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24/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49244

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2025, 49244


Tribunal administratif N° 49244 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49244 4e chambre Inscrit le 31 juillet 2023 Audience publique du 24 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49244 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg

, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant...

Tribunal administratif N° 49244 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49244 4e chambre Inscrit le 31 juillet 2023 Audience publique du 24 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49244 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 31 juillet 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Irak), de nationalité irakienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 12 juillet 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de la décision portant ordre de quitter le territoire contenue dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 mars 2025.

Le 7 juillet 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 31 août et 12 novembre 2021, Monsieur (A) fut encore entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 12 juillet 2023, envoyée à l’intéressé par lettre recommandée, expédiée le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », 1rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 7 juillet 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 7 juillet 2021, le rapport d'entretien Dublin III du 8 juillet 2021, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 31 août et 12 novembre 2021 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Finlande, le 4 août 2015 et en Grèce, le 8 septembre 2020. Vous signalez avoir perdu votre passeport en 2018, mais vous présentez une photo de ce passeport, émis en 2014, sur votre portable. Vous signalez avoir quitté l'Iraq une première fois en 2004, moyennant un faux passeport avec lequel vous auriez voyagé en Angleterre, où vous auriez introduit une demande de protection internationale et vécu les neuf prochaines années, En 2006, vous auriez également voyagé en Suède pour y introduire une demande de protection internationale, mais vous auriez été transféré en Angleterre. En 2015, vous seriez parti en Finlande pour introduire une demande de protection internationale avant de retourner volontairement en Irak en 2016. En 2018, vous auriez à nouveau quitté l'Irak, ensemble avec votre père et votre belle-mère, pour la Turquie moyennant un visa turc. Votre épouse et vos enfants vous auraient rejoint par la suite rejoint en Turquie. Le 4 octobre 2018, vous auriez pris le bateau pour aller en Grèce. En 2020, vous auriez tenté de quitter la Grèce mais les autorités vous auraient intercepté et pris vos empreintes. Vous seriez ensuite parti avec votre famille en Serbie, où votre épouse et vos enfants auraient pu prendre un avion pour l'Allemagne moyennant des faux passeports. Toujours en 2020, vous auriez voyagé avec un faux passeport en Italie, mais vous vous seriez fait arrêter à Rome et auriez été transférer en Grèce. Le 1er juillet 2021, vous auriez à nouveau pris l'avion pour l'Italie moyennant un faux passeport et vous auriez par la suite pris des bus et des trains pour aller en France et finalement arriver au Luxembourg.

Il ressort du rapport d'entretien Dublin III que vous auriez laissé tous vos documents en Iraq. Vous auriez quitté la Grèce sans attendre la réponse des autorités à votre demande de protection internationale pour rejoindre votre épouse et vos enfants au Luxembourg qui y ont également introduit des demandes de protection internationale.

Il ressort de votre rapport d'entretien que vous seriez de nationalité irakienne, de confession chiite, marié et que vous auriez vécu seul à … depuis votre retour en 2015. Votre épouse et vos enfants auraient vécu au Koweït jusqu'à leur départ pour l'Europe. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que auriez été menacé par des membres de la milice « Asaïb Ahl al-Haq » et que vous craindriez qu'ils vous feraient du mal 2en cas d'un retour en Iraq. Vous ajoutez toutefois à la toute fin de votre entretien que « Mein Hauptgrund für meine Ausreise war, dass meine Frau staatenlos war und keine Dokumente besaß. Ich wollte mich nämlich in … niederlassen » (p. 13 du rapport d'entretien).

Dans le cadre des élections parlementaires du 12 mai 2018, votre belle-mère, … se serait portée candidate pour « l'alliance … » et vous auriez été responsable de sa campagne électorale. Vous auriez fait de la publicité pour votre belle-mère dans votre quartier d'…et auriez motivé des habitants de voter pour elle. Des membres d'Asaïb Ahl al-Haq auraient toutefois constamment tenté de vous causer des ennuis et vous auraient menacé alors qu'ils auraient voulu imposer dans votre quartier leur propre candidat de la fraction « … ». Le jour des élections, vous vous seriez déplacé à plusieurs bureaux de vote et vous précisez « Sobald die Wähler ihre Stimmen abgaben und aus den Wahlzentren rauskamen, fragten wir sie einzeln, wen sie gewählt hatten » (p. 5 du rapport d'entretien). Lors de votre dernier déplacement à un bureau de vote, des personnes en pickup qui auraient participé à la compagne de … seraient apparues et auraient commencé à porter des boîtes à l'intérieur du bureau pour les échanger avec les urnes électorales et auraient ainsi falsifié les élections. Ensemble avec une douzaine d'autres membres de partis politiques, vous auriez critiqué ces faits. Vous auriez ensuite appelé votre belle-mère qui vous aurait conseillé de filmer ce qui se passerait. Les personnes en question auraient alors remarqué que vous seriez en train de les prendre en photo et vous auraient frappé et pris votre portable avant de s'en aller. Votre belle-mère vous aurait ensuite conseillé de dénoncer ces faits auprès des autorités et comme vous auriez voulu l'aider, vous l'auriez accompagnée pour déposer ensemble plainte contre la fraction …. Le policier aurait ouvert une procédure d'enquête mais vous aurait aussi conseillé de déposer encore une plainte auprès de la commission électorale. Vous auriez été d'avis que le policier n'aurait cependant pas pris au sérieux cette affaire. Vous seriez ensuite rentré chez vous et pendant la nuit vous auriez entendu deux explosions et des tirs d'armes à feu dirigés contre votre maison. Vous auriez compris que cette attaque aurait été liée à votre plainte de sorte que vous auriez quitté votre domicile pour vous installer chez votre père dans le quartier d'…. Vous auriez ensuite rejoint … en précisant que vous auriez tenté d'y faire venir votre épouse, ce qu'elle aurait refusé alors qu'elle serait sans papiers et qu'elle n'aurait du coup pas le droit de s'y installer. Vous vous seriez alors mis d'accord de vous rejoindre en Turquie pour ensuite poursuivre votre voyage vers l'Europe. Vous seriez resté une semaine, « (Nach der Rückübersetzung : Nein, Ich verblieb dort etwa 5 Monate lang » (p. 6 du rapport d'entretien) à ….

En septembre 2018, vous auriez quitté l'Irak en taxi vers la Turquie. Vous auriez passé des contrôles en route que vous auriez pu passer grâce à votre visa pour la Turquie. Votre épouse et vos enfants vous auraient rejoint à Ankara après que vous leur auriez trouvé un passeur au Koweït en précisant que vous auriez régulièrement fait du commerce au Koweït et que vous y connaitriez du coup plusieurs passeurs. Après une semaine passée en Turquie, vous seriez montés à bord d'un bateau pour gagner la Grèce. Vous ajoutez que votre père vous aurait informé que sur la façade de votre maison serait désormais écrit que le propriétaire serait recherché et qu'il serait interdit de la louer ou de la vendre.

Vous ajoutez avoir une première fois quitté l'Irak en 2004 à cause du conflit entre chiites et sunnites et la présence d'Al-Qaida. Vous auriez une deuxième fois quitté l'Irak en 2015 à cause de problèmes avec Asaïb Ahl al-Haq qui vous aurait dans le collimateur pour ne pas avoir suivi le « codex chiite » (p. 6 du rapport d'entretien) en ne pratiquant pas votre foi. Vous seriez volontairement retourné en Irak en 2016 « da die Probleme nicht so groß gewesen sind » et parce que les membres d'Asaïb Ahl al-Haq qui auraient été à votre recherche, auraient commencé à interroger votre première épouse, de laquelle vous seriez désormais 3divorcé. Ce problème aurait été réglé parce que votre père aurait payé « sehr, sehr viel Geld » (p. 6 du rapport d'entretien) à Asaïb Ahl al-Haq.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport irakien expiré en 2016 et votre permis de conduire irakien. Vous précisez qu'il s'agirait de votre vieux passeport et non pas celui que vous auriez perdu ;

- votre carte de membre du parti Al Iraq Hawyatnah intitulée « Political Entity Agent », votre carte d'électeur et une « Carte - Ministère de l'Intérieur irakien » ;

- une carte de la Croix-Rouge émise en Finlande en 2015 ;

- une copie de quatre photos se trouvant toutes sur une même page, montrant une dizaine de trous sous le toit d'une maison ;

- un extrait du registre civil de votre père émis en 2019 informant qu'il serait marié à … ;

- une carte de visite de la dénommée ….

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité Avant tout autre développement, il y a lieu de relever qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

Ce constat doit en effet être dressé alors que les motifs à la base de votre demande de protection internationale ne sont nullement établis. En effet, alors que vous prétendez d'abord avoir introduit une demande de protection internationale à cause de problèmes que vous auriez eus en Irak avec le groupement Asaïb Ahl al-Haq, vous précisez toutefois à la fin de cet entretien que vous aviez en fait prévu vous installer avec votre épouse et vos enfants à … et donc de continuer à vivre en Irak mais avoir pris le choix de quitter votre pays parce que votre épouse aurait refusé de s'installer à … alors qu'elle serait sans papiers et qu'elle n'aurait du coup pas le droit de s'y installer.

4Il est d'autant plus établi que votre situation en Irak n'a nullement été si grave ou urgente que vous voulez le faire croire, alors que vous avez déjà en 2015 introduit une demande de protection internationale en Europe sur base de ces mêmes prétendus problèmes avec le Asaïb Ahl al-Haq, mais que vous avez ensuite tout simplement jugé bon de renoncer à cette demande et de retourner volontairement en Irak. Si vous tentez certes de vous justifier en expliquant que vous seriez retourné en Irak parce Asaïb Ahl al-Haq aurait commencé à importuner votre ex-épouse, cela n'explique pas pourquoi vous n'auriez pas préféré que votre épouse vous rejoigne en Europe et y introduise pareillement une demande de protection internationale, si vraiment vous aviez risqué d'être victimes de persécutions de la part de ce groupement. Pour être complet dans ce contexte, ajoutons encore qu'il n'est pas cohérent non plus que vous prétendez que vous auriez pu retourner en Irak grâce à votre père qui aurait dû payer « sehr, sehr viel Geld » à Asaïb Ahl al-Haq pour régler votre conflit mais qu'en même temps, vous précisé être volontairement retourné en Irak en 2016 « da die Probleme nicht so groß gewesen sind ».

A cela s'ajoute que vous n'emportez manifestement pas non plus conviction lorsque vous parlez de vos prétendus nouveaux problèmes que vous auriez eus avec Asaïb Ahl al-Haq.

En effet, vous prétendez d'abord que ces problèmes seraient nés parce que des membres de ce groupement auraient remarqué vous les auriez filmés après qu'ils auraient échangé des urnes de vote. Or, vous prétendez par la suite que vous auriez en fait vous-même mis au courant ces membres d'Asaïb Ahl al-Haq que vous seriez en train de les filmer et que vous compteriez partager vos enregistrements avec les autorités, de sorte que ces derniers n'auraient donc manifestement pas « découvert » que vous les auriez filmés, respectivement, il ne fait plus de sens d'alors prétendre « Als ich sie fotografieren wollte, bemerkten die Männer es und fingen an mich zu schlagen » (p. 5 du rapport d'entretien). Il n'est dans ce contexte en outre pas crédible que parmi toutes les personnes présentes devant le bureau de vote et qui auraient toutes été en train de critiquer le comportement des membres d'Asaïb Ahl al-Haq, vous auriez été le seul à avoir son portable dans la main, « Ich bin die einzige Person, die ein Handy in der Hand hatte » (p. 11 du rapport d'entretien), théorie que vous avancez pour expliquer pourquoi vous auriez été le seul à avoir été agressé.

Que la sincérité de vos dires doit être rejetée, respectivement, que cette histoire d'engagement politique comme « responsable » de la campagne électorale de votre prétendue belle-mère est inventée de toutes pièces, vaut davantage que vous restez totalement en défaut de prouver ce prétendu activisme politique par des quelconques connaissances personnelles à ce sujet. Ainsi, vous prétendez qu'elle serait sans parti politique mais qu'elle aurait fait partie d'une « alliance … ». Interrogé « Was ist das für eine Allianz? », vous devez toutefois répondre : « lch weiß es nicht » (p. 7 du rapport d'entretien). Or, il paraît évident que vous devriez être capable de répondre à une telle question toutefois banale et dont vous devriez sans aucun doute connaître la réponse si vous aviez réellement été le responsable de sa campagne électorale. Ce constat vaut d'autant plus que vous versez pour le surplus votre propre prétendue carte de membre à un parti politique nommé Al Iraq Hawyatnah, mais que vous êtes incapable de citer le nom d'un parti ou du parti dont vous seriez membre et que vous avez dû appeler votre père pour qu'il vous informe sur le prétendu parti dont son épouse serait membre. Force est en plus de constater que cette carte de membre à un parti politique a été versée sans le moindre commentaire et sans précision aucune quant à sa pertinence ou ses liens avec votre prétendu vécu en Irak.

Concernant les incohérences à la base de votre prétendu engagement politique, notons aussi que vous prétendez initialement que chaque candidat aux élections, dont votre belle-

5mère, aurait eu droit à un seul responsable de la campagne électorale qui serait payé par l'Etat et que vous auriez occupé ce rôle de sorte qu'on vous aurait remis une carte spéciale dans ce contexte, carte que vous avez remise. Or, vous précisez aussi que vous vous seriez uniquement occupé de la campagne de votre belle-mère dans un seul quartier de … et que beaucoup d'autres personnes, dont votre cousin, auraient occupé le même rôle que vous en faisant de la publicité en faveur de votre belle-mère dans d'autres quartiers de la ville. Vous n'auriez donc clairement pas été le seul responsable de la campagne de votre belle-mère et vous précisez même que « Wir alle haben solche Ausweise, siehe „Political Entity Agent" Karte, erhalten » (p. 8 du rapport d'entretien).

Enfin, concernant les incohérences en rapport avec votre prétendu engagement politique aux côtés de votre belle-mère alléguée, il n'est pas plausible non plus que cette dernière, contrairement à vous, n'ait jamais connu des problèmes en Irak et n'y aurait jamais été menacée sur base du seul fait que « Nein, nein. Die Asaib Ahl al-Haq hat nicht rausgefunden wo sie lebt » (p. 7 du rapport d'entretien). Il est évident qu'en tant que candidate et donc adversaire officielle du candidat soutenu par Asaïb Ahl al-Haq, votre belle-mère devrait constituer la première visée et se trouver bien plus dans le collimateur de ce groupement que vous ne l'auriez été. Vous prétendez par la suite certes que son adresse serait désormais connue et qu'elle aurait dû « fuir » avec votre père en Turquie, mais vous précisez en même temps qu'ils retourneraient régulièrement et volontairement en Irak et même à … pour faire du commerce ou des démarches administratives ou pour se rendre à l'université. Il est toutefois clair que des personnes réellement persécutées ou à risque d'être persécutées ne retourneraient pas volontairement et régulièrement dans le pays et la ville-même dans laquelle leur situation serait si urgente. Il s'agit là d'une preuve de plus que votre situation en Irak et vos prétendus problèmes avec Asaïb Ahl al-Haq ne sont nullement si graves et urgents que vous voulez le faire croire.

Ensuite, et hormis les incohérences susmentionnées, vous restez en défaut de verser une quelconque preuve pertinente et objective permettant de corroborer vos dires, notamment par rapport à ce prétendu incident au bureau de vote et des prétendues falsifications électorales orchestrées par Asaïb Ahl al-Haq en 2018 à …. Vous laissez également de rapporter la moindre preuve ayant trait à votre prétendu dépôt de plainte ensemble avec votre belle-mère, à votre prétendu activisme politique ou encore aux écrits qui se trouveraient désormais sur la façade de votre maison. Vous n'avez même pas été en mesure de verser des pièces qui permettraient de voir plus clair sur votre adresse en Irak, votre état civil et votre situation familiale ou encore votre vie en Irak et votre travail. Vous n'avez d'ailleurs initialement même pas été en mesure de prouver votre identité moyennant une pièce d'identité en prétendant auprès de la Police Judiciaire avoir perdu votre passeport, mais en précisant dans le cadre de votre entretien Dublin III que vous auriez laissé tous vos documents en Irak après avoir été interrogé sur votre passeport et votre carte d'identité. Force est de constater que vous avez par la suite tout de même versé un passeport en prétendant qu'il s'agirait de votre ancien, de sorte que vous auriez bien dès le départ et dès l'introduction de votre demande de protection internationale été en possession de documents d'identité mais que vous avez décidé de répondre le contraire aux autorités luxembourgeoises.

Au vu de tout ce qui précède, force est en tout cas de constater que les seules cartes et photos versées ne suffisent pas pour soutenir vos dires. Ce constat vaut d'autant plus que les photos en question ne sont manifestement pas compatibles avec vos dires. En effet, à part le constat que ces quatre photos montrent une maison quelconque dont rien ne permet de prouver qu'il s'agirait de la vôtre, il échet surtout de soulever que les dégâts visibles ne sont pas non 6plus compatibles avec votre version des faits. Ainsi, vous parlez d'abord d'un bombardement de votre maison qui vous aurait paru comparable aux bombardements qui auraient jadis été perpétrés par « les Américains ». Vous précisez ensuite que deux explosions auraient notamment détruit les portes de votre maison et vous êtes clair dans vos propos pour dire que vos agresseurs auraient alors criblé de balles votre maison pendant exactement sept minutes.

Force est toutefois de constater que les photos versées ne montrent pas de dégâts d'explosions ou qui feraient penser à un bombardement des « Américains » et ne montrent clairement pas non plus une maison qui aurait été mitraillée pendant sept minutes. En effet, on y aperçoit une maison intacte et une dizaine de trous qui se trouveraient sous le toit d'une maison, de sorte que soit vos agresseurs n'auraient donc tiré qu'un peu plus d'une balle par minute, soit la quasi-

totalité des balles tirées par eux aurait raté leur cible bien qu'ils se seraient trouvés juste devant votre maison. A cela s'ajoute qu'il faudrait évidemment se demander pourquoi bien vos agresseurs se seraient limités à tirer des balles sur le toit de votre maison s'ils avaient vraiment voulu vous toucher et qu'ils auraient donc notamment pu rentrer chez vous à travers les portes détruites par les explosions. Ajoutons à toutes fins utiles que la carte de « political entity agent » versée, ainsi que celle du « Ministère de l'intérieur », versée par ailleurs sans le moindre commentaire et sans information utile quant à sa prétendue pertinence, n'ont nullement un aspect officiel mais paraissent avoir été coupées à la main et plastifiées à la hâte.

Enfin, que votre situation en Irak n'a nullement été si grave et urgente que vous ne le prétendez se trouve aussi confirmé par votre comportement que vous avez adopté pendant votre prétendue « fuite » d'Irak et suite à votre départ du pays. En effet, vous voulez faire croire aux autorités luxembourgeoises qu'après la prétendue attaque contre votre maison, vous auriez eu peur pour votre vie à un point tel que vous auriez dû quitter le pays. Or, en réalité, suite à cette prétendue attaque, vous auriez toutefois préféré attendre encore cinq mois sur le sol irakien dans le seul but de vous faire octroyer un visa par les autorités turques plutôt que de tout simplement fuir ou quitter le plus tôt possible le pays dans lequel vous craindriez d'être victime de persécutions. En effet, vous voulez initialement faire croire que votre fuite de … vers la Turquie aurait duré une semaine, respectivement, que vous seriez resté une semaine à … avant de quitter l'Irak. Or, suite à avoir été confronté par l'agent en charge de votre entretien à ces incohérences chronologiques, vous devez admettre que vous seriez en fait resté environ cinq mois à … sans que jamais rien ne vous y serait arrivé. Ajoutons à toutes fins utiles que le fait que vous auriez pu quitter l'Irak sans le moindre souci tout en étant contrôlé en route par les autorités irakiennes prouve en outre que vous ne vous trouvez pas non plus dans leur collimateur.

Ensuite, après votre arrivée en Turquie où votre épouse et votre enfant vous auraient rejoint, vous auriez pour une raison inconnue et contrairement à votre père et votre belle-mère décidé de quitter la Turquie en direction de la Grèce avec votre famille, mais où vous n'auriez par contre à aucun moment éprouvé l'envie de vous y installer, en préférant voir votre épouse et votre enfant quitter la Grèce, puis la Serbie moyennant des faux passeports plutôt que d'introduire ensemble des demandes de protection internationale en Grèce. Par la suite, vous n'auriez même pas voulu attendre la réponse des autorités grecques à votre demande de protection internationale. On peut toutefois attendre de personnes réellement persécutées ou à risque d'être persécutées et éprouvant un besoin réel de protection, qu'elles introduisent leurs demandes de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Le constat que vous auriez déjà par le passé jugé opportun d'aller introduire une demande d'asile en Suède après que vous auriez pourtant déjà demandé l'asile en Angleterre, respectivement, pendant votre séjour de neuf ans en Angleterre, tout comme vous auriez jugé bon de retourner volontairement en Irak en 2016, après avoir introduit une demande de 7protection internationale en Finlande en 2015, prouve le non sérieux de vos démarches et le désintérêt que vous portez à la procédure d'asile prévue en Europe.

Sur base de tout ce qui précède, il doit en tout cas être conclu que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises en ayant décidé de faire état d'un récit gonflé, voire, inventé de toute pièce dans le but évident d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale.

Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, ce qui n'est pas le cas, aucune protection internationale ne saurait vous être accordée au vu des motifs étayés ci-dessous.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, force est de constater que vous affirmez vous-même que « Mein Hauptgrund für meine Ausreise war, daß meine Frau staatenlos war und keine Dokumente besaß. Ich wollte mich nämlich in … niederlassen ». Force est toutefois de soulever que des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous restez manifestement en défaut d'étayer un lien entre les prétendus problèmes qu'aurait risqué de vivre votre épouse en Irak et des éléments liés à votre personne vous exposant à des actes similaires.

Quant à vos prétendus soucis avec Asaïb Ahl al-Haq, respectivement, vos seules craintes selon lesquelles « ich glaube Sie werden mir wehtun » en cas d'un retour en Irak, celles-ci ne sauraient clairement pas suffire non plus pour justifier dans votre chef une crainte fondée d'être victime d'actes de persécution tel que prévus par lesdits textes. En effet, force est en premier lieu de constater que vous prétendez connaître des problèmes avec ce groupement depuis au moins 2015, mais que pendant toutes ces années, ses membres ne s'en seraient jamais 8pris à vous directement en se contentant apparemment à vous menacer et intimider sans conséquences, tout en étant parfaitement au courant de votre adresse.

Or, il peut être estimé que si vous vous trouviez vraiment dans le collimateur de ces personnes, elles auraient manifestement réussi depuis toutes ces années à vous « faire du mal », ce d'autant plus que vous auriez régulièrement croisé des membres d'Asaïb Ahl al-Haq dans la rue et que des inconnus armés se seraient donc même présentés devant votre maison pour tirer dix balles sous le toit de la maison et faire exploser les portes d'entrée, mais en ne ressentant toujours pas le besoin de pénétrer chez vous ou de vous agresser personnellement.

Vos craintes que ces membres puissent soudainement tout de même changer d'avis et se décider à vous faire du mal doivent du coup être définies comme étant totalement hypothétiques, voire, infondées. Ce constat vaut d'autant plus que vous répondez par «Ja » à la question de savoir si, une fois les élections de 2018 terminées et votre belle-mère non votée, « die Sache hat sich also erledigt ?» (p. 12 du rapport d'entretien). Pour le surplus, votre belle-mère, qui aurait donc constitué la véritable adversaire politique d'Asaïb Ahl al-Haq habiterait désormais en Turquie. Enfin, rappelons dans ce contexte que vous aviez aussi invoqué à la base de votre dernière demande de protection internationale introduite en Finlande en 2015 avoir fui le pays à cause de problèmes avec Asaïb Ahl al-Haq, seulement pour retourner un an plus tard chez vous « da die Probleme nicht so groß gewesen sind ».

A cela s'ajoute qu'il n'est pas établi non plus que les autorités irakiennes n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider face à une bande de personnes inconnues, selon vous membres d'Asaïb Ahl al-Haq, qui vous menaceraient depuis des années et auraient tiré sur le toit de votre maison tout en faisant déclencher deux explosions. Bien au contraire, il ressort de vos dires que vous auriez eu accès à la police et que vous auriez pu déposer plainte, le policier vous conseillant en outre d'également déposer plainte auprès de la commission électorale, ce que vous n'auriez pas fait. Il ne ressort en tout cas pas de vos déclarations que la police serait restée inactive, ce d'autant plus que vous auriez quitté le pays sans vous enquérir aux suites réservées au dépôt de plainte. Si vous estimez que le policier n'aurait pas pris au sérieux votre plainte, cette affirmation, outre de relever d'un sentiment personnel, ne porte pas à conséquence alors qu'il ressort encore de vos dires que la police aurait ouvert une enquête et vous aurait dit que votre dossier serait transféré à la juridiction compétente.

Il s'ensuit que vous avez donc eu accès aux autorités policières irakiennes et que ces dernières ne sont pas restées inactives par rapport à votre plainte, de sorte que vous ne sauriez vous prévaloir d'une inaptitude ou d'un refus des autorités à vous protéger.

Ajoutons à toutes fins utiles dans ce contexte que le soutien populaire, dont pouvait encore se venter la milice Asaïb Ahl al-Haq pendant le conflit l'opposant à Daesh en Irak, a nettement diminué depuis, le parti ne récoltant lors des dernières élections de 2021 même plus la moitié du nombre de votes encore atteint en 2018. Le parti n'a d'ailleurs pas voulu accepter ces résultats électoraux et avait fait appel ; appel qui a été rejeté par la Cour suprême irakienne.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays 9d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes évidents relatifs à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour en Irak, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, à part le constat qu'il ressort de vos propres dires que vous auriez voulu rester vivre en Irak mais que votre épouse aurait refusé cela, vous omettez d'établir qu'en cas de retour en Irak, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Votre seule allégation selon laquelle vous craindriez qu'en cas d'un retour en Irak, des membres d'Asaïb Ahl al-Haq vous feraient du mal doit en tout cas au vu de tout ce qui précède être définie comme étant totalement hypothétique, voire, non fondée. Ce constat vaut d'autant plus qu'il n'est pas non plus établi que vous n'auriez pas pu compter sur la protection des autorités ou que celles-ci n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Iraq, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 12 juillet 2023 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

101) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision du ministre du 12 juillet 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur fait valoir être originaire de …, de nationalité irakienne, être marié et de confession musulmane chiite.

Il explique avoir été contraint de s'enfuir de son pays d'origine pour échapper aux menaces des milices, notamment la milice Asaïb Ahl al-Haq, de la part desquelles il aurait non seulement fait l'objet de menaces et d’intimidations, mais qui auraient également tiré sur son domicile à de nombreuses reprises.

Il donne encore à considérer qu’il aurait, une première fois, quitté l'Irak en 2004 moyennant un faux passeport, pour s'échapper du régime politique irakien et afin de rejoindre des membres de sa famille présents en Angleterre, où il aurait introduit une demande de protection internationale et où il aurait vécu les 9 années suivantes.

Lorsqu’en 2006, il aurait voyagé en Suède pour y faire une demande de protection internationale, il aurait été transféré en Angleterre. Il en aurait été de même, lors qu’il aurait introduit une demande de protection internationale en Finlande en date du 4 août 2015.

En 2016, il serait retourné en Irak de son plein gré suite à des menaces contre sa femme et ses enfants, qui lui auraient demandé de revenir et qui n’auraient pas pu le rejoindre en Finlande en raison du fait que sa fille aurait encore été un nourrisson à ce moment.

En 2018, il aurait à nouveau quitté l'Irak avec son père et sa belle-mère à destination de la Turquie, moyennant un visa turc, pays dans lequel son épouse et ses enfants l'auraient ensuite rejoint.

Le 4 octobre 2018, il aurait pris le bateau pour aller en Grèce, où il aurait été intercepté en 2020, au moment où il aurait voulu continuer sa route. Il explique qu’il serait ensuite parti en Serbie avec sa femme et ses enfants, lesquels auraient pu prendre un avion pour l'Allemagne moyennant de faux passeports. Ayant rejoint finalement l’Italie en 2020, moyennant un faux passeport, le demandeur relate avoir été intercepté et renvoyé vers la Grèce, d’où il aurait, le 1er juillet 2021, à nouveau, pris l'avion pour l'Italie, moyennant un faux passeport, pour gagner la France et finalement le Luxembourg, afin de rejoindre sa femme et ses enfants, dont les demandes de protection internationale auraient entretemps été acceptées.

Le demandeur fait finalement relever qu’il se trouverait dans l'impossibilité de vivre paisiblement en Irak, alors que ses opinions politiques et ses actes de rébellion passés auraient fait de lui une cible de choix pour les différentes milices présentes sur le territoire irakien. De plus, il y serait privé de pouvoir vivre avec sa femme et ses enfants qui, eux, vivraient au Luxembourg.

11 En droit, quant au volet de la décision portant refus d’un statut de réfugié dans son chef, le demandeur considère que les actes invoqués à l’appui de sa demande seraient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes seraient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et qu’ils émaneraient de personnes qui seraient à qualifier comme acteurs au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 et, enfin qu’il ne pourrait ou ne voudrait pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Il explique plus particulièrement que les faits sous-tendant sa demande de protection internationale seraient bien motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’il se considérerait être pris pour cible dans son pays en raison de ses appartenances politiques.

En effet, à plusieurs reprises, il aurait pu « laisser place à une certaine rébellion », notamment en prouvant que ses idéologies politiques seraient allées à l'encontre de la politique répressive irakienne.

En 2018, lorsque que sa belle-mère se serait présentée en tant que candidate pour « l'alliance … », il aurait été responsable de la campagne électorale de cette dernière en faisant de la publicité dans son quartier d'… et ce, dans le seul but de rendre service à son père, alors qu’il n’aurait, à l’origine, pas été investi politiquement, bien qu'il n'aurait pas été en accord avec la politique répressive irakienne.

Il aurait ainsi été menacé par la milice Asaïb Ahl al-Haq laquelle aurait fait de la publicité pour leur candidat « … ».

Lors d’un déplacement de sa part dans un des bureaux de vote le jour des élections, il aurait observé la falsification de ces élections par les membres de la milice Asaïb Ahl al-Haq en la faveur de leur candidat, ce qu’il aurait ouvertement critiqué ensemble avec d'autres « membres ». Ayant en plus filmé la scène, il aurait été repéré par les membres de ladite milice, qui l'auraient frappé et lui auraient pris son téléphone portable.

Alors même qu’un policier aurait ouvert une enquête sur base de sa plainte, il n’aurait pas attendu les suites réservées à cette dernière du fait que le gouvernement irakien serait lié à la milice Asaïb Ahl al-Haq et qu’il aurait craint pour sa vie et pour celle des siens.

Il donne encore à considérer que l'Irak serait un pays totalement dévasté qui ne serait en rien un Etat de droit pouvant offrir une protection suffisante à ses habitants face aux menaces auxquelles ils seraient exposés.

L'Etat irakien ne serait pas un pays dans lequel il serait possible d'obtenir justice et protection, dans la mesure que ledit Etat serait encore loin de faire respecter les droits les plus élémentaires. Au contraire, l’Irak serait encore, à ce jour, régi par des lois coutumières et par des conseils tribaux.

Le demandeur fait souligner que son retour en Irak ne devrait pas être interprété dans le sens qu’une vie en Irak lui serait possible, alors que ses déplacements, justifiés par des démarches vitales essentielles pour sa famille, auraient été organisés dans la plus grande prudence.

12 Il conclut finalement à une violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dénommée ci-après « la CEDH », alors que sa femme et ses enfants seraient apatrides et auraient obtenu le statut de réfugié au Luxembourg, de sorte qu’il risquerait la séparation avec les siens en cas de retour en Irak, où il se trouverait en danger de mort.

A titre subsidiaire, il critique le ministre pour ne pas lui avoir accordé le statut de la protection subsidiaire, auquel il aurait cependant droit pour les mêmes motifs que ceux invoqués pour l'obtention du statut de réfugié, alors qu’il existerait un risque réel dans son chef d'être exposé à des atteintes graves dans son pays d'origine de la part des milices qui seraient des organisations armées n'hésitant pas à faire usage de la force.

Il rappelle qu’il aurait déjà été victime de ces milices qui auraient mitraillé sa maison durant son sommeil et qui l'auraient intimidé et menacé à plusieurs reprises.

Il donne également à considérer que son frère serait décédé en 2006, tué par la milice Al-Qaïda, ce qui expliquerait sa propre crainte quant au destin qui l’attendrait en cas de retour en Irak.

Au vu de la situation actuelle en Irak et « au vu du respect des droits de l'Homme dans ce pays », tous les éléments seraient de nature à établir le danger pesant sur lui, alors que les autorités irakiennes laisseraient le champ libre aux milices pour établir leurs propres règles, de sorte que l'existence d'un risque de mauvais traitements dans son chef ne pourrait pas être écarté.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 2, point b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « demande de protection internationale » se définit comme la demande visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la 13Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) ».

Aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves ».

Finalement, l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il suit de ces dispositions légales que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une 14protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il convient de souligner qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Il y a lieu de préciser que le tribunal doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente 15à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Si, en l’espèce, le demandeur affirme avoir subi des violences ainsi que des menaces de la part d’une milice irakienne motivées par ses opinions politiques, face auxquelles il craint ne pas pouvoir obtenir une protection dans son pays d’origine, force est néanmoins de souligner, que l’analyse visant à vérifier la pertinence de ces faits au regard des conditions d’octroi d’un des statuts de la protection internationale dépend nécessairement de l’analyse de la crédibilité générale du demandeur, puisque cette dernière est intégralement et de manière circonstanciée mise en doute par la partie gouvernementale.

En effet, force est de rappeler que l'examen de la crédibilité du récit d'un demandeur d'asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d'asile a présenté ou non des raisons pertinentes de craindre d'être persécuté du fait de l'un des motifs prévus par la Convention de Genève, ou de risquer de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015. Il s’ensuit qu’il appartient au tribunal de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit, d’autant plus qu’en l’espèce, c’est la crédibilité générale du demandeur qui est mise en doute, influant nécessairement sur l’appréciation du caractère infondé ou non des différents volets du recours.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.1 Or, force est de constater que ce bénéfice du doute ne saurait jouer en l’espèce, alors que le récit du demandeur n’est justement pas cohérent, dans la mesure où, tel que relevé par la partie gouvernementale, il présente, dans le cadre de son audition, un récit incohérent en ce qui concerne le déroulement exact des évènements clefs de son récit, de même que le récit n’est en phase ni avec ses propres explications ni avec les pièces qu’il verse à l’appui de son recours.

En effet, au-delà des incohérences soulevées par le ministre par rapport à ses précédentes demandes de protection internationale en Europe, force est au tribunal de retenir que c’est a priori à bon droit que le ministre a relevé que le récit du demandeur à la base de sa présente demande de protection internationale et relatif à une prétendue activité politique en Irak laisse manifestement de persuader.

Si le demandeur affirme avoir été le « responsable » de la campagne électorale de sa belle-mère et d’avoir fait de la publicité pour cette dernière dans le cadre des élections, force est cependant de constater que ce prétendu activisme politique est contredit par le fait qu’il n’est pas à même de faire état de connaissances personnelles à ce sujet, notamment quant aux 1 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

16caractéristiques de l’« alliance … » à laquelle sa belle-mère aurait appartenu. Il est encore curieux, dans ce contexte, que le demandeur affirme, d’un côté, que sa belle-mère ne serait pas membre d’un parti, mais que, d’un autre côté, la carte, qu’il aurait justement reçue en sa qualité de responsable de la campagne de sa belle-mère, renseigne une appartenance à un parti politique, que le demandeur n’est cependant pas à même de nommer spontanément, mais seulement après s’être renseigné auprès de son père à ce sujet par téléphone entre deux sessions de son audition.

Même si le demandeur affirme dans sa requête introductive d’instance qu’il ne se serait pas engagé en politique avant que son père lui aurait demandé de soutenir sa belle-mère, il devrait cependant être évident qu’à partir du moment où il aurait commencé à faire activement campagne pour sa belle-mère, non seulement en distribuant des tracts et en posant des affiches, mais également en parlant personnellement aux électeurs potentiels de son quartier, il aurait dû être capable de répondre à une telle question.

Dans ce contexte, il échet encore de relever que le demandeur affirme d’abord que chaque candidat aux élections, y compris sa belle-mère, aurait disposé d’un seul responsable de campagne électorale rémunéré par l’Etat, fonction qu’il aurait lui-même occupée, ce qui lui aurait permis d’obtenir une carte spéciale, intitulée « Political Entity Agent ». Or, par la suite, le demandeur précise qu’il ne se serait occupé de la campagne de sa belle-mère que dans un seul quartier de … et que plusieurs autres personnes, dont notamment son cousin, auraient joué un rôle similaire dans d’autres quartiers, en indiquant expressément que tous auraient reçu une carte « Political Entity Agent », ce qui remet manifestement en question l’unicité et l’exclusivité de son rôle.

Il convient encore de relever que le récit du demandeur concernant ses problèmes avec la milice Asaïb Ahl al-Haq souffre également d’incohérences, alors qu’il affirme, dans un premier temps, que ces problèmes auraient commencé lorsque des membres de cette milice auraient remarqué qu’il les aurait filmé au moment où ces derniers auraient été en train d’échanger les urnes électorales, pour, dans un deuxième temps, expliquer qu’il les aurait, lui-

même, avertis qu’il les filmait avec l’intention de transmettre les enregistrements aux autorités irakiennes.

De même, son récit sur l’attaque de la milice contre sa maison est contredit par les photos qu’il verse à l’appui, lesquelles ne montrent que plusieurs décollements de crépis en dessous de la saillie d’une maison globalement intacte, dont il n’est d’ailleurs pas établi que ce serait sa maison à lui, état incompatible avec les déclarations du demandeur selon lesquelles les assaillants auraient criblé de balles ladite maison pendant sept minutes. De même, les photos ne permettent pas non plus de se rendre compte des deux explosions qui auraient détruit les portes de son domicile.

Au vu de ces incohérences et contradictions valablement soulevées par la partie gouvernementale, la crédibilité du récit du demandeur est définitivement ébranlée, d’autant plus que le demandeur reste en défaut, non seulement, de verser une quelconque preuve pertinente et objective permettant de corroborer ses dires, mais également, d’y prendre position dans sa requête introductive d’instance, en vue de lever les doutes ainsi soulevés.

En effet, la requête introductive d’instance se limite à reprendre les explications du demandeur, telles que consignées dans son rapport d’audition, tout en restant totalement muette quant aux différents éléments mis en doute par le ministre desquels résulte cependant une 17incohérence générale du récit invoqué, de sorte que le bénéfice du doute en l’absence d’éléments de preuve en vertu de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 ne saurait manifestement pas trouver application.

Il suit de ces considérations que la crédibilité générale du demandeur a valablement été mise en doute, sans que la requête introductive d’instance n’ait pu énerver ce constat, de sorte qu’à défaut de faits crédibles à la base de sa demande de protection internationale, le ministre a valablement pu lui refuser les deux statuts de la protection internationale, alors qu’il ne saurait y être décelé des faits personnels de nature à pouvoir être qualifiés de persécutions, respectivement d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, étant relevé que le demandeur ne soutient pas tomber sous le champ du point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, tenant à l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision lui refusant la protection internationale est d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus loin.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur en relation avec l’article 8 de la CEDH, alors que force est de souligner que, dans le cadre de la présente procédure, le tribunal n’est pas saisi des motifs invoqués à l’appui de la demande de protection internationale de l’épouse du demandeur, de sorte qu’à défaut d’une disposition légale afférente, la décision sur le bien-fondé d’une des demandes de protection internationale d’un couple reconnu comme tel ne saurait ipso facto valoir pour l’autre demande.

Il a par ailleurs été jugé que le juge administratif, dans le cadre de la compétence qui lui est attribuée par la loi du 18 décembre 2015, est appelé à se prononcer exclusivement sur l’existence, dans le chef d’un étranger, de raisons de craindre d’être persécuté dans son pays d’origine ou sur l’existence de motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, cette personne encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, sans égard, dans ce contexte, à la question d’une éventuelle violation du droit au respect de la vie privée et familiale, tel que garanti par l’article 8 de la CEDH, étant donné que cette question ne relève ni du champ d’application de la Convention de Genève, ni de celui de la loi du 18 décembre 20152.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision du ministre du 12 juillet 2023 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

2 Cour adm. 29 avril 2021, n° 45659C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 225, et les autres références y citées.

18Si le demandeur sollicite la réformation de la décision du ministre en ce qu’elle porte sur l’ordre de quitter le territoire, force est néanmoins de constater que la requête introductive d’instance ne comporte aucun développement juridique spécifique y relatif.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « [u]ne décision du ministre vaut décision de retour » et en vertu de l’article 2, point q) de la même loi, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Bien que le législateur n’ait pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2) précité est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre en matière de protection internationale. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre a a priori valablement pu assortir sa décision de refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

Or, concernant, dans ce contexte, l’argumentation du demandeur tenant au respect du droit à sa vie familiale avec son épouse et ses enfants, force est de constater que ces derniers bénéficient, d’après les pièces versées au dossier par le demandeur, du statut de réfugié au Luxembourg, de sorte qu’ils ne sauraient retourner dans leur pays d’origine avec le demandeur si l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre venait à être exécuté, de sorte que l’unité familiale, laquelle n’est pas remise en cause par la partie gouvernementale, risquerait d’être définitivement rompue.

Il s’ensuit que l’ordre de quitter prononcé à l’encontre du demandeur est de nature à violer l’article 8 de la CEDH, étant encore relevé qu’en application de l’article 56 de la loi du 18 décembre 20153, le ministre est tenu à veiller à ce que l’unité familiale puisse être maintenue et que les membres de la famille du bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir ce statut, puissent prétendre aux avantages liés au statut accordé, dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille.

3 Article 56 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) Le ministre veille à ce que l’unité familiale puisse être maintenue.

Il peut décider que les dispositions du présent article s’appliquent aux autres parents proches qui vivaient au sein de la famille du bénéficiaire à la date du départ du pays d’origine et qui étaient alors entièrement ou principalement à sa charge.

(2) Le ministre veille à ce que les membres de la famille du bénéficiaire du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire qui, individuellement, ne remplissant pas les conditions nécessaires pour obtenir ce statut puissent prétendre aux avantages visés aux articles 57 à 66, dans la mesure où cela est compatible avec le statut juridique personnel du membre de la famille.

(3) Les paragraphes (1) et (2) ne sont pas applicables lorsque le membre de la famille est ou serait exclu du bénéfice de la protection internationale.

(4) Nonobstant les paragraphes (1) et (2), le ministre peut refuser, limiter ou retirer les avantages qui y sont visés pour des raisons de sécurité nationale ou d’ordre public. » 19Il s’ensuit que le recours dirigé contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire est à déclarer fondé en ce que, dans le cadre du recours en réformation, l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre du demandeur encourt l’annulation pour violation de l’article 8 de la CEDH.

Au vu de la solution du litige, il est fait masse des frais et dépens de l’instance pour les imposer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 12 juillet 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 12 juillet 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare justifié, partant, dans le cadre du recours en réformation, annule l’ordre de quitter le territoire prononcé à l’encontre du demandeur ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 juin 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 20


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 49244
Date de la décision : 24/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-24;49244 ?

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