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24/06/2025 | LUXEMBOURG | N°48956

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juin 2025, 48956


Tribunal administratif N° 48956 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48956 4e chambre Inscrit le 22 mai 2023 Audience publique du 24 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48956 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2023 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

onsieur (A), né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant actuellemen...

Tribunal administratif N° 48956 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48956 4e chambre Inscrit le 22 mai 2023 Audience publique du 24 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48956 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 mai 2023 par Maître Nour E. HELLAL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, demeurant actuellement à L…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 avril 2023 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Nour E. HELLAL et Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 mars 2025.

Le 21 mars 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, service criminalité organisée / police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En dates des 25 mars et 3 mai 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 18 avril 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, dénommé ci-après « le ministre », 1 informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à son égard, est libellée de la façon suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 21 mars 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 21 mars 2022 et le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 25 mars et 3 mai 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, ainsi que les pièces versées à l'appui de votre demande de protection internationale.

Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire qu'en juin 2021, vous auriez quitté votre pays d'origine, le Maroc, à bord d'un camion en direction de l'Espagne. Jusqu'en janvier 2022, vous auriez séjourné à Almeria et vous auriez travaillé comme peintre. Vous auriez été obligé de quitter le Maroc parce que vous seriez homosexuel et qu'en revenant un jour chez vous, vous auriez vu la police arrêter votre petit ami et deux autres hommes.

Suite à un contrôle de votre portable par l'officier de police judiciaire, ont pu être trouvées des photos de votre carte de sécurité sociale espagnole, une photo du 14 mars 2022 de votre certificat de vaccination au Covid-19 espagnol, ainsi qu'une photo de votre passeport marocain émis le … 2020. En outre, ont pu être trouvées une photo vous montrant avec les mariés, voire, vous montrant en tant que marié, lors de la célébration d'un mariage dans une commune en France. Convié à vous expliquer, vous répondez que vous auriez rencontré le marié dans un café et qu'il vous aurait alors invité à son mariage. Dans la mesure où vous n'auriez pas possédé de costume, il vous en aurait prêté. L'officier de police judiciaire note encore que « gefragt ob er einfach als Illegaler an einer Hochzeit auf der Gemeinde teilnahm, was dieser bejahte ». Il a ensuite été trouvé une photo du 6 mars 2022, vous montrant au volant d'un bus. Vous expliquez cette photo par le fait qu'une connaissance serait chauffeur de bus et vous ajoutez qu'à Paris, vous auriez pris le bus en direction de Metz et finalement un autre pour le Luxembourg. Enfin, ont pu être trouvées sur votre portable différents « chats » que vous avez eus avec une multitude de femmes ainsi que de nombreuses photos et vidéos de femmes nues, mais aucune photo montrant un homme. Vous avez notamment écrit à une dénommée … que vous qualifiez de « mon amour » en février 2022, pour lui expliquer que vous reviendriez la voir et « t'embrasserai et dormirai à côté de toi. Ce sera une très belle et chaude nuit » ainsi que « je viendrai à toi, mon amour, mais maintenant je n'ai pas assez d'argent, (…) je viendrai à toi, je veux te voir et t'embrasser et coucher avec toi, je jure que ça sera une nuit très intime ». Vous justifiez ces discussions, photos et vidéos par le fait qu'« ich bin eigentlich 75 Prozent homosexuell und 25 Prozent Bisexuell ».

Il ressort ensuite de votre rapport d'entretien que vous signalez être de nationalité marocaine, célibataire et originaire de « … ». Vous auriez par le passé vécu avec votre famille 2 à … et les deux mois précédant votre départ du pays à … avec deux autres jeunes qui auraient également planifié de quitter le Maroc. Vous auriez fait des études de peintre et auriez dernièrement travaillé comme agent de sécurité. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce qu'en cas d'un retour au Maroc, vous craindriez d'être emprisonné à cause de votre prétendue homosexualité, voire, que vous seriez dans la rue et que personne ne vous accepterait.

Vous prétendez qu'en octobre 2020, vous auriez loué avec trois amis une maison à Marrakech pour vous amuser ensemble et avoir des relations sexuelles. A un moment donné vous seriez sorti de la maison et en revenant, vous auriez aperçu des policiers faire embarquer vos amis. Vous auriez alors pris un taxi et seriez retourné à …. Vous vous expliqueriez l'arrivée de la police par une dénonciation du concierge des lieux qui aurait entendu du bruit et de la musique chez vous. Quelques jours plus tard un de ces amis, un dénommé …, vous aurait appellé pour vous informer qu'il serait en route pour être placé en prison au motif de « relations sexuelles » (p. 4 du rapport d'entretien). Vous expliquez qu'il aurait initialement été placé en garde à vue pendant deux jours mais que ses affaires personnelles comme son téléphone lui auraient ensuite été restituées pour le trajet vers la prison, où elles lui auraient alors à nouveau été confisquées. Vous prétendez en outre que les forces de l'ordre lui auraient remis son téléphone afin qu'il puisse vous appeler. Vous vous expliqueriez le fait que vous n'auriez jamais été inquiété par la police par la supposition que vos amis n'auraient jamais dévoilé votre identité. Deux semaines plus tard, le dénommé … vous aurait retéléphoné pour vous informer que lui-même et vos deux autres amis auraient été condamnés à une peine d'emprisonnement de six mois. Vous prétendez que cette histoire vous aurait rendu malade et que vous auriez attendu l'arrivée de la police à tout moment. Vous prétendez en outre que les habitants du quartier auraient appris ce qui se serait passé et auraient commencé à parler de vous de sorte que « Ma famille a appris la nouvelle, et n'a pas accepté » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous prétendez que votre implication dans cette histoire aurait été connue dans votre quartier après qu'… en aurait parlé avec sa sœur pendant son incarcération et qu'elle aurait par la suite informé votre sœur.

Trois mois plus tard, vous n'auriez plus supporté cette situation, vous auriez démissionné de votre travail et vous auriez déménagé à … où vous auriez vécu pendant deux mois avant de vous installer à …, où vous auriez aussi séjourné pendant deux mois. Le 24 juin 2021, vous auriez quitté le Maroc en prétendant avoir voulu quitter votre pays depuis les incidents d'octobre 2020. Vous auriez gagné l'Espagne à bord d'un camion. Après y avoir séjourné pendant huit mois, vous seriez parti vivre pendant un mois en France avant de vous décider à venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

Vous prétendez en outre que vous auriez compris depuis l'âge de quinze ans que vous seriez homosexuel et que vous auriez eu votre première relation sexuelle avec un autre homme à ce même âge, « Au début, il s'agissait juste d'un jeu. Cela a évolué en relation sexuelle. Cela s'est passé dans un grand parc » (p. 5 du rapport d'entretien). Convié à préciser comment un jeu aurait évolué en relations sexuelles, vous expliquez que vous auriez commencé à jouer dans ce parc où « il y avait des jeux pour enfants, une balançoire » et qu'« Au début, on joue, puis on a des relations sexuelles » (p. 5 du rapport d'entretien). Votre relation avec cet homme aurait duré pratiquement une année et vous précisez avoir jusqu'en 2020 vécu de nombreuses autres relations sexuelles avec d'autres hommes. Convié à préciser comment vous auriez fait pour vivre votre sexualité, vous répondez « le vivais normalement » (p. 6 du rapport d'entretien) en ayant pris soin de cacher votre orientation sexuelle à votre famille en vous déplaçant loin de votre ville. Dans un souci d'avoir une image de normalité, vous précisez en 3 outre avoir eu une seule relation avec une femme, une dénommée …, qui aurait commencé lorsque vous auriez été âgé de 23 ans. La relation aurait pris fin environ un an plus tard. Vous prétendez toutefois par la suite que votre prochaine relation avec une femme aurait eu lieu lorsque vous auriez été âgé de 27 ans et qu'elle aurait duré six mois.

A l'appui de votre demande, vous présentez les pièces suivantes :

-

Votre passeport marocain émis le … 2020 ;

-

trois photos montrant deux personnes pratiquant une activité sexuelle. Convié à préciser l'identité des deux personnes sur les photos, vous prétendez qu'il s'agirait de « deux partenaires sexuels que j'ai fréquentés dans le contexte de rapports sexuels » (p. 8 du rapport d'entretien) dont vous ignoreriez l'identité et que vous auriez rencontrés en avril 2022 à travers l'application Grindr.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

· Quant à la crédibilité de votre récit Avant tout autre développement, je suis amené à remettre en cause la crédibilité de votre récit, alors que celui-ci est truffé de contradictions et de d'incohérences.

Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Force est dans ce contexte de constater que vos motifs de fuite doivent être réfutés alors qu'il paraît établi au vu des éléments ressortant de votre dossier administratif que vos réponses données dans le cadre de votre procédure d'asile ne sont pas sincères, respectivement, ne sont pas plausibles.

En effet, au vu des photos et échanges de messages trouvés sur votre portable, il doit clairement être retenu que vous avez pris le choix de venir au Luxembourg pour des raisons qui vous sont propres tout en décidant de profiter de la procédure d'asile et de faire part d'un récit inventé de toutes pièces tournant autour de votre prétendue homosexualité dans le but évident d'augmenter les probabilités de vous faire octroyer une protection internationale. Il n'est en effet pas crédible, respectivement, plausible dans le sens prévu dans le cadre de 4 l'analyse d'une demande de protection internationale, qu'un homme prétendant être homosexuel possède un portable rempli de photos et de vidéos de femmes nues, entretienne des multiples « chats » avec de nombreuses différentes femmes et surtout explique encore le 22 février 2022, donc seulement un mois avant l'introduction de sa demande de protection internationale, à un certaine … qu'il va « revenir » vers elle pour passer une nuit romantique une fois qu'il aurait assez d'argent pour entreprendre son voyage. Ce constat vaut d'autant plus que votre portable ne contenait aucune photo ou vidéo d'homme, ni des quelconques « chats » que vous auriez entretenus avec des hommes ou des personnes homosexuelles. Votre tentative de justification selon laquelle vous seriez en fait à vingt-cinq pourcent bisexuel n'emporte en tout cas nullement conviction, ce d'autant plus que vous ne perdez plus le moindre mot de cette prétendue bisexualité dans le cadre de votre entretien concernant vos motifs de fuite. En effet, en se basant sur cet entretien, votre bisexualité a disparu et vous vous qualifiez à nouveau d'homosexuel en vous limitant toutefois à parler de façon essentiellement vague et superficielle de votre orientation sexuelle ou des relations sexuelles que vous auriez eues. Dans ce contexte on peut encore ajouter que votre histoire concernant votre prétendue première relation homosexuelle n'emporte pas non plus conviction. En effet, convié à préciser à quel moment vous auriez compris que vous seriez homosexuel, vous vous limitez à expliquer avoir à l'âge de quinze ans joué avec un ami dans un parc où « il y avait des jeux pour enfants, une balançoire » et qu'« Au début, on joue, puis on a des relations sexuelles ». II est d'autant moins crédible que vous ayez décidé d'avoir ces relations sexuelles au Maroc en public et pour le surplus dans un parc qui aurait été destiné aux enfants ou aux familles.

Vous n'êtes en outre pas crédible lorsque vous tentez d'expliquer que vous auriez appris des soucis juridiques de vos amis homosexuels parce que votre ami … aurait eu accès à son portable en vous appelant depuis la voiture de police pour vous informer des suites pénales, en étant en route pour la prison après avoir été placé en garde à vue pendant deux jours. Il est en effet tout à fait improbable que les policiers lui auraient remis toutes ses affaires personnelles pendant qu'il aurait été transporté en prison et qu'ils l'auraient laissé passer des appels comme bon lui semble. Il n'est en outre pas crédible que vous prétendez que les policiers lui auraient remis son portable dans le but qu'il vous appelle, mais que vous prétendez en même temps que vous n'auriez jamais été inquiété par la police parce qu'elle n'aurait pas été au courant de votre existence en étant persuadée qu'uniquement trois hommes se seraient trouvés dans ledit logement loué. Si les policiers avaient réellement voulu mettre la main sur vous en se servant pour cela de votre ami et d'un appel téléphonique, il ne fait aucun sens qu'ils vous auraient par la suite tout de même laissé tranquille alors même qu'ils auraient donc manifestement eu connaissance de votre existence et de votre numéro de téléphone.

En outre, les quatre photos versées dans ce contexte ne sauraient manifestement pas permettre de contrebalancer le constat que vous ne jouez manifestement pas franc jeu, respectivement, que vous tentez d'induire en erreur les autorités luxembourgeoises concernant votre passé et votre orientation sexuelle. En effet, il échet de constater sur base de vos commentaires, que ces photos montreraient deux hommes homosexuels rencontrés au Luxembourg et dont vous ignoreriez l'identité. Selon vos allégations, ces photos ne vous montreraient donc pas mais bien deux autres hommes inconnus de sorte à nullement être pertinentes dans le cadre de votre demande de protection internationale et apparemment versées dans le seul but d'inclure des photos homosexuelles dans votre dossier administratif après la découverte des photos susmentionnées vous faisant manifestement passer pour une personne hétérosexuelle. A cela s'ajoute qu'il n'est même pas établi que la deuxième personne 5 représentée en partie sur ces photos soit aussi un homme, bien au contraire, les seuls traits de visage et de mains visibles semblent montrer une femme.

Que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises se trouve davantage confirmé par vos explications à nouveau nullement crédibles ou plausibles selon lesquelles la photo du mariage dans une commune en France s'expliquerait par le fait que vous auriez rencontré un inconnu dans un café qui vous aurait alors prêté un costume et invité à son mariage. Etant donné que la personne représentée à côté de vous sur cette photo porte l'écharpe du maire d'une commune française, il faudrait en plus se demander si cette photo ne montre pas votre propre mariage que vous auriez célébré officiellement en France.

Ce constat paraît d'autant plus établi qu'hormis le maire, vous êtes le seul homme à être vêtu de manière solennelle, tout en étant accompagné à votre gauche d'une femme plus âgée, tout comme l'est la mariée à droite de la personne portant l'écharpe du maire. Il paraît en tout cas exclu, tel que l'a déjà constaté la police, que vous ayez tout simplement en tant que clandestin décidé de participer en France au mariage officiel d'une connaissance fortuite que vous auriez rencontrée dans un café. Que votre portable contenait en plus une photo vous montrant au volant d'un bus, selon vous un bus à Paris, ne fait que confirmer les doutes qui sont à formuler par rapport à votre récit concernant votre passé.

Dans ce contexte on peut d'ailleurs aussi noter que vous avez initialement prétendu avoir vécu avec votre famille à … jusqu'à deux mois précédant votre départ du pays, lorsque vous seriez parti vous installer à …. Vous prétendez toutefois par la suite qu'avant votre arrivée à …, vous auriez vécu seul pendant deux mois à …, après que vous n'auriez plus supporté vivre chez votre famille.

Au vu de tout ce qui précède, il doit en tout cas être retenu que vous avez décidé d'avoir recours à des réponses non-sincères et non plausibles dans le cadre de votre demande de protection internationale. Or, la sincérité de vos dires étant irrémédiablement mise en cause, il est évident qu'aucune crédibilité ne saurait plus être accordée à vos déclarations concernant votre prétendue homosexualité et vos prétendues craintes de retourner vivre au Maroc, lesquelles doivent être considérées comme inventées de toute pièce.

Ce constat vaut d'autant plus que votre comportement adopté depuis votre départ du Maroc ne coïncide clairement pas non plus avec celui d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait véritablement à la recherche d'une protection dans un pays sûr. Bien au contraire, votre comportement ne fait que confirmer le manque de crédibilité de vos prétendues craintes. En effet, on doit pouvoir attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Vous avez toutefois préféré séjourner pendant huit mois en Espagne en n'y recherchant à aucun moment une quelconque forme de protection, avant de vous décider à quitter ce pays où vous étiez pourtant officiellement inscrit auprès des autorités et où vous aviez apparemment travaillé comme peinte, pour prétendument partir vivre clandestinement en France, où à nouveau le réflexe de rechercher une protection internationale ne vous est pas venu. En effet, ce n'est qu'une fois arrivé au Luxembourg que vous avez eu l'idée d'introduire une demande de protection internationale.

Un tel comportement ne correspond clairement pas à celui d'une personne qui aurait été forcée à quitter son pays à la recherche d'une protection internationale et qui aurait évidemment été reconnaissante de pouvoir bénéficier de la protection offerte par les pays visités, mais votre façon de procéder correspond à pratiquer du tourisme de l'asile en 6 soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, vous pensez, satisfera au mieux vos attentes.

Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Maroc, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 mai 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision du ministre du 18 avril 2023 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 18 avril 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait d’abord souligner que, contrairement à ce qui serait allégué par la décision déférée, il serait bien homosexuel et qu’il en aurait eu conscience depuis son adolescence. Ce serait pour cette seule raison qu’il aurait demandé une protection internationale, - d’ailleurs seulement au Luxembourg -, alors que l'homosexualité constituerait une infraction sanctionnée pénalement au Maroc.

Il critique le ministre d’insinuer qu’il aurait simulé son orientation sexuelle pendant des années dans la seule optique de procéder à un « tourisme de l'asile ». De même, le demandeur estime que le déni de son homosexualité par le ministre, fondé sur l'intime conviction, forgée par des stéréotypes, ne viserait qu’à lui éviter de prendre position sur le sort des minorités sexuelles au Maroc, alors même qu’il se serait montré volontaire et disponible lors de ses entretiens, tout en s’étant d'ailleurs promptement expliqué à propos des clichés trouvés sur son téléphone.

En tout cas, ni le fait qu’il n'exciperait pas de clichés d'hommes sur son téléphone portable, respectivement qu'il ne ferait pas état de « relations » avec des hommes, ni l’affirmation absurde qu'il aurait peut-être vécu une autre vie en France avec l'éventualité d'un mariage, ni une brève discussion avec une dénommée « … » ne permettraient d’établir qu’il ne serait pas homosexuel. Tout au plus, lesdites situations, alléguées de manière purement factuelle et équivoque, pourraient s'expliquer par un déni personnel dans son chef, dont les causes seraient à rechercher dans sa psyché. Or, le recours à une expertise psychologique en 7 vue d'apprécier la réalité de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre d'un demandeur d'asile aurait été jugée comme n’étant pas conforme à la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, dénommée ci-après « la directive qualification », lue à la lumière de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dénommée ci-après « la Charte ».

Il dénonce encore le fait d’avoir dû attendre plus d'une année avant de se voir notifier une décision, minimaliste et sans base légale, quant à sa demande de protection internationale, temps pendant lequel il se serait retrouvé livré à lui-même sans aucune prise en charge ni orientation vers des structures susceptibles de l'aider.

En fait, le demandeur donne à considérer que compte tenu de ses origines et de sa confession religieuse, il aurait dû faire preuve d'un certain courage en se livrant sur son orientation sexuelle dans le cadre de sa demande de protection internationale au Luxembourg.

Il fait relever qu’il aurait excipé de sa véritable identité en donnant son passeport, tout en ayant exposé, de façon assez crue, peut-être même de façon maladroite, mais cohérente, son histoire et sans éluder la moindre question.

Il serait évident qu’en cas de retour au Maroc, il risquerait, à cause de son orientation sexuelle, de se voir exposer à un traitement inhumain et dégradant (opprobre, ostracisme social, peines d'emprisonnement et vindicte populaire), tel que cela ressortirait de ses déclarations telles qu’actées dans son rapport d’audition dont il cite certains extraits.

En droit, le demandeur critique la décision déférée pour ne pas avoir pris l'exacte mesure de sa situation individuelle par rapport à l'état du droit applicable dans son pays d'origine, le Maroc.

Il s’estime persécuté en raison de son orientation sexuelle, compte tenu de la loi applicable dans son pays, ainsi qu’en considération des mœurs culturelles du Maroc, de sorte à remplir un des critères de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, analyse que la décision déférée n’aurait cependant même pas abordée.

Il explique qu’il aurait également clairement indiqué aux agents du ministère en charge de son dossier qu'il ne pourrait valablement pas bénéficier d'une protection quelconque de la part des autorités de son pays, alors que toute tentative dans ce sens se retournerait contre lui.

Il fait relever que son témoignage concorderait avec les rapports émanant des organisations non gouvernementales militant pour la défense des personnes homosexuelles, tels que celui rédigé par le Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides en Belgique, intitulé « Maroc Homosexualité ».

Le demandeur procède ensuite à un exposé de la situation des homosexuels au Maroc en citant différents faits divers dénotant un traitement inhumain des personnes homosexuelles, afin d’établir qu’au vu de sa situation personnelle, ressortant de son audition sincère, il 8 risquerait des poursuites sur le plan pénal ainsi que des condamnations, sinon de devoir vivre caché le reste de son existence en dissimulant son orientation sexuelle.

A titre subsidiaire, le demandeur estime remplir, pour les mêmes raisons, les conditions d’octroi de la protection subsidiaire.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en tous ses volets tout en se référant à la motivation de la décision déférée.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) ».

Aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves ».

9 Finalement, l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il suit de ces dispositions légales que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il convient de souligner qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

10 Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il echet de rappeler que l'examen de crédibilité du récit d'un demandeur d'asile constitue une étape nécessaire pour pouvoir répondre à la question si le demandeur d'asile a présenté ou non des raisons pertinentes de craindre d'être persécuté du fait de l'un des motifs prévus par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, dénommée ci-après « la Convention de Genève ». Il s’ensuit qu’il appartient au tribunal de se prononcer en premier lieu sur la question de la crédibilité du récit, d’autant plus qu’en l’espèce, la crédibilité générale du demandeur est mise en doute.

A cet égard, il y encore lieu de relever que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, 11 le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.1 Or, force est de constater que ce bénéfice du doute ne saurait jouer en l’espèce, alors que le récit du demandeur n’est justement pas cohérent, tel que relevé par la partie gouvernementale, dans la mesure où il n’est ni crédible ni en phase avec les éléments du dossier résultant notamment de l’exploitation de son téléphone portable.

En effet, il y a lieu de retenir que le ministre a, à juste titre, remis en question la crédibilité générale du récit présenté par le demandeur, celui-ci étant entaché de nombreuses contradictions et incohérences.

Dans ce contexte, force est d’abord de souligner, à l’instar de la partie gouvernementale, que les éléments retrouvés sur le téléphone portable du demandeur, à savoir les photographies et les échanges de messages, contredisent clairement le récit présenté par ce dernier dans le cadre de sa demande de protection internationale sous analyse, alors qu’il est curieux de constater que le demandeur, qui se prétend homosexuel, présente cependant un téléphone rempli de contenus à caractère sexuel représentant exclusivement des femmes, de nombreuses conversations avec des femmes, notamment avec une certaine …, à laquelle il promet encore le 22 février 2022 – soit un mois avant l’introduction de sa demande – de passer une nuit romantique dès qu’il aurait réuni les fonds nécessaires à son voyage. De même, il ressort du procès-verbal de la police grand-ducale du 21 mars 2022 qu’aucun élément en lien avec une orientation homosexuelle n’a été retrouvé sur son téléphone. Si le demandeur a alors tenté de justifier ces constatations par l’affirmation, pour le moins étrange, qu’il se sentirait à 75 % homosexuel et à 25 % bisexuel, il n’en reste pas moins que force est de constater qu’il se qualifie cependant de nouveau à la fin du même rapport et lors de son entretien auprès du ministère comme étant homosexuel. Le fait qu’il se trouve sur une photo d’un mariage hétérosexuel en France, en étant le seul à porter un costume, tout en se trouvant à côté du maire et à la place du marié, n’est pas non plus compatible avec ses explications farfelues selon lesquelles il aurait seulement assisté en tant qu’invité à un mariage d’une personne rencontrée fortuitement dans un café.

Ainsi, tous ces éléments sont de nature à mettre clairement en doute son affirmation qu’il serait homosexuel, ce qui est encore corroboré par son récit incohérent et flou quant à son vécu au Maroc en tant qu’homosexuel. En effet, c’est à juste titre que le ministre a jugé que son récit quant à sa première expérience homosexuelle manque de crédibilité, alors qu’il est surprenant qu’il aurait vécu sa première expérience et ses premières relations sexuelles homosexuelles à l’âge de quinze ans en public sur une aire de jeu dans un parc pour enfants, ce qui est difficilement compatible avec ses explications sur le caractère homophobe de la société marocaine. De plus ses explications sur ses diverses relations restent vagues et truffées de contradictions au fil de son récit. Ainsi, le demandeur explique d’abord n’avoir eu qu’une seule relation avec une personne de sexe opposé, pour ensuite parler d’une deuxième partenaire de sexe féminin qu’il aurait encore eue par après. De même, ses explications sur son ami … se contredisent, alors qu’il affirme d’abord que seules la mère et les deux sœurs de celui-ci 1 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

12 auraient été au courant de l’homosexualité de ce dernier, pour affirmer par la suite que tout le quartier aurait été au courant de l’orientation sexuelle de son ami.

Par ailleurs, concernant sa seule relation homosexuelle de nature amoureuse, laquelle aurait duré 7 mois, il est difficilement explicable que le demandeur n’est pas à même de citer le nom patronymique de son partenaire, au motif qu’il ne l’aurait jamais demandé.

C’est encore à bon droit que la décision déférée a mis en doute les explications du demandeur quant à la manière dont il aurait appris l’arrestation de ses amis, notamment le fait que son ami … se serait fait remettre son téléphone portable, précédemment confisqué, lors de son transport, par la police, entre le tribunal et la prison, d’autant plus qu’il affirme n’avoir jamais été personnellement inquiété par la police dans ce contexte, au motif que cette dernière n’aurait pas eu connaissance de son existence, ce qui est dès lors contredit par le fait que les autorités auraient alors facilement pu l’identifier également suite audit appel téléphonique et se mettre à sa recherche.

Finalement, il convient également de relever, à l’instar de la partie gouvernementale, un manque de cohérence dans ses déclarations relatives à sa situation au Maroc avant son départ, en ce qu’il a d’abord affirmé avoir vécu avec sa famille dans sa ville d’origine, avant de s’installer à … deux mois avant son départ, pour ensuite affirmer avoir vécu seul à … pendant cette même période. Il en va de même de son parcours en Europe avant d’arriver au Luxembourg, étant donné que la photo de sa carte de sécurité sociale espagnole, celle de son mariage en France ainsi que celle le montrant en tant que chauffeur de bus, sont en contradiction avec son récit selon lequel il aurait vécu de manière irrégulière en Espagne et en France, tous ces éléments confortant encore les doutes quant à la véracité de ses déclarations en général.

Force est ensuite de constater que ni les explications du demandeur lors de son entretien devant auprès du ministère, ni les pièces qu’il a versées dans le cadre du dossier sous examen ne sont de nature à lever les doutes ainsi valablement soulevés par le ministre. En effet, les photographies produites par le demandeur lors de son entretien auprès du ministère représentant des actes sexuels entre deux personnes dont il ne connaîtrait pas les noms, mais qu’il aurait rencontrées au Luxembourg moyennant une application dédiée, et représentant prétendument des relations homosexuelles, ne permettent ni de faire un lien avec lui-même, ni a fortiori de prouver sa prétendue homosexualité, de sorte que l’affirmation de la requête introductive d’instance selon laquelle le demandeur aurait fourni les preuves de son homosexualité reste à l’état d’une pure allégation.

Si le demandeur insiste certes, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, sur le fait qu’il aurait présenté un récit cohérent et sincère, force est cependant de relever que le recours ne prend pas spécifiquement position par rapport aux nombreuses incohérences et points d’ombre mis en avant par la décision déférée, tel que repris ci-avant, de sorte que les contradictions ci-avant relevées ne se trouvent pas énervées. Cette absence totale de prise de position sur les doutes soulevés dans la décision ministérielle ne fait que confirmer le constat que les motifs invoqués par le demandeur sont dénués de toute crédibilité et ne sauraient, dès lors, justifier l’octroi d’une protection internationale.

En effet, à défaut de faits crédibles à la base de sa demande de protection internationale, le ministre a valablement pu lui refuser les deux statuts de la protection internationale, alors 13 qu’il ne saurait y être décelé des faits personnels de nature à pouvoir être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, étant relevé que le demandeur ne soutient pas tomber sous le champ du point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, tenant à l’existence de menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision lui refusant la protection internationale est d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être fondé, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus loin.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre a valablement pu être introduit en l’espèce, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Le demandeur estime qu’au vu du fait qu’il aurait valablement fait état de motifs sérieux et suffisants de crainte de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, il y aurait lieu d'annuler l'ordre de quitter le territoire contenu dans la décision entreprise.

En tout état de cause et eu égard au principe de précaution, il resterait préférable de ne pas reconduire des personnes vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu'elles courent un risque réel de subir des atteintes graves à leur vie au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire pour être non fondé.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « (…) Une décision du ministre vaut décision de retour (…) », cette dernière notion étant définie par l’article 2, point q) de la même loi comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », étant encore relevé, à cet égard, que si le législateur n’a pas expressément précisé que la « décision » du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision « négative », il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que le recours en réformation dirigé contre le refus d’une protection internationale est à rejeter, de sorte qu’un retour au Maroc de Monsieur (A) ne l’expose ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution, tel qu’invoqué par le demandeur.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter pour manquer de fondement.

14 Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 18 avril 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 18 avril 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 juin 2025 par :

Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 48956
Date de la décision : 24/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-24;48956 ?

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