La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2025 | LUXEMBOURG | N°53044

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 juillet 2025, 53044


Tribunal administratif N° 53044 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53044 1re chambre Inscrit le 20 juin 2025 Audience publique du 9 juillet 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53044 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Ma

dame (A), née le … à … (Ukraine) et de nationalité ukrainienne, actuellement a...

Tribunal administratif N° 53044 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53044 1re chambre Inscrit le 20 juin 2025 Audience publique du 9 juillet 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53044 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 juin 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Ukraine) et de nationalité ukrainienne, actuellement assignée à résidence à la maison retour, sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 juin 2025 de la transférer vers l’Allemagne, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 30 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en sa plaidoirie à l’audience publique du 2 juillet 2025.

Le 10 avril 2025, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection temporaire au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par la « loi du 18 décembre 2015 », demande qui fut rejetée par décision du ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par le « ministre », le 17 avril 2025.

Le 23 avril 2025, Madame (A) introduisit auprès du ministère une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015.

Le même jour, Madame (A) fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Madame (A) avait auparavant introduit une demande de protection internationale en Belgique le 16 juillet 2018.

1 Il ressort encore des informations recueillies par les autorités ministérielles auprès du Centre de Coopération Policière et Douanière du Luxembourg (« CCPD »), que Madame (A) a déposé une demande de protection internationale et une demande en obtention d’un titre de séjour en Allemagne.

Le 5 mai 2025, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

Le 13 mai 2025, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues allemands une demande de prise en charge de Madame (A) sur base de l’article 12 (4) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée sur base de l’article 12 (1) du règlement Dublin III le 16 mai 2025.

Par arrêté du 6 juin 2025, notifié à l’intéressée en mains propres le même jour, le ministre assigna Madame (A) à résidence à la maison retour sise à L-… pour une durée de trois mois.

Par décision du même jour, notifiée à l’intéressée en mains propres le même jour, le ministre informa Madame (A) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de la transférer dans les meilleurs délais vers l’Allemagne sur base de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12 (1) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 23 avril 2025 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »).

En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 12(1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférée vers l’Allemagne qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 23 avril 2025 et le rapport d’entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 5 mai 2025.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 10 avril 2025, vous avez introduit une demande de protection temporaire auprès des autorités luxembourgeoises. Cette demande a été rejetée par décision ministérielle du 17 avril 2025. Dans le cadre de cette demande de protection temporaire, vous avez présenté 2deux documents allemands, selon lesquels l’Allemagne vous a accordé la protection temporaire.

En date du 23 avril 2025, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale en Belgique en date du 16 juillet 2018.

Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat membre responsable, un entretien Dublin III a été mené en date du 5 mai 2025.

Sur base des informations et des documents à notre disposition, une demande de prise en charge en vertu de l’article 12(4) du règlement DIII a été adressée aux autorités allemandes en date du 13 mai 2025. Les autorités allemandes ont accepté de vous prendre en charge conformément à l’article 12(1) du règlement DIII en date du 16 mai 2025.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

L’article 12(1) du règlement DIII dispose que, si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité, l’Etat membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

Un Etat n’est pas autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, il ressort des résultats du 23 avril 2025 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Belgique en date du 16 juillet 2018. Il 3ressort également des documents que vous avez présenté dans le cadre de votre demande de protection temporaire qu’une protection temporaire vous a été octroyée en Allemagne, et que les autorités allemandes vous ont délivré un permis de séjour.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté l’Ukraine la dernière fois le 13 mars 2022 en direction de l’Allemagne. En Allemagne, une protection temporaire vous aurait immédiatement été proposée, sans vous demander si vous souhaitiez introduire une protection internationale. Avant d’arriver au Luxembourg, vous auriez vécu à Kalbe de mi-mars 2022 jusqu’au 2 février 2025, d’abord dans un foyer, après dans un appartement. Vous auriez quitté l’Allemagne parce que vous auriez aimé changer de région, mais vous n’auriez pas eu le droit.

Vous auriez par ailleurs eu des problèmes à trouver un emploi et vous ne vous seriez pas sentie la bienvenue en Allemagne. Vous préféreriez vous rapprocher de votre fils, qui habiterait depuis des années en Belgique.

Lors de votre entretien Dublin III en date du 5 mai 2025, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d’autres problèmes généraux empêchant un transfert vers l’Allemagne qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que l’Allemagne est liée à la Charte UE, et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que l’Allemagne est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que l’Allemagne profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. Par conséquent, l’Allemagne est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers l’Allemagne sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Madame, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Allemagne revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce contexte que vous avez la possibilité, dès votre arrivée en Allemagne, d’introduire une demande de protection internationale et si vous deviez estimer que les autorités allemandes ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités compétentes allemandes, notamment judiciaires.

4 Les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9, 10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers l’Allemagne, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers l’Allemagne, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transférée.

Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction générale de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers l’Allemagne en informant les autorités allemandes conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités allemandes n’ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2025, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle, précitée, du 6 juin 2025.

Etant donné que l’article 35 (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions visées à l’article 28 (1) de la même loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation sous analyse, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

5Prétentions des parties A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse expose en substance les éléments relevés ci-avant, tout en précisant que son état de santé empêcherait son transfert vers l’Allemagne. Elle invoque, à cet égard, des résultats médicaux révélant « une séropositivité au virus de l’hépatite C (HVC) », ce qui témoignerait d’une infection chronique active nécessitant un suivi spécialisé et des examens complémentaires.

En droit, la demanderesse se prévaut d’une violation des articles 3 de la Convention de sauvegarde de droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte », 3 (2), alinéa 2, 17 (1) et 32 (1) du règlement Dublin III, ainsi que 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève ».

Quant à la violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, elle fait valoir que même si l’Allemagne était liée par divers instruments juridiques internationaux ou européens garantissant les droits de l’Homme, tels que la CEDH, la Charte, la Convention de Genève, la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ci-après désignée par la « Convention torture », de même que par la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale et la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par la « directive Accueil », cette circonstance ne signifierait cependant pas qu’elle observerait effectivement les dispositions des articles 33 de la Convention de Genève, 3 de la CEDH ou 3 de la Convention la torture.

Elle cite, à cet effet, un extrait d’un rapport d’Amnesty International intitulé « Deutschland 2017/18 », duquel il ressortirait que les droits fondamentaux ne seraient pas respectés en ce qui concerne les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale d’origine « africaine » et qu’elle risquerait le même sort malgré son état vulnérable, tout en reprochant au ministre de n’avoir pris aucune mesure pour s’assurer que les autorités allemandes seraient en mesure de garantir le respect des dispositions de la directive Accueil et de lui apporter une assistance suffisante des soins de santé, une simple intention d’informer les autorités allemandes de son état de santé lors de l’organisation du transfert ne serait pas suffisante.

Elle ajoute que même s’il n’existait pas de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par la « CourEDH », ou de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », ni de recommandation de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ci-après désignée par « l’UNHCR », indiquant de suspendre les transferts vers la Allemagne, il ne pourrait pas être affirmé avec certitude que ledit pays respecterait ses obligations internationales et européennes en matière d’accueil des demandeurs de protection internationale.

Ce serait ensuite à tort que le ministre lui reproche de ne pas avoir démontré le degré de pénibilité et de gravité de ses conditions d’existence en Allemagne, alors qu’il serait constant que son transfert vers l’Allemagne, sans aucune perspective de prise en charge de ses droits les plus élémentaires, constituerait une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, pris 6ensemble avec l’article 3 (2) du règlement Dublin III, de sorte que la décision déférée encourrait la réformation.

Quant à la violation de l’article 17 (1) du règlement Dublin III, la demanderesse se prévaut du fait qu’elle aurait fui son pays d’origine après avoir subi l’invasion militaire russe en Ukraine pour faire valoir que ces éléments, tels que portés à la connaissance de l’autorité ministérielle, auraient dû amener celle-ci à examiner sa demande de protection internationale en lieu et place des autorités allemandes.

Enfin, s’agissant du principe de non-refoulement découlant de l’article 33 de la Convention de Genève, la demanderesse estime que les autorités luxembourgeoises ne disposeraient pas de suffisamment de garanties de la part des autorités allemandes concernant son éventuel refoulement vers son pays d’origine, tout en précisant que des institutions internationales auraient constaté que l’Allemagne aurait d’ores et déjà violé le principe de non-refoulement.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal En vertu de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015, sur le fondement duquel la décision ministérielle déférée a été prise, dispose que : « Si, en application du règlement (UE) n° 604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable sans examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

En vertu de l’article 12 (1) du règlement Dublin III, sur le fondement duquel la décision litigieuse a été également prise, dispose, quant à lui, que : « […] Si le demandeur est titulaire d’un titre de séjour en cours de validité, l’Etat membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. ».

Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui où le demandeur de protection internationale bénéficie d’un titre de séjour en cours de validité.

Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer la demanderesse vers l’Allemagne et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 12 (1) du règlement Dublin III au motif que l’Etat responsable 7de l’examen de la demande de protection internationale de la demanderesse est l’Allemagne où la demanderesse bénéficie d’un permis de séjour valable.

C’est dès lors a priori à bon droit que le ministre a décidé de la transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

Le tribunal relève ensuite que la demanderesse ne conteste pas la compétence de principe des autorités allemandes, respectivement l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, pour connaître de sa demande de protection internationale, mais soutient que son transfert vers l’Allemagne violerait les articles 3 (2), alinéa 2, 17 (1) et 32 (1), du règlement Dublin III, l’article 3 de la CEDH et l’article 4 de la Charte, ainsi que le principe de non-refoulement.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17 (1) du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.

En ce qui concerne d’abord l’existence alléguée de défaillances systémiques dans les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Allemagne, le tribunal relève que l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III prévoit que : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’État membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’État membre procédant à la détermination de l’État membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ».

Force est au tribunal de constater que cette disposition impose à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, corollaire de l’article 3 de la CEDH.

La situation visée par ledit article 3 (2) du règlement Dublin III est celle de l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé1.

1 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, point 92.

8 A cet égard, le tribunal relève que l’Allemagne est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH et le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard2. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants3.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption – réfragable – que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées4.

Dans un arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile5, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membres.

Le tribunal est également amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise ou reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives6, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE7, des défaillances systémiques au sens de l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées 2 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform, point 78.

3 Ibidem, pt. 79 ; voir également : trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur ww.jurad.etat.lu.

4 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, n° A11 S 858/14.

5 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, point 95.

6 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.

7 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

9de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 20178.

Quant à la preuve à rapporter par la demanderesse, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20199 que, pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine10. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant11.

En l’espèce, la demanderesse remettant en question cette présomption du respect par l’Allemagne des droits fondamentaux, puisqu’elle fait état de défaillances systémiques dans ce pays, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser en présentant des éléments permettant de retenir que la situation en Allemagne atteint le degré de gravité tel que requis par la jurisprudence précitée de la CJUE et par les principes dégagés ci-avant.

Le tribunal constate tout d’abord que la demanderesse ne produit aucun élément probant, tel que des rapports d’organisations internationales, qui permettrait d’appuyer son argumentation fondée sur l’existence à l’heure actuelle, en Allemagne, de défaillances systémiques au sens de l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, qui atteindraient le seuil de gravité tel que décrit ci-avant.

En ce qui concerne l’extrait du rapport d’Amnesty International intitulé « Deutschland 2017/18 » cité par la demanderesse dans sa requête introductive d’instance, , duquel il ressortirait que les droits fondamentaux ne seraient pas respectés dans le contexte des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale d’origine africaine, le tribunal constate, à l’instar de la partie étatique, que, d’une part, ledit rapport, datant de plusieurs années, ne saurait être considéré comme reflétant la situation actuelle en Allemagne, et que, d’autre part, le passage invoqué se réfère à un cas isolé concernant un ressortissant de Sierra Leone, de sorte qu’il ne s’en dégage pas, qu’à l’heure actuelle, tout demandeur de protection internationale, quelle que soit sa situation, ne pourrait bénéficier de conditions matérielles d’accueil lui permettant de faire face à ses besoins les plus élémentaires en Allemagne.

Eu égard à l’ensemble de ces éléments, et compte tenu du seuil de gravité fixé par la CJUE, le tribunal arrive à la conclusion que la demanderesse reste en défaut de prouver de 8 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16.

9 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 91.

10 Ibid., point 92.

11 Ibid., point 93.

10manière générale l’existence de défaillances systémiques en Allemagne, permettant de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 4 de la Charte.

Par ailleurs, le tribunal relève que la demanderesse n’invoque aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers l’Allemagne, voire une demande en ce sens de la part du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, ci-après désigné par l’UNHCR. La demanderesse ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers l’Allemagne dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile allemande qui exposerait les personnes concernées à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Ce constat n’est pas ébranlé par l’argumentation de la demanderesse selon laquelle l’absence de telles jurisprudence ou recommandation ne saurait constituer une certitude absolue du respect, par l’Allemagne, de ses obligations internationales et européennes, étant rappelé qu’il incombe à la demanderesse d’apporter des éléments concrets, précis et actuel de nature à renverser la présomption de respect, par l’Allemagne, des droits fondamentaux, ce qu’elle est en l’espèce en défaut de rapporter.

En conclusion, le tribunal retient que la demanderesse n’a pas rapporté la preuve de l’existence, en Allemagne, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers ce pays12.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, encourt, dès lors, le rejet.

Cependant, si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable13.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’Etat membre responsable 12 voir également en ce sens : trib. adm., 1er juillet 2024, n° 50525 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

13 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n° 29217/12; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n° 30696/09.

11de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte14, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant15.

En l’espèce, la demanderesse invoque son état de santé vulnérable pour conclure à une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de transfert vers l’Allemagne.

Or, il convient de relever qu’il ne se dégage pas de l’arrêt de la CJUE du 16 février 2017, précité, que l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable pour l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur de protection internationale doit, en tout état de cause et préalablement à la prise d’une décision de transfert et par avis médical, s’assurer automatiquement que le transfert n’entraîne pas une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé de l’intéressé pour toute personne déclarant avoir un quelconque problème de santé.

En effet, dans l’arrêt en question, la CJUE a d’abord mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable, que les Etats membres liés par la directive Accueil sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves: « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats ». Elle a retenu ensuite que « […] dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci. […] »16. Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « […] d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette 14 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 65 et 96.

15 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, point 88.

16 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 74 et 75.

12personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert […] »17.

Cette jurisprudence vise dès lors l’hypothèse particulière suivant laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée18.

La CJUE a encore relevé la coopération entre l’Etat membre devant procéder au transfert et l’Etat membre responsable afin d’assurer que le demandeur d’asile concerné reçoive des soins de santé pendant et à l’issue du transfert, l’Etat membre procédant au transfert devant s’assurer que le demandeur d’asile concerné bénéficie de soins dès son arrivée dans l’Etat membre responsable, les articles 31 et 32 du règlement Dublin III imposant, en effet, à l’Etat membre procédant au transfert de communiquer à l’Etat membre responsable les informations concernant l’état de santé du demandeur d’asile qui sont de nature à permettre à cet Etat membre de lui apporter les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels.

Ainsi, ce n’est que dans l’hypothèse où la prise de précautions de la part de l’Etat membre procédant au transfert ne suffirait pas, compte tenu de la gravité particulière de l’affection du demandeur d’asile concerné, à assurer que le transfert de celui-ci n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, qu’il incomberait aux autorités de l’Etat membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de cette personne, et ce aussi longtemps que son état ne la rend pas apte à un tel transfert.

Il appartient dès lors au tribunal, compte tenu des développements de la demanderesse à cet égard, de vérifier si l’état de santé de celle-ci présente une gravité telle qu’il y a de sérieux doutes de croire que son transfert entraînerait pour elle un risque réel de traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la CEDH19.

En l’espèce, s’il ressort certes des résultats médicaux du 8 mai 2025 que les analyses de la demanderesse ont révélé une séropositivité au virus de l’hépatite C, il n’en reste pas moins qu’il ne ressort pas desdits résultats que cette situation « nécessite[rait] un suivi spécialisé et des examens complémentaires », ni que « tout déplacement hors du territoire [serait] contre-indiqué », tel qu’allégué par la demanderesse.

17 Ibidem, points 76 à 85 et point 96.

18 Ibidem, point 83.

19 CEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

13Force est encore de constater que la demanderesse a elle-même déclaré auprès du ministère se sentir « En bonne santé », ce qui relativise la gravité de son état médical.

Au vu de ce qui précède, il ne ressort pas des pièces versées en cause que l’état de santé de la demanderesse serait d’une gravité telle qu’il ferait obstacle à son transfert.

A ceci s’ajoute que la demanderesse reste, en tout état de cause, en défaut de verser une quelconque pièce, voire de soumettre un quelconque indice concret, susceptible de laisser conclure qu’elle ne pourrait pas accéder en Allemagne aux soins médicaux éventuellement nécessaires et plus particulièrement au traitement médical dont elle pourrait, le cas échéant, avoir besoin, respectivement que ce même pays ne respecterait pas les obligations lui imposées à travers la CEDH, la Charte ou encore le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976.

Il convient, par ailleurs, de souligner que si la demanderesse devait estimer que le système d’aide allemand serait à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates. Il en va de même si la demanderesse devait estimer que le système allemand ne serait pas conforme aux normes européennes; dans ce cas, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits sur base de la directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte], ainsi que de la directive Accueil, directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates.

A toutes fins utiles, il convient encore de souligner que le règlement Dublin III ne s’oppose de toute façon pas au transfert des personnes vulnérables, à savoir les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes ayant été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, mais prévoit dans son article 32 (1), alinéa 1er une obligation à charge de l’Etat membre procédant au transfert de transmettre à l’Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer aux seules fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux, et avec le consentement explicite de la personne concernée, de sorte qu’en cas de besoin il pourra être tenu compte de l’état de santé du demandeur lors de l’organisation du transfert vers l’Allemagne par le biais de la communication aux autorités allemandes des informations adéquates, pertinentes et raisonnables le concernant conformément aux articles 31 et 32 du règlement Dublin III, à condition que l’intéressé exprime son consentement explicite à cet égard.

Partant, le tribunal est amené à retenir qu’il ne se dégage pas des éléments lui soumis que la demanderesse se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière s’opposant à son transfert vers l’Allemagne, de sorte qu’il ne saurait pas être reproché à l’autorité ministérielle de ne pas avoir sollicité de la part des autorités allemandes des garanties individuelles quant à une « assistance suffisante tant en matière de soins de santé que pour garantir un accompagnement global dans la poursuite de sa demande de protection internationale et de ses droits fondamentaux en matière d’asile ». Le moyen relatif à une violation de l’article 32 (1) du règlement Dublin III encourt dès lors le rejet.

14Au vu des considérations qui précèdent, il n’est pas non plus établi que compte tenu de sa situation personnelle, la demanderesse serait exposé à un risque réel de subir des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, en cas de transfert en Allemagne, nonobstant le constat fait ci-avant de l’absence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, au sens de l’article 3 (2) du règlement Dublin III.

Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation, par la décision ministérielle litigieuse, des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, pris isolément, est à rejeter.

Quant au moyen fondé sur une violation du principe de non-refoulement, consacré par l’article 33 de la Convention de Genève, le tribunal relève que suivant un arrêt de la CJUE du 30 novembre 202320, la juridiction de l’Etat membre requérant, saisie d’un recours contre une décision de transfert, ne peut examiner s’il existe un risque, dans l’Etat membre requis, d’une violation du principe de non-refoulement auquel le demandeur de protection internationale serait soumis à la suite de son transfert vers cet Etat membre, ou par suite de celui-ci, lorsque, tel que c’est le cas en l’espèce, cette juridiction ne constate pas l’existence, dans l’Etat membre requis, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’une protection internationale. Des divergences d’opinion entre les autorités et les juridictions de l’Etat membre requérant, d’une part, et celles de l’Etat membre requis, d’autre part, en ce qui concerne l’interprétation des conditions matérielles de la protection internationale n’établissent pas l’existence de défaillances systémiques.

Par ailleurs, et en tout état de cause, le tribunal se doit de relever que la décision ministérielle déférée n’implique pas un retour vers le pays d’origine de la demanderesse mais désigne uniquement l’Etat responsable pour le traitement de sa demande de protection internationale, étant souligné que ledit Etat, en l’occurrence l’Allemagne, a reconnu être compétent pour reprendre la demanderesse en charge.

Le tribunal relève ensuite que la demanderesse reste en défaut d’étayer concrètement l’existence, dans son chef, d’un risque d’être renvoyé arbitrairement dans son pays d’origine par les autorités allemandes. Elle ne fournit plus particulièrement aucun élément de nature à démontrer que l’Allemagne ne respecterait pas le principe de non-refoulement à son égard et faillirait dès lors à ses obligations internationales en la renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient sérieusement en danger ou encore qu’elle risquerait d’être forcée de se rendre dans un tel pays.

Par ailleurs, il n’appert de toute façon pas que la mise en œuvre d’une décision définitive de refus de protection internationale et de renvoi vers le pays d’origine constituerait en soi une violation du principe de non-refoulement, le règlement Dublin III visant, tel que relevé ci-dessus, précisément à lutter contre les demandes d’asile multiples (« asylum shopping ») en retenant le principe de l’examen de la demande par un seul Etat membre (« one chance only »), le règlement Dublin III cherchant, en effet, à pallier aux mouvements secondaires des demandeurs d’asile qui souhaitent, pour différentes raisons, notamment au vu d’une jurisprudence nationale plus favorable, faire leur demande dans l’Etat de leur choix.

A cela s’ajoute qu’il ne se dégage pas des éléments fournis par la demanderesse que si les autorités allemandes devaient néanmoins décider de la rapatrier en violation des articles 3 20 CJUE, 30 novembre 2023, affaires jointes C-228/21, C-254/21, C-315/21 et C-328/21.

15de la CEDH et 4 de la Charte, respectivement de l’article 33 de la Convention de Genève, alors même que dans son pays d’origine, elle serait exposée à un risque concret et grave pour sa vie et son intégrité physique, il ne lui serait pas possible de faire valoir ses droits directement auprès des autorités allemandes en usant des voies de droit adéquates.

Par ailleurs, même si toutes les voies de recours devaient être épuisées, il serait possible à la demanderesse de saisir la CourEDH pour lui demander, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, de demander aux autorités allemandes de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.

L’argumentation ayant trait à une violation du principe de non-refoulement est, au vu des développements faits ci-avant, à rejeter pour ne pas être fondée.

Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 17 (1) du règlement Dublin III, au motif de la non-application de la clause discrétionnaire y inscrite, il y a lieu de relever que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […] ».

A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres21, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201722.

Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge23, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration24.

En l’espèce, pour conclure à une violation de l’article 17 (1), précité, du règlement Dublin III, la demanderesse invoque, en substance, la même argumentation que celle développée à l’appui de son moyen tiré de la violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

Or, cet argumentaire vient d’être rejeté ci-avant, le tribunal ayant plus particulièrement retenu qu’un transfert de la demanderesse vers l’Allemagne n’est pas de nature à l’exposer à un risque réel de subir des traitements inhumains et dégradants, alors que, d’une part, la preuve de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des 21 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 65.

22 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.

23 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 64 et les autres références y citées.

24 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.

16demandeurs, au sens de l’article 3 (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, n’a pas été rapportée en l’espèce et, d’autre part, la demanderesse n’a pas non plus établi que compte tenu de sa situation personnelle, en ce compris son état de santé, un transfert vers l’Allemagne l’exposerait à un tel risque, nonobstant le constat de l’absence de défaillances systémiques, au sens de cette dernière disposition du règlement Dublin III.

Dans ces circonstances, le tribunal conclut qu’il n’est pas établi que compte tenu de l’état de santé de la demanderesse, le ministre se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17 (1), précité, du règlement Dublin III.

Le moyen tiré de la violation de l’article 17 (1) du règlement Dublin III encourt, dès lors, le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 9 juillet 2025 par :

Michèle STOFFEL, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 9 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 53044
Date de la décision : 09/07/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-07-09;53044 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award