La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2025 | LUXEMBOURG | N°49455

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 juillet 2025, 49455


Tribunal administratif N° 49455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49455 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2023 Audience publique du 7 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision des ministres des Classes moyennes et des Finances en matière d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2023 par Ma

ître Alex ENGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe...

Tribunal administratif N° 49455 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49455 2e chambre Inscrit le 20 septembre 2023 Audience publique du 7 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision des ministres des Classes moyennes et des Finances en matière d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49455 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 20 septembre 2023 par Maître Alex ENGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), …, demeurant à L-

…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision des ministres des Classes moyennes et des Finances du 19 juin 2023 portant refus d’une demande relative aux aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 décembre 2023 ;

Vu le mémoire en réplique de Maître Alex ENGEL déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alex ENGEL et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2025.

Il est constant en cause que suite aux inondations survenues en date des 14 et 15 juillet 2021 sur une partie du territoire luxembourgeois, et notamment à Echternach, la (AA) privée « (AA) », exploitée par Monsieur (A) et sise à L-…, subit d’importants dégâts.

Il est encore constant en cause qu’en date du 8 novembre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère de l’Economie, aux fins de l’indemnisation du préjudice subi, une « demande d’aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles » dans le cadre de la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, ci-après désignée par la « loi du 9 août 2018 », réceptionnée par ledit ministère en date du 18 novembre 2021.

Par décision, portant la référence « … », non datée, le ministre des Classes moyennes rejeta la demande formulée en date du 18 novembre 2021 dans les termes suivants : « […] Notre Ministère accuse bonne réception de votre demande réceptionnée le 17 novembre 2021, 1relative aux aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles.

Nous vous prions de bien vouloir noter que l’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 déterminant la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles au régime d’aides prévu par la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, dispose que « Sont visées par le présent règlement toutes les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. ». Les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles sont prévues par l’article 9 de la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises.

Il s’en suit de ce qui précède que votre activité n’est pas visée par la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales Seules les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 précitée sont éligibles.

Nous sommes au regret de vous informer, après présentation de votre dossier à la commission d’aides d’Etat compétente, que votre demande a été refusée pour cause que les conditions prévues à l’article 2 du Règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 ne sont pas remplies. […] ».

Par l’intermédiaire du Syndicat des … Luxembourgeois, Monsieur (A) fit introduire par courrier du 25 janvier 2022 auprès du ministre des Classes moyennes un recours gracieux à l’encontre de la décision, précitée.

Le ministre des Classes moyennes y répondit par une décision du 7 février 2022, libellée comme suit : « […] Notre Ministère accuse bonne réception de votre recours gracieux réceptionnée le 17 novembre 2021, relative aux aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles.

L’article 2 (1) du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 déterminant la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles au régime d’aides prévu par la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, dispose que : « Sont visées par le présent règlement toutes les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. ». Les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles sont prévues par l’article 9 de la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises. L’activité exercée par Monsieur (A) n’est pas soumise à la loi modifiée du 2 septembre 2011 précitée.

Comme déjà expliqué dans notre courrier adressé à Monsieur (A), seules les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 précitée sont éligibles à l’aide sous rubrique.

2Nous sommes au regret de vous informer, que nous devons confirmer notre décision de refus dans le dossier n°… […] ».

Par jugement du 24 avril 2023, inscrit sous le numéro 47408 du rôle, le tribunal administratif déclara fondé le recours contentieux introduit le 6 mai 2022 par Monsieur (A) à l’encontre de la décision - non datée -, précitée, du ministre des Classes moyennes portant refus de sa demande d’aides étatiques du 18 novembre 2021 ainsi que de la décision confirmative de refus du même ministre du 7 février 2022 intervenue sur recours gracieux au motif que ledit ministre n’était pas compétent pour prendre seul les décisions entreprises et renvoya le dossier en prosécution de cause devant l’autorité compétente.

Par décision, portant la référence « … », du 19 juin 2023, les ministres des Classes moyennes et des Finances rejetèrent la demande en obtention d’une aide étatique au titre de la loi du 9 août 2018 de Monsieur (A), cette décision étant libellée comme suit : « […] Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique, qui a fait entre-temps l’objet d’une instruction administrative.

Après délibération, la commission consultative don la composition et le fonctionnement sont déterminés par le règlement grand-ducal du 20 mai 2021 a émis un avis défavorable, étant donné que d’après l’article 2 paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 déterminant la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles au régime d’aides prévu par la loi modifiée du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, les entreprises ne disposant pas d’une autorisation d’établissement sont exclues.

Sur base de ce qui précède, les Ministres des Classes Moyennes et des Finances ne peuvent réserver une suite favorable à votre demande. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision des ministres des Classes moyennes et des Finances du 19 juin 2023 portant refus de sa demande d’aides étatiques du 18 novembre 2021.

I.

Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Aucune disposition légale ne prévoyant de recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision du 19 juin 2023.

Il est, en revanche, compétent pour connaître du recours en annulation introduit à titre subsidiaire contre cette même décision.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Il y a lieu de relever que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il n’en reste pas moins qu’une contestation 1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (1er volet) et les autres références y citées.

3non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions2. Dès lors et dans la mesure où l’Etat est resté en défaut d’expliquer en quoi le recours serait irrecevable, ses contestations afférentes encourent le rejet.

Le tribunal n’entrevoyant pas de moyens à soulever d’office, il conclut que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

II.

Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-dessus.

En droit et à titre d’observation préalable, il donne à considérer que si dans son jugement du 24 avril 2023, le tribunal administratif avait annulé les décisions, prémentionnées, portant refus de lui accorder une aide étatique en raison de l’incompétence du ministre des Classes moyennes à prendre seul lesdites décisions de refus, la décision du 19 juin 2023 émanerait toutefois, une fois de plus, du seul ministre des Classes moyennes.

Après avoir cité les dispositions des articles 1er, paragraphe (1), 2, points 8 et 19, 3, paragraphe (1), et 9, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018 ainsi que 50 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité, ci-après désigné par le « règlement 651/2014 », il reproche aux ministres compétents d’avoir refusé sa demande en obtention d’aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles quand bien même les conditions fixées à l’article 9 de la loi du 9 août 2018 seraient remplies dans son chef.

Il conclut ensuite à l’illégalité de l’article 2, paragraphe (1) du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 déterminant la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles au régime d’aides prévu par la loi du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 ».

A cet égard, il fait valoir que la loi du 9 août 2018 viserait expressément les petites et moyennes entreprises, tout en renvoyant à l’annexe I du règlement 651/2014 laquelle définirait la petite entreprise comme « […] toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique. […] », définition qui serait similaire à la définition de la notion d’« entreprise » retenue à l’article 2, point 8 de la loi du 9 août 2018.

Il avance que la volonté du législateur serait donc celle de faire bénéficier des aides étatiques toutes les personnes qui exercent une activité économique, à condition qu’elles soient à considérer comme petite ou moyenne entreprise, tout en insistant sur le fait que dans la mesure où la loi du 9 août 2018 ne prévoirait pas d’autre critère, il n’appartiendrait pas au 2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (2ème volet) et les autres références y citées.

4règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 d’ajouter une condition à la loi. Or, ledit règlement grand-ducal poserait en son article 2, paragraphe (1) une exigence supplémentaire, à savoir celle que les petites et moyennes entreprises devraient être titulaires d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par la « loi du 2 septembre 2011 ».

Il fait valoir que les travaux préparatoires relatifs à la loi du 9 août 2018 évoqueraient les petites et moyennes entreprises, sans limiter à aucun moment les aides étatiques aux seules entreprises qui disposent d’une autorisation d’établissement délivrée en application de la loi du 2 septembre 2011.

Au sujet de la définition de l’entreprise, il met en avant que le Conseil d’Etat aurait fait observer dans son avis du 24 avril 20183 au sujet du projet de loi relatif à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, que ladite loi ne pourrait pas renvoyer à un règlement grand-ducal, sous peine de violer la hiérarchie des normes, tout en soulignant que, pour ce qui est de la définition légale de la « petite entreprise », l’opposition formelle du Conseil d’Etat aurait mené à la suppression du renvoi au règlement grand-ducal du 16 mars 2005 portant adaptation de la définition des micro, petites et moyennes entreprises. En donnant à considérer que dans son avis complémentaire du 29 juin 2018, la Chambre des Métiers se serait ralliée à la critique du Conseil d’Etat, il renvoie encore à l’avis du Conseil d’Etat du 9 octobre 2018 relatif au projet de règlement grand-ducal déterminant la nomenclature des dépenses et entreprises éligibles à la loi relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, à l’occasion duquel celui-ci aurait dénoncé la pratique inconstitutionnelle des auteurs du règlement grand-ducal. Il conclut que deux enseignements pourraient être tirés de ce qui précède : premièrement, quant à l’intention du législateur, l’article 2 du règlement grand-ducal du 16 mars 2005 reprendrait exactement la même définition de l’entreprise que la définition qui se retrouverait dans la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003, ce qui confirmerait une fois de plus, le but du législateur, à savoir celui de faire rentrer dans le champ d’application de la loi l’ensemble des petites et moyennes entreprises qui exercent une activité économique, sans autre restriction.

Deuxièmement, quant à la place laissée au règlement grand-ducal d’exécution, les travaux préparatoires, et notamment les critiques du Conseil d’Etat et de la Chambre des Métiers, montreraient qu’il ne serait pas question de laisser le pouvoir exécutif, en l’occurrence le Grand-Duc, ajouter des conditions à la loi, le demandeur précisant qu’en disposant qu’« un règlement grand-ducal fixe la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles », le législateur n’aurait en tout état de cause pas permis au Grand-Duc de modifier le champ d’application de celle-ci.

Il soutient que s’il était parfaitement compréhensible que les aides étatiques prévues par la loi du 9 août 2018 ne soient réservées qu’aux entreprises qui disposent des autorisations requises pour l’exercice de leur activité, force serait néanmoins de constater que les autorisations étatiques divergeraient en fonction de l’activité des entreprises. Ainsi, un … ne serait pas titulaire d’une autorisation d’établissement telle que prévue par la loi du 2 septembre 2011, mais l’exercice de cette profession serait soumis à une autorisation du ministre de la Santé, conformément à l’article 1er, paragraphe (1) de la loi modifiée du 31 juillet 1991 déterminant les conditions d’autorisation d’exercer la profession de …, le demandeur mettant, à cet égard, encore en exergue qu’il disposerait d’un numéro de taxe sur la valeur ajoutée 3 Doc. parl. 7140, consultable sur www.chd.lu.

5(TVA) et que son entreprise aurait un code NACE, tout en soulignant que pour le reste, l’exploitation d’une … serait une activité économique « comme une autre ».

Il se réfère à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 octobre 2001 dans une affaire Ambulanz Glöckner, C-475/99, laquelle définirait comme « activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné », tout en soulignant que si les … vendaient des … et des …, le boulanger, le menuisier et le vendeur de vélos disposeraient d’une autorisation d’établissement émanant du ministre des Classes moyennes, tandis que le … disposerait d’une autorisation du ministre de la Santé.

Il conclut qu’une différence de traitement au regard de la loi du 9 août 2018 ne serait aucunement justifiée, tout en réitérant son argumentation selon laquelle il n’appartiendrait en tout état de cause pas au règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 de rajouter des conditions à la loi.

Dans son mémoire en réponse et quant à la forme de la décision déférée, le délégué du gouvernement fait valoir que celle-ci serait accompagnée du papillon de la décision ministérielle, signé non seulement par le ministre des Classes moyennes, mais également par le ministre des Finances, de sorte que celle-ci respecterait les pouvoirs attribués aux différents ministres.

Quant au fond, après avoir cité les dispositions des articles 3, paragraphe (1) de la du 9 août 2018 et 1er de la loi du 2 septembre 2011, le délégué du gouvernement conteste l’argumentation du demandeur selon laquelle l’exploitation d’une … serait une activité économique « comme une autre » en soutenant qu’un … ne serait pas en possession d’une autorisation d’établissement, tout en insistant sur le fait que le formulaire de demande d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises requerrait comme pièce, le numéro, la date, ainsi qu’une copie de l’autorisation d’établissement.

Il s’ensuivrait que Monsieur (A) ne remplirait pas la condition fixée à l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018 lequel disposerait que la loi viserait uniquement les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg. A cela s’ajouterait que le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 énoncerait clairement en son article 2 que seraient visées toutes les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi du 2 septembre 2011.

Dès lors, dans la mesure où les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles seraient prévues par l’article 9 de la loi du 9 août 2018 en faveur des petites et moyennes entreprises, la demande de Monsieur (A) ne remplirait pas les conditions d’octroi légales.

Le délégué du gouvernement donne, à cet égard, à considérer que les … relèveraient de la compétence du ministère de la Santé et non pas de celle du ministre des Classes moyennes ou encore du ministère de l’Economie, tout en soulignant que l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 9 août 2018 préciserait que « L’État, représenté par le ministre ayant l’Économie et le ministre ayant les Finances dans leurs attributions, dénommés ci-après « les ministres », peut octroyer une aide au profit des entreprises visées à l’article 3 ».

Il s’ensuivrait que le demandeur ne pourrait se voir appliquer une loi relative à des aides, mise en place par le ministre des Classes moyennes et le ministre des Finances, alors que le 6bénéfice de celles-ci serait strictement réservé aux entreprises détentrices d’une autorisation d’établissement au sens de la loi du 2 septembre 2011 laquelle ne ferait, en effet, nulle part référence à l’activité de …, le délégué du gouvernement soulignant encore que même si la loi du 9 août 2018 s’inspirait de l’article 50 du règlement 651/2014, cela n’empêcherait pas le législateur de prévoir des conditions d’éligibilité plus strictes que celles prévues par le cadre européen.

Le délégué du gouvernement en conclut que le ministre des Classes moyennes et le ministre des Finances auraient à juste titre analysé et refusé la demande de Monsieur (A), de sorte que la décision déférée serait à confirmer et le recours à rejeter pour ne pas être fondé.

Dans son mémoire en réplique et quant à la forme de la décision entreprise, le demandeur déclare se rapporter à prudence de justice.

Quant au fond, le demandeur reproche au délégué du gouvernement de ne pas répondre aux points de fait et de droit invoqués dans son recours.

Ainsi, quant à l’argumentation selon laquelle l’exploitation d’une … serait une activité économique « comme une autre », le demandeur reproche au délégué du gouvernement de se contenter de relever qu’il ne serait pas en possession d’une autorisation d’établissement en revoyant au formulaire de demande d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises et aux pièces à y joindre, sans se prononcer toutefois sur le fait, tel que relevé par lui dans son recours, que la loi du 9 août 2018 s’adresserait expressément aux petites et moyennes entreprises et qu’elle ne viserait à aucun endroit les détenteurs d’une autorisation particulière, telle une autorisation d’établissement. Ce ne serait, en effet, que le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 qui viserait, pour la première fois, « les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement », le demandeur insistant à cet égard plus particulièrement sur le fait qu’un formulaire préétabli qu’il faut remplir pour obtenir les aides étatiques ne saurait ni fixer les conditions de la loi, ni répondre à la question de savoir si l’exploitation d’une … est une activité économique « comme une autre ».

Le demandeur fait valoir que suivre l’argumentation du délégué du gouvernement aurait pour conséquence que seules les entreprises qui disposent d’une autorisation d’établissement exerceraient une activité économique. Or, une définition aussi restreinte de l’activité économique serait contraire à la définition telle que retenue par la CJUE dans son arrêt du 25 octobre 2001, prémentionné.

S’agissant ensuite de l’argumentation du délégué du gouvernent selon laquelle « Monsieur (A) ne remplit pas la condition fixée par l’article 3 de la loi de 2018, disposant que la loi vise uniquement les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-duché de Luxembourg », le demandeur donne à considérer qu’il serait prouvé par les pièces versées en cause que son entreprise serait régulièrement établie au Grand-Duché de Luxembourg, alors qu’il disposerait de toutes les autorisations dont un … peut et doit disposer.

Enfin, quant à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle « […] les … relèvent de la compétence du Ministère de la Santé et non du Ministre des Classes moyennes ou encore du ministère de l’Economie » et que « […] dès lors le requérant ne pourra se voir appliquer une loi d’aides mise en place par le Ministre de l’Economie et le Ministre des Finances », le demandeur soutient que cette argumentation serait inopérante alors que le champ d’application d’une loi ne serait pas déterminé en fonction du ou des ministères dont elle 7émane. Au contraire, une loi s’appliquerait à ceux qui sont visés par son champ d’application, en l’occurrence, les petites et moyennes entreprises suivant l’article 1er de la loi du 9 août 2018.

Il reproche dans ce contexte plus particulièrement au délégué du gouvernement de ne pas se prononcer sur l’illégalité du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018, ce quand bien même cette illégalité aurait été longuement développée dans son recours, tout en rappelant que cette illégalité aurait déjà été soulevée en son temps par le Conseil d’Etat dans son avis du 9 octobre 2018, lequel aurait retenu qu’« il n’appartient pas au règlement de compléter la loi de nouvelles situations d’exclusion. Si telle était la portée du règlement, il encourrait la sanction de l’inapplication au titre de l’article 95 de la Constitution ».

Dans un ordre d’idées subsidiaire, et à supposer que le règlement grand-ducal précité du 12 octobre 2018 ne serait pas illégal, le demandeur conclut à une violation par la loi du 9 août 2018, ensemble le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018, de l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, en sa version applicable à partir du 1er juillet 2023, lequel aurait repris le libellé de l’ancien article 10bis, paragraphe (1) de la Constitution selon lequel « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. ».

Il fait valoir que ledit article 15, paragraphe (1) serait violé en l’espèce en ce que la loi du 9 août 2018, ensemble le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018, viseraient à la fois les personnes détentrices d’une autorisation d’établissement et les personnes qui n’en détiennent pas, pour ne réserver les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles qu’à la première catégorie, sans que cette différence de traitement ne procèderait d’une disparité objective et qu’elle soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but.

Appréciation du tribunal Le tribunal relève tout d’abord qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’inscrivent, sans être lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties, l’examen des moyens tenant à la légalité externe devant précéder celui des moyens tenant à la légalité interne de la décision déférée.

1. Quant à la légalité externe de la décision querellée Il se dégage de l’article 1er, paragraphe (2) de la loi du 9 août 2018 que « L’État, représenté par le ministre ayant l’Économie et le ministre ayant les Finances dans leurs attributions […] peut octroyer une aide au profit des entreprises visées à l’article 3 ».

Il s’ensuit que ce sont les ministres ayant respectivement l’Economie et les Finances dans leurs attributions qui sont conjointement compétents pour octroyer ou non, au nom de l’Etat luxembourgeois et sur base de la loi du 9 août 2018, une aide aux entreprises éligibles qui en font la demande.

Or, si certes la décision entreprise du 19 juin 2023 ne comporte que la signature du seul ministre des Classes moyennes, il ressort toutefois du papillon, intitulé « décision ministérielle », du 12 mai 2023 relative à la demande « … » présentée par Monsieur (A) et portant refus des subventions sollicitées par lui, que celle-ci a été signée non seulement par le ministre des Classes moyennes, mais également par le ministre des Finances.

8 Le reproche tenant à une irrégularité formelle se situant au niveau de la compétence du ministre ayant signé la décision du 19 juin 2023 est dès lors rejeté.

2. Quant à la légalité interne de la décision querellée Aux termes de l’article 1er, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018 : « En vue de promouvoir la création, la reprise, l’extension, la modernisation et la rationalisation d’entreprises offrant les garanties suffisantes de viabilité, sainement gérées et s’insérant dans la structure des activités économiques du pays, il est instauré un régime d’aide aux petites et moyennes entreprises, dénommées ci-après « PME », qui feront des efforts d’investissements répondant aux objectifs et critères déterminés dans la présente loi. ».

Le chapitre 2 de la loi du 9 août 2018, lequel expose les différents régimes d’aides, énumère en son article 9 « les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles ». Cette disposition, qui reprend en substance les termes de l’article 50 du règlement 651/20144, est libellée comme suit :

« (1) Des aides destinées à remédier aux dommages causés par les séismes, les glissements de terrain, les inondations, les tornades, les ouragans et les feux de végétation d’origine naturelle peuvent être accordées pour autant que les conditions énoncées ci-après soient remplies :

4 Article 50 du règlement 651/2014, intitulé « Régimes d’aides destinés à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles » : « 1. Les régimes d’aides destinés à remédier aux dommages causés par les séismes, les avalanches, les glissements de terrain, les inondations, les tornades, les ouragans, les éruptions volcaniques et les feux de végétation d’origine naturelle sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 2, point b), du traité et sont exemptés de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, du traité, pour autant que les conditions prévues par le présent article et au chapitre I soient remplies.

2. Les aides sont octroyées sous réserve des conditions suivantes :

a) les autorités publiques compétentes d’un État membre ont reconnu officiellement l’événement comme une calamité naturelle ; et b) il existe un lien de causalité direct entre la calamité naturelle et le préjudice subi par l’entreprise concernée.

3. Les régimes d’aides liés à une calamité naturelle donnée sont mis en place dans les trois années qui suivent la survenance de l’événement. Les aides relevant de ces régimes sont octroyées dans les quatre années qui suivent la survenance de l’événement.

4. Les coûts résultant du préjudice subi comme conséquence directe de la calamité naturelle, tels qu’évalués par un expert indépendant reconnu par l’autorité nationale compétente ou par une entreprise d’assurance, constituent les coûts admissibles. Ce préjudice peut inclure les dommages matériels causés aux actifs tels que les bâtiments, les équipements, les machines ou les stocks et les pertes de revenus dues à la suspension totale ou partielle de l’activité pendant une période n’excédant pas six mois à compter de la survenance de la calamité. Le préjudice matériel est calculé sur la base du coût de réparation de l’actif concerné ou de la valeur économique qu’il avait avant la survenance de la calamité. Il n’excède pas le coût de la réparation ou la baisse de la juste valeur marchande causée par la calamité, c’est-à-dire la différence entre la valeur du bien immédiatement avant la survenance de la calamité et sa valeur immédiatement après celle-ci. La perte de revenus est calculée sur la base des données financières de l’entreprise concernée [résultat avant intérêts et impôts (EBIT), amortissements et coûts de la main-d’œuvre liés uniquement à l’établissement touché par la calamité naturelle] en comparant les données financières des six mois qui suivent la survenance de la calamité avec la moyenne de trois années choisies parmi les cinq années qui ont précédé la survenance de la calamité (en excluant les deux années correspondant respectivement aux meilleurs et aux pires résultats financiers) ramenée à la même période de six mois de l’année.

Le préjudice est calculé au niveau de chaque bénéficiaire.

5. L’aide et les autres sommes éventuellement perçues comme indemnisation du préjudice, notamment au titre de polices d’assurance, n’excèdent pas 100 % des coûts admissibles. ».

9a) le Gouvernement en conseil a reconnu officiellement l’événement comme une calamité naturelle ; et b) il existe un lien de causalité direct entre la calamité naturelle et le préjudice subi par l’entreprise concernée.

(2) Les aides relevant de ces régimes sont octroyées dans les quatre années qui suivent la survenance de l’événement.

(3) Les coûts résultant du préjudice subi comme conséquence directe de la calamité naturelle, tels qu’évalués par un expert indépendant agréé, constituent les coûts admissibles.

Ce préjudice peut inclure les dommages matériels causés aux actifs tels que les bâtiments, les équipements, les machines ou les stocks. Le préjudice matériel est calculé sur la base du coût de réparation de l’actif concerné ou de la valeur économique qu’il avait avant la survenance de la calamité. Il n’excède pas le coût de la réparation ou la baisse de la juste valeur marchande causée par la calamité, c’est-à-dire la différence entre la valeur du bien immédiatement avant la survenance de la calamité et sa valeur immédiatement après celle-ci.

(4) L’aide et les autres sommes éventuellement perçues comme indemnisation du préjudice, notamment au titre de polices d’assurance, n’excèdent pas 100 pour cent des coûts admissibles. ».

Concernant le champ d’application de la loi du 9 août 2018, celui-ci est défini en son article 3 de la manière suivante : « (1) Sont visées par la présente loi, les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans la mesure où elles se conformeront aux conditions prévues par la présente loi ou les règlements grand-ducaux s’y rattachant. Un règlement grand-ducal fixe la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles. », le paragraphe (2) du même article prévoyant, quant à lui, un certain nombre d’entreprises qui sont exclues du régime d’aides en question.

Il suit des dispositions qui précèdent que la loi du 9 août 2018 a instauré un régime d’aides aux petites et moyennes entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en vue de promouvoir la création, la reprise, l’extension, la modernisation et la rationalisation de ces entreprises offrant les garanties suffisantes de viabilité, sainement gérées et s’insérant dans la structure des activités économiques du pays, régime d’aides dont relèvent notamment les aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles, telles les inondations, pertinentes en l’espèce.

Le tribunal constate que le litige ne porte, en l’espèce, pas sur la question de savoir si les inondations survenues en date des 14 et 15 juillet 2021 sur une partie du territoire luxembourgeois, et notamment à Echternach, sont à considérer comme une calamité naturelle au sens de la loi du 9 août 2018, respectivement s’il existe un lien de causalité direct entre la calamité naturelle et le préjudice subi par la « (AA) » exploitée par Monsieur (A) du fait de ces inondations, mais sur celle de savoir si ladite … est à considérer comme une « entreprise » au sens de ladite loi, de sorte à être éligible afin de pouvoir bénéficier d’une aide étatique en vertu de cette même loi, le demandeur reprochant, en effet, aux ministres compétents d’avoir soumis le bénéfice de l’aide en question à une condition supplémentaire non prévue par le texte légal de base, à savoir celle que les entreprises demanderesses devraient disposer d’une autorisation d’établissement au sens de la loi du 2 septembre 2011.

10A cet égard, il y a lieu de relever que l’article 2, point 9 de la loi du 9 août 2018 définit la notion d’« entreprise » comme étant « […] toute personne physique ou morale qui exerce, à titre principal ou accessoire, une activité économique », tandis que la notion de « petite entreprise », pertinente en l’espèce, est définie au point 19 dudit article 2 de la manière suivante : « toute entreprise répondant aux critères énoncés à l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ». L’article 1er de l’annexe I du règlement 651/2014, auquel renvoie l’article 2, précité, de la loi du 9 août 2018, définit la notion d’« entreprise » comme : « […] toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique. Sont notamment considérées comme telles les entités exerçant une activité artisanale ou d’autres activités à titre individuel ou familial, les sociétés de personnes ou les associations qui exercent régulièrement une activité économique. ».

Il suit de ce qui précède que sont éligibles au titre de la loi du 9 août 2018 pour bénéficier des aides destinées à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles, telles les inondations, les petites entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, à savoir toute personne physique ou morale qui, quelle que soit sa forme juridique, exerce à titre principal ou accessoire une activité économique, étant relevé que le législateur a chargé le Grand-Duc de fixer la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles.

Concernant le champ d’application de la loi du 9 août 2018, il échet de relever que le Conseil d’Etat a, dans son avis du 24 avril 2018 relatif au projet de loi relatif à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, fait observer qu’« Au paragraphe 1er [de l’article 3], le Conseil d’État n’est pas certain de la signification de l’exigence que l’entreprise soit « régulièrement établie sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ». Si l’intention des auteurs du texte est de maintenir la condition que l’entreprise dispose des autorisations requises pour l’exercice de son activité, la formule manque de précision. En tout état de cause, la loi ne peut pas être comprise comme s’appliquant uniquement à des entreprises ayant leur siège ou leur établissement principal au Luxembourg. Une telle interprétation serait en effet contraire à l’article 5, a), du règlement (UE) n° 651/2014, qui permet uniquement de faire dépendre le versement de l’aide de la condition que l’entreprise ait un établissement ou une succursale dans le pays »5.

La Chambre des Métiers a, quant à elle, fait remarquer qu’« A l’article 3 (Champ d’application), le projet de loi précise que sont visées „les entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans la mesure où elles se conformeront aux conditions prévues par la présente loi ou les règlements grand-ducaux s’y rattachant“. La Chambre des Métiers s’étonne de cette formulation proposée par les auteurs, qui ne peuvent toutefois pas ignorer le fait que, lors de leur demande d’octroi d’une demande d’aide au titre du régime en faveur des PME, les entreprises doivent présenter la preuve qu’elles sont légalement établies au Luxembourg et qu’elles disposent des autorisations requises, notamment par référence aux dispositions de la loi du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. De ce fait, il est important de préciser que les „entreprises légalement établies“ seront visées. Le texte devrait donc être adapté en ce sens, tout en se référant à la loi du 2 5 Doc. parl. 7140/3, pages 3 et 4.

11septembre 2011 précitée. »6. La Chambre des Métiers a encore critiqué le fait qu’« A l’article 3 (Champ d’application), le projet de loi mentionne que „la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles“ sera fixée dans un règlement grand-ducal. A part le fait que le projet de règlement en question n’a pas été soumis pour avis ensemble avec le présent projet de loi […], la Chambre des Métiers s’interroge sur la conformité de cette approche par rapport à la constitution. Alors que le projet de loi vise justement à définir l’objet et le champ d’application du nouveau régime d’aide en faveur des PME, les auteurs ont choisi de réserver la définition détaillée des dépenses éligibles, voire même des „entreprises“ pouvant à l’avenir bénéficier des aides à un règlement grand-ducal d’exécution. Dans un souci de clarté, la Chambre des Métiers propose au Gouvernement d’intégrer la nomenclature des dépenses et entreprises éligibles dans le projet de loi. »7.

Dans son avis relatif au même projet de loi, la Chambre de Commerce a, quant à elle, relevé que : « […] La contradiction existant entre champ d’application de la Loi de 2004 et du projet de loi sous avis risque également de poser problème puisque la Loi de 2004 vise uniquement les entreprises qui détiennent une autorisation d’établissement alors que le projet de loi sous avis vise toute entreprise régulièrement établie. Cela signifie que les entreprises qui exercent leur activité légalement mais sans autorisation d’établissement pourraient bénéficier des aides prévues par le projet de loi sous avis mais pas des aides qui restent en vigueur selon la Loi de 2004 »8, tout en précisant que « La Chambre de Commerce souhaite en outre dès à présent insister sur le fait qu’il faudrait procéder à une libéralisation générale du régime d’aide. L’annexe I du règlement UE n° 651/2014 du 17 juin 2014 considère en effet comme entreprise : « (…) toute entité, indépendamment de sa forme juridique, exerçant une activité économique ». Or, aujourd’hui, 49 secteurs ou types d’activités qui exercent une activité économique, sont pourtant exclus du régime d’aide par le règlement grand-ducal du 9 mai 2010, actuellement en vigueur. Ces entreprises devraient par conséquent être également intégrées dans le futur régime d’aide. »9, pour en déduire que « La Chambre de Commerce constate que l’exigence d’une autorisation d’établissement qui existait sous l’empire de la Loi de 2004 a ici été supprimée et se réjouit du fait qu’un entrepreneur ne nécessitant pas d’autorisation d’établissement pour exercer son activité pourra à présent avoir accès au régime d’aide. »10.

Il convient ensuite de relever que suite aux différents avis, prémentionnés, la Commission de l’Economie a procédé à un certain nombre d’amendements du projet de loi en question en précisant, en ce qui concerne l’article 3, paragraphe 1er dudit projet de loi, ce qui suit : « En ce qui concerne l’article 3, paragraphe 1er, du texte gouvernemental, formulé de manière imprécise selon le Conseil d’Etat, la Commission de l’Economie a eu explication que cette notion d’« entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg » est suffisamment claire pour les auteurs du projet de loi qui renvoient à ce sujet à la loi modifiée du 17 mai 2017 relative à la promotion de la recherche, du développement et de l’innovation. Par souci de cohérence, la Commission de l’Economie a donc maintenu inchangée cette formulation. […] »11.

6 Doc. parl., 7140/1, page 12.

7 Idem.

8 Doc. parl. 7140/2, page 2.

9 Idem.

10 Doc. parl. 7140/2, page 3.

11 Doc. parl. 7140/4, pages 1 et 2.

12A cet égard, force est de relever que dans le projet de loi relatif à la loi modifiée du 17 mai 2017 relative à la promotion de la recherche, du développement et de l’innovation, loi à laquelle se réfère expressément la Commission de l’Economie, le législateur a précisé dans le commentaire des articles que la notion d’« entreprise » prend en compte « […] tout organisme, indépendamment de sa forme juridique, du moment qu’il exerce une activité économique. Cette définition ne se réfère pas à, ni exclut, un secteur, une branche ou une industrie particuliers. »12.

Il doit être admis de ce qui précède que les auteurs du projet de loi relatif à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises ont entendu inclure dans le champ d’application de celui-ci toute entreprise, indépendamment de sa forme juridique, du moment qu’elle est légalement établie sur le territoire luxembourgeois et qu’elle exerce une activité économique à titre principal ou accessoire, sans prévoir aucun autre critère d’éligibilité. Dès lors, et contrairement à ce que fait valoir le délégué du gouvernement, force est de constater que le législateur, en adoptant l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018, lequel s’inspire de l’article 50 du règlement 651/2014, n’a pas voulu prévoir des conditions d’éligibilité plus strictes que celles prévues par le cadre européen, de sorte que l’affirmation afférente est d’ores et déjà à rejeter.

Le tribunal constate ensuite que le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018, adopté en exécution de l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018, dispose en son article 2, paragraphe (1) que : « Sont visées par le présent règlement toutes les petites et moyennes entreprises disposant d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales. », conditionnant ainsi l’octroi d’une aide étatique en vertu de la loi du 9 août 2018 à la délivrance d’une autorisation d’établissement au sens de la loi du 2 septembre 2011.

Le tribunal relève, à cet égard, que le Conseil d’Etat a, dans son avis du 9 octobre 2018 relatif au projet du règlement grand-ducal déterminant la nomenclature des dépenses et entreprises éligibles à la loi relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, réitéré sa critique concernant la formulation de l’article 3 de la loi du 9 août 2018 visant les « entreprises régulièrement établies sur le territoire » en énonçant que « Le paragraphe 1er [de l’article 3] détermine les entreprises éligibles en incluant toutes les petites et moyennes entreprises au sens de la loi du 9 août 2018 relative à un régime d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises, en précisant que les entreprises doivent disposer d’une autorisation d’établissement au sens de la loi modifiée du 2 septembre 2011 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales.

Dans son avis du 24 avril 2018, le Conseil d’État avait critiqué la formulation de l’article 3 de la loi visant les « entreprises régulièrement établies sur le territoire » en s’interrogeant sur la signification de cette formulation. Il avait noté que, si l’intention des auteurs du texte est de maintenir la condition que l’entreprise dispose des autorisations requises pour l’exercice de son activité, la formule manque de précision. En tout état de cause, une interprétation selon laquelle la loi s’appliquerait uniquement à des entreprises ayant leur siège ou leur établissement principal au Luxembourg serait contraire au règlement (UE) n° 12 Doc. parl. 6854, page 25.

13651/2014, qui permettrait uniquement de faire dépendre le versement de l’aide de la condition que l’entreprise ait un établissement ou une succursale dans le pays.

Le Conseil d’État note que le dispositif prévu à l’article 3 de la loi combiné avec le paragraphe 1er de l’article 2 du projet de règlement sous examen impose la double condition que l’entreprise soit régulièrement établie sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et dispose d’une autorisation d’établissement délivrée conformément à la législation nationale.

Ce mécanisme est identique à celui prévu dans le règlement grand-ducal du 24 novembre 2005 portant exécution de l’article 5 de la loi du 30 juin 2004 portant création d’un cadre général des régimes d’aides en faveur du secteur des classes moyennes et instituant un régime d’aides à la recherche et au développement. […] Le Conseil d’État s’interroge sur la portée du projet de règlement grand-ducal sous avis. L’article 3, paragraphe 1er, de la loi renvoie à un règlement grand-ducal pour fixer la nomenclature des entreprises éligibles. Le Conseil d’État ne comprend pas la détermination d’une nomenclature des entreprises éligibles en ce sens que, si une entreprise répond aux critères prévus par la loi, elle pourrait néanmoins être exclue au titre du règlement. Il n’appartient en effet pas au règlement de compléter la loi de nouvelles situations d’exclusion.

Si telle était la portée du règlement, il encourrait la sanction de l’inapplication au titre de l’article 95 de la Constitution. Le Conseil d’État est toutefois conscient que le même système a été organisé par la loi du 30 juin 2004 portant création d’un cadre général des régimes d’aides en faveur du secteur des classes moyennes. Les articles 2 et 5 de cette loi, dans sa version initiale, renvoient également à un règlement grand-ducal pour fixer la nomenclature des dépenses et des entreprises éligibles. Or, les règlements grand-ducaux du 19 février 2005 portant exécution de l’article 2 de la loi précitée du 30 juin 2004 et du 24 novembre 2005 portant exécution de l’article 5 de cette loi définissent également, en leur article 2, relatif au champ d’application, une série d’activités ou d’entreprises qui sont exclues du régime d’aides.

Les chambres professionnelles critiquent la portée des exclusions et s’interrogent sur la précision nécessaire de certaines entreprises ou activités visées. À cet égard, le Conseil d’État relève que la détermination des exclusions relève d’un choix de politique économique qu’il ne lui appartient pas de discuter. Il peut toutefois rejoindre les critiques des chambres professionnelles quand elles mettent en cause l’absence de précision suffisante des entreprises et activités visées par l’exclusion. ».13 Tel que cela a été retenu ci-avant, il y a lieu de relever que, suivant son libellé, la loi du 9 août 2018 s’applique à toute entreprise, indépendamment de sa forme juridique, du moment qu’elle est légalement établie sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et qu’elle exerce une activité économique à titre principal ou accessoire, sans prévoir aucun autre critère d’éligibilité en vue de l’octroi d’aides étatiques au sens de ladite loi, tel notamment la condition que l’entreprise ayant sollicité ladite aide dispose d’une autorisation d’établissement délivrée en application de loi du 2 septembre 2011. Or, en subordonnant l’octroi à une entreprise d’aides étatiques prévues par la loi du 9 août 2018 à la condition qu’elle soit titulaire d’une autorisation d’établissement, le règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 a, dès lors, ajouté une condition supplémentaire non prévue par le texte légal de base, ce qui a d’ailleurs également en substance été mis en exergue par le Conseil d’Etat dans son avis prémentionné.

13 Conseil d’Etat, avis du 9 octobre 2018, n° CE : 53.007.

14Ce constat est conforté par le fait que le projet de loi en question, lequel avait pour objet de modifier la loi modifiée du 30 juin 2004 portant création d’un cadre général des régimes d’aides en faveur du secteur des classes moyennes14, a supprimé l’exigence qui existait sous cette ancienne loi de disposer d’une autorisation d’établissement pour être éligible aux régimes d’aides en question.

A cet égard, il convient de souligner qu’en vertu de l’article 36 de la Constitution, en sa version applicable jusqu’au 1er juillet 2023, le Grand-Duc prend les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois. Le pouvoir afférent du Grand-Duc est soit un pouvoir délégué, lorsque les auteurs de la loi le chargent expressément de prendre des règlements et arrêtés dont ils ne peuvent ou ne veulent prévoir les détails d’exécution, soit un pouvoir spontané lorsque la loi dont il assure l’exécution ne prévoit pas expressément son intervention, son pouvoir étant limité en toute hypothèse en ce qu’il ne peut exercer son pouvoir réglementaire que pour exécuter une loi, qu’il ne saurait l’exercer dans les matières que la Constitution réserve à la loi et que son exercice ne saurait aboutir à restreindre voire à suspendre l’exécution de la loi15.

Le pouvoir réglementaire étant un pouvoir subalterne par rapport à la loi, le législateur peut intervenir en toute matière pour la réglementer lui-même. Une matière régie législativement doit en principe se suffire à elle-même et être appliquée en dehors de tout règlement d’application, sauf lorsque la loi est à tel point lacuneuse que son exécution se révèle impossible sans règlement d’application ou que le législateur en subordonne de manière expresse l’application à un ou plusieurs règlements16.

Dans cette dernière hypothèse, le pouvoir réglementaire se voit chargé d’une véritable obligation de prendre le ou les règlements nécessaires à l’application de la loi. Il ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire quant au moment de l’entrée en vigueur de la loi ni, a fortiori, du pouvoir d’en empêcher l’entrée en vigueur, sous peine d’engager sa responsabilité en cas de dommage causé aux particuliers par la prise tardive ou l’absence de prise de règlement nécessaire à l’application de la loi17.

Il y a également lieu de souligner, dans ce contexte, que dans le cadre du contrôle juridictionnel de la conformité d’un règlement avec la loi, les juridictions examinent si les dispositions règlementaires sont conformes à la loi et si elles ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de la loi, au sens de la Constitution. Le pouvoir réglementaire a la mission de faire tout ce qui est indispensable pour assurer l’exécution de la loi, mais il est impuissant de compléter celle-ci, de la restreindre, de la modifier ou de la 14 Article 1er de la loi modifiée du 30 juin 2004 portant création d’un cadre général des régimes d’aides en faveur du secteur des classes moyennes : « En vue de promouvoir la création, la reprise, l’extension, la modernisation et la rationalisation d’entreprises offrant les garanties suffisantes de viabilité, sainement gérées et s’insérant dans la structure des activités économiques du pays, l’État pourra prendre les mesures spécifiques définies ci-après.

Pourront bénéficier des aides et régimes d’aides pris en vertu de la présente loi, toutes les personnes physiques et morales exploitant une entreprise, dans la mesure où elles se conformeront aux conditions prévues par la présente loi ou de règlements grand-ducaux s’y rattachant et à condition de disposer d’une autorisation d’établissement délivrée en application de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès à la profession d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales et modifiant l’article 4 de la loi du 2 juillet 1935 portant réglementation des conditions d’obtention du titre et du brevet de maîtrise dans l’exercice des métiers. […] ». (le tribunal souligne).

15 Cour adm. 17 avril 2008, n° 23755C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 159 et les autres références y citées.

16 Idem.

17 Idem.

15rectifier. Il appartient au pouvoir exécutif de dégager du principe de la loi et de son économie générale les conséquences qui en dérivent naturellement d’après l’esprit qui a présidé à sa conception et les fins qu’elle poursuit, mais le pouvoir exécutif ne peut étendre, ni restreindre la portée de la loi18.

Dans la mesure où il ressort des développements qui précèdent que le pouvoir réglementaire a ajouté une condition supplémentaire à l’octroi d’une aide étatique prévue par la loi du 9 août 2018, condition non prévue dans la loi en question, l’application du paragraphe (1) de l’article 2 du règlement grand-ducal du 12 octobre 2018 doit être écartée sur base de l’article 95 de la Constitution, en sa version applicable jusqu’au 1er juillet 2023, aux termes duquel « Les cours et tribunaux n’appliquent les arrêtés et règlements généraux et locaux qu’autant qu’ils sont conformes aux lois […] », étant, à cet égard, rappelé qu’il appartient au tribunal d’examiner si la mesure réglementaire invoquée à la base d’une décision litigieuse est, ou n’est pas, contraire à la loi, et le cas échéant, d’en écarter l’application, mais non d’annuler pareille disposition, l’annulation d’une disposition réglementaire ne se concevant que dans le cadre strict de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif19.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Monsieur (A) est autorisé à exercer la profession de … à Luxembourg, une autorisation en ce sens lui ayant, en effet, été délivrée par arrêté du ministre de la Santé du 12 février 2003. Il n’est, par ailleurs, pas contesté que Monsieur (A) exerce, à côté de son activité principale de … qui est une profession libérale réglementée au sens de la loi modifiée du 31 juillet 1991 déterminant les conditions d’autorisation d’exercer la profession de … consistant notamment dans la distribution de médicaments dans des … ouvertes au public et dans la diffusion d’informations et de conseils sur les médicaments, également une activité économique liée notamment à la vente de produits …, de … et de … et qu’il dispose, à cet effet, d’un code NACE (« Nomenclature statistique des activités économiques dans la Communauté européenne ») qui est utilisé pour classer les entreprises par activité économique20, ainsi que d’un numéro de TVA, étant à cet égard encore relevé que la CJUE a défini l’« activité économique » comme étant « toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné »21.

Il suit de ce qui précède que la « (AA) » exploitée par Monsieur (A) est à considérer comme une entreprise régulièrement établie sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg conformément à l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 9 août 2018, exerçant une activité économique au sens de l’article 2, point 9 de la même loi, de sorte que c’est en violation de la loi du 9 août 2018 que les ministres compétents ont refusé de faire droit à la demande de celui-

ci de se voir octroyer, au titre de ladite loi, les aides étatiques afin de remédier aux dommages causés par les inondations ayant eu lieu en juillet 2021 à ladite … au motif que le demandeur ne dispose pas d’une autorisation d’établissement au sens de la loi du 2 septembre 2011.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle les … relèveraient de la compétence du ministre de la Santé et non pas de celle 18 cf. Pierre Pescatore, Introduction à la science du droit, page 156.

19 Trib. adm. 15 octobre 2007, n° 23503 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

20 Voir sur le site www.gouvernement.lu: « Le Statec offre sur www.entreprises.lu un système de recherche du code NACE d’une entreprise - Le gouvernement luxembourgeois ».

21 CJUE, 12 septembre 2000, affaire C-180/98 à C-184/98, Pavel Pavlov e.a. c. Stichting Pensioenfonds Medische Specialisten, point 75 ; CJUE, 25 octobre 2001, Affaire C-475/99, Firma Ambulanz Glöckner c. Landkreis Südwestpfalz, point 19.

16du ministre des Classes moyennes, de sorte qu’elles ne seraient pas éligibles à se faire octroyer une aide étatique en vertu de la loi du 9 août 2018 dont la demande devrait être introduite auprès du ministère de l’Economie. En effet, à l’instar du demandeur, force est de constater que le champ d’application d’une loi n’est pas déterminé en fonction du ou des ministères dont elle émane, respectivement en fonction du ministère auprès duquel une demande y relative doit être introduite, mais celui-ci se dégage, au contraire, de la loi elle-même laquelle définit son étendue, en l’occurrence, les petites et moyennes entreprises régulièrement établies sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg conformément aux articles 1er et 3 de la loi du 9 août 2018, tel que cela est le cas de la (AA) exploitée par Monsieur (A). L’argumentation afférente est dès lors rejetée.

Il en est de même de l’argumentation étatique selon laquelle seules les entreprises disposant d’une autorisation d’établissement seraient éligibles à recevoir une aide en vertu de la loi du 9 août 2018 au motif que le formulaire de demande d’aides en faveur des petites et moyennes entreprises requerrait comme pièce, le numéro, la date, ainsi qu’une copie de l’autorisation d’établissement. En effet, à l’instar du demandeur, il y a lieu de relever qu’un formulaire préétabli par un ministère qu’il faut remplir pour obtenir les aides étatiques ne saurait, en tout état de cause, ni fixer les conditions de la loi, ni ajouter des conditions que la loi ne prévoit pas, ni d’ailleurs déterminer si l’exploitation d’une … est une activité économique.

Au vu de ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant l’autre moyen invoqué à l’appui du recours sous examen, à savoir celui ayant trait à une prétendue violation du principe d’égalité de traitement au sens de l’ancien article 10bis de la Constitution, le tribunal conclut que le recours est justifié et qu’il convient d’annuler la décision du 19 juin 2023 par laquelle il a été refusé d’octroyer à Monsieur (A) une aide gouvernementale au titre de la loi du 9 août 2018 et plus particulièrement celle destinée à remédier aux dommages causés par certaines calamités naturelles, et de renvoyer le dossier en prosécution de cause auprès de l’autorité compétente.

S’agissant, enfin, de la demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros, telle que formulée par le demandeur sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, celle-ci est à rejeter, alors que l’intéressé n’établit pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa seule charge les frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision ministérielle déférée du 19 juin 2023 et renvoie l’affaire en prosécution de cause devant l’autorité compétente ;

17rejette la demande du demandeur tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 5.000 euros ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 7 juillet 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 18


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 49455
Date de la décision : 07/07/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-07-07;49455 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award