Tribunal administratif N° 49794 et 52137 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49794+52137 3e chambre Inscrits les 13 décembre 2023 et 20 décembre 2024 Audience publique du 24 juin 2025 Recours formé par Madame (A) et consorts, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile et deux décisions du ministre des Affaires intérieures, en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
I.
Vu la requête inscrite sous le numéro 49794 du rôle et déposée le 13 décembre 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Turquie) et de Monsieur (B), né le … en Egypte, agissant en leur nom personnel ainsi qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure (C), née le … à … (Turquie), tous de nationalité turque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 novembre 2023 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2024 ;
II.
Vu la requête inscrite sous le numéro 52137 du rôle et déposée le 20 décembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Turquie) et de Monsieur (B), né le …, agissant en leur qualité de représentants légaux de leur enfant mineur (D), né le … au Luxembourg, tous de nationalité turque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 18 novembre 2024 refusant de faire droit à la demande en obtention d’une protection internationale de leur enfant mineur (D), ainsi qu’à la réformation de l’ordre de quitter le territoire à son encontre contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 février 2025 ;
I. + II.
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marlène AYBEK et Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2025.
Le 11 février 2022, Madame (A) et Monsieur (B) introduisirent pour leur propre compte ainsi que pour le compte de leur enfant mineur (C), désignés ci-après « les consorts (AB) » auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (B) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, service criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion et à la suite d’une recherche effectuée dans les bases de données AE.VIS et EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application du règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », que les consorts (AB) avaient obtenu un visa touristique délivré par les autorités allemandes en 2018, avaient introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 19 février 2018 ayant été refusée le 17 juin 2019 et avaient été éloignés le 22 juillet 2019. Il s’avéra encore que les consorts (AB) avaient obtenu un visa touristique délivré par les autorités françaises, valable du … au ….
Toujours le 11 février 2022, les époux (AB) passèrent chacun un entretien auprès du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III.
En date du 1er mars 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités françaises aux fins de la prise en charge des consorts (AB) sur base de l’article 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée le 28 avril 2022 par les autorités françaises sur base du même article.
Par décision du 22 juin 2022, le ministre informa les consorts (AB) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner leur demande de protection internationale et de les transférer vers la France sur base des dispositions des articles 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et 12, paragraphe (2) du règlement Dublin III.
Le recours introduit par les consorts (AB) à l’encontre de ladite décision ministérielle du 22 juin 2022 fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 27 juillet 2022, inscrit sous le numéro 47663 du rôle.
Suite à l’annulation du transfert des consorts (AB) vers la France initialement prévu pour le 19 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile se déclara, par décision du 2 février 2023, compétent pour l’examen des demandes de protection internationale des intéressés sur base de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.
En date du 14 avril 2023, Monsieur (B) fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. Madame (A) fut entendue à cette même fin en date des 17 avril, 31 mai, 7 juillet et 1er août 2023.
Par décision du 10 novembre 2023, notifiée aux intéressés par lettre recommandée expédiée le même jour, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (AB) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites le 11 février 2022, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »), pour vous ainsi qu'au nom et pour le compte de votre enfant mineure (C), née le … à … en Turquie, de nationalité turque.
Avant tout progrès en cause, il découle des informations contenues dans votre dossier administratif au Luxembourg que vous avez, avant d'introduire vos demandes de protection internationale au Luxembourg, effectué pareille démarche dans un autre Etat membre européen, à savoir en Allemagne le 19 février 2018. Vous avez déclaré que vous auriez séjourné durant un an et demi en Allemagne et vous auriez finalement effectué un retour volontaire en Turquie en 2019.
La consultation de la base de donnée VIS a révélé que vous avez introduit des demandes de visa auprès de l'ambassade de France à … le 10 septembre 2021, demande suite à laquelle vous avez obtenu un visa de courte durée valable du 6 octobre 2021 jusqu'au 3 avril 2022.
Suite aux demandes de protection internationale que vous avez introduites au Luxembourg le 11 février 2022, les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande de reprise en charge aux autorités françaises le 1er mai 2022 suivant les dispositions prévues par le Règlement Dublin III. La France a accepté la demande de reprise en charge du Luxembourg le 28 avril 2022.
Par décision ministérielle du 22 juin 2022, les autorités luxembourgeoises se sont déclarées incompétentes pour examiner vos demandes de protection internationale et vous ont informés que vous seriez transférés en France, pays responsable pour l'examen de celles-ci sur base du règlement Dublin III. La décision ministérielle a été confirmée par jugement du Tribunal administratif du 27 juillet 2022 (numéro 47663 du rôle) et le délai de votre transfert a été fixé au 14 décembre 2022.
Votre transfert n'a toutefois jamais pu avoir lieu alors que vous étiez hospitalisée, Madame. Le Luxembourg est alors devenu responsable pour analyser vos demandes de protection internationale.
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations 3 En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 11 février 2022, vos rapports d'entretien Dublin III du 11 février 2022, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, Madame, des 17 avril, 31 mai, 7 juillet et 1er août 2023 et le vôtre, Monsieur, du 14 avril 2023 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.
Madame, il résulte de vos déclarations que vous auriez vécu à … avant votre départ de Turquie, que vous seriez d'ethnie Kurde et de confession musulmane.
Monsieur, vous seriez originaire de … en Egypte, de confession musulmane et de nationalité turque.
Madame, concernant vos motifs de fuite, vous déclarez qu'« Il y a un ordre d'arrestation à mon encontre. Il y a 3 procès à mon encontre. Le premier procès concerne des insultes contre le Président Erdogan. Le deuxième procès concerne des insultes contre le ministre de l'intérieur …. Le troisième procès est pour propagande terroriste. C'est le plus compliqué » (p.7/21 de votre rapport d'entretien).
Concernant les faits qui seraient survenus avant votre départ de Turquie, vous indiquez que vous auriez été placée en garde à vue en novembre 2021 lors d'un trajet en bus, alors que vous auriez été en route avec votre époux pour vous rendre à un rassemblement du Parti démocratique des peuples (ci-après dénommée « HDP ») dans le quartier de … à …. Vous expliquez que des agents en civil, qui se seraient trouvés dans le bus, vous auraient fouillée en faisant des remarques dédaigneuses à votre encontre. Votre époux serait intervenu verbalement et vous auriez « poussé » un des agents, altercation suite à laquelle vous auriez été arrêtés et placés en garde à vue. Vous précisez que vous auriez été détenue « pendant 3-4 jours », alors que votre époux aurait été relâché le jour même.
Au début du mois de décembre 2021, vous auriez participé à un autre rassemblement du « HDP» lors duquel vous avancez avoir tenu un bref discours. Vous indiquez que la police se serait rendue à votre domicile le soir même pour vous arrêter. Vous précisez que vous auriez été placée en garde à vue durant deux nuits, détention durant laquelle vous auriez été interrogée par la police et le procureur.
Vous poursuivez votre récit en indiquant que la police serait revenue à votre domicile en votre absence le 15 décembre 2021. Les agents se seraient alors adressés à des voisins et commerçants de votre quartier, lesquels auraient prévenu votre beau-frère qui en aurait informé votre époux. Vous ne seriez dès lors plus rentrée chez vous et vous seriez allée chez un ami. Vous auriez ensuite appelé votre avocat, qui aurait fait des recherches et vous aurait informée deux jours plus tard que vous feriez l'objet de trois chefs d'accusation.
Vous expliquez que les accusations concerneraient des insultes contre le Président de la République et contre le Ministre de l'intérieur en lien avec vos publications sur les réseaux sociaux. Vous ajoutez que certaines de vos publications dateraient de 2015 et que vous soupçonneriez avoir été dénoncée par le directeur de l'établissement scolaire dans lequel vous auriez travaillé. Vous précisez en outre que votre avocat aurait indiqué que vous feriez l'objet 4 de « 3 ordres d'arrestation » et que vous risqueriez « entre 3 et 4 ans de prison pour les insultes et 6 à 10 pour la propagande terroriste » (p.17/21 de votre rapport d'entretien).
Vous auriez dès lors décidé de ne pas vous rendre au commissariat pour faire votre déposition, étant donné que vous auriez eu peur d'être arrêtée et incarcérée. Vous seriez restée chez votre ami jusqu'au 28 janvier 2022, date à laquelle vous auriez quitté la Turquie ensemble avec votre époux et votre enfant de manière clandestine avec l'aide de passeurs.
Enfin, vous faites également état de discriminations dont vous auriez été victime à cause de votre « identité kurde » et vous avancez en guise d'exemple que vous auriez notamment eu des difficultés à trouver un emploi avant d'être embauchée dans une école grâce à votre mariage.
Monsieur, vous confirmez les dires de votre épouse et vous indiquez que vous risqueriez de rencontrer des problèmes pour avoir « aidé et hébergé un coupable » (p.5/11 de votre rapport d'entretien), en ajoutant que vous auriez quitté la Turquie de manière clandestine ensemble avec votre épouse.
Madame, Monsieur, à l'appui de vos demandes, vous présentez vos cartes d'identité turques et votre livret de famille turc. Madame, vous déposez en outre les pièces suivantes par le biais de votre mandataire:
- une copie d'un document qui serait un procès-verbal de dénonciation daté au 7 décembre 2021 au sujet des « faits de terrorisme » vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document intitulé « … », qui serait un rapport d'enquête daté au 16 décembre 2021 vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie de deux documents qui auraient été établis par la préfecture de … en date des 12 et 23 décembre 2021 vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie de trois documents qui auraient été établis par le Procureur de la République de … en date des 27 décembre 2021 et du 10 janvier 2022 vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document qui serait une demande d'émission d'un mandat d'arrêt adressée au tribunal le 7 février 2022 par le Procureur de la République de … vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document qui serait un mandat d'arrestation émis par un tribunal le 11 février 2022 vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document qui serait un acte d'accusation du 31 mars 2022 vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document qui serait un procès-verbal d'audience du 16 mai 2023 concernant le report de votre audience au 28 septembre 2023 Madame, sans traduction ;
- une copie de ce qui serait un document informant de la jonction de deux affaires vous concernant Madame, sans traduction ;
- une copie d'un « jugement motivé » émis le 22 mai 2023 par la « 70e Chambre du Tribunal Pénal de Première Instance d'… » au sujet de la jonction de deux affaires vous concernant Madame, avec une traduction ;
- une copie d'un document qui serait un relevé de six pages au sujet de vos publications sur les réseaux sociaux Madame, sans traduction ;
- une copie d'un document qui serait une capture d'écran d'une page … vous concernant Madame, sans traduction.
5 2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, vous avancez craindre d'être arrêtée et incarcérée en cas de retour dans votre pays d'origine, étant donné que vous feriez l'objet de poursuites judiciaires depuis fin 2021 alors que vous auriez insulté le Président de la République ainsi que le Ministre de l'intérieur et parce que vous auriez fait de la « propagande terroriste » sur les réseaux sociaux.
Concernant vos craintes d'être arrêtée et incarcérée en cas de retour en Turquie alors que vous feriez l'objet de poursuites judiciaires pour injures contre des autorités de votre pays d'origine, il y a lieu de retenir que vos motifs de fuite pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Or, ces faits ne sauraient être considérés comme actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, il découle des pièces que vous avez versées que vos « publications sur les réseaux sociaux » s'avèrent être des insultes graves, respectivement des menaces contre le Président et le Ministre de l'intérieur de votre pays d'origine.
Madame, il ressort du document intitulé « … », qui serait un rapport d'enquête de la préfecture de … daté au 16 décembre 2021, que vous auriez traité le Président respectivement son Ministre de l'intérieur de « dictateur », de « meurtrier », d'« assassin », de « fasciste » et de « voleur ». Vous ne vous seriez pas limitée à ces propos et vous les auriez également accusés 6 d'être responsables de « massacres », notamment envers les personnes d'ethnie Kurde, ainsi que d'avoir emprisonné à tort des milliers de personnes sous « le prétexte d'un coup d'État ».
Vous auriez pour le surplus publié des propos stipulant que « la guérilla » [combattants du groupement dénommé « Parti des travailleurs du Kurdistan » (ci-après dénommée « PKK»)] « mettra fin au règne » du Président.
Or, vous n'êtes pas sans savoir que de telles déclarations, peuvent être qualifiées de menaces et même d'atteinte à la vie d'une personne, de sorte qu'aucun reproche ne saurait être fait à l'égard des autorités turques pour avoir diligenté une enquête à votre encontre à ce sujet.
En effet, il est tout à fait légitime de la part des autorités de votre pays d'origine d'enquêter dans ce contexte afin de découvrir l'envergure de vos déclarations respectivement de vos actes et également d'émettre des mandats d'arrêt dans ce contexte alors qu'il ressort de votre récit que vous ne vous seriez pas présentée aux convocations des autorités de votre pays d'origine.
A cet égard, il sied également de préciser, selon les pièces que vous avez soumises, que le Parquet exigerait que vous soyez jugée conformément aux articles 125 et 299 du Code Pénal turc.
L'article 125 du Code Pénal turc prévoit une peine privative de liberté entre trois mois et deux ans, respectivement une peine pécuniaire. En effet, l'article 125 (1) dispose qu': « Est puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans ou d'une amende judiciaire celui qui attribue un acte ou un fait concret susceptible de porter atteinte à l'honneur, à la dignité et au prestige d'autrui, ou qui porte atteinte à l'honneur, à l'honneur et à la dignité d'autrui par des jurons. Pour que l'insulte soit punie en l'absence de la victime, l'acte doit être commis avec au moins trois personnes ».
L'article 299 du Code Pénal turc prévoit une peine privative de liberté entre un et quatre ans. En effet, l'article 299 (1) et (2) dispose que : « Article 299 - (1) Quiconque insulte au Président est passible d'un emprisonnement d'un an à quatre ans.
(2) (Paragraphe modifié : 29.06.2005 — 5377 SK/Article 35) Si l'infraction est commise publiquement, la peine à infliger est augmentée d'un sixième » Ainsi, le fait que les autorités de votre pays d'origine vous jugeraient sur base de ces articles ne saurait être qualifié d'acte de persécution au vu de la nature de vos déclarations faites sur les réseaux sociaux.
A cela s'ajoute que la Turquie est un Etat de droit, ce que vous confirmez par vos propres dires, et que vous auriez eu la possibilité de vous défendre en faisant recours aux services d'un avocat. Vous affirmez effectivement avoir sollicité les services d'un avocat qui se serait renseigné sur les charges portées à votre encontre, si bien qu'il y a lieu de retenir que vous auriez droit à un procès équitable.
Ces constats sont confirmés par les pièces que vous avez remises et desquelles il ressort clairement que la procédure contentieuse se déroulerait en bonne et due forme.
Il échet dès lors de conclure qu'on ne saurait retenir dans votre chef l'existence d'une persécution, respectivement d'une crainte fondée de persécution à ce sujet.
7 Concernant vos allégations selon lesquelles vous feriez également l'objet d'une procédure judiciaire « pour propagande terroriste », force est de constater qu'il ne ressort pas de votre dossier que cette procédure aurait été intentée à votre encontre en raison de cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, il convient tout d'abord de souligner que vous ne remettez pas le moindre document pour étayer vos dires à ce sujet en alléguant que l'enquête serait « sous le secret de l'instruction ».
Ceci étant dit, il ressort du document qui serait un relevé de six pages au sujet de vos publications sur les réseaux sociaux, que vous auriez partagé des déclarations dont notamment: « Le PKK est le Peuple, le Peuple ne peut être banni », ainsi que d'autres déclarations en faveur du « PKK » et que vous auriez pour le surplus partagé des images, respectivement des photos des fondateurs du groupement.
Force est dès lors de constater qu'une enquête visant vos publications au sujet d'un groupement qui est classé comme une organisation terroriste, aussi bien par la République de Turquie que par l'Union européenne, ne saurait être qualifiée d'acte de persécution.
En effet, aucun reproche ne saurait être fait à l'égard des autorités turques alors qu'il est tout à fait légitime de procéder à des enquêtes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et que de telles publications peuvent être considérées d'apologie au terrorisme.
On ne saurait dès lors retenir l'existence dans votre chef d'une persécution, respectivement d'une crainte fondée de persécution dans ce contexte.
Madame, vous faites en outre état de deux gardes à vue qui seraient survenues en novembre et en décembre 2021. La première aurait eu lieu lors d'un contrôle par des agents en civil alors que vous auriez été en route pour vous rendre en bus à un « meeting » du « HDP ». La seconde aurait eu lieu parce que vous auriez tenu un discours durant un rassemblement du « HDP ».
Avant tout autre développement, il sied de souligner qu'il ressort clairement de vos déclarations s'agit de deux incidents isolés qui n'ont aucun lien avec les poursuites susmentionnées dont vous feriez l'objet.
Premièrement, vous avancez avoir été arrêtée et placée en garde à vue le 3 ou 4 novembre 2021 lors d'un contrôle par des policiers en civil dans un bus, alors que vous auriez été en chemin pour vous rendre à un rassemblement du « HDP », contrôle que vous auriez subi parce que vous auriez porté un « badge du HDP » (p.11/21 de votre rapport d'entretien).
Il convient de noter que ce fait pourrait a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, étant donné que vous avancez un incident à connotation politique.
Il échet néanmoins de souligner à cet égard que vous avancez certes avoir été contrôlée par les policiers alors que les agents auraient constaté que vous auriez porté un « badge du HDP ». Or, il découle également de manière claire et non équivoque de votre entretien que vous auriez été placée en garde à vue, parce que vous auriez « poussé » un des agents alors que vous auriez subi des remarques dédaigneuses de leur part. S'il est certes regrettable que 8 les policiers en civil auraient fait des remarques méprisantes, vous n'êtes cependant pas sans savoir qu'une agression physique envers des agents de police constitue une infraction, de sorte qu'on ne saurait reprocher aux forces de l'ordre de vous avoir arrêtée au vu de ces circonstances.
A cela s'ajoute qu'il y a lieu de souligner qu'une garde à vue de trois ou quatre jours, durant laquelle vous auriez été questionnée en présence de votre avocat sans rencontrer un quelconque problème concret à part de « la pression psychologique », ne saurait être considéré comme acte de persécution au sens des prédis textes.
Il échet ainsi de constater qu'on ne saurait retenir dans votre chef l'existence d'une persécution, respectivement d'une crainte fondée de persécution.
Deuxièmement, vous avancez avoir été arrêtée à votre domicile et placée en garde à vue début décembre 2021, étant donné que vous auriez tenu un discours lors d'un rassemblement du « HDP » auquel vous auriez participé.
Il y a lieu de relever que ce fait pourrait a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, alors qu'il serait en lien avec vos opinions politiques.
Il convient toutefois de noter que cet incident n'est pas d'un degré de gravité tel qu'il permette d'être considéré comme un acte de persécution au sens de la Convention de Genève et la Loi de 2015, étant donné que vous auriez été simplement questionnée par la police et le procureur sur les raisons de votre participation au rassemblement respectivement sur les motifs de votre discours. De plus, vous affirmez avoir eu accès à votre avocat et avoir été relâchée après que vous auriez signé des documents administratifs.
Vous mentionnez en outre « (…) en me poussant dans la cellule, l'officier m'a donné un coup sur le visage. J'ai eu un bleu » (p.14/21 de votre rapport d'entretien). Ce fait est certes condamnable, or le comportement regrettable d'un ou de certains policiers ne saurait être considéré comme représentatif du système policier et du fonctionnement de la police turque dans son ensemble.
Il y a dès lors lieu de conclure qu'on ne saurait retenir dans votre chef l'existence d'une persécution, respectivement d'une crainte fondée de persécution.
Vous évoquez encore que vous auriez eu des difficultés à trouver un emploi à cause de votre « identité kurde » et vous laissez entendre que les ressortissants turcs d'origine kurde subiraient des discriminations, des injustices et des inégalités dans votre pays d'origine, sans néanmoins exprimer une quelconque crainte concrète à ce sujet.
Force est de constater que ce fait pourrait a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève et la Loi de 2015. Or, il convient toutefois de souligner que de simples discriminations, telles que vous les mettez en avant, sont exemptes d'une gravité particulière et suffisante au point de valoir comme actes de persécution.
Dans ce contexte, il importe également de préciser que 19% de la population en Turquie est d'origine kurde qui y vit paisiblement, dont près de 3 millions à Istanbul, de sorte que la situation générale des Kurdes en Turquie n'est pas telle que tout membre de la minorité 9 kurde puisse valablement se prévaloir d'une crainte fondée d'être persécuté du seul fait de sa présence sur le territoire turc.
Madame, il ressort clairement de vos déclarations que vous n'avez à aucun moment porté plainte, ni cherché à trouver de l'aide auprès d'une quelconque instance pour aucun des faits que vous avez mentionnés dans le cadre de votre entretien.
Or, si vous vous estimiez victime de maltraitances policières et de discriminations, il sied de porter à votre attention l'existence de l'Institution turque des droits de l'homme et de l'égalité (National Human Rights and Equality Institution, NHREI) qui est « compétente en matière de « protection des droits de l'Homme, de prévention des violations des droits de l'Homme, de lutte contre la torture et les mauvais traitements, de réception et de traitement des plaintes, d'éducation et de recherche sur les droits de l'Homme » » ou encore l'existence du Médiateur national de Turquie : « The purpose of the Turkish Ombudsman Institution is to establish an independent and efficient complaint mechanism regarding the delivery of public services and investigate, research and make recommendations about the conformity of all kinds of actions, acts, attitudes and behaviours of the administration with Law and fairness under the respect for human rights. Natural and legal persons including foreign nationals may lodge complaints to the Ombudsman Institution ».
Vous auriez également pu vous adresser au procureur d'Etat afin de déposer une plainte : « In principle, prosecutors can and must investigate all allegations of torture and ill-
treatment ex officio, regardless of an individual complaint, and the Public Prosecutor must follow up all complaints received. Complaints may be brought by victims themselves, by their family or lawyer, by civil society organizations, or by monitoring mechanism such as the Ombudsman Institution ».
En dernier lieu, il convient de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.
Monsieur, vous déclarez que vous risqueriez d'avoir des problèmes, étant donné que vous auriez « aidé et hébergé un coupable » (p.5/11 de votre rapport d'entretien) et vous ajoutez que vous auriez quitté la Turquie de manière clandestine ensemble avec votre épouse en laissant entendre que vous pourriez également tomber dans le collimateur des autorités de votre pays d'origine en cas de retour en Turquie.
Force est toutefois de constater que vous n'êtes nullement visé par une quelconque enquête, respectivement poursuite judiciaire et que vous n'avez pas rencontré le moindre problème concret en Turquie.
Ainsi, vos craintes sont à qualifier de purement hypothétiques. Or, des craintes purement hypothétiques ne sauraient suffire pour établir l'existence dans votre chef d'une crainte fondée de persécution dans votre pays d'origine.
10 Madame, Monsieur, au vu de tout ce qui précède, force est de conclure qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution, respectivement d'une crainte de persécution au sens des dispositions prévues par les prédits textes.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Sied de souligner qu'à l'appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié. Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n'invoquez aucun autre élément additionnel susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 48 précité.
Ainsi, tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, force est de constater que vous ne risquez pas de devenir victime d'atteintes graves au sens des prédits textes dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes de protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Turquie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2023, Madame (A) et Monsieur (B), agissant en leur nom personnel ainsi qu’en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure (C) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de ladécision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 novembre 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Suite à la naissance de leur enfant (D) en date du … au Luxembourg, les époux (AB) introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015 pour le compte de celui-ci.
En date du 26 avril 2024, les époux (AB) furent entendus séparément par un agent du ministère sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale de leur enfant (D).
Par décision du 18 novembre 2024, notifiée aux intéressés par lettre recommandée le 20 novembre 2024, le ministre des Affaires intérieures informa les consorts (AB) que la demande de protection internationale introduite pour le compte de l’enfant mineur (D) avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J'ai l'honneur de me référer à la demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 29 février 2024 au nom et pour le compte de votre fils mineur (D) sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à la demande de protection internationale de votre fils (D) pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Avant tout autre développement, Madame, Monsieur, il convient de souligner qu'en date du 11 février 2022, vous avez introduit vos propres demandes en obtention d'une protection internationale, ainsi que celle au nom et pour le compte de votre enfant mineure (C). Une décision quant à vos demandes de protection internationale vous a été notifiée le 14 novembre 2024, décision contre laquelle vous avez introduit un recours devant le Tribunal administratif. Il sied encore de préciser que votre affaire est actuellement pendante devant les juridictions administratives.
2. Quant à vos déclarations concernant votre fils (D) En mains, le rapport d'entretien du 26 avril 2024 sur les motifs sous-tendant la demande de protection internationale de votre fils et l'ensemble des éléments composant votre dossier administratif.
Il ressort de votre dossier administratif que votre fils est né le … à … au … et qu'il a la nationalité turque.
Monsieur, vous évoquez comme raison principale d'introduction de sa demande de protection internationale que vous auriez des soucis en Turquie, respectivement, que votre 12 épouse aurait une procédure à son encontre et qu'elle risquerait de se faire arrêter dans le cas d'un retour dans votre pays d'origine.
Vous ajoutez en outre que votre fils ne pourrait pas rentrer seul en Turquie et que si jamais vous deviez retourner tous ensemble dans votre pays d'origine, votre enfant risquerait de se retrouver sans sa mère alors qu'elle serait arrêtée.
Madame, vous expliquez avoir introduit une demande de protection internationale pour le compte de votre enfant alors que vous souhaiteriez que votre fils reste avec vous. Ensuite, vous avancez que vous seriez arrêtée dans le cas d'un retour en Turquie et que votre enfant devrait grandir sans sa mère.
Dans ce contexte, vous déclarez que : « (…) De plus, j'allaite mon enfant. Le lien entre une mère et son enfant est particulier. Si je suis arrêtée, mon mari va se retrouver seul à s'occuper des enfants. Ça sera compliqué pour lui car il sera régulièrement appelé pour faire des dépositions. L'Etat ne nous laissera pas tranquille (…) » (p.3/6 du rapport d'entretien du 26 avril 2024).
Par la suite vous ajoutez que votre époux risquerait également de se faire arrêter, étant donné qu'il vous aurait soutenue en soulignant le fait que votre enfant aurait besoin de ses deux parents pour grandir.
Vous ne présentez aucun document à l'appui de la demande de protection internationale introduite pour le compte de votre fils.
3. Quant à la motivation du refus de la demande de protection internationale de votre fils Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que 13 ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, Monsieur, il convient tout d'abord de noter qu'un entretien sur les motifs sous-tendant la demande de protection internationale de votre fils a été réalisé en date du 26 avril 2024 afin que vous puissiez exposer plus précisément les craintes personnelles de ce dernier.
Force est toutefois de constater que vous n'invoquez aucune crainte personnelle dans le chef de votre fils (D).
En effet, Madame, vous déclarez : « Si je retourne en Turquie, je serai arrêtée. Dans ce cas, mon enfant va grandir sans sa mère. La relation qu'un enfant peut entretenir avec son père et sa mère est différente. L'enfant a besoin de ses 2 parents (…) » (p.3/6 du rapport d'entretien du 26 avril 2024) et Monsieur vous ajoutez : « Parce que nous avons des soucis en Turquie. Ma femme a une procédure à son encontre et elle risque de se faire arrêter » (p.2/6 du rapport d'entretien du 26 avril 2024).
Il appert dès lors que votre fils n'a aucun problème personnel en Turquie, étant donné que vous exposez vos propres craintes et motifs en déclarant que votre fils risquerait de grandir sans sa mère, respectivement, sans ses parents alors que vous affirmez, Madame, que vous risqueriez d'être arrêtée en cas de retour en Turquie.
Concernant vos allégations, Madame, selon lesquelles vous risqueriez d'être arrêtée dans le cas d'un retour en Turquie, force est de constater qu'une décision au sujet de vos craintes personnelles a été prise en date du 10 novembre 2023, de laquelle il découle qu'on ne saurait retenir l'existence dans votre chef d'une persécution, respectivement, d'une crainte de persécution au sens des dispositions prévues par les prédits textes. Il en va de même, Monsieur, concernant vos craintes personnelles.
Il y a dès lors lieu de conclure qu'on ne saurait retenir l'existence dans le chef de votre fils d'une persécution, respectivement, d'une crainte de persécution.
Partant, le statut de réfugié n'est pas accordé à votre fils mineur.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même 14 loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il s'avère que vous fondez la demande de protection subsidiaire introduite pour le compte de votre fils sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de sa demande d'octroi du statut de réfugié.
Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire qu'il encourrait, en cas de retour en Turquie un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire n'est pas accordé à votre fils mineur.
La demande en obtention d'une protection internationale de votre fils est dès lors refusée comme manifestement non fondée.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, il est dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Turquie, ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2024, Madame (A) et Monsieur (B), agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur (D) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 18 novembre 2024 portant refus de faire droit à la demande en obtention d’une protection internationale de ce dernier et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Il y a tout d’abord lieu de prononcer la jonction des deux recours, inscrits sous les numéros 49794 et 52137 du rôle. Il est en effet dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de prononcer ces deux affaires par un seul et même jugement, dans la mesure où elles sont intimement liées alors que les décisions visées par les deux recours sous examen ont comme toile de fond les mêmes motifs à la base des demandes de protection internationale introduites séparément par les consorts (AB).
Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître des recours en réformation dirigés contre la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 novembre 2023, prise dans son double volet, telle que déférée, ainsi que contre la décision du ministre des Affaires intérieures du 18 novembre 2024, prise en son double volet, les deux ministres étant ci-après désignés ensemble par « le ministre », lesdits recours étant, par ailleurs, recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai de la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours inscrit sous le numéro 49794 du rôle, les demandeurs retracent en partie les faits et rétroactes repris ci-avant et indiquent plus particulièrement que Madame (A) serait d’ethnie kurde et, tout comme son mari, de nationalité turque et de confession musulmane.
Ils font ensuite valoir que Madame (A) ferait partie de la famille … qui serait une famille kurde particulièrement politisée connue par les autorités turques, les intéressés indiquant, à cet égard, que de son côté paternel, certains membres de sa famille seraient des membres actifs du Parti des travailleurs du Kurdistan, désigné ci-après par « le PKK », et citent le nom d’un de ses membres de famille qui aurait obtenu une protection internationale au Luxembourg en 2015. De son côté maternel, d’autres membres de famille auraient également obtenu une protection internationale au Luxembourg, l’un d’eux en raison de son implication dans la défense des droits kurdes en tant que politicien, sur base de laquelle il aurait été condamné à plusieurs peines d’emprisonnement en Turquie. Tout en renvoyant au rapport d’entretien de Madame (A), les demandeurs précisent ensuite que cette dernière aurait également personnellement pris part dans la défense des droits des kurdes, respectivement qu’elle se serait impliquée dans la politique en participant à des meetings et en faisant un discours suite auquel les autorités turques seraient venues la chercher le soir même à son domicile, activité politique en raison de laquelle elle aurait, par ailleurs, été interpellée et détenue arbitrairement par lesdites autorités à plusieurs reprises. Bien que lesdites détentions aient été de courte durée, celles-ci auraient toutefois été d’une fréquence telle qu’elles seraient à considérer comme discriminatoires et disproportionnées, s’y ajoutant, par ailleurs, des interrogatoires et perquisitions de leur domicile. Les demandeurs en concluent que la famille entière aurait été dans le collimateur des autorités turques et que face aux accusations à l’encontre de Madame (A), ils n’auraient, par peur d’une arrestation de Madame (A), eu d’autre choix que de fuir leur pays d’origine.
En droit, ils concluent tout d’abord à une violation des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 1er, section A2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, désignée ci-après par « la Convention de Genève », sinon à une erreur manifeste d’appréciation des faits, alors que ce serait à tort que le ministre aurait conclu que les faits invoqués à l’appui de leurs demandes de protection internationale ne justifieraient pas, dans leur chef, une crainte justifiée de persécution en raison de leur appartenance ethnique et/ou à un groupe social vulnérable, ainsi qu’en raison des opinions politiques de Madame (A) qui ferait l’objet, suite à ses publications sur les réseaux sociaux contre les actions des dirigeants du régime actuel dans son pays d’origine, d’accusations de la part des autorités turques de faire la propagande du terrorisme.
Les demandeurs donnent à cet égard, tout d’abord, à considérer qu’une crainte de persécution serait fondée lorsqu’elle serait basée sur une évaluation objective de la situation dans le pays d’origine du demandeur d’asile. Cette crainte découlerait du manquement des autorités de son pays d’origine à remplir leurs obligations de protection des citoyens résultant des engagements des Etats au titre de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Concernant, dans ce contexte, les documents versés à l’appui de leurs demandes de protection internationale, les demandeurs font valoir que si ceux-ci ne sont certes pas traduits,des traducteurs turcs seraient à disposition des agents ministériels pour fournir des explications relatives auxdits documents, de sorte que le défaut pour le ministre de prendre en compte ces documents, notamment l’acte d’accusation émis à l’encontre de Madame (A) pour propagande du terrorisme, constituerait une mauvaise interprétation des faits, sinon une violation de la loi.
Ils ajoutent que lors de l’entretien sur les motifs à la base de la demande de protection internationale de Madame (A), les autorités ministérielles lui auraient demandé le code d’accès à son espace dans le système UYAP Vatandas, lequel permettrait de consulter les procédures judiciaires à l’encontre des citoyens turcs dans leur pays d’origine, de sorte qu’il aurait été loisible au ministre de consulter l’ensemble des documents y contenus, y compris les procédures pénales actuellement ouvertes à l’encontre de celle-ci. Ils précisent encore que leur litismandataire aurait versé lesdits documents avec des explications et des « traductions libres courtes », de sorte que le ministre aurait disposé d’un minimum d’information au sujet des documents versés non traduits. Il s’y ajouterait que par courriel du 24 août 2023 de leur litismandataire, une traduction du jugement prononcé à l’encontre de Madame (A) qui reprendrait l’ensemble des procédures ouvertes à son encontre aurait été communiquée au ministre. Ils expliquent à cet égard qu’ils auraient seulement fait procéder à la traduction des documents les plus pertinents afin d’éviter d’engendrer des frais inutiles et un délai d’attente trop long. Les demandeurs soulignent encore qu’au moment de son entretien, Madame (A) aurait eu connaissance de trois procédures à son encontre par l’intermédiaire de son avocat en Turquie, mais qu’elle aurait ignoré les suites y réservées, respectivement l’évolution de la procédure judiciaire relative à l’accusation de propagande du terrorisme à son encontre. Or, entretemps le Procureur de la République de Turquie aurait établi un acte d’accusation à son encontre le 2 novembre 2023 et une audience à cet égard aurait déjà eu lieu en date du 27 novembre 2023, tandis qu’une nouvelle audience aurait encore été fixée au 23 janvier 2024.
Les intéressés en concluent que le ministre aurait manqué à son obligation prévue à l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 de prendre sa décision individuellement, objectivement et impartialement sur base des informations précises et actualisées sur la situation de Madame (A).
En ce qui concerne ensuite les motifs de refus du ministre, les demandeurs entendent tout d’abord réfuter l’argumentation de celui-ci suivant laquelle les publications sur les réseaux sociaux de Madame (A) à l’encontre des dirigeants turcs constitueraient des insultes graves, respectivement des menaces contre le Président et le ministre de l’Intérieur turcs, en se prévalant du droit à la liberté d’expression de l’intéressée, telle que prévue à l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, désignée ci-après par « la Charte », ainsi qu’à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH ».
Tout en mettant en exergue que le document « … » qu’ils auraient versé en cause constituerait le rapport d’enquête concernant les publications sur les réseaux sociaux qui se trouveraient à la base de l’accusation à son encontre pour propagande du terrorisme et non pas à la base de l’accusation en raison de l’insulte au Président, les concernés font valoir que l’autorité ministérielle semblerait légitimiser l’attitude arbitraire des autorités de leur pays d’origine en se basant sur ledit document pour justifier les décisions déférées. Les demandeurs s’interrogent, dans ce contexte, en quelle mesure de nombreuses personnes soutenant le PKK pourraient paisiblement vivre au Luxembourg si un tel soutien serait à considérer comme un acte criminel de droit commun.
Les demandeurs font encore valoir que, depuis un coup d’Etat manqué en juillet 2016, un état d’urgence aurait été mis en place en Turquie et que des milliers de personnes auraient été arrêtées par les autorités turques sur base de simples soupçons ou d’accusations de terrorisme, sinon sur la suspicion d’être membre du PKK, les intéressés insistant sur le fait que les autorités turques puniraient toute voix contestataire au régime, y compris les personnalités politiques, ce qui serait également le cas de Madame (A). Dans ce contexte, les consorts (AB) se réfèrent à un article de l’organisation non-gouvernementale « Organisation suisse d’aide aux réfugiés », désignée ci-après par « l’OSAR », intitulé « Turquie : partager et « liker » des contenus sensibles sur Facebook », publié le 29 octobre 2020, pour faire valoir que lesdites autorités turques engageraient des poursuites pénales à l’encontre des personnes ayant partagé ou posé des « likes » en dessous de contenus sensibles sur les réseaux sociaux et que les personnes d’ethnie kurde seraient les plus ciblées. De l’avis des demandeurs, il ressortirait encore d’un article de l’OSAR intitulé « Toute personne critique envers le gouvernement risque la détention », publié le 24 février 2020, que face au contrôle qu’exerceraient les autorités de leur pays d’origine sur les réseaux sociaux et face à l’instauration par celles-ci d’une politique de la peur sur la population, leur crainte d’être ciblés par lesdites autorités et d’être arrêtés arbitrairement sans procès équitable et sans justice indépendante serait justifiée. Les demandeurs font à cet égard valoir, qu’en l’espèce, Madame (A) aurait fait des publications sur les réseaux sociaux afin de dénoncer l’attitude des autorités turques contre les minorités, notamment kurdes, ainsi que les personnes poursuivies à la suite dudit coup d’Etat manqué et qu’au-delà des « soi-disant « insultes » » contre le Président ou un ministre turcs, les publications de celle-ci exprimeraient son opinion politique qui consisterait en son mécontentement envers le régime actuellement en place dans son pays d’origine. Ils mettent encore en exergue que si certes il existerait un système judiciaire dans leur pays d’origine au niveau procédural, Madame (A) craindrait toutefois, au vu des pièces versées en cause, à juste titre de ne pas pouvoir y bénéficier d’un procès équitable face à une justice qui ne serait pas indépendante et d’y encourir une peine d’emprisonnement de plusieurs années en violation de son droit à la libre expression.
Quant au motif de refus du ministre suivant lequel les gardes à vues dont aurait fait l’objet Madame (A) ne revêtiraient pas un degré de gravité suffisant d’une part, et seraient en partie légitimisés en raison d’une agression physique de la part de l’intéressée à l’encontre des forces de l’ordre, d’autre part, les demandeurs font valoir que lors de son interpellation par lesdites forces de l’ordre, ceux-ci lui auraient fait des remarques désobligeantes, tel que cela ressortirait de son rapport d’entretien et que toute femme aurait réagi de la même sorte face à ces commentaires, les demandeurs précisant encore qu’il ne saurait d’ailleurs guère être question d’une « agression physique » de la part de Madame (A), alors que celle-ci ne mesurerait qu’environ un mètre soixante et pèserait 60 kilos. Le ministre aurait, par ailleurs, dû analyser si le fait de détenir l’intéressée pendant quatre jours pour le simple fait d’avoir poussé un policier était disproportionné, ce qu’il n’aurait pas fait en l’espèce.
Concernant l’argumentation du ministre suivant laquelle le fait pour Madame (A) d’avoir été interpellée suite à un discours qu’elle aurait tenu lors d’un meeting du Parti démocratique des peuples, désigné ci-après par « le HDP », ne revêtirait pas un degré de gravité suffisant, les demandeurs font valoir qu’il y aurait lieu d’apprécier la gravité de l’ensemble des incidents dont aurait l’objet l’intéressée et non pas de façon séparée, alors que l’ensemble des interpellations dont elle aurait fait l’objet seraient reliées à son activité politique.
Les demandeurs reprochent encore au ministre d’avoir retenu l’existence d’un Etat de droit en Turquie, ce qui ne serait pas le cas, tel que cela ressortirait d’un article non daté del’OSAR, intitulé « La fin de l’Etat de droit », ainsi que d’une fiche de données de cette même organisation non-gouvernementale intitulée « … », laquelle contiendrait une liste de profils à risques dans leur pays d’origine, dont cinq profils correspondraient à celui de l’intéressée.
Tout en réitérant leur reproche selon lequel le ministre aurait omis d’analyser leurs demandes de protection internationale en conformité avec l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, en ce qu’il n’aurait apprécié leurs motifs de fuite ni en relation avec les activités politiques de Madame (A), ni avec son ethnie, ni avec l’historique de ses membres de famille, ni avec les documents versés, les demandeurs concluent, par ailleurs, que l’ensemble des motifs à la base de leur demande de protection internationale seraient de nature à entrer dans le champ d’application de la Convention Genève, alors que Madame (A) risquerait en cas de retour dans son pays d’origine de subir des actes de persécutions de la part des autorités turques, notamment une peine d’emprisonnement.
Les demandeurs reprochent ainsi au ministre de ne pas avoir procédé à la mise en relation de leur récit personnel avec la situation politique actuelle en Turquie, alors que Madame (A) n’y serait pas une Kurde parmi d’autres, mais qu’elle aurait été repérée par les autorités turques comme un membre du parti HDP actif pour la cause kurde, d’autant plus qu’elle serait issue d’une famille connue par lesdits autorités pour leur travail d’opposition politique et qu’elle ferait l’objet d’accusations pénales dans son pays d’origine.
Les demandeurs font ensuite plaider que la situation actuelle en Turquie ne leur aurait pas permis de demander une protection aux autorités de leur pays d’origine, alors que d’une part, ces dernières seraient à l’origine des persécutions que subirait Madame (A) et que, d’autre part, la situation des droits de l’Homme serait détériorée en Turquie, tel que cela ressortirait d’un rapport du Home Office du Royaume-Uni, intitulé « Country Policy and Information Note.
Turkey : Kurds » publié en octobre 2023, d’un article de l’OSAR intitulé « Turquie : violences contre les femmes membres du HDP », publié le 25 octobre 2018, ainsi que d’un rapport du U.S. Department of State publié le 20 mars 2023.
Après avoir insisté sur le fait que les motifs à la base de sa demande de protection internationale seraient personnels et réels, notamment au vu de la situation des Kurdes en Turquie, tel que cela ressortirait, contrairement aux conclusions du ministre, des rapports versés en cause, ils concluent à la réformation de la décision déférée et citent, à l’appui, un jugement du tribunal administratif du 9 mai 2018, inscrit sous le numéro 39419 du rôle, dans lequel le tribunal aurait retenu que la situation en Turquie pour les personnes d’ethnie kurde serait, dans le contexte d’un conflit armé entre la Turquie et la Syrie, d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs estimant encore que leur récit serait crédible et globalement cohérent.
En ce qui concerne les craintes exposées par eux, les demandeurs réitèrent leurs développements suivant lesquels l’ensemble des actes de persécutions dont Madame (A) aurait fait l’objet, notamment des arrestations arbitraires, des violences physiques et mentales et des menaces de mort, ainsi que tous les facteurs y liés, à savoir, ses liens familiaux, son activisme politique et son ethnie devraient être pris en compte dans leur ensemble, et concluent que lesdits actes seraient d’une gravité suffisante tant par leur nature que par leur répétition au sens de l’article 42, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs mettant encore en exergue que l’intéressée craindrait en cas de retour une exécution arbitraire.
Les consorts (AB) se prévalent encore de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 pour faire valoir qu’il n’y aurait, malgré le fait que l’état d’urgence ne serait plus en vigueur en Turquie, aucune bonne raison de croire qu’ils ne feraient plus, en cas de retour dans le même pays, l’objet de persécutions de la part des autorités turques, alors que les arrestations arbitraires d’opposants politiques n’auraient pas pour autant cessé.
Tout en réitérant leurs propos par rapport au risque pour Madame (A) d’être persécutée par les autorités turques en raison de ses opinions politiques, de son ethnie et de son nom de famille, les demandeurs estiment remplir les conditions de l’article 42, paragraphe (1), points a) à d) de la loi du 18 décembre 2015, alors que les faits relatés par eux seraient de par leur nature et répétition d’une gravité suffisante en ce qu’ils risqueraient de souffrir d’actes traumatisants et humiliants, les demandeurs insistent encore sur la circonstance que le fait d’être simplement perçu par les autorités de leur pays d’origine comme un opposant politique serait suffisant pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié. Les intéressés prennent, à cet égard, appui sur un arrêt de la Cour administrative du 20 octobre 2015, inscrit sous le numéro 36756C du rôle, pour faire valoir que Madame (A) serait, en raison de son ethnie et de ses opinions politiques, perçue comme un opposant politique, constat qui serait renforcé par le fait que celle-
ci ferait l’objet de trois chefs d’accusations en Turquie, et qu’il serait ainsi raisonnable de penser qu’en cas de retour dans leur pays d’origine ils risqueraient de subir un traitement grave et dangereux, de sorte que le statut de réfugié devrait leur être accordé.
Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs, tout en réitérant leurs développements précédents quant aux risques encourus par Madame (A) en cas de retour en Turquie et après avoir cité les articles 2, point g) et 48 de la loi du 18 décembre 2015, estiment risquer de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH, notamment des actes de harcèlement ou de discrimination, sans qu’ils ne puissent rechercher une protection de la part des autorités de leur pays d’origine, de sorte que la décision déférée encourrait la réformation pour violation de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, ce d’autant plus qu’ils rentreraient dans les prévisions de l’article 37, paragraphe (4) de la même loi.
Les demandeurs concluent finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans les décisions déférées au vu du risque pour eux de subir, en cas de retour en Turquie, des atteintes graves telles que définies aux articles 48 et 49 de la loi du 18 décembre 2015, les consorts (AB), tout en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », estimant, par ailleurs, que les décisions déférées violeraient de manière autonome l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », ainsi que l’article 3 de la CEDH.
A l’appui de leur recours inscrit sous le numéro 52137 du rôle, outre de réitérer l’ensemble des moyens et arguments contenus dans leur requête introductive d’instance inscrite sous le numéro 49794 du rôle, les demandeurs, tout en se référant à la situation de Madame (A) et aux actes de persécution, sinon atteintes graves que celle-ci risquerait de subir en cas de retour dans son pays d’origine, de même que ses membres de famille par ricochet, estiment que la décision du ministre de refuser l’octroi d’une protection internationale dans le chef de l’enfant mineur (D) encourrait la réformation, alors que celle-ci serait contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet des recours pour ne pas être fondés dans les deux rôles.
En ce qui concerne tout d’abord la demande des intéressés tendant à la communication du dossier administratif qui serait formulée aux uniques dispositifs de leurs requêtes introductives d’instance respectives, il fait valoir qu’aucun développement y relatif, et plus particulièrement aucune précision quels éléments de leur dossier administratif la partie étatique aurait omis de leur communiquer, ne figureraient dans lesdites requêtes, de sorte que ladite demande serait à rejeter pour défaut de pertinence, le délégué du gouvernement précisant encore que le dossier administratif aurait été communiqué à leur ancien mandataire, que leur litismandataire aurait été invité à récupérer ledit dossier auprès de celui-ci et que toute nouvelle pièce lui aurait été communiquée par la suite.
En ce qui concerne ensuite la demande, également formulée uniquement aux dispositifs respectifs de leurs requêtes introductives d’instance, tendant à ordonner à la partie étatique de remettre les informations utilisées dans la procédure de prise de décision ayant servies à rejeter leurs demandes de protection internationale sur base des articles 10 et 11 de la loi du 18 décembre 2015, le délégué du gouvernement rétorque que toutes les sources sur lesquelles le ministre se serait basé dans le cadre des décisions déférées seraient indiquées en notes de bas de page de celles-ci, de sorte que ladite demande serait également à rejeter pour défaut de pertinence.
Le délégué du gouvernement entend encore réfuter le moyen des demandeurs tenant à une violation par le ministre de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, en précisant que celui-ci aurait bien procédé à une instruction complète, impartiale, objective et suffisante des demandes de protection internationale de ceux-ci et rappelle que le seul fait de ne pas réserver une suite favorable auxdites demandes ne saurait permettre de retenir une quelconque violation desdites dispositions de sorte que ledit moyen encourrait le rejet sous cet aspect.
Quant aux développements, dans ce contexte, des demandeurs relatifs à l’absence de traduction de certains documents versés à l’appui de leurs demandes de protection internationale, le délégué du gouvernement cite tant l’article 10, paragraphe (5) que l’article 12, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 pour conclure que les demandeurs seraient dans l’obligation de fournir tous les documents relatifs aux motifs à la base de leurs demandes, de sorte que leur moyen tendant à une violation dudit article 10 serait, à cet égard, également à rejeter.
En ce qui concerne ensuite les motifs de refus du ministre d’accorder le statut de réfugié aux intéressés, après avoir retracé le cadre légal y relatif prévu par la loi du 18 décembre 2015, le délégué du gouvernement fait valoir que si certes la crainte de Madame (A) de faire l’objet d’une arrestation et d’être incarcérée en cas de retour dans son pays d’origine, alors qu’elle y ferait l’objet de poursuites judiciaires depuis fin 2021 pour insulte au Président de la République et au ministre de l’Intérieur, ainsi que de propagande terroriste sur les réseaux sociaux, pourrait a priori entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, ces faits ne sauraient toutefois pas être considérés comme des actes de persécution au sens dudit instrument.
Il estime à cet égard que les publications de Madame (A) s’avéreraient être des insultes graves, respectivement des menaces contre le Président et le ministre de l’Intérieur turcs, alors qu’il ressortirait du document intitulé « … », lequel constituerait suivant les demandeurs unrapport d’enquête de la préfecture de … du 16 décembre 2021, que l’intéressée aurait traité lesdits représentants de « dictateur », de « meurtrier », d’ « assassin », de « fasciste » et de « voleur », de même qu’elle les aurait accusés d’être responsables de « massacres » notamment envers les personnes d’ethnie kurde et d’avoir emprisonné à tort des milliers de personnes « sous le prétexte d’un coup d’Etat ». Pour le surplus, la concernée aurait publié des propos suivant lesquels « la guérilla », soit le PKK, « mettra fin au règne » du Président turc, l’ensemble de ces propos constituant, suivant la partie étatique, des menaces et même une atteinte à la vie d’une personne, de sorte qu’il ne saurait être reproché aux autorités turques d’avoir lancé une enquête à l’encontre de Madame (A) en raison desdites publications afin de découvrir l’envergure de ses actes. Dans la mesure où celle-ci admettrait d’ailleurs qu’elle ne se serait pas présentée aux différentes convocations, l’émission d’un mandat d’arrêt à son encontre serait tout autant justifié.
Il fait, dans ce contexte, encore valoir que les deux infractions pour lesquelles l’intéressée serait poursuivie seraient prévues par les articles 125 et 299 du Code pénal turc, lesquels prévoiraient les sanctions respectives d’une peine privative de liberté entre trois mois et deux ans ou une peine pécuniaire, en ce qui concerne l’insulte, et une peine privative de liberté entre un an et quatre ans, en ce qui concerne l’insulte au président.
Le délégué du gouvernement estime ensuite que ce constat ne serait pas ébranlé par l’invocation par les demandeurs de l’article 10 de la CEDH et le droit à la liberté d’expression dont aurait fait usage Madame (A), alors que la simple référence audit droit ne saurait excuser le fait de proférer des injures voire des menaces à l’encontre de personnes, voire du Président et du ministre de l’intérieur turcs, alors que lesdits actes seraient condamnables tant en Turquie qu’au Luxembourg. Il s’y ajouterait que celle-ci n’établirait pas qu’elle n’aurait, dans le cadre des poursuites dont elle ferait l’objet, pas accès à un procès équitable, alors qu’elle admettrait elle-même avoir accès à un avocat en Turquie et qu’il ressortirait, par ailleurs, des pièces versées en cause que ladite procédure se déroulerait « en bonne et due forme ».
Il en irait de même de l’accusation « pour propagande terroriste » dont ferait objet Madame (A). A cet égard, le délégué du gouvernement relève tout d’abord que lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande, cette dernière n’aurait pas remis de document relatif à une procédure judiciaire à son encontre de ce chef et qu’elle aurait seulement indiqué qu’une enquête en ce sens serait en cours et serait sous le secret de l’instruction. Quant à l’acte d’accusation à son encontre du 2 novembre 2023, lequel les demandeurs n’auraient versé qu’à l’appui de leur recours, il estime qu’il en ressortirait que l’intéressée aurait procédé à diverses publications sur les réseaux sociaux en faveur du PKK, de sorte que l’enquête diligentée à son encontre de ce chef viserait des publications en faveur d’un groupement classé comme une organisation terroriste, tant par l’Union européenne que par la Turquie et que ladite enquête serait tout à fait légitime pour constituer une enquête dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le délégué du gouvernement ajoute, dans ce contexte, que ce constat ne serait pas énervé par les différents rapports auxquels les demandeurs se réfèrent, alors que ceux-ci n’auraient aucun lien avec leur situation personnelle. Il estime encore qu’il ressortirait des documents émanant des juridictions turques relatifs à l’accusation de propagande de terrorisme que Madame (A) bénéficierait, contrairement aux affirmations des demandeurs, d’un procès et qu’elle aurait la possibilité de se défendre par le biais d’un avocat, ce d’autant plus qu’il en ressortirait qu’elle n’aurait, à l’heure actuelle, pas fait l’objet d’une condamnation.
Concernant les gardes à vues dont l’intéressée aurait fait l’objet en novembre 2021 lors d’un contrôle par des agents civils lors d’un trajet en bus pour se rendre à une réunion du HDP,l’autre et en décembre de la même année en raison d’un discours que celle-ci aurait tenu durant un rassemblement du même parti, le délégué du gouvernement met tout d’abord en exergue qu’il ressortirait des explications mêmes de Madame (A) qu’il s’agirait de deux incident isolés sans être en lien avec les poursuites judiciaires dont elle ferait l’objet dans son pays d’origine, de sorte qu’il n’y aurait aucun lien entre lesdites gardes à vue et les poursuites dont elle ferait l’objet.
En ce qui concerne ensuite plus particulièrement la première garde à vue qui aurait eu lieu en novembre 2021, la partie étatique estime que si certes l’affirmation de l’intéressée suivant laquelle elle aurait fait l’objet d’un contrôle en raison de son port d’un badge du HDP serait, en raison d’une connotation politique, susceptible d’entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, il ressortirait toutefois clairement de son récit qu’elle aurait été placée en garde à vue alors qu’elle aurait poussé un agent de police à l’occasion dudit contrôle, ce qui constituerait, malgré le fait, d’une part, que ledit agent aurait préalablement fait des remarques méprisantes à l’égard de la concernée, et, d’autre part, que la demanderesse n’aurait pas été assez forte face aux agents, une infraction et qu’il ne saurait dès lors être reproché aux forces de l’ordre d’avoir arrêté celle-ci. Il s’y ajouterait qu’une garde à vue de trois à quatre jours, durant laquelle elle aurait été questionnée en présence de son avocat, sans rencontrer un quelconque problème à part une pression psychologique alléguée et à l’issue de laquelle elle aurait été relâchée ne revêtirait pas un degré de gravité suffisant pour être qualifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
En ce qui concerne la garde à vue qui aurait eu lieu en décembre 2021, le délégué du gouvernement fait valoir que ledit motif ne revêtirait pas un degré de gravité suffisant pour être qualifié d’acte de persécution, alors que Madame (A) aurait simplement été questionnée sur les raisons de sa participation à un rassemblement du HDP et qu’elle aurait été assistée d’un avocat et relâchée à la fin. Si certes celle-ci affirmerait avoir été poussée à cette occasion par un agent des forces de l’ordre turques, cet incident ne serait toutefois pas ipso facto représentatif du système policier turc, le délégué du gouvernement soulignant encore que ce constat ne serait pas ébranlé par le rapport de l’OSAR versé en cause par les demandeurs relatif aux violences à l’encontre des femmes membres du parti HDP, alors que ces derniers resteraient en défaut de remettre ledit rapport en lien avec le vécu personnel de Madame (A), celle-ci n’ayant, mis à part un incident isolé, pas fait état de violence policière à son encontre.
En ce qui concerne les développements de Madame (A) relatifs aux difficultés qu’elle aurait rencontrées pour trouver un emploi en tant que Kurde, la partie étatique met en avant que mis à part le constat que les demandeurs resteraient en défaut d’établir de manière circonstanciée leur affirmation à cet égard, ledit motif ne revêtirait pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifié d’acte de persécution.
Ce même constat vaudrait en ce qui concerne les développements des demandeurs suivant lesquels Madame (A) serait dans le collimateur des autorités turques en raison de ses liens familiaux et de son appartenance au HDP, alors qu’aucun tel élément ne ressortirait des documents versés en cause, seul le contenu de ses publications sur les réseaux sociaux se trouvant d’après le délégué du gouvernement à la base des accusations à son encontre, de sorte que lesdits facteurs ne sauraient être considérés comme facteurs aggravants tels que le plaideraient les demandeurs. Le délégué du gouvernement précise, dans ce contexte, que 19% de la population turque serait d’origine kurde et vivrait paisiblement en Turquie, dont près de 3 millions à Istanbul, de sorte que la situation générale des Kurdes en Turquie ne serait pas telle que toute personne d’origine kurde puisse valablement se prévaloir d’une crainte fondée d’êtrepersécutée en Turquie sur base de son ethnie. Tout en citant un arrêt de la Cour administrative du 8 juin 2023, portant le numéro 48799C du rôle, la partie étatique conclut, dans ce contexte, au rejet de la demande, formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance des demandeurs tendant à l’instauration d’une instruction complémentaire pour vérifier la situation générale des Kurdes, membres actifs du HDP en Turquie. Ce même constat vaudrait pour les développements des demandeurs relatifs à leurs membres de famille qui auraient obtenu le statut de réfugié au Luxembourg, notamment en 2015, alors que non seulement la situation desdits membres de famille aurait été examinée à une époque qui ne reflète plus la situation actuelle en Turquie, mais qu’encore les demandeurs ne sauraient, sans mise en relation avec leur situation personnelle, en tirer un avantage quelconque.
La partie étatique réitère ensuite le reproche contenu dans les décisions ministérielles déférées suivant lequel Madame (A) n’aurait pas cherché une quelconque protection de la part des autorités turques pour les faits mentionnés lors de son entretien, alors qu’elle aurait, notamment pour les violences policières alléguées pu se tourner vers l’Institution turque des droits de l’Homme et de l’égalité ou encore le Médiateur turc, sinon le Procureur turc, tout en rappelant que la notion de protection de la part du pays d’origine n’impliquerait pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission des actes de violence. Ce constat ne serait, en tout état de cause, pas énervé par l’affirmation de l’intéressée qu’elle n’aurait pas osé contacter lesdites institutions en raison de son passé avec la police et qu’elle n’aurait pas demandé de protection auprès des autorités mêmes à l’origine des actes de persécution à son encontre, alors qu’elle aurait, de l’avis de la partie étatique, au moins pu essayer d’obtenir une protection auprès desdites institutions. Ce constat ne serait pas non plus énervé par un rapport du Home Office, alors que celui-ci ne serait d’une part, pas versé en cause, et, d’autre part, ne serait pas mis en relation avec la situation personnelle des demandeurs.
En ce qui concerne encore les craintes de Monsieur (B) de se retrouver dans le collimateur des autorités turques pour avoir hébergé une personne recherchée et d’avoir quitté la Turquie illégalement, le délégué du gouvernement relève que celui-ci ne ferait l’objet d’aucune enquête en ce sens à son encontre et que les craintes de celui-ci seraient dès lors à qualifier de purement hypothétiques.
Dans la mesure d’ailleurs où les demandeurs n’auraient pas établi avoir fait l’objet d’actes de persécution dans leur pays d’origine, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 ne leur serait pas applicable.
Ce serait dès lors à bon droit que le ministre leur aurait refusé l’octroi du statut de réfugié.
En ce qui concerne ensuite le refus du ministre d’accorder le statut conféré par la protection subsidiaire aux demandeurs, le délégué du gouvernement, après avoir relevé que ces derniers, tout en visant dans le cadre de leurs requêtes introductives d’instance le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, n’établiraient aucun élément personnel dans leur chef en relation avec celui-ci, estime que les motifs à la base de leurs demandes de protection internationale ne sauraient pas non plus être considérés comme des traitements inhumains et dégradants à leur égard en Turquie tels que prévus au point b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et à l’article 3 de la CEDH, la partie étatique renvoyant, dans ce contexte à ses développements précédents quant à l’absence de gravité suffisante desdits motifs, ainsi que l’absence de preuve d’un défaut de protection de la part des autorités turques.
Quant à l’ordre de quitter le territoire, la partie étatique relève finalement que mis à part le constat que l’article 129 de la loi du 29 août 2008 ne serait pas applicable aux demandeurs de protection internationale, les demandeurs n’auraient pas établi un risque dans leur chef de subir, en cas de retour dans leur pays d’origine, des actes de torture, de traitement ou de sanctions inhumains et dégradants, de sorte que ce serait à bon droit que le ministre leur aurait ordonné de quitter le territoire.
Analyse du tribunal A titre liminaire, en ce qui concerne les demandes en communication du dossier administratif formulées exclusivement dans le dispositif des requêtes introductives d’instance respectives, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec ses mémoires en réponse, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour les demandeurs de remettre en question le caractère complet du dossier mis à disposition à travers les mémoires en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.
1. Quant à la légalité externe Quant à la légalité externe et plus particulièrement quant aux moyens des demandeurs, formulés exclusivement dans le cadre du titre « A. Violation de l’article 26 et de l’article 34 de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, et également de l’article 1er, section A2 de la Convention de Genève, décrivant le contenu de la notion de réfugié » tendant ainsi à une violation par le ministre des articles 26 et 34 de la loi du 18 décembre 2015, prévoyant des garanties procédurales entourant, d’une part, l’entretien sur les motifs à la base d’une demande de protection internationale et, d’autre part, les décisions prises par le ministre dans le cadre de l’examen d’une telle demande, il échet de constater que les demandeurs omettent de préciser de quelle manière lesdits articles, auraient été violés. Or, dans la mesure où il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les arguments qui auraient pu se trouver à la base de leurs moyens, ceux-
ci sont à rejeter pour ne pas être fondés.
En ce qui concerne encore le moyen des demandeurs tendant à une violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015 par le ministre, en ce que celui-ci aurait, d’une part, manqué de procéder à un examen objectif et impartial de leurs demandes de protection internationale et, d’autre part, omis de prendre en compte les documents non traduits versés à l’appui de leurs demandes, le tribunal relève qu’au termes dudit article : « (1) L’examen d’une demande de protection internationale n’est ni refusé ni exclu au seul motif que la demande n’a pas été présentée dans les plus brefs délais.
(2) Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire.
(3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que:
a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement;
25 b) des informations précises et actualisées soient obtenues auprès de différentes sources, telles que le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’homme, sur la situation générale existant dans les pays d’origine des demandeurs et, le cas échéant, dans les pays par lesquels les demandeurs ont transité, et à ce que le personnel chargé d’examiner les demandes et de prendre les décisions ait accès à ces informations;
c) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions connaissent les normes applicables en matière d’asile et de droit des réfugiés;
d) les agents chargés d’examiner les demandes et de prendre les décisions aient la possibilité de demander conseil à des experts, le cas échéant, sur des matières particulières comme les questions médicales, culturelles, religieuses, ou celles liées aux enfants ou au genre.
(4) Les juridictions saisies d’un recours en vertu de la présente loi, ont accès, par le biais du ministre, du demandeur ou autrement, aux informations générales visées au paragraphe 3, point b), nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
(5 )A l’exception des documents d’identité, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale. ».
Le tribunal constate que c’est d’abord à tort que les demandeurs estiment que le ministre aurait procédé à un examen sommaire, impartial et subjectif de leurs demandes de protection internationale, alors qu’il ressort au contraire des décisions déférées que le ministre a bien pris en compte l’ensemble des motifs invoqués par ces derniers, à savoir, en ce qui concerne Madame (A), d’une part, sa crainte de faire l’objet d’une arrestation ainsi que d’une condamnation à une peine d’emprisonnement en raison (i) de son ethnie kurde, (ii) de son activisme politique en faveur de la cause kurde tant au niveau de l’HDP qu’au niveau de ses publications sur les réseaux sociaux, (iii) de son nom de famille, (iv) de ses deux gardes à vue et (v) des accusations dont elle fait l’objet de la part des autorités turques pour propagande de terrorisme et d’insulte au Président et au ministre de l’Intérieur turcs et, d’autre part, ses difficultés de trouver un emploi en raison de son ethnie et de son nom de famille. En ce qui concerne Monsieur (B), le ministre a pris en compte la crainte de celui-ci de se retrouver dans le collimateur des autorités turques en raison de l’aide qu’il a apportée à son épouse et, en ce qui concerne les deux enfants mineurs des époux (AB), leur crainte de se retrouver, en cas de retour en Turquie, séparés de leurs parents en raison d’un incarcération de ceux-ci, sinon d’être systématiquement exposés à des contrôles de police en raison de l’activité politique de leur mère. Il échet, par ailleurs, de constater que le ministre s’est, dans le cadre des décisions déférées, référé à un nombre de sources internationales relatives à la situation du pays d’origine des demandeurs, de sorte que les développements des demandeurs relatifs à un défaut d’examen objectif et impartial de leurs demandes de protection internationale de la part du ministre sont à écarter pour être infondés, étant relevé que le bien-fondé des motifs à la base des décisions de refus relève d’une analyse au fond ci-dessous.
Il s’ensuit, par ailleurs, que la demande des intéressés, formulée dans le cadre des dispositifs de leurs requêtes introductives d’instance respectives tendant à ordonner, à la partie étatique de remettre, sur base des articles 10 et 11 de la loi du 18 décembre 2015, les informations ayant servies à rejeter leurs demandes de protection internationale est également à rejeter, alors que si certes l’article 11, paragraphe (4) de ladite loi prévoit que « […] Le 26 demandeur et, le cas échéant, son avocat ont accès aux informations visées à l’article 10, paragraphe (3), point b) et aux informations communiquées par les experts visées à l’article 10, paragraphe (3), point d), lorsque le ministre a tenu compte de ces informations pour prendre une décision relative à leur demande. », les demandeurs restent en défaut d’établir que l’indication, dans les décisions ministérielles déférées, des sources sur lesquelles le ministre s’est basé pour rejeter leurs demandes de protection internationale serait insuffisante au regard des exigences dudit article.
En ce qui concerne encore les documents produits par les demandeurs à l’appui de leurs demandes de protection internationale, c’est encore à bon droit que le ministre a estimé que les documents non traduits ne sauraient être pris en compte, alors qu’aux termes de l’article 10, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, tout document remis au ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction dans une de ces langues, afin d’être pris en considération dans l’examen de la demande de protection internationale, étant relevé qu’une traduction libre et partielle de leur litismandataire ne saurait suffire au regard des exigences dudit article.
Ce constat n’est pas ébranlé par les développements des demandeurs relatifs à la présence au sein du ministère de traducteurs turcs, alors que l’article 37, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, prévoit qu’« Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale. Il appartient au ministre d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande. », ledit article imposant dès lors au demandeur de protection internationale la charge de la preuve, étant encore relevé que les développements des intéressés relatifs à leur choix de ne faire procéder qu’à la traduction des documents les plus pertinents à leur sens pour limiter le temps d’attente et les frais afférents relève de leur choix personnel, de sorte à ne pas être pertinent.
Concernant la demande d’instruction complémentaire, formulée uniquement aux dispositifs de leurs requêtes introductives d’instance respectives, elle est à rejeter, étant donné que les demandeurs n’établissent pas les raisons pour lesquelles une telle mesure serait nécessaire et utile dans le cadre de la présente affaire, étant encore précisé qu’une mesure d’instruction ne peut en aucun cas être ordonnée en vue de suppléer à la carence d’une partie dans l’administration de la preuve. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en question.
2. Quant à la légalité interne A. Quant aux demandes de protection internationale des demandeurs Quant au fond, force est au tribunal de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa 27 résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« […] a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
28 a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
a) Quant à la demande de protection internationale de Madame (A) A la base de sa demande de protection internationale, Madame (A) fait, de manière générale, état des discriminations que subiraient les Kurdes en Turquie à cause de leur appartenance ethnique et de leur situation sécuritaire dans ce même pays. Personnellement, elle se prévaut de son adhésion au parti HDP, de sa participation, dans ce contexte, à des rassemblements dudit parti pour la cause kurde, notamment en y tenant des discours, du fait qu’elle aurait procédé sur les réseaux sociaux à des publications qui auraient été critiques envers le gouvernement turc et du fait de faire partie d’une famille connue par les autorités turques comme étant des opposants politiques défendant la cause kurde. Elle fait à cet égard valoir plusieurs incidents, à savoir, (i) le fait d’avoir, en novembre 2021, lors d’un trajet en bus en route pour un meeting du HDP, fait l’objet d’un contrôle par la police turque à l’issue duquel elle aurait été détenue trois à quatre jours, (ii) le fait d’avoir fait l’objet, en décembre 2021, d’une garde à vue de deux nuits le jour même où elle aurait tenu un discours à un rassemblement du HDP, (iii) le fait que la police turque se serait le 15 décembre 2021 de nouveau rendue à son domicile pour la rechercher, alors qu’elle aurait été absente, (iv) le fait de faire l’objet d’accusations dans le cadre de poursuites pénales à son encontre de la part des autorités turques en relation avec ses publications sur les réseaux sociaux qui seraient critiques envers le gouvernement turc.
Il échet à cet égard tout d’abord de constater que le ministre n’a pas remis en cause la crédibilité du récit des demandeurs, notamment leur ethnie kurde, l’activisme politique de Madame (A) et la réalité de poursuites judiciaires à son encontre dans son pays d’origine, de sorte que les développements afférents des demandeurs ne sont pas pertinents en l’espèce.
Il convient d’ailleurs de relever que les parties s’accordent sur le fait que la crainte des demandeurs de faire l’objet d’actes de persécution, sinon d’atteintes graves de la part des autorités turques peut être rattachée à des motifs de persécution énumérés à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir les opinions politiques et l’ethnie kurde de Madame (A), et que l’auteur desdits actes, à savoir les forces de l’ordre et la justice turques, est à qualifier d’Etat au sens de l’article 39, point a) de la loi du 18 décembre 2015.
Il n’est encore pas contesté, tel que cela ressort des documents versés par les demandeurs à l’appui de leurs demandes de protection internationale ainsi que de leurs requêtes introductives d’instance, que Madame (A) fait l’objet en Turquie de différentes accusations, l’une pour le « délit d’insulte publique au président de la République en chaîne » et l’autre pour le délit de « Faire la propagande d’une organisation terroriste », le ministre ayant basé son refus d’accorder l’un des statuts conférés par la protection internationale à Madame (A) sur le motif que (i) les poursuites judiciaires engagées à son encontre ne seraient pas à qualifier d’actes de persécutions ou atteintes graves, alors que l’intéressée aurait enfreint à la loi turque et que (ii) les détentions dont elle aurait fait l’objet n’auraient pas de lien avec lesdites accusations et ne seraient, isolément, pas d’une gravité suffisante pour être qualifiées d’actes de persécution ou d’atteinte grave.
En ce qui concerne tout d’abord l’accusation pour le « délit d’insulte publique au Président de la République en chaîne » dont Madame (A) ferait l’objet, il ressort de la décision ministérielle, ainsi que du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, que la partie étatique estime que le fait pour la concernée d’être poursuivie pour ledit délit serait légitime, alors que celle-ci aurait, par lesdites publications, insulté le Président ainsi que le ministre de l’intérieur turcs (i) en les qualifiant de « dictateur », de « meurtrier », d’ « assassin », de « fasciste » et de « voleur », (ii) en accusant ceux-ci d’être responsables de « massacres »,notamment envers des personnes d’ethnie kurde, (iii) en les accusant d’avoir emprisonné à tort des milliers de personnes sous « le prétexte d’un coup d’Etat » et (iv) en publiant des propos dénonçant le fait que « la guérilla » « mettra fin au règne » du président turc, la partie étatique estimant que de tels propos seraient à qualifier de menaces d’atteinte à la vie d’une personne, de sorte qu’il ne saurait être reproché aux autorités turques d’avoir diligenté des poursuites à l’encontre de Madame (A) sur base des articles 125 et 299 du Code pénal turc.
Or, le tribunal relève qu’il ressort des pièces versées en cause et plus particulièrement d’un jugement de la 70ème chambre du tribunal pénal de première instance Ankara du … que Madame (A) fait l’objet d’un acte d’accusation du Bureau d’enquête sur les crimes spéciaux du Bureau du procureur public d’Ankara du … sur base des publications sur les réseaux sociaux le … suivants : « Je maudis avec dégoût les gouvernants lâches, nomades et racistes qui ont abattu le grand-père et ses deux petits-enfants qui rentraient chez eux à Kamisli avec des drones. L’objectif des assassins dictateurs fascistes est de génocider les Kurdes. Nous résisterons toujours à l’oppression » et « Il y a un pouvoir ignoble qui torture même les funérailles. Le ministre de l’intérieur et son chef fasciste meurtrier Erdogan, apparus dans les montagnes, doivent en rendre compte. », de sorte que, contrairement aux développements de la partie étatique, l’accusation pour le « délit d’insulte publique au Président de la République en chaîne », n’est pas basée sur les publications sur les réseaux sociaux de Madame (A) en relation avec le PKK et que la question, telle que soulevée par les demandeurs, de savoir si les poursuites engagées à l’encontre de l’intéressée se heurtent à l’article 10 de la CEDH et 11 de la Charte, doit être toisée en prenant en compte uniquement les publications se trouvant à la base de l’acte d’accusation relatif au « délit d’insulte publique au Président de la République en chaîne » à son encontre.
En ce qui concerne précisément les articles 10 de la CEDH et 11 de la Charte ceux-ci prévoient que « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. », respectivement « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières. […] ».
Il ressort desdits articles que le droit à la liberté d’expression peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi, notamment, tel qu’en l’espèce, aux fins de la protection de la réputation ou des droits d’autrui. S’il ne revient, en l’espèce, certes pas au tribunal d’examiner si les propos tenus par Madame (A) dans le cadre de ses publications tombent sous le champ d’application des articles précités, ni encore d’analyser la conformité de la loi turque avec lesdits articles, il revient néanmoins au tribunal de vérifier si les demandeurs, respectivement Madame (A), fait valoir une crainte fondée de faire l’objet d’actes à qualifier de persécutions ou d’atteintes graves de la part des autorités turques sur base de son ethnie kurde et de sesopinions politiques en cas de retour en Turquie, étant relevé qu’il n’est pas contesté qu’au jour où statue le tribunal celle-ci n’a pas fait l’objet d’une condamnation dans le contexte des accusation susvisées.
Or, il échet de constater que dans un arrêt du 19 octobre 2021, Vedat Sorli c. Turquie, la CourEDH a jugé que l’article 299 du Code pénal turc prévoyant le délit de l’insulte au Président turc, notamment en prévoyant des sanctions pénales plus élevées que le délit de diffamation de droit commun prévu à l’article 125 du Code pénal turc, était contraire à l’article 10 de la CEDH en retenant plus particulièrement que « pour condamner le requérant, les juridictions internes se sont appuyées sur l’article 299 du code pénal qui accorde au Président de la République un niveau de protection plus élevé qu’à d’autres personnes – protégées par le régime commun de diffamation prévu à l’article 125 du code pénal – à l’égard de la divulgation d’informations ou d’opinions les concernant, et prévoit des sanctions plus graves pour les auteurs de déclarations diffamatoires (voir, pour une comparaison entre les articles 125 et 299 du code pénal, les paragraphes 13 et 14 ci-dessus). À cet égard, elle rappelle avoir déjà maintes fois déclaré qu’une protection accrue par une loi spéciale en matière d’offense n’est, en principe, pas conforme à l’esprit de la Convention (Colombani et autres c. France, no 51279/99, § 69, CEDH 2002-V, Otegi Mondragon, précité, § 55 et Önal (no 2), précité, § 40). Elle rappelle aussi avoir déjà jugé dans son arrêt Artun et Güvener c.
Turquie (no 75510/01, § 31, 26 juin 2007), qui, comme en l’espèce, portait précisément sur une condamnation pénale pour insulte au Président de la République en application de l’article 158 de l’ancien code pénal, que l’intérêt d’un État de protéger la réputation de son chef d’État ne pouvait justifier de conférer à ce dernier un privilège ou une protection spéciale vis-à-vis du droit d’informer et d’exprimer des opinions à son sujet (Artun et Güvener, précité, § 31, et Önal (no 2), précité, § 40 ; voir également, en ce qui concerne la surprotection du statut du Président de la République en matière civile, Pakdemirli c. Turquie, no 35839/97, § 52, 22 février 2005) et que soutenir le contraire ne saurait se concilier avec la pratique et les conceptions politiques d’aujourd’hui (voir à cet égard les textes des organes du Conseil de l’Europe, paragraphes 16-19 ci-dessus). […] S’agissant en particulier de la proportionnalité de la sanction pénale prévue pour insulte au Président de la République, la Cour note que, s’il est tout à fait légitime que les personnes représentant les institutions de l’État soient protégées par les autorités compétentes en leur qualité de garantes de l’ordre public institutionnel, la position dominante que ces institutions occupent commande aux autorités de faire preuve de retenue dans l’usage de la voie pénale (Otegi Mondragon, précité, § 58). Elle rappelle à cet égard que l’appréciation de la proportionnalité d’une ingérence dans les droits protégés par l’article 10 dépendra dans bien des cas de la question de savoir si les autorités auraient pu faire usage d’un autre moyen qu’une sanction pénale, telles des mesures civiles (voir, mutatis mutandis, Raichinov c. Bulgarie, no 47579/99, § 50, 20 avril 2006 ; voir aussi, mutatis mutandis, Lehideux et Isorni c. France, 23 septembre 1998, § 51, Recueil 1998-VII, et Cumpănă et Mazăre c. Roumanie [GC], no 33348/96, § 115, CEDH 2004-XI). En effet, même lorsque la sanction est la plus modérée possible, à l’instar d’une condamnation assortie d’une dispense de peine sur le plan pénal et d’une simple obligation de payer un « euro symbolique » à titre de dommages-intérêts (Mor c. France, no 28198/09, § 61, 15 décembre 2011), elle n’en constitue pas moins une sanction pénale et, en tout état de cause, cela ne saurait suffire, en soi, à justifier l’ingérence dans l’exercice du droit à la liberté d’expression (Athanasios Makris c. Grèce, no 55135/10, § 38, 9 mars 2017). »1 1 CourEDH, 19 octobre 2021, Vedat Sorli c. Turquie, requête n° 42048/19, pts. 43 et 44. Il s’ensuit que l’argumentation de la partie étatique tenant à la légitimité du droit des autorités turques d’engager des poursuites pénales à l’encontre de Madame (A) sur base de l’article 299 du Code pénal turc est contredite par la jurisprudence de la CourEDH.
Si certes la partie étatique argue que la législation turque prévoit également un régime commun de la diffamation à l’article 125 du Code pénal turc, force est toutefois de constater que le jugement prémentionné du 22 mai 2023 est uniquement basé sur l’article 299 du Code pénal turc, lequel prévoit, tel que relevé par la CourEDH dans son arrêt précité du 19 octobre 2019, des peines d’emprisonnement plus sévères que le droit commun. Par ailleurs, si certes les représentants d’un Etat ne sont pas exempts d’une protection contre les insultes et diffamations, il échet néanmoins de constater qu’il est de jurisprudence constante de la CourEDH que les critiques admissibles à l’égard d’un représentant d’un Etat sont, lorsque celles-ci le visent en cette qualité, plus larges que celles d’un simple citoyen, alors que dans un système démocratique, leurs actions ou omissions doivent se trouver placées sous le contrôle attentif non seulement des pouvoirs législatif et judiciaire mais aussi de la presse et de l’opinion publique2.
Or, dans la mesure où les publications à la base de l’acte d’accusation à l’encontre de Madame (A) visent le Président ainsi que le ministre de l’Intérieur turcs exclusivement dans leurs rôles publics respectifs et se résument à critiquer, certes de manière grossière, la politique poursuivie par ces derniers, l’intéressée critiquant plus particulièrement le traitement des personnes d’ethnie kurde sous le régime turc, le tribunal ne saurait suivre la partie étatique dans son raisonnement que lesdites publications seraient à considérer comme insultes, étant relevé que le simple fait que les termes choisis par Madame (A) sont grossiers ne leur enlève pas le caractère de critique essentiellement politique du régime de son pays d’origine, tel que le précise la CourEDH dans son arrêt du 21 février 2012, Tusalp c. Turquie 3.
Il s’ensuit dès lors que c’est à tort que la partie étatique a estimé que les poursuites engagées à l’encontre de Madame (A) ne seraient pas à considérer comme actes de persécution ou d’atteinte grave pour être prévus par la législation turque et dès lors légitimes, alors que, tel que relevé à bon droit par les demandeurs de telles poursuites semblent, à la lumière de la jurisprudence de la CourEDH relative à l’article 10 de la CEDH, a priori se heurter au droit à la liberté d’expression de la concernée.
Ce constat est par ailleurs conforté non seulement par le fait que la Turquie a fait l’objet d’un certain nombre de condamnations de la part de la CourEDH pour violations de l’article 10 de la CEDH en relation avec des poursuites judiciaires à l’encontre de personnes ayant 2 CourEDH, 23 avril 1992, Castells c. Espagne, requête n° 11798/85, pt. 46.
3 CourEDH, 21 février 2012, Tusalp c. Turquie, requêtes nos 32131/08 et 41617//08, pt. 48: “As to the form of the expressions, the Court observes that the author chose to convey his strong criticisms, coloured by his own political opinions and perceptions, by using a satirical style. In this connection, the Court reiterates that Article 10 is applicable not only to “information” or “ideas” that are favourably received or regarded as inoffensive or as a matter of indifference, but also to those that offend, shock or disturb; such are the demands of that pluralism, tolerance and broadmindedness without which there is no “democratic society” (see Oberschlick v. Austria (no.
1), cited above, § 57). The Court would add that offensive language may fall outside the protection of freedom of expression if it amounts to wanton denigration, for example where the sole intent of the offensive statement is to insult (see Skałka v. Poland, no. 43425/98, § 34, 27 May 2003); but the use of vulgar phrases in itself is not decisive in the assessment of an offensive expression as it may well serve merely stylistic purposes. For the Court, style constitutes part of communication as a form of expression and is as such protected together with the content of the expression.” 33 exprimé leurs opinions politiques à travers des publications critiques envers le régime turc4, mais encore par les rapports versés en cause par les demandeurs.
Il ressort ainsi notamment du rapport prémentionné de l’OSAR du 29 octobre 2020 que la pratique d’enquêtes et de poursuites judiciaires à l’encontre de personnes ayant procédé à des publications critiques contre le régime turc est répandue en Turquie et que les peines infligées pour le délit d’outrage au président constituent souvent des peines de prison, des sursis ou des amendes, étant relevé qu’il ressort encore dudit rapport que l’envergure des poursuites, ainsi que la peine prononcée varient considérablement suivant la nature des publications, ainsi que le profil de la personne poursuivie. Le même constat ressort du document de cette même organisation non-gouvernementale de …, intitulé « …», ledit document contenant, en effet, une liste de plusieurs facteurs augmentant la probabilité pour une personne d’être « à risque » en Turquie, dont notamment l’adhésion, en tant que personne d’ethnie kurde, au HDP et la publication de critiques à l’égard du gouvernement sur les réseaux sociaux.
En l’espèce, il n’est pas contesté par la partie étatique que Madame (A) est non seulement membre du parti HDP, mais qu’elle participe activement aux activités de celui-ci en y tenant notamment des discours en relation avec la cause kurde, de même qu’elle a fait l’objet d’une garde à vue en lien direct avec lesdites activités en décembre 2021. Si cette garde à vue ne revêt certes pas un degré de gravité suffisant pour être qualifiée d’acte de persécution à elle seule, alors que l’intéressée a été relâchée après deux jours et qu’elle n’y a subi aucun mauvais traitement physique, ledit élément est toutefois de nature à renforcer la réalité d’une crainte dans le chef de celle-ci d’être dans le collimateur des autorités turques au motif de ses activités politiques et de ses critiques envers le régime de son pays d’origine, ce qui renforce, à son tour, la probabilité pour elle de faire l’objet d’une condamnation à une peine d’emprisonnement à l’issue des poursuites judiciaires engagées à son encontre pour le « délit d’insulte publique au président de la République en chaîne ».
Or, le fait de risquer dans son pays d’origine de faire l’objet d’une peine d’emprisonnement sur base de ses opinions politiques constitue un acte de persécution au sens de l’article 41, paragraphe (2), points b) et c), lequel prévoit que « […] Les actes de persécution, au sens du paragraphe (1), peuvent notamment prendre les formes suivantes: […] b) les mesures légales, administratives, de police et/ou judiciaires qui sont discriminatoires en soi ou mises en œuvre d’une manière discriminatoire; c) les poursuites ou sanctions qui sont disproportionnées ou discriminatoires; […] ».
En effet, il ressort des enseignements d’un arrêt de la CJUE du 7 novembre 20135, certes rendu en matière de législation pénalisant des comportements homosexuels, mais néanmoins applicable en l’espèce en son principe, que si la seule existence d’une législation pénalisant un comportement basé sur un des motifs de fond prévus à la Convention de Genève « […] ne saurait être considérée comme un acte affectant le demandeur d’une manière si significative qu’il atteint le niveau de gravité qui est nécessaire pour considérer que cette pénalisation constitue une persécution […] », le fait qu’une telle législation prévoit une peine d’emprisonnement et le fait qu’une telle peine soit appliquée constitue une sanction disproportionnée et discriminatoire et dès lors un acte de persécution au sens de l’article 9, 4 Voir CourEDH, 20 septembre 2005, Veysel Turhan c. Turquie, requête n° 53648/00 ; 26 juin 2007, Artun et Güvener c. Turquie, requête n° 75510/01 ; 21 février 2012, Tusalp c. Turquie, requêtes nos 32131/08 et 41617//08 ; 19 octobre 2021, Vedat Sorli c. Turquie, requête n° 42048/19.
5 CJUE, 7 novembre 2013, Minister voor Immigratie en Asiel c. X et Y, et Z c. Minister voor Ammigratie en Asiel, C-199/12 à C-201/12, pt. 56.paragraphes (1) et (2) de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, article qui a été transposé en droit luxembourgeois par l’article 41, paragraphes (1) et (2) de la loi du 18 décembre 2015.
Dans la mesure où, tel que relevé ci-avant, Madame (A) risque en cas de retour en Turquie de se voir infliger une peine d’emprisonnement au motif de ses activités politiques et de ses critiques envers le régime de son pays d’origine, c’est à tort que le ministre a estimé que les demandeurs n’avaient pas établi une crainte fondée dans le chef de Madame (A) de faire l’objet d’actes de persécution de la part des autorités turques en raison de ses opinions politiques.
Ce constat n’est pas énervé par les développements de la partie étatique relatifs à l’omission par les demandeurs d’établir une absence de protection de la part des autorités turques, alors que, tel que relevé ci-avant, il n’est pas contesté que l’auteur des persécutions que Madame (A) craint avec raison de subir est l’Etat turc même, la condition d’établir une absence de protection de la part des autorités du pays d’origine d’un demandeur de protection internationale étant, aux termes de l’article 39, point c) de la loi du 18 décembre 2015, applicable que dans l’hypothèse dans laquelle l’auteur de tels actes est un acteur non-étatique.
Ce constat n’est pas non plus énervé par les développements de la partie étatique suivant lesquels les demandeurs resteraient en défaut d’établir l’absence d’un Etat de droit en Turquie, alors que les poursuites judiciaires à l’encontre de Madame (A) auraient été engagées en bonne et due forme et qu’elle aurait été assistée d’un avocat assurant la défense de ses droits, étant donné qu’a priori les juridictions turques sont tenues d’appliquer la législation turque, laquelle prévoit à l’heure actuelle, et malgré un nombre de condamnations par la CourEDH pour une violation de l’article 10 de la CEDH, toujours l’article 299 du Code pénal turc sur base duquel l’intéressée risque d’être condamnée à une peine d’emprisonnement pour avoir exprimé ses opinions politiques.
Il s’ensuit, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, notamment en ce qui concerne les autres motifs à la base de la demande de protection internationale de Madame (A), ni en ce qui concerne les conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, que Madame (A) remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié et que la décision déférée encourt la réformation en ce sens.
b) Quant à la demande de protection internationale de Monsieur (B) et les enfants mineurs (C) et (D) • Quant au statut de réfugié Quant à la demande de protection internationale de Monsieur (B) ainsi que de ses enfants mineurs (C) et (D), il ressort du dossier administratif et notamment de l’entretien sur les motifs à la base de leurs demandes de protection internationale, ainsi que des développements des demandeurs dans le cadre de leurs requêtes introductives d’instance respectives, qu’ils motivent leurs demandes de protection internationale, (i) essentiellement par leur crainte de se retrouver dans le collimateur des autorités turques par ricochet des persécutions dont ferait l’objet Madame (A), (ii) en ce qui concerne Monsieur (B) enparticulier, par sa crainte de faire l’objet de poursuites de la part des autorités turques en raison de l’aide qu’il aurait apporté à son épouse pour s’échapper desdites autorités et, (iii) en ce qui concerne les enfants mineurs en particulier, par leur crainte de se retrouver seuls en Turquie suite à l’emprisonnement de l’un ou des deux parents, les demandeurs invoquant dans ce contexte l’intérêt supérieur de l’enfant.
Il échet à cet égard tout d’abord de constater que suivant l’article 46 de la loi du 18 décembre 2015 « Le ministre octroie le statut de réfugié à tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui remplit les conditions pour être considéré comme réfugié conformément aux articles qui précèdent. » et qu’aucune disposition de ladite loi ne prévoit l’octroi automatique du statut de réfugié à des membres de famille d’une personne bénéficiant dudit statut, de sorte qu’il appartient à Monsieur (B) et ses enfants mineurs d’établir qu’ils remplissent personnellement les conditions pour pouvoir bénéficier dudit statut.
En ce qui concerne tout d’abord la crainte des concernés de se retrouver dans le collimateur des autorités turques par ricochet des persécutions dont ferait l’objet Madame (A), c’est à bon droit que le ministre a estimé que les demandeurs restent en défaut de faire valoir un quelconque incident lors duquel ils auraient personnellement été recherchés, arrêtés, privés de leur liberté ou auraient fait l’objet d’une atteinte quelconque de la part des autorités turques en raison des activités politiques de Madame (A), les demandeurs restant par ailleurs en défaut d’utilement contredire ce constat. En effet, les affirmations non autrement circonstanciées de devoir être témoins d’interpellations ou d’arrestations de Madame (A) sont insuffisantes à cet égard, étant encore relevé que le fait pour les concernés de devoir témoigner des actes de persécutions à l’égard de leur épouse, respectivement mère, n’est, en tout état de cause pas à qualifier d’acte de persécution dirigé personnellement à leur encontre sur base de l’un des motifs de persécutions prévus par la Convention de Genève, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social.
Le même constat vaut en ce qui concerne la crainte de Monsieur (B) de se retrouver dans le collimateur des autorités turques pour avoir aidé son épouse à se soustraire à ces dernières, alors que cette crainte est, en l’absence de tout élément tangible établissant la réalité de cette crainte, purement hypothétique, étant relevé que les demandeurs affirment eux-mêmes que le système UYAP Vatandas permet de consulter toute procédure judiciaire qui serait en cours à leur encontre, Monsieur (B) restant toutefois en défaut d’établir que tel serait le cas dans son chef.
Il en va de même de la crainte des enfants (C) et (D) de se retrouver sans leurs parents en Turquie, alors que cette crainte, mis à part le constat fait ci-avant qu’il n’est pas établi que leur père risquerait d’être emprisonné par les autorités turques, n’est pas basée sur l’un des critères prémentionnés.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder le statut de réfugié à Monsieur (B) et ses enfants (C) et (D).
• Quant au statut conféré par la protection subsidiaire Il échet à cet égard tout d’abord de constater qu’à l’instar de l’article 46 de la loi du 18 décembre 2015, l’article 51 de la même loi prévoit que « Le ministre octroie le statut conféré par la protection subsidiaire à un ressortissant d’un pays tiers ou à un apatride qui remplit les conditions pour être une personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire 36 conformément aux articles qui précèdent. », de sorte qu’il appartient aux intéressés d’établir personnellement remplir les conditions pour pouvoir bénéficier dudit statut.
En l’espèce, il est constant en cause que Monsieur (B) et ses enfants fondent leur demande afférente sur les mêmes motifs que ceux qui se trouvent la base de leur demande d’octroi du statut de réfugié.
Or, tel que relevé ci-avant, la crainte de ces derniers de se retrouver dans le collimateur des autorités turques, d’une part, par ricochet des actes de persécutions à l’égard de Madame (A) et, d’autre part, en ce qui concerne Monsieur (B), en raison de l’aide qu’il aurait apportée à Madame (A) de se soustraire aux autorités turques, sont purement hypothétiques et ne sauraient, dès lors, pas non plus fonder l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
En ce qui concerne encore la crainte des demandeurs que leurs enfants risquent de se retrouver seuls en Turquie alors que leurs parents risqueraient d’être emprisonnés, il échet de constater que cette crainte n’est, en ce qui concerne leur mère, plus d’actualité, alors que celle-
ci a, tel que retenu ci-avant, droit à l’octroi du statut de réfugié, et, en ce qui concerne leur père, tel que relevé ci-avant, purement hypothétique.
Ce constat n’est pas énervé par l’invocation par les demandeurs de l’intérêt supérieur de l’enfant lequel devrait être pris en compte, alors que les enfants (C) et (D) ne font valoir aucun élément tangible établissant qu’ils risqueraient de faire l’objet d’atteintes graves dans leur pays d’origine et qu’ils ne remplissent dès lors pas les conditions pour se voir octroyer, à titre personnel, le statut conféré par la protection subsidiaire, étant toutefois relevé que dans la mesure où leur mère Madame (A) a droit au statut de réfugié, la question de l’intérêt supérieur de ses enfants relève de l’analyse de la légalité de l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à Monsieur (B) et ses enfants mineurs le statut prévu par la protection subsidiaire et qu’il a dès lors rejeté leur demande de protection internationale.
B. Quant aux recours visant les décisions du ministre portant ordre de quitter le territoire Il résulte des termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 qu’« une décision du ministre vaut décision de retour […] » et en vertu de l’article 2, point q) de la même loi, la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Bien que le législateur n’ait pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre en matière de protection internationale.
Il s’ensuit que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
a) Concernant l’ordre de quitter le territoire émis à l’égard de Madame (A) Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que Madame (A) est fondée à se prévaloir du statut de réfugié et que la décision de refus de la protection internationale est à réformer ence sens, il y a lieu d’annuler l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision ministérielle déférée dans le cadre du recours en réformation.
Partant, le recours en réformation afférent est à accueillir pour être fondé.
b) Concernant l’ordre de quitter le territoire émis à l’égard de Monsieur (B) et les enfants (C) et (D) Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant que ni Monsieur (B), ni les enfants (C) et (D) ne remplissent les conditions pour l’octroi d’un des statuts prévus par la protection internationale, alors qu’ils restent en défaut d’établir un risque avéré dans leur chef de faire l’objet d’actes de persécutions ou d’atteintes graves dans leur pays d’origine, c’est a priori à bon droit que le ministre a pu leur enjoindre de quitter le territoire.
Or, le tribunal relève que c’est à bon droit que les demandeurs invoquent l’intérêt supérieur de l’enfant en ce qui concerne les enfants mineurs (C) et (D), ledit principe étant notamment prévu par l’article 24 de la Charte, certes non invoqué en l’espèce, mais auquel s’apparente leur moyen relatif à l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel prévoit que « 1. Les enfants ont droit à la protection et aux soins nécessaires à leur bien-être. Ils peuvent exprimer leur opinion librement. Celle-ci est prise en considération pour les sujets qui les concernent, en fonction de leur âge et de leur maturité.
2. Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
3. Tout enfant a le droit d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt. » et par l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989, ci-après désignée par « la CIDE », auquel ledit moyen s’apparente également, lequel dispose « (1) Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
(2). Les Etats parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
(3) Les Etats parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié ».
Il suit des dispositions précitées que l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale, l’article 24, paragraphe (3) précité de la Charte prévoyant notamment le droit des enfants d’entretenir une relation personnelle et directe avec ses deux parents.
En effet, si l’ordre de quitter le territoire à l’égard de leur père, Monsieur (B) est, tel que relevé ci-avant, certes a priori justifié, il n’en reste pas moins que les enfants seraient, en cas de retour dans leur pays d’origine, privés de leur droit d’entretenir des relationspersonnelles avec leur mère, Madame (A), celle-ci étant, au vu du constat qu’elle remplit les conditions d’octroi du statut de réfugié, légitimement empêchée de les rejoindre en Turquie. A cela s’ajoute, en ce qui concerne l’enfant (D) en particulier, le bas âge de celui-ci, lequel est, au moment où statue le tribunal, âgé à peine d’un an, sa sœur, (C) étant âgée de …ans, de sorte qu’a priori l’intérêt supérieur desdits enfants doit conduire à la réformation des ordres de quitter le territoire à leur encontre afin de leur permettre de maintenir une relation proche avec leur mère.
Or, à défaut pour la partie étatique d’avoir établi qu’il serait dans l’intérêt supérieur des enfants (C) et (D) de quitter, ensemble avec leur père, le territoire luxembourgeois, le moyen afférent des demandeurs est à déclarer fondé et l’ordre de quitter le territoire prononcé à leur encontre est, dans le cadre du recours en réformation, à annuler.
Dans la mesure, où il est, par ailleurs, tel que retenu ci-avant, dans l’intérêt supérieur des enfants de maintenir une relation proche avec leurs deux parents, le moyen afférant est également à déclarer fondé en ce qui concerne l’ordre de quitter à l’encontre de leur père, Monsieur (B), de sorte que ledit ordre est, dans le cadre du recours en réformation, également à annuler.
Il s’ensuit, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, que les recours introduits par les consorts (AB) sont partiellement fondés et que les décisions déférées encourent la réformation, respectivement l’annulation en ce sens.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens de l’instance et de les imposer pour moitié à chaque partie.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
ordonne la jonction des deux affaires inscrites sous les numéros de rôle 49794 et 52137 pour y être statué par un seul et même jugement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 2023 portant refus d’une protection internationale dans le chef de Madame (A), Monsieur (B) et l’enfant mineur (C) ;
au fond, le déclare partiellement justifié, en ce qui concerne le refus d’accorder le statut de réfugié à Madame (A) ;
partant, par réformation de la décision ministérielle du 10 novembre 2023, accorde à Madame (A) le statut de réfugié et renvoie en conséquence le dossier devant le ministre compétent pour exécution ;
pour le surplus, le déclare non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 2023 portant ordre de quitter le territoire à l’encontre de Madame (A), Monsieur (B) et l’enfant mineure (C) ;
au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, l’annule dans toute sa teneur ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 18 novembre 2024 portant refus d’une protection internationale dans le chef de l’enfant mineur (D) ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 18 novembre 2024 portant ordre de quitter le territoire à l’encontre de l’enfant mineur (D) ;
au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, l’annule dans toute sa teneur ;
rejette les demandes en communication du dossier administratif formulées dans les deux rôles comme étant devenues sans objet ;
rejette les demandes formulées dans les deux rôles tendant à l’instauration d’une mesure d’instruction complémentaire ;
rejette les demandes formulées dans les deux rôles tendant à ordonner à l’Etat de remettre des informations sur base des articles 10 et 11 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;
fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié à l’Etat et pour moitié aux demandeurs.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 juin 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 40