalisable, ce qui serait le cas en présence d’un retour, sinon d’un éloignement, raisonnablement envisageable.
Il fait valoir qu’en l’espèce, à la suite du rendez-vous précité avec les autorités sierra-
léonaises, aucun élément du dossier ne serait plus venu confirmer que lesdites autorités auraient identifié le demandeur et accepté de délivrer un laissez-passer.
Ainsi, la privation de liberté subie par le demandeur ne serait plus proportionnée au but légitime poursuivi par l’autorité ministérielle, dès lors que le retour du demandeur serait devenu hautement improbable.
Le demandeur en conclut que la décision entreprise devrait encourir la réformation, et il demande au tribunal d’ordonner sa libération pure et simple, considérant encore qu’il ne constituerait pas un trouble à l’ordre public et pourrait alors bénéficier d’un hébergement auprès de sa compagne.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Appréciation du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
5Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, une décision de retour ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans ayant été prises à son encontre respectivement les 21 septembre 2022 et 11 avril 2025, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, le concerné ne disposant en outre ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé à cet égard que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 63. de la disposition légale en question.
Dès lors, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
Le tribunal rappelle qu’afin de renverser la présomption du risque de fuite, il appartient au demandeur de lui soumettre des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.
En l’espèce, le demandeur n’a fourni aucun élément susceptible de renverser ladite présomption et ne formule d’ailleurs aucune contestation circonstanciée à cet égard.
De la même manière, le demandeur ne formule pas non plus de contestation circonstanciée et dûment établie quant à l’existence et l’application de mesures moins coercitives, telles qu’énumérées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008. Cette conclusion n’est pas énervée pas le courrier électronique du demandeur du 9 juin 2025 figurant au dossier administratif, dans lequel il se borne à affirmer pouvoir laisser en garantie un véhicule, sans toutefois documenter cette affirmation qui reste donc à l’état de pure allégation.
Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15 de la directive 2008/115, ainsi qu’au considérant n° 16 de ladite directive, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. Or, une directive ne peut être directement appliquée et invoquée par un justiciable que si ses dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte1.
Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées.
En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de mettre en œuvre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal constate tout d’abord que, dans le jugement précité du 23 mai 2025, il a été retenu que par courrier daté du 17 avril 2025, les autorités ministérielles luxembourgeoises s’étaient adressées à l’Ambassade de la République de la Sierra Leone à Bruxelles pour demander aux autorités consulaires sierra-
léonaises de confirmer l’identité du demandeur et de lui accorder un laissez-passer, en annexant à ladite demande une photo et un jeu d’emprunts digitaux du demandeur ainsi qu’une copie du certificat de naissance sierra-léonais dont il était en possession. Il ressortait en outre du dossier administratif que, par courrier électronique du 8 mai 2025, les autorités luxembourgeoises avaient recontacté les autorités consulaires sierra-léonaises pour s’enquérir auprès d’elles de l’état d’avancement du dossier, et que les autorités consulaires sierra-léonaises avaient répondu le même jour pour proposer la tenue d’un entretien avec le demandeur en date du 21 mai 2025.
Par un nouveau courrier électronique du 8 mai 2025, les autorités luxembourgeoises avaient 1 Trib. adm., 9 octobre 2003, n°15375 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 116 (2e volet) et les autres références y citées.
7donné leur accord aux autorités consulaires sierra-léonaises pour la tenue d’un entretien en date du 21 mai 2025, en leur demandant des précisions quant aux modalités à prévoir. Lesdites démarches avaient été retenues, par le jugement précité du 23 mai 2025 comme ayant été suffisantes, ce constat n’ayant pas été énervé par le report de l’entretien du 21 mai 2025 susvisé au 27 mai 2025.
Quant aux démarches effectuées depuis lors, il se dégage du dossier administratif que l’entretien précité du demandeur par les autorités consulaires a bel et bien eu lieu le 27 mai 2025. Il ressort également dudit dossier administratif que l’identité du demandeur a été confirmée lors de cet entretien, que les autorités luxembourgeoises ont contacté les autorités consulaires sierra-léonaises les 10 et 13 juin 2025, afin de s’enquérir de la possibilité qu’un laissez-passer soit accordé, et que les autorités consulaires sierra-léonaises ont indiqué aux autorités luxembourgeoises être en attente d’un retour des autorités sierra-léonaises à ce propos et se tenir régulièrement informées de l’avancement du dossier.
Au vu des diligences ainsi accomplies par les autorités luxembourgeoises et étant donné que ces dernières sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités sierra-léonaises, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.
Finalement, en ce qui concerne les chances pour l’éloignement du demandeur d’être mené à bien, le tribunal constate qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, mais que, bien au contraire, le contact a pu être établi avec les autorités sierra-
léonaises, lesquelles ont identifié le demandeur comme étant de nationalité sierra-léonaise et lesquelles sont disposées à poursuivre leur collaboration avec les autorités luxembourgeoises.
Il n’est dès lors pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal conclut, en l’état actuel du dossier, qu’il ne saurait utilement remettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision entreprise.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
8Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2025 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 9